• Aucun résultat trouvé

A Houston, la division sociale de l’espace dans le Sud en croissance

1.4. Des politiques publiques pour lutter contre le délaissement : état des lieux état des lieux

2.1.2. A Houston, la division sociale de l’espace dans le Sud en croissance

Au contraire de Chicago, Houston connaît une croissance démographique soutenue : alors que la population municipale de Chicago a diminué de 25% entre 1960 et 2010, celle de Houston a doublé sur la même période. En 2017, la population de Houston a augmenté de 92 000 personnes, soit 251 résidents de plus par jour35. Houston est également moins ségréguée que Chicago d’un point de vue ethno-racial, et un rapport fondé sur le recensement de 2010 la qualifie même de « most racially/ethnically diverse large metropolitan area in the nation » (Emerson, Bratter et Howell, 2012, p. 3). Cependant, la Ville de Houston, qui comprend les quartiers les plus anciens de l’aire métropolitaine et les taux de pauvreté les plus élevés, affiche un niveau de ségrégation largement supérieur à celui des comtés suburbains (ibid.).

Anciennement divisée par les lois ségrégationnistes en vigueur jusque dans les années 1960, Houston présente un contraste est/ouest marqué. L’axe situé à l’ouest du downtown constitue un pôle commercial attractif (bars et restaurants à Montrose, zones commerciales de la Galleria) bordé par des quartiers huppés de condominiums (Uptown/Galleria) ou de villas de luxe (River Oaks, Bellaire, Upper Kirby). A l’est, en direction du port industriel de la ville, la zone péricentrale – désignée par les acteurs locaux comme « le C inversé » – concentre les quartiers populaires à majorité afro-américaine et hispanique. C’est dans cette zone que se situent les quartiers afro-américains historiques : Third Ward, Fifth Ward, Sunnyside et plus au nord Acres Homes, Independence Heights, Houston Gardens et Settegast. Ceux-ci présentent un bâti ancien composé de logements modestes en bois : bungalows de plain-pied et shotgun houses typiques de

l’habitat populaire du Sud des États-Unis, particulièrement vulnérables à la détérioration sous le climat subtropical humide qui caractérise la région. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs été endommagés par l’ouragan Ike de 2008, ainsi que par l’ouragan Harvey en août 201736. Vidés d’une partie de leurs résidents par le mouvement de suburbanisation (Longoria et Rogers, 2013), ces quartiers en déclin démographique sont aujourd’hui vieillissants et concentrent une large part des logements vacants et/ou délabrés :

The houses that we work with over in Fifth Ward are traditionally seniors, where you know that was their grandparents' house and they lived in the house all their life, they were born in the house or been there all their life, but they just don't have the funds and they've left the house decline.

Citation 6 – Entretien 36, Habitat for Humanity, Houston

35 Source : U.S. Census.

36 La thèse ne traitera pas des conséquences de l’ouragan Harvey, intervenu après la dernière enquête de terrain réalisée à Houston en juin 2017.

79

80

So this is back in 2001, at this time we had over 15000 parcels of property in the city that were what we call severely tax-deliquent. (…) They were mainly concentrated in many of the older African American communities: Acres Homes, Independence Heights (it was actually the first

incorporated city, basically incorporated by African Americans after slavery37), Third Ward,

Sunnyside, Fifth Ward. (…) The typical situation would be, you know, back in the 1920s-1930s the properties were purchased. The original owners passed away, they have several children, there's no will, so the ownership vested in the properties now spreads up to all of the kids, no one has enough interest in the property to sell it and hasn't much interest in terms of paying the taxes. And this was happening at a time where basically families were beginning to move away from these areas.

Citation 7 – Entretien 25, Land Assemblage and Redevelopment Authority (LARA), Houston

Comme à Chicago, la paupérisation des quartiers afro-américains a contribué à l’augmentation de la criminalité, leur valant une réputation de quartiers mal famés. Le Fifth Ward tire ainsi ses surnoms de « The Bloody Fifth » ou « Blood Alley » de la violence des gangs au début des années 1980 (Dam, 2013), notamment à l’intersection de Lyons Avenue et Jensen Drive mentionnée dans la chanson de blues Stay Off Lyons Avenue.

Cependant, deux tendances distinctes sont à l’œuvre parmi ces quartiers. Les zones les plus proches du centre sont touchées de façon croissante par la gentrification qui s’étend depuis le

downtown : après la « Renaissance » de Freedmen’s Town et de Midtown au sud, où des

townhomes neuves ont remplacé l’habitat dégradé avec le soutien de la Ville (Podagrosi et

Vojnovic, 2008), la spéculation immobilière s’étend vers le Third Ward et le Second Ward à l’est, soutenue par la construction de deux nouvelles lignes de métro léger ouvertes en 2015. D’abord cantonnée au sud du Buffalo Bayou, la gentrification touche progressivement le Near Northside et le sud du Fifth Ward où la valeur médiane des logements a augmenté de presque 70% entre 2000 et 2016 et où la population afro-américaine est passée de 63% en 2000 à 51% en 2016 (Choudary, Wu et Zhang, 2018). Après une phase d’expansion suburbaine continue jusqu’en lointaine périphérie (la ville nouvelle The Woodlands se situe à 50 km du centre de Houston), la proximité du centre apparaît désormais comme un critère attractif pour une nouvelle génération d’acheteurs séduits par la « vie urbaine » (urban living), omniprésente dans les nouveaux projets immobiliers. Au contraire, les quartiers les plus éloignés du centre restent en marge de l’activité des promoteurs. Les friches y sont nombreuses et la spéculation est plutôt foncière qu’immobilière. Ces zones périphériques conservent une forte dimension rurale (faible densité de construction, infrastructures limitées, usage agricole), qui participe à leur inertie, comme dans le cas de Settegast :

37 Incorporée comme municipalité en 1915, Independence Heights a connu trois maires afro-américains avant d’être annexée par la ville de Houston en 1929.

81

I mean if you've driven over there, there's like no grocery stores, there's horses, there's gardens... It's more country. (…) The City gave them five acre farms, primarily white farmers, people who wanted to farm close to the city. And so they're five acre tracts. And then as the city grew up, they started just carving off parts of their land. So if you look at some of the plats, they're crazy. You know they're not... You'll see some big gaps here, and this is where the farmers, when they started to sell off their property, did it very haphazardly. So they would farm around somebody... We've got one street over there where it's not even a developed street, it's a gravel road!

Citation 8 – Entretien 36, Habitat for Humanity, Houston

Enfin, un dernier type de quartier apparaît dans la géographie de la vacance à Houston, quoique de façon plus marginale. Il s’agit des zones de logements collectifs construits pour loger l’afflux de travailleurs du secteur pétrolier à partir des années 1960, principalement situées au sud-ouest de la ville (Gulfton, Sharpstown). La crise du secteur dans les années 1980 a conduit au départ massif des résidents : les appartements inoccupés ont alors été offerts à bas prix à des familles d’immigrants récents venus d’Amérique Centrale et d’Amérique du Sud, parfois illégaux. Négligés par leurs propriétaires, voire saisis par les banques, ces complexes d’appartements dégradés constituent un autre aspect du délaissement résidentiel à Houston, moins visible d’un point de vue quantitatif38 mais ciblés par des opérations de démolition de grande ampleur fortement médiatisées, à l’exemple d’Inwood Oaks en 2012, Oakbrook Apartments en 2016 ou Crestmont Village en 2017 (Christian, 2012 ; Morris, 2016 ; George, 2017).

Documents relatifs