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Historique des événements précurseurs de l’incendie

Dans le document La cathédrale de Reims (Page 31-38)

Dans un premier temps, ce récit historique sera consacré à l’arrivée des troupes allemandes et l’occupation de Reims, événements survenus entre le 30 août et le 18 septembre 1914.

La retraite française et l’occupation de Reims

Les bombardements de Reims et de sa cathédrale sont liés à la diplomatie, à la stratégie et aux batailles du début de la Première Guerre mondiale.

Au début du XXe siècle, de vives tensions secouent continuellement une Europe qui ne demande qu’à s’embraser. Le 28 juin 1914, l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche-Hongrie par un Bosniaque, l’échec des négociations entre la Serbie et l’Autriche-d’Autriche-Hongrie et un complexe jeu d’alliances déclenchent une grande guerre européenne qui deviendra rapidement mondiale. La Serbie, la Russie, la France puis l’Angleterre se mobilisent pour faire face aux armées allemandes et austro-hongroises. L’Italie, membre de la Triplice donc alliée théorique de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, reste pour l’instant neutre.

Conscients du risque de subir une guerre sur deux fronts, les stratèges allemands avaient, de longue date, prévu une guerre rapide contre la France avant de se retourner contre la Russie.

Appliquant le « plan Schlieffen », les armées allemandes envahissent la Belgique pourtant restée neutre et battent successivement les Anglais à Mons et les Français à Charleroi. Cette

« bataille des frontières », du 21 au 23 août, entraîne le reflux des troupes alliées.

9 MauriceLANDRIEUX, La Cathédrale de Reims ; un crime allemand, Paris, Librairie Renouard, 1919, p.231.

10 WhitneyWARREN, Etat de la Cathédrale de Reims après le bombardement, rapport lu à la séance du 3 octobre 1914 à l’Académie des Beaux-Arts, Paris, Institut de France, 1914, 8 p.

11 La Cathédrale de Reims 1211-1914, numéro spécial de L’Art et les Artistes, Paris, 1915, p.38.

12 VINDEX (pseudonyme de l’abbé Alexandre AUBERT), La Basilique dévastée : destruction de la Cathédrale de Reims, Paris, Bloud & Gay, 1915, p.34.-35.

13 Georges LEPELLETIER DE BOUHELIER (dit SAINT-GEORGES DE BOUHELIER),op. cit., p.62-64.

14 Document dactylographié de 4 pages de « l’Etat de la cathédrale de Reims au 12 août 1915 » signé par le cardinal Luçon, ADR, dossier « Les Amis de la Cathédrale. Après l’Incendie de la Cathédrale »

15 Whitney WARREN, L’Agonie de Reims, rapport lu à la séance du 6 janvier 1917 à l’Académie des Beaux-Arts, Paris, Institut de France, 1917, 5 p.

Depuis la mobilisation et la déclaration de la guerre le 3 août 1914, la ville de Reims, ville de garnison, a vu le départ de ses troupes et le passage de milliers de trains en route pour le front à l’Est de la France. La population rémoise s’inquiète particulièrement quand les trains amènent un flot continu de blessés. A partir du 20 août 1914, ce sont les réfugiés16 à leur tour qui affluent à Reims. Venus de Belgique et des Ardennes, ils apportent avec eux des nouvelles de l’invasion allemande mais colportent également nombre de rumeurs. A ce propos, le maire de Reims, le docteur Jean-Baptiste Langlet (1841-1927) signale : « Ces gens-là sèment l’inquiétude en ville »17.

Les Rémois constatent ainsi, en dépit des communiqués officiels rassurants, que les forces allemandes sont aux portes de Reims18. La panique commence en effet à s’emparer de la population tout comme le souligne dans son journal, le 23 août 1914, Paul Hess : « Tous ces malheureux Belges parlent d’atrocités épouvantables commises sur les leurs, par les Allemands. Nous rentrons tristement impressionnés par ce tableau navrant »19. De nombreuses familles rémoises, en prévision de l’inéluctable, choisissent ainsi la route de l’exil : « Notre ville se vide à vue d’œil »20 et le maire de Reims de constater : « … Lundi 31 août. Exode des Rémois, Reims haletant. »21. Au problème des réfugiés, s’ajoute également la hantise de l’espionnage.

Les 29 et 30 août, l’échec de la contre-offensive de la 5e armée française exsangue, commandée par le général Lanrezac, dans la région de Guise scelle le sort de Reims. Le généralissime Joseph Joffre (1852-1931) décide alors d’attirer l’ennemi dans une vaste poche s’ouvrant entre le camp retranché de Paris et celui de Verdun. Ce nouveau plan suppose l’abandon de Reims et l’évacuation des forts aux alentours. Le 2 septembre 1914, Reims devient une ville ouverte22.

Les nouvelles de la débâcle française sont alors colportées par les réfugiés venant de Rethel et de Novion-Porcien. Le 2 septembre, en début d’après-midi, les troupes de la ligne de défense

16 Environ 7000 réfugiés sont passés ou ont séjourné à Reims entre le 20 août et le 2 septembre 1914.

17 Albert CHATELLE, op. cit, p.45.

18 JulesPOIRIER, Reims (1er août – 31 décembre 1914). Les débuts de la guerre ; l’occupation allemande, la bataille de la Marne, libératrice de Reims ; le retour de l’armée française ; la destruction de Reims, Paris, Payot, 1916, p.59.

19 Paul HESS, La vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918 - Notes et impressions d’un bombardé, Paris, Anthropos, 1998, p.23.

20 Paul HESS, op. cit., p.26.

21 Albert CHATELLE, op. cit, p.47.

22 D’après le plan XVII, Reims ne figure pas au nombre des places fortes. Sa valeur stratégique est de second ordre.

de Reims reçoivent l’ordre d’évacuer le lendemain à la première heure. Les Rémois voient passer les troupes censées assurer leur défense ; tous comprennent alors que la ville, en définitive, ne sera pas défendue et devrait donc être épargnée.

La « méprise » du 4 septembre

Reims n’est pas défendue. Pourtant l’arrivée des forces militaires allemandes va être précédée d’un intense bombardement dont il est difficile d’en connaître les raisons23. Volonté délibérée, tentative d’intimidation ou méprise24, les deux camps opposent leur perception de cet événement.

Le communiqué allemand du 8 septembre qui relate ces événements, ne signale aucunement un bombardement de la ville. Comme l’armée allemande ne sait pas si les troupes françaises se sont réellement retirées, une mission de reconnaissance dirigée par le capitaine de cavalerie von Humbracht est envoyée au fort de Witry-les-Reims. Constatant que celui-ci est désert, la patrouille traverse la ville de Reims avant de se rendre à l’hôtel de ville pour déclarer que Reims se trouve dorénavant sous autorité militaire allemande25.

Ce récit n’est en effet que partiel car deux armées allemandes se trouvent simultanément aux portes de la ville : la IIe armée dirigée par le général Bernhardt von Bülow (1849-1929) et la IIIe armée du baron von Hausen. Les ordres du grand quartier général allemand sont pourtant clairs. La IIe armée doit passer à l’ouest de Reims tandis que la IIIe armée prendra la ville avant de se diriger vers Châlons-sur-Marne. Mais le prestige de prendre une ville telle que Reims et les rivalités entre Prussiens de la IIe armée et Saxons de la IIIe expliquent en grande partie ce premier drame.

La IIIe armée a envoyé en reconnaissance le capitaine von Humbracht qui a pris l’initiative de se rendre à Reims26. La patrouille s’installe à l’hôtel de ville, y dîne et renvoie le lendemain, vers quatre heures du matin, un détachement annonçant la prise de Reims. Mais le général von Bülow décide également d’envoyer à Reims deux plénipotentiaires qui dépassent les lignes françaises. Ils sont interceptés puis retenus par l’armée française. Ne voyant pas revenir

23 Reims avait déjà connu un bombardement dans la matinée du 3 septembre. Un monoplan allemand avait lancé quelques bombes sur la ville avant d’être abattu 25 kilomètres plus loin au sud-ouest à Jonquery.

24 C’est sous cet intitulé que l’abbé Landrieux relate dans le premier chapitre de son livre, les événements survenus à Reims, lors de l’arrivée des troupes allemandes, le 4 septembre 1914 dans MauriceLANDRIEUX, La Cathédrale de Reims, un crime allemand, p.7-19.

25 JulesPOIRIER, Reims (1er août – 31 décembre 1914). Les débuts de la guerre ; l’occupation allemande, la bataille de la Marne, libératrice de Reims ; le retour de l’armée française ; la destruction de Reims, Paris, Payot, 1916, p.75.

26 Albert CHATELLE, Reims ville des sacres, p.54.

leurs parlementaires, la IIe armée procède alors à un tir de représailles à la grande surprise des officiers saxons, installés à l’hôtel de ville. Ces derniers imaginent d’abord qu’il s’agit de tirs français mais rapidement, ils s’aperçoivent que ce sont des tirs amis. Des ordres sont pris, en toute hâte, afin d’installer au sommet de la cathédrale de Reims et de l’hôtel de ville un drapeau blanc27. Les officiers allemands partent ensuite en automobile pour faire cesser le feu.

De leur côté, l’abbé Andrieux et un employé de l’église, avant même de recevoir les ordres allemands, ont hissé un drapeau blanc en haut de la tour nord de la cathédrale. Ils espèrent ainsi faire cesser le pilonnage de leur ville.

Même si l’histoire semble être un quiproquo, les dommages de premier bombardement sont bien réels : 182 obus28 ont atteint la ville causant 60 victimes. Il n’est cependant pas nécessaire de s’appesantir sur cette histoire ou sur les effets des bombardements de la ville de Reims ; d’autres l’ont fait bien avant et de manière plus précise29.

Seulement quatre obus ont touché les environs immédiats de la cathédrale. Après que les batteries allemandes se soient tues, le clergé procède à l’inventaire des destructions30. Aucun obus n’a explosé à l’intérieur de l’édifice, mais de nombreuses verrières ont été soufflées par les explosions, principalement du côté nord. Des dégâts sont également attestés sur la statuaire. A ces quatre obus, il convient d’en rajouter un cinquième qui a touché directement l’édifice, au croisillon nord du transept31 mais qui n’a pas été remarqué lors du premier inventaire32.

En toute objectivité, lors de cette journée, la cathédrale a été relativement épargnée mais pour beaucoup, cet événement constitue le premier attentat contre le vénérable édifice. Certes, ces témoignages ont été transcrits bien après, alors que la cathédrale était déjà devenue la grande martyre. Ainsi le docteur Jean-Baptiste Langlet conclut pour cette journée : « Je n’oublierai jamais la physionomie effarée, empreinte à la fois d’étonnement et de colère de cet officier qui venait de nous dire qu’ils n’étaient pas des barbares, mais un peuple de haute culture, et

27 Ibid., p.60.

28 MauriceLANDRIEUX, op. cit., p.13.

29 Voir François COCHET, Rémois en guerre 1914-1918 : l’héroïsation au quotidien, Nancy, Presses Universitaires, 1993, 168 p.

30 MauriceLANDRIEUX, op. cit., p.14-18.

31 Henri JADART, « Reims, journal d’un Rémois, du 3 septembre au 6 octobre 1914 », dans Les Champs de bataille, 1914-1915, Paris, 1915, p.16.

32 VI.2.1., « Les dégâts antérieurs à l’incendie : du 4 au 18 septembre 1914 ».

qui constatait lui-même que le premier attentat sur la cathédrale venait de l’armée allemande.

Car c’était bien dès ce jour-là la cathédrale qui était, sinon atteinte du moins visée… »33 Reims occupée : la cathédrale transformée en ambulance

Pendant l’occupation de Reims, la Kommandantur s’installe à l’hôtel du Lion d’Or, en face de la cathédrale. Le parvis est alors encombré par hommes, chevaux et matériel de guerre allemands34. Aux portes de Paris, Reims reçoit des visites d’officiels allemands : le 5 septembre, le prince Auguste Wilhelm, quatrième fils de l’empereur Guillaume II, accompagné du duc Frédéric de Mecklembourg ; le 11, le Kronprinz et le prince Henri de Prusse, frère du Kaiser. Les officiers allemands admirent avec le plus vif intérêt cette cathédrale et l’un d’eux, l’historien d’art Paul Clemen (1866-1947), donne dans la nef une conférence sur l’architecture gothique35.

La cathédrale va connaître une nouvelle affectation. A l’ouest de Reims, les combats redoublent d’intensité et le 10, le commandant de la place, le capitaine Hahn, exige de la municipalité la réquisition des immeubles pour loger 300 blessés allemands. Ces mesures sont insuffisantes pour faire face au flot continu des blessés. Une conférence a lieu vers 17h00 entre le maire, son adjoint Emile Charbonneaux, le prince impérial Auguste-Wilhem et les représentants de la Croix-Rouge. Il est alors décidé d’abriter trois mille lits sous les voûtes de la cathédrale. Auguste-Wilhem, fils du Kaiser, ajoute d’ailleurs que c’est le plus sûr moyen d’épargner l’édifice : « … Les Français tirent sur nos hôpitaux, ils ne tireront pas sur la cathédrale, et la meilleure preuve que je puisse vous donner de mon désir de préserver l’édifice, c’est que je tiens à y faire installer mes blessés. »36

L’intendance ne suit pas et les trois mille lits ne peuvent être rassemblés. Il est alors décidé de les remplacer par de la paille. A partir du 11, les chaises sont empilées dans le chœur et plus de quinze mille bottes de paille sont entassées contre les portes des bas-côtés et éparpillées dans la nef, tandis que des voitures apportent des sacs de couchage et des couvertures. Le drapeau blanc qui flottait depuis le 4, au plus haut de la tour nord, est remplacé par un grand

33 Lettre du docteur Langlet au docteur Reverdin à Genève, dans Les cahiers de Louvain et de Reims, p.29-32, citée par Laurence SIRGUEY, Le Docteur Langlet Maire de Reims 1914-1918. Rôle civique, rôle médiatique, p.16-17.

34 MauriceLANDRIEUX, op. cit., p.20.

35 PaulLEON, La vie des monuments français : destruction, restauration, Paris, Picard, 1951, p.487.

36 AlbertCHATELLE, Reims ville des sacres, notes diplomatiques secrètes et récits inédits (1914-1918), Paris, Imprimerie Téqui, 1951, p.74.

drapeau de la Croix-Rouge. Cette installation ne peut cependant être achevée, car le soir même, les Allemands sont contraints d’évacuer la ville.

La contre-offensive française appelée par la suite « le miracle de la Marne » oblige les troupes allemandes à refluer et à abandonner la ville de Reims. Le 12 septembre à 14 heures, une proclamation officielle de l’autorité allemande suivie d’une liste de cent personnes est alors dressée afin de couvrir leur retraite en évitant tout désordre qui pourrait survenir à Reims. A posteriori, cette affiche menaçante sera perçue par la population comme annonciatrice des futurs bombardements : « De même, la ville sera entièrement ou partiellement brûlée et les habitants pendus, si une infraction quelconque est commise aux prescriptions précédentes. »37 Les otages seront finalement libérés à la sortie de Reims, sur la route menant à Witry-les-Reims et le lendemain, les troupes françaises reprennent la ville.

Reims libérée… Reims bombardée

A l’aube du dimanche 13 septembre 1914, Reims accueille, dans une joie indescriptible, l’arrivée des soldats français. La plupart des Rémois pensent alors que pour eux, la guerre est finie. Très vite, ils s’aperçoivent que leur armée se trouve face à un imposant retranchement : la ceinture de fortifications de Reims38 est passée à l’ennemi. Epuisées et manquant de munitions, les troupes françaises sont incapables de s’emparer de ces forts qui surplombent la ville, à l’exception toutefois du fort de la Pompelle. La contre-offensive française est ainsi, à Reims, brisée. Le front, stabilisé dans la Marne, ne connaîtra pas de réels changements durant les quatre années à venir.

De ces positions, dominant la ville de 50 à 80 mètres, les artilleurs allemands bombardent systématiquement à partir du 14 septembre. Le premier obus, selon Albert Chatelle, explose à 9h30 environ, à dix mètres de l’hôtel de ville. Une ambulance est atteinte par deux obus et dix-neuf personnes dont deux infirmières sont tuées39. Le sentiment profond des Rémois est que ces tirs ne sont pas le fruit du hasard. Paul Hess se fait l’écho des inquiétudes de la population rémoise et signale que l’ennemi est particulièrement « bien renseigné par ceux

37 Paul HESS, op. cit., p.156-157.

38 Après la Guerre de 1870, Reims avait été choisie, avec La Fère et Laon, pour constituer la seconde ligne de fortifications chargée de défendre la nouvelle frontière du nord-est. Ce réseau défensif a été élaboré en 1873 par le général Séré de Rivières (1818-1895) et comprend les édifices suivants : fort de Brimont, batterie du Cran de Brimont, fort de Fresnes, fort de Witry-les-Reims, vigie et batterie de Berru, fort de Nogent-l’Abbesse, fort de La Pompelle, fort de Montbré, réduit de Chenay, fort de Saint-Thierry et batterie de Loivre.

39 Albert CHATELLE, op. cit., p.89.

que, vraisemblablement, il aurait laissé derrière lui pour espionner »40. Ce sentiment paranoïaque ambiant explique en grande partie certaines assertions sur les raisons de l’incendie de la cathédrale de Reims. Les bombardements se poursuivent41. Du 14 au 19 septembre inclus, un premier bilan fait état de 3000 obus et de 170 morts42.

La cathédrale accueille des blessés. Le projet primitif d’affecter à la cathédrale le statut d’ambulance est repris par l’armée française. Dans l’après-midi du 16 septembre, la paille qui allait être enlevée est finalement laissée sur ordre du grand quartier général français. Tous les blessés allemands, installés dans les divers hôpitaux de Reims, convergent vers la cathédrale pour y être rassemblés. Selon l’abbé Louis Andrieux, 131 blessés sont ainsi installés dans cette nouvelle ambulance « dont cinq officiers de la Garde Impériale, un médecin, le Dr Pfügmacker43, un prêtre catholique, brancardier volontaire, l’abbé Johannes Prüllage, vicaire à Stadtholm, en Westphalie, deux religieuses catholiques du diocèse de Münster et une diaconesse protestante originaire de Berlin. »44 Le nombre des blessés varie extrêmement d’un témoignage à un autre. Toutefois cet inventaire de l’abbé Andrieux coïncide avec un autre témoignage, allemand, celui du vicaire Johannes Prüllage45. Tous ces blessés sont logés dans la basse nef sud, du côté de l’archevêché46. Ni les blessés allemands, ni son statut d’ambulance ne vont protéger la cathédrale de Reims des bombardements.

Le jeudi 17 septembre, alors que la cathédrale est redevenue, depuis la veille, hôpital militaire, trois obus l’atteignent directement et percent la toiture aux environs de la tourelle du carillon. La cathédrale semble néanmoins encore relativement épargnée par ce violent bombardement de la ville de Reims47. Mais le lendemain, les bombardements redoublent. Le vendredi 18 septembre, treize obus touchent directement la cathédrale, tuant un gendarme français et deux blessés allemands. Quinze autres personnes sont également touchées. Affolés, les blessés tentent de se protéger en s’abritant dans l’escalier de la tour nord48. Dans son rapport du 30 octobre 1914 adressé au ministre de l’Intérieur alors réfugié à Bordeaux, le

40 Paul HESS, op. cit., p.98.

41 Concernant les rumeurs consécutives à l’incendie, I.2.3 « La cathédrale en flammes » et IV.3.1 « Le crime de Reims ».

42 Albert CHATELLE, op. cit., p.90.

43 Nommé Pflumacher d’après le rapport officiel allemand.

44 Louis ANDRIEUX, « Comment j’ai vu brûler la Cathédrale de Reims », Grand Tourisme, n°52, novembre 1923, p.18. Cette énumération des Allemands installés dans la cathédrale permettra ainsi par la suite de confronter les témoignages dont plusieurs – notamment celui très polémique de l’abbé Prüllage – sont reproduits dans l’ouvrage de propagande allemand « Die Beschiessung der Kathedrale von Reims », édité en 1915.

45 Annexe 16.

46 Louis ANDRIEUX, op. cit., p.18.

47 Voir Paul HESS, op. cit., p.105-109.

48 Louis ANDRIEUX, op. cit., p.19.

préfet de la Marne note : « Le 18, dès le matin, le bombardement commence et semble viser la cathédrale » 49. Une fois de plus, ce témoignage est orienté par l’événement postérieur.

Les bombardements menacent tellement les blessés allemands que le docteur Edmund Pflugmacher rédige une note : « Je demande à être envoyé comme parlementaire, afin de faire savoir à l’Armée allemande qu’il y a 200 blessés dans la Cathédrale et que celle-ci se trouve exposée au feu le plus violent de l’artillerie. J’espère que cette démarche arrivera à mettre fin à la destruction de la splendide Cathédrale et à la destruction de la ville » 50. Ce projet ne sera pas réalisé51. La défiance des militaires français compromet irrémédiablement un tel projet.

Les bombardements du 18 septembre s’arrêtent vers 20h comme le signale le journaliste Albert Londres, arrivé à Reims deux heures auparavant52. L’abbé Maurice Landrieux conclut cette journée et introduit celle du 19 septembre par la phrase suivante : « Il nous semblait que rien ne pouvait être pire pour la Cathédrale que la journée d’hier et nous appréhendions d’avoir seulement à repasser par les mêmes chemins, à revivre des heures pareilles. »53 Ce ton prophétique annonce la tragique journée du 19 septembre 1914.

Dans le document La cathédrale de Reims (Page 31-38)