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Hyperthyroïdie par maladie de Basedow

Dans le document Endocrinologie en gynécologie et obstétrique (Page 193-197)

Chez les femmes en âge de procréer, c'est l'étiolo-gie la plus fréquente. Au cours de la grossesse, la prévalence de la maladie de Basedow est estimée à près de 2 %. Dans cette situation doivent être considérés à parts égales l'état maternel et fœtal, le statut hormonal et immunitaire, les bénéfices et les risques des thérapeutiques. Il faut tenir compte en effet du passage transplacentaire des anticorps thyréostimulants responsables de la maladie et des médications antithyroïdiennes, alors que la fourniture hormonale de la mère au fœtus est de faible importance. La coopération entre équipes endocrinologiques, obstétricales et pédiatriques spécialisées constitue un gage de succès.

L' hyperthyroïdie est ordinairement modérée et peu sévère. Certes, elle peut s'exacerber lors du 1er trimestre du fait de l'action thyréostimulante de l'hCG. Cependant, l'immunotolérance habituelle de la grossesse explique l'atténuation des titres d'anticorps antirécepteur de TSH qui permet habi-tuellement la réduction des doses d'antithyroïdiens

après 2 ou 3 mois, et l'interruption du traitement antithyroïdien dans un tiers des cas au 3e trimestre.

Rarement ou exceptionnellement sont constatées des poussées sévères d'hyperthyroïdie avec troubles du rythme, défaillance cardiaque notam-ment. Les risques maternels et fœtaux sont résu-més dans les tableaux 16.6 et 16.7. On a souligné que les risques de fausse couche, de malforma-tions, de petit poids de naissance étaient favorisés par le contrôle imparfait de l'hyperthyroïdie.

Le choix du traitement antithyroïdien fait débat.

Les imidazolines (carbimazole : Néo-Mercazole® ; thiamazole : Thyrozol®) et les dérivés du thio- uracile (propylthio-uracile : Proracyle® ; benzyl-thio-uracile : Basdène®) ont une pharmacodyna-mie similaire. Mais leur puissance antithyroïdienne est différente (grossièrement, 1 comprimé de Néo-Mercazole® 5 mg = 1 comprimé de Proracyl® 50 mg = 2 comprimés de Basdène® 25 mg, tandis que l'activité du Thyrozol® 5 mg excède d'un tiers celle de 1 comprimé de Néo-Mercazole®). De plus, les dérivés du thio-uracile sont réputés respon-sables d'un moindre passage transplacentaire, du fait de leur liaison aux protéines plasmatiques (figure  16.2). Un rôle tératogène des antithyroï-diens de synthèse est évoqué, même si leur impu-tabilité directe n'a pas été démontrée. On a fait état d'aplasies du cuir chevelu (aplasia cutis), de malformations (atrésie choanale, atrésie œsopha-gienne, fistule œsotrachéale, hernie diaphragma-tique, anomalies du septum interventriculaire, dysmorphie faciale, omphalocèle). Ces embryopa-thies sont non spécifiques. Mais toutes ont été constatées sous méthimazole, jamais sous PTU (propylthio-uracile) [31]. À l'inverse, des effets hépatotoxiques, parfois sévères et mortels, ont été décrits avec le PTU, notamment chez les sujets jeunes, au point que la médication est désormais contre-indiquée chez l'enfant.

Pour ces raisons, si le diagnostic est posé avant 7–8 semaines d'aménorrhée (SA), on recom-mande l'initiation du traitement sous forme d'un dérivé du thio-uracile à posologie modérée adap-tée à l'intensité de l'hyperthyroïdie (exemple : Proracyl®, 2–5cp/j). Durant cette période, si la mère reçoit du carbimazole ou du thiamazole, celui-ci sera remplacé par le PTU. Si la grossesse est diagnostiquée après 7–8 SA et que la patiente reçoit déjà du carbimazole ou du thiamazole, celui-ci peut être poursuivi [32].

Durant la deuxième partie de la grossesse, sans négliger les évaluations et surveillances échogra-phiques et si le traitement reste nécessaire, on suggère maintenant le remplacement des dérivés du thio-uracile par le thiamazole ou le méthima-zole. Mais l'interruption de tout traitement anti-thyroïdien est possible dans un tiers des cas, pour autant qu'ait été obtenue la disparition des titres accrus d'anticorps anti-RTSH, et qu'un bon équi-libre hormonal maternel soit constaté avec une faible dose d'antithyroïdien (de l'ordre de 5 mg de thiamazole ou de carbimazole).

Dans toute la conduite du traitement, il faut recourir à la dose minimale d'antithyroïdien, en veillant à ne pas associer la L-thyroxine qui tra-verse peu la barrière placentaire. Les contrôles biologiques sont recommandés toutes les 3 à 5 semaines. L'euthyroïdie est généralement obte-nue entre la 2e et la 6e semaine de traitement. La recommandation habituelle est de maintenir un taux de T4 libre dans le tiers supérieur de la norme.

L'utilisation de β-bloquants est possible, mais ordinairement sans intérêt si le traitement est bien conduit, ce d'autant qu'ils ne sont pas sans consé-quences pour le nouveau-né, obligeant à une sur-veillance néonatale accrue en raison des risques d'hypoglycémie induite. La chirurgie ne serait recommandée qu'au 2e trimestre, indiquée en cas d'intolérance au traitement antithyroïdien, de mauvaise compliance, de titres considérablement accrus d'anticorps anti-RTSH, de particularités morphologiques du goitre maternel.

L'allaitement est autorisé, puisque en définitive les traitements par les dérivés du thio-uracile, mais aussi les imidazolines à doses modérées se sont révélés sans incidence sur la fonction thyroï-dienne de l'enfant nouveau-né [33].

Dans le post-partum immédiat et jusqu'à 12 mois, la surveillance hormonale doit être particulière-ment attentive. En effet, les rebonds d'auto-immu-nité peuvent être à l'origine de thyroïdite du post-partum dans les semaines qui suivent l'ac-couchement, et plus tardivement de rechutes de la maladie de Basedow.

En définitive, les conséquences maternelles de l'hyperthyroïdie, précisées dans l'encadré 16.3, sont dominées par les avortements spontanés et les accouchements prématurés. L'encadré 16.4 résume les conséquences fœtales de l'hyperthyroïdie.

Les  risques de retard de croissance intra-utérin, de

crâniosténose, de petit poids de naissance augmen-tent si l'obaugmen-tention de l'euthyroïdie est tardive.

L'hyperthyroïdie fœtale s'explique par le passage transplacentaire des anticorps anti-RTSH, présents dans les maladies de Basedow évolutives, mais aussi dans d'autres circonstances (encadré 16.5).

Le titre des anticorps anti-RTSH maternels est pré-dictif du risque d'hyperthyroïdie fœtale (ou

néonatale). Celui-ci n'apparaît que pour des taux d'anti-RTSH 3 à 5 fois supérieurs à la norme (TRAK humain > 5–7 mU/l). À l'inverse, le passage transplacentaire des antithyroïdiens de synthèse, et très exceptionnellement le caractère bloquant des anti-RTSH, peuvent rendre compte de situations d'hypothyroïdie in utero. Dans toutes ces circons-tances se justifie une surveillance échographique de la grossesse, attentive et ciblée, complétée par l'évaluation échographique du volume thyroïdien fœtal et l'étude de sa vascularisation (tableau 16.4).

La visibilité échographique de la thyroïde fœtale est possible dès le 2e trimestre, d'échostructure homo-gène, finement échogène ; son étude est paradoxale-ment souvent plus difficile à proximité du terme, quand la présentation est céphalique fléchie avec souvent un dos fœtal antérieur. L'appréciation de son volume est usuellement effectuée par la mesure de sa circonférence reportée sur les courbes de Ranzini Conséquences de l'hyperthyroïdie

sur l'état maternel.

`Prééclampsie

`Fausses couches spontanées et accouche-ments prématurés

`Ruptures placentaires

`Anémie

`Infections

`Décompensations cardiaques de cardiopa-thies congestives

`État de thyréotoxicose sévère

ENCADRÉ 16.3

Conséquences de l'hyperthyroïdie maternelle chez le fœtus.

`Retard de croissance intra-utérin

`Hydrops

`Défaillance cardiaque

`Crâniosynostose

`Accélération de la motilité fœtale et de la maturation osseuse

`Goitre fœtal avec dystocie mécanique par déflexion de la tête et sténose trachéale

`Prématurité (1 fois sur 2)

`Hyperthyroïdie fœtale et néonatale (0,1 à 0,2 % à l'accouchement)

`Mort néonatale (un quart des cas)

`Malformations congénitales (anencépha-lie, fente palatine, imperforation anale…)

ENCADRÉ 16.4

Indications du dosage des anticorps antirécepteur de TSH.

`Maladie de Basedow traitée lors du diagnostic de grossesse (déterminations à réaliser au cours des 1er et 3e trimestres de gestation)

`Antécédent de maladie de Basedow pré-gestationnelle antérieurement traitée par iode radioactif ou chirurgie (pas d'indication en cas d'antécédent de maladie de Basedow guérie par les antithyroïdiens de synthèse)

`Hyperthyroïdie apparue au cours de la grossesse

`Hyperthyroïdie apparue dans le post- partum

`Antécédent de maladie d'Hashimoto

ENCADRÉ 16.5

Hypothyroïdie fœtale Hyperthyroïdie fœtale État maternel

Dose d'ATS Élevée Absente ou modérée

Anticorps anti-RTSH Absents ou bas Présents ou très élevés

État fœtal

Volume thyroïdien Goitre Goitre

Doppler thyroïdien Hypervascularisation périphérique Hypervascularisation diffuse

Pouls Normal > 160/min

Maturation osseuse Retardée Avancée

Autres signes Hydramnios Hypotrophie

Tableau 16.4. Critères diagnostiques des dysthyroïdies transplacentaires.

(figures 16.4 et 16.5), fonction de l'âge gestationnel ou du diamètre bipariétal ; une mesure supérieure au 95e percentile définit un goitre fœtal [34].

La recherche d'un goitre fœtal n'est pas justifiée en échographie de dépistage. Elle doit en revanche être systématique en cas de découverte d'une déflexion permanente du pôle céphalique, ou d'un hydram-nios avec estomac peu rempli faisant craindre une gêne à la déglutition. Elle sera également de règle, répétée au 6e mois sur indication maternelle, en cas de traitement susceptible d'interférer sur la thyroïde

fœtale par voie transplacentaire, ou en cas (rare) de trouble génétique de l'hormonogenèse thyroïdienne connu dans les antécédents [28]. Le plus souvent, c'est dans le cadre de la prise en charge d'une femme présentant une maladie de Basedow que cette sur-veillance sera instaurée, compte tenu des risques fœtaux proches de 20 % dans ce contexte, encore supérieurs en cas de TRAK augmentés et/ou de traitement antithyroïdien en cours. La surveillance sera alors mensuelle à partir de 22 SA [35,36].

Dès lors que le diagnostic de goitre fœtal a été posé, la patiente doit être orientée vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) pour l'évaluation du statut thyroïdien et l'adapta-tion thérapeutique.

L'évaluation échographique du statut thyroïdien fœtal est difficile. Elle reposera essentiellement sur la vascularisation thyroïdienne mise en évidence en codage doppler couleur ; limitée en périphérie, elle orientera plutôt vers une hypothyroïdie ; centrale et diffuse, vers une hyperthyroïdie (figure 16.6) [37].

L'étude du point d'ossification fémoral inférieur témoigne de la maturation osseuse, en retard en cas d'hypothyroïdie, avancée dans la situation contraire.

Enfin, le rythme cardiaque de base est plutôt lent en cas d'hypothyroïdie et tachycarde en cas d'hyper-thyroïdie [38], mais ce paramètre reste peu spéci-fique. À partir de ces critères échographiques, certains auteurs proposent des scores d'évaluation

1617

Circomférence de la thyroide fœtale en cm par percentile (5e, 10e, etc.)

10th 50th 90th 95th

Âge

Figure 16.4. Normes de la circonférence de la thyroïde fœtale exprimée en percentile en fonction de l'âge gestationnel [34].

Figure 16.5. Goitre fœtal.

Mesure de la circonférence thyroïdienne selon la technique de Ranzini [34].

Figure 16.6. Goitre fœtal hyperthyroïdien avec vascularisation centrale diffuse objectivé en doppler codage couleur.

permettant d'orienter d'emblée la conduite à tenir, ne recourant aux techniques invasives qu'en cas d'échec [39].

De manière conventionnelle, le statut thyroïdien fœtal est au mieux précisé par la réalisation d'un dosage des hormones thyroïdiennes et de TSH sur sang fœtal prélevé par cordocentèse entre 25 et 30 SA. Toutefois, les cordocentèses ne sont pas dénuées de risques, responsables en particulier d'environ 2 % de pertes fœtales imputables au geste, ou de césariennes en urgence pour anoma-lies du rythme cardiaque, et de 5 % de prématurités induites. Compte tenu de la balance bénéfices/

risques, le prélèvement ne se justifie qu'en cas de goitre avéré, persistant malgré l'adaptation des thé-rapeutiques maternelles, et en cas d'incertitude étiologique [40]. Les dosages de TSH et T4 sont éga-lement possibles sur liquide amniotique prélevé par amniocentèse, technique moins dangereuse (0,5 % de pertes fœtales induites) ; toutefois, leurs concen-trations étant faibles et leur fiabilité médiocre dans le liquide amniotique, cette technique sera réservée aux conditions de cordocentèse difficiles [40,41].

La conduite à tenir obstétricale sera adaptée à l'issue de cette évaluation, mais l'équilibre opti-mal des thérapeutiques maternelles devra tou-jours en être la base, nécessitant une coopération étroite entre les équipes d'endocrinologie et de médecine fœtale.

En cas de goitre hypothyroïdien persistant, des injections intra-amniotiques de lévothyroxine à la dose de 200 à 600 μg selon le poids fœtal pourront être proposées à partir de 26 SA, renouvelées tous les 10 jours en raison de la pharmacodynamie de la FT4 dans le liquide amniotique [41]. Ce traite-ment, dont l'efficacité sera surveillée en échogra-phie [40], expose toutefois à la réalisation d'amniocentèses itératives et donc, à ce terme, aux risques de prématurité induite.

De manière exceptionnelle, certains goitres volu-mineux peuvent être à l'origine d'une déflexion céphalique persistante, voire d'une compression des voies aériennes supérieures. Ceci conduit à la césarienne pour éviter la dystocie, avec EXIT-procédure permettant de maintenir le nouveau-né sur sa circulation fœtale dans l'attente d'une ven-tilation efficace.

En cas d'hyperthyroïdie fœtale, une surveillance rapprochée du rythme cardiaque s'impose au

3e trimestre en raison des risques majeurs de tachycardie [38], voire de mort fœtale in utero, des taux proches de 20 % étant rapportés dans la litté-rature. De rares cas ont été rapportés d'insuffi-sance cardiaque compliquée d'anasarque fœtale sur hypervascularisation diffuse [42].

L'hyperthyroïdie néonatale est rare (incidence entre 1/4000 et 1/40 000 naissances). Elle se mani-feste par une tachycardie supérieure à 170 batte-ments par minute, l'absence de prise de poids, une érythrose, une insuffisance cardiaque. Elle est transitoire, résolutive en 3 à 12 semaines, parallè-lement à la disparition dans la circulation des anticorps anti-RTSH d'origine maternelle. Elle pourra bénéficier d'un traitement antithyroïdien oral (thiamazole ou carbimazole).

En définitive, les influences multiples des mala-dies de Basedow traitées sur la grossesse conduisent à recommander aux femmes jeunes d'éviter d'initier une procréation tant que la mala-die est imparfaitement stabilisée. Cependant, la découverte d'une maladie de Basedow lors d'une grossesse comme la survenue d'une grossesse chez une basedowienne traitée ne doivent pas conduire à une interruption médicale de gros-sesse. Un bon équilibre maternel et fœtal peut être ordinairement obtenu au prix d'une parfaite coopé ration pluridisciplinaire spécialisée.

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