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Chapitre 4 La motivation

4.1.2 Historique des principales théories anglo-saxonnes

La psychanalyse et la psychologie font d’abord de la motivation une caractéristique

fondamentalement individuelle et affective. (Crahay, 1999: 281) Dans une perspective

psychanalytique, Murray avait proposé un inventaire de 28 besoins regroupés en six catégories. (Murray, 1938) Grâce à cette contribution, le psychologue américain Maslow (Abraham H.Maslow, 1943: 370-396) considère que la motivation accompagne le besoin. Il fonde sa célèbre pyramide de besoin. Il met les besoins physiologiques au niveau le plus bas comme le besoin de nourriture, et les besoins d’accomplissement au sommet. Selon lui, tous les besoins se résument à cinq niveaux : besoins physiologiques, besoin de sécurité, besoin d’appartenance, besoin d’estime et besoin de s’accomplir, et les besoins du niveau supérieur ne se manifestent

que si les besoins inférieurs ont été résolus. Les gens qui ont vraiment faim ne peuvent pas

réfléchir sur d’autres besoins, ils n’ont que pour seul objectif « manger ». En réalité, il trouve partout des contre-exemples. Les Chinois n’avaient pas assez de nourriture pendant les années 60, beaucoup de gens étaient morts de faim. Mais ils ont montré quand même leurs besoins de niveaux plus hauts. «certaines personnalités ont un besoin de réalisation si fort qu’il n’y a mê

me pas satisfaction des besoins physiologiques. » (Lieury et Fenouillet, 1996 :113)

Et le behaviorisme oblige à considérer comme inaccpetable d’imputer au seul individu la reponsabilité de ses actes. (Crahay, 1999 :169). Dans les pratiques pédagogiques, cette théorie se manifeste par exemple en utilisant la méthode de la carotte et du bâton : récompense pour l’encouragement et punition pour l’avertissement. Clark Hull, behavioriste, crée une formule sur l’effet du renforcement : F=D*H

(F = force de renforcement,

D = mobile, motivation physiologique mais pas mentale, H= force d’habitude).

Son expérience de recherches nous indique l’effet Crespi. Il divise les souris en deux groupes. Le groupe A obtient plus de gâteaux que l’autre. Dans ce cas, le groupe A est plus motivé que le groupe B. Mais quand toutes les souris reçoivent la même quantité de récompense, le groupe A sera moins motivé que le groupe B. Cela nous indique que le renforcement tout seul

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ne suffit pas pour déclencher la motivation, mais également la quantité ou la nature de la récompense. Cependant, les behavioristes ignorent les particularités des hommes par opposition aux animaux. Donc, par rapport aux activités pédagogiques, le renforcement jouerait plus sur la performance que sur l’apprentissage. Par exemple, la mémoire enregistre les informations, mais l’absence de renforcement empêche la sélection des informations utiles, et la pratique pédagogique deviendra moins efficace.

Sans nier l’effet du renforcement, Bandura a souligné l’importance des représentations mentales chez les hommes (Bandura, 1986). Dans son postulat de l’approche sociocognitive, il note:

⚫ la capacité de se représenter et d’interpréter leur environnement grâce à des systèmes symboliques comme le langage parlé et écrit ;

⚫ la capacité de se référer ou passé et d’anticiper le futur ;

⚫ la capacité d’observer autrui et d’en tirer des conclusions pour soi-même ;

⚫ la capacité de s’autoréguler, de contrôler et de modifier ses comportements selon l’évaluation qu’on a faite de leur adéquation à la situation.

En même temps, Festinger a insisté sur la sensibilité des individus aux réactions de l’environnement (Festinger, 1957). Les gens ont le désir de montrer une image positive dans la société. Quand l’un de leurs comportements ne s’adapte pas à l’harmonie de la société qu’ils veulent montrer d’eux-même, ils vont diminuer le nombre ou l’importance des éléments dissonants.

En 1959, Gardner et Lambert ont fait une recherche pour confirmer l’importance des

facteurs socio-psychologiques. Ils ont choisi 75 étudiants de Montréal de 11e année pour

examiner les liens entre les variables de motivation et d’attitude dans l’apprentissage et la compétence en L2 en utilisant le test MLAT (Modern Language Attitude Test). Les résultats ont indiqué que le niveau de compétence des étudiants est fonction non seulement de leur aptitude et de leur motivation à apprendre le français, mais aussi que cette motivation est reliée à leur attitude envers les francophones du Canada et à une volonté de devenir semblable à eux. Après

encore une série de recherches (Gardner, 1960 ; Gardner, Smythe, 1976), on peut distinguer

dans la la motivation un aspect instrumental et un aspect intégratif. Le premier réflète la motivation utilitaire ou pragmatique : envie d’améliorer la qualité de la vie, augmentation du

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revenu, etc. La motivation intégrative signifie un désir d’apprendre des connaissances afin de pouvoir s’intégrer dans une culture ou une circonstance différente.

« L’intégrativité réfère au désir d’apprendre une L2 propre à une communauté afin de pouvoir communiquer avec les membres de cette communauté. Le défi auquel est confrontée la communauté scientifique depuis cinquante ans est d’expliquer la motivation d’apprendre une L2 sans égard à la motivation extrinsèque ou à la motivation instrumentale. ».(Nicolas H.Fortin, 2011 : 2-3)

Il existe différents facteurs qui influencent la motivation intégrée, entre autres l’attitude, l’intérêt et le désir de l’apprenant d’apprendre la langue étrangère. Ces facteurs sont souvent liés à des voyages, à des amitiés, etc. (Ellis, 1994).

L’étude de Gliksman, Gardner et Smythe (1982), montre qu’un élève avec motivation intégrée forte est plus actif dans la salle de classe. Le modèle socio-éducationnel de Gardner (1985) fait l’hypothèse que la motivation intégrative (« intégrative motivation ») – qui est indépendante des capacités d’apprentissage – détermine la performance en L2 parce que les apprenants motivés sont plus actifs que les apprenants non motivés. Le fait de postuler que la motivation constitue le déterminant majeur de la réussite dans l’apprentissage (ou n’importe quel autre résultat visé, comme par exemple des gains de productivité dans le travail), va à l’encontre de l’idée que l’apprentissage réussi résulterait de « capacités immuables » (Sternberg, 1994 : 227). Cela signifie, au contraire, qu’à condition que l’on s’applique suffisamment, on peut réussir indépendamment d’autres facteurs, comme l’intelligence générale ou des dispositions individuelles. Or, on peut se demander s’il n’est pas nécessaire, pour une recherche sur les L2, d’adopter une vision plus large de la motivation que celle proposée par Gardner. C’est la position que défendent Crookes et Schmidt (1991) dans leur discussion de la littérature sur la motivation. Ces auteurs proposent d’examiner le lien entre la motivation, l’attention, les stratégies d’apprentissage, le feedback et les résultats de l’apprentissage et de tenir compte de l’image que les apprenants se font d’eux-mêmes, du contrôle qu’ils exercent sur leur processus d’apprentissage ainsi que de leur capacité à définir et à réviser leurs objectifs d’apprentissage. La définition précise du concept de motivation est loin, nous l’avons vu, de faire l’objet d’un consensus (voir par exemple les différences entre le modèle de Dörnyei, 1990, 1994, 1998 et celui proposé par Gardner, 1985, 1996, 1997) ; il en va de même pour la nature du lien entre la motivation et l’apprentissage d’une langue – et cela malgré les études empiriques et théoriques menées à ce sujet. L’autonomie de l’apprenant, par exemple, joue un rôle central chez Ehrman et Dörnyei (1998) alors qu’elle n’est pas véritablement prise en compte ni dans le modèle de Dörnyei ni dans celui de Gardner. Pour Van Lier (1996), cependant, l’autonomie – comme la conscience et l’authenticité – est un facteur décisif dans le processus d’apprentissage langagier.

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Au regard d’aujourd’hui, nous devrons sans doute aller au-delà de la conclusion de Gardner. Norton Pierce a écrit que la motivation instrumentale de Gardner ne considère pas pleinement l’importance de la dimension sociale. D’un point de vue sociolinguistique, les travaux de Gardner ne portent que sur le contexte du Canada. Le Canada est un pays

d’immigrationavec deux langues officielles dont le contexte est différent de beaucoup de pays.

(Bonny Norton, GAO Yihong, 2008: 109-120) Dans l’esprit de l’approche psychosociale,

« Elle (La motivation) suppose aussi le passage à l’action et le maintien de l’effort, elle est le produit de facteurs cognitifs, affectifs et sociaux .» (Raby & Narcy-Combes, 2009 : 5-16)

On peut se poser une question avant de continuer. Le même étudiant sera plus ou moins motivé selon qu’il apprendra le français au Canada ou selon qu’il apprendra le français dans un pays dont la langue vivante n’est pas le français. Donc, les recherches sur l’étude et l’explication du comportement ne peuvent pas être limitées à la compréhension du comportement, mais doivent être développées dans leurs aspects intrinsèques et extrinsèques. C’est pourquoi notre recherche sur la motivation ne se limite pas à l’émotion individuelle, mais couvre les sources de cet état émotionnel, et donc la recherche sur la motivation s’étend à des champs plus larges. Le facteur social est devenu une variable indispensable dans le champ de motivation.