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Chapitre 2 Le contexte de l’enseignement du français langue étrangère en Chine

2.1.1 Les apprenants de FLE en Chine

En tant que participe présent et nom du verbe apprendre, la première expression reprend la définition de Hachette : personne qui apprend. Cependant, en didactique, ce mot a été mentionné pour la première fois autour de 1970. Des années après (2003), la définition de « l’apprenant » a été approfondie grâce à la distinction entre l’apprentissage et l’acquisition :

« L’apprentissage est un ensemble d’activités volontaires et conscientes visant de façon explicite l’appropriation d’une compétence, un savoir ou une information, souvent dans un contexte institutionnel avec ses propres normes et rôles : école, enseignant, apprenant, emploi du temps. L’apprenant serait donc une personne qui s’approprie un savoir par l’intermédiaire d’une activité prévue à cet effet... l’apprenant est conçu comme acteur social possédant une identité personnelle, et l’apprentissage comme une forme de médiation sociale. L’apprenant construit le savoir et les compétences qu’il cherche dans et par le discours en interaction avec autrui. » (Cuq, 2003 :20-21).

Selon la définition de Cuq, l’analyse de l’apprenant est forcément attachée aux autres éléments didactiques parce qu’il est non seulement l’objet de l’enseignement, mais aussi le sujet des activités d’apprentissage. Mais en même temps, ces activités ne signifient pas le fruit de l’apprentissage. Dans ce contexte, afin de distinguer l’acte et l’effet en didactique, Cuq définit aussi l’apprentissage comme « un ensemble d’activités volontaires et conscientes » (Cuq,

2003 :20-21)contre l’acquisition qui est « involontaire et inconsciente. » (Cuq, 2003 :12 - 13).

L’homme ne décide que ce qu’il veut faire, mais pas ce qu’il peut faire, car le résultat est aussi lié à d’autres facteurs. On peut alors se poser une question : est-ce que les apprenants chinois peuvent exercer leur volonté pour apprendre le français ou bien sont-ils obligés de le faire ?

La réponse dépend de la formation du FLE qu’on peut diviser en deux orientations : universitaire et non universitaire.

« La formation du FLE est divisée en Chine généralement en deux parties : les cours des agences de formation de langue, telles que l’Alliance française et les agences de formation de français, et le cursus universitaire. »

(SHI Hui, 2011 : 53-59)

Le cursus non-universitaire a pour fonction d’initier ou d’approfondir la connaissance de la langue ou de la culture française en direction d’ apprenants qui peuvent être différents selon l’âge, la profession, la couche sociale et leurs objectifs. Manquant d’une observation efficace et de l’évaluation standard du gouvernement, la formation dans les agences ne possède pas de cadre unifié, sauf les agences de l’Alliance française qui n’ont pas un grand nombre

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d’apprenants chinois de FLE à cause de son nombre très limité dans tout le territoire chinois2.

L’autre inconvénient de ces cours est leur manque de stabilité. L’objectif essentiel de ces agences est la rentabilité, si bien que le programme de leurs cours est souvent modifié ou arrêté à cause du nombre variable d’étudiants. Cela entraîne des défaillances dans la réalisation des objectifs d’enseignement et des effets pédagogiques. Bien que ce type de formation soit important, parce qu’il injecte de la vigueur au marché de l’emploi avec son recrutement des étudiants de français, l’instabilité et la précarité existant dans cette formation, y compris celle des enseignants et des apprenants, empêchent de faire des prévisions concernant l’évaluation et les effets sur les étudiants.

C’est pourquoi on peut parler de l’inexistence de la formation dans les agences non-universitaires dans le domaine de la recherche, exceptée celle de l’Alliance Française qui a été

mentionnée deux fois en 2001 et 2011, ainsi que trente-cinq articles de recherches sur la

spécialité française (SHI Hui, 2011 : 53-59).

Dans cette thèse, nous ne nous concentrerons donc que sur la formation universitaire de français langue étrangère. A cause des obstacles de la formation non-universitaire, nous pouvons conclure que par rapport au sens restreint du FLE, le FLE chinois stable n’existe que dans le cursus universitaire. Selon le Ministère de l’Éducation Chinois (CAO Deming,WANG Wenxin, 2011 : 8), la formation universitaire de FLE peut être destinée aux étudiants de français dont la spécialité est la langue française, aux étudiants d’une autre langue qui peuvent choisir le français comme leur seconde langue étrangère ou comme langue obligatoire, aux EAL (Étudiants qui ont une spécialité Autre que les Langues étrangères) qui apprennent le français, aux étudiants de FOS (Français sur objectifs spécifiques) et aux étudiants bilingues. Ces cinq catégories de FLE diffèrent selon le cursus universitaire.

2 voir la liste des agences de l’Alliance française sur le site officiel de l’Alliance française en Chine : http://www.afchine.org/zh-hans.

33 Tableau 5 : Types de FLE

Type de FLE Licence de français

Licence d’ une autre langue

Licence d’autres EAL

Licence de FOS Licence bilingue Catégorie du

cours de français

Cours obligatoire

Cours obligatoire Cours optionnel Cours obligatoire Cours obligatoire Durée de formation de français

4 ans 2 ans Incertain (Cours d’option) 550-650 heures (DING Sigan,2012 :113-116) 4-5 ans (ZHAO Yan, TANG, Ning, 2012 : 3-4)

Ainsi, nous pouvons en tirer les conclusions suivantes :

Tout d’abord, la nature des cours universitaires est double: « obligatoire et optionnel ». Le premier cadre relève du Ministère de l’Education Chinois et le deuxième de la motivation des étudiants. Les EAL apprennent cette langue étrangère à titre onéreux pour leur satisfaction personnelle parce que les cours optionnels ne sont pas compris dans leurs droits d’études.

Les motivations de l’apprentissage se répartissent en trois cas : « accord d’initiative, accord subconscient et accord forcé » en allant du plus au moins motivé. Les étudiants de français et EAL choisissent la langue de leur propre initiative, donc on les classe dans le premier accord. Le deuxième type comprend les étudiants bilingues et de FOS. Dans ces contextes, le français est déterminant pour les spécialités des étudiants ; autrement dit, avant de choisir la discipline, les étudiants savent que le français est inévitable dans leurs cursus universitaires. L’option des cours de français se fait logiquement sous l’accord au moins subconscient des étudiants : même les étudiants de FOS considèrent souvent la langue française plutôt comme outil d’apprentissage de connaissances motivantes. Mais par rapport aux licences de langue autres que le français, la formation de français est dans un certain sens aléatoire : le choix du français est attaché à la décision de la faculté qui dépend de possibilités variées telles que le nombre d’enseignants disponibles, la décision adminitrative etc. Les étudiants ne sont souvent ni pour ni contre les études de français : leur degré de motivation peut être dit d’« amotivation ». Ils choisissent le français par obligation, en vertu de règles fixées par le Ministère de l’Éducation et en fonction de la promotion en master, et passivement selon le choix décidé par l’établissement, comme leur seconde langue étrangère. Donc, aux yeux des étudiants d’une autre langue, les cours de français représentent un accord forcé.

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présente la spécialisation en trois cas: spécialisée, semi-spécialisée et non-spécialisée. Les étudiants de français appartiennent à la première catégorie parce que la langue comme spécialité unique joue un rôle dans leur avenir professionnel s’ils persistent à chercher un travail lié avec leurs études. Les étudiants de FOS ou bilingues traitent leur français comme outil semi-spécialisé. Ces étudiants peuvent décider de leur propre chef de l’importance des études de français. Les FOS ne peuvent employer que leurs connaissances spécifiques dans leur futur ou avec le français, tout comme les étudiants bilingues qui ont en même temps deux langues étrangères (souvent anglais et français). Les bonnes notes dans leurs études de français seront comptées dans leurs relevés et leur mention du diplôme. Les étudiants d’une autre langue ou EAL sont placés dans un cadre non-spécialisé parce que leurs études de français sont totalement indépendantes de leurs diplômes universitaires.

Notre recherche de thèse porte sur la motivation des étudiants universitaires de FLE, mais par rapport à ces quatre dernières licences comme le tableau plus haut (voir tableau 5), les étudiants traitent en priorité d’autres disciplines que la spécialité de français avant d’entrer dans l’université parce que cette dernière est ouverte aux étudiants des sciences humaines et des sciences dures.

Tous les étudiants chinois (lycéens diplômés) peuvent choisir leur spécialité par le Gaokao, concours national d’entrée universitaire, ou par sélection autorisée directe de l’université. Ils ont le droit de choisir la même discipline dans plusieurs universités dont les niveaux sont différents selon la liste publiée par le Ministère del’Éducation chinois. Autrement dit, les étudiants qui ne traitent pas le français comme leur premier choix sont moins motivés par le français que pour d’autres disciplines. Et puisque la décision d’entrée à l’université est la plus importante et la plus réfléchie, la motivation vis-à-vis du FLE pour ces étudiants nous semble être instable et temporelle, ce qui augmente le risque d’erreur dans la prise en compte des variables et dans l’attribution de la valeur propre des facteurs de motivation.

En dépit des différences entre les étudiants, telles que la préférence personnelle, l’origine familiale, l’expérience, la condition d’esprit, etc., une fois passée la formation des secteurs primaire et secondaire, les lycéens chinois possèdent un certain niveau de standardisation des savoirs et particulièrement celle des connaissances de base.

Nous concluerons en dégageant trois problématiques :

- Tout d’abord, la politique de formation du lycée est-elle identique au niveau national ou différente selon les régions? Selon l’arrêté ministériel « Programme des cours du lycée

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« Basée sur neuf ans de formation obligatoire, la formation du lycée sur les fondamentaux a pour objectif principal d’améliorer la qualité du jeune peuple et de démocratiser l’enseignement au grand public. ». 3

Dans le « Projet du développement et de la réforme d’enseignement de la Chine aux moyen

et long termes (2010-2020) » publié en 20104 , « La mesure politique fondamentale de

l’enseignement au niveau national est pour promouvoir la justice dans l’égalité». Cette justice

dans l’égalité est résumée dans les trois domaines suivants, selon AI (2013: 124-127) :

a. Égalité des possibilités qui défend l’égalité du droit des étudiants des familles différentes

à bénéficier de toutes les formations.

b. Égalité de programme, ce qui signifie un accès égal à la formation pour tous.

c. Égalité de l’évaluation, qui garantit la standardisation de l’évaluation dans les études des lycéens.

Ces principes d’égalité expriment le même droit dans tout le territoire chinois.

- Ensuite, la sélection dans les universités est-elle identique en Chine ? En tant qu’outil d’évaluation de cette politique, le Gaokao comporte les caractères de standardisation et de normalisation susceptibles d’aider les lycéens diplômés à s’adapter aux nouvelles circonstances universitaires des différentes régions. Ainsi, depuis 1999, le Ministère d’Éducation chinois commence à employer le système de «3+X» dans le Gaokao.

Tableau 6 : Système 3+X de Gaokao Système 3+X

3 examens obligatoires X (examens optionnels)

langage et littérature; mathématiques; anglais

Sciences dures Sciences humaines Physique ; chimie ; histoire ; politique ; biologie géographie

Le « 3 » représente le langage et la littérature, les mathématiques et l’anglais : ce sont les matières les plus importantes, qui comptent pour 150/750 points chacune, X représente la physique, la chimie et la biologie pour les sciences dures d’une part ; l’histoire, la politique et la géographie pour les sciences humaines d’autre part. Ces examens optionnels comptent 100/750 points chacun. Depuis la libération de la Chine nouvelle, surtout à partir de la Grande Révolution Culturelle Chinoise, ce système de sélection chinois est devenu la garantie du développement des connaissances générales de toute la population chinoise. Cela est confirmé

3 Site: http://www.moe.gov.cn/srcsite/A26/s8001/201801/t20180115_324647.html

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par le groupe de recherches de ZHU Chunhui, « en considérant la justice dans la société, le

système de Gaokao offre la même chance aux étudiants d’origine, de talent, de lieu de naissance, d’éthnie et de sexe différents.». (GUO Xin, ZHU Chunhui, 2014: 156-162)

- Enfin, le programme de formation du lycée est-il identique en Chine ?

«Le premier caractère de la formation chinoise du lycée est son caractère général » (SHI Zhongying, 2014 :18-25). Selon SHI, « la formation générale est dans un certain sens « la

formation commune » qui a « pour fonction d’adapter les lycéens aux demandes de la société et de poursuivre les études supérieures sur les mêmes connaissances de base». (SHI Zhongying,

2014 :18-25). Selon le « Programme des cours du lycée général (expérimentation) », le Ministère et les Bureaux Provinciaux de l’Éducation examinent de façon qualitative et quantitative l’enseignement au lycée. Les lycées chinois n’ont pas le droit de choisir un manuel, mais sont obligés d’utiliser les manuels standard de tous les cours publiés par le Ministère, non seulement pour les cours essentiels tels que le langage et la littérature, les mathématiques et l’anglais, mais aussi pour les cours qui ne sont pas jugés fondamentaux comme la musique, les beaux-arts. Autrement dit, bien qu’il existe des différences de formation au lycée entre la ville et la banlieue, entre l’est et l’ouest, entre les régions développées et les moins développées (GAO Bingcheng, CHEN Ruping, 2013: 58-66), la qualité de base est bien garantie par le gouvernement.

En résumé, cette standardisation offre une garantie scientifique parce qu’elle est un point de départ commun pour les nouveaux étudiants qui entrent à l’université, et qu’elle assure une certaine unité des données concernant la motivation des étudiants venant d’universités différentes. Cette standardisation permet une certaine fiabilité à notre recherche sur la motivation pour les raisons suivantes :

Premièrement, cette standardisation est stable depuis une dizaine d’années, donc notre recherche peut se réaliser parmi les étudiants entrés à d’années différentes.

Deuxièmement, cette standardisation peut être représentée par un échantillonnage dans le recrutement universitaire : les candidats venant des différentes provinces de la Chine sont répartis aléatoirement en classe de français dans chaque université. Par conséquent, l’analyse de la motivation dans une ou plusieurs universités peut être dite représentative de toutes les universités chinoises.

Troisièmement, cette standardisation permet de nous concentrer davantage sur l’importance de chaque variable sur les individus d’un même groupe.

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