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Prolifération cellulaire continue : Les RHO contrôlent la prolifération cellulaire par de multiples voies de signalisation80. En particulier, RHOA favorise la transition G1/S en induisant la

production de la cycline D1 et en inhibant les CDKi p21 et p27. Les RHO interviennent également pendant la mitose, en contrôlant la duplication du centrosome, son positionnement et également l’assemblage et la contraction de l’anneau d’actine formé lors de la cytodiérèse. Cependant, ces mécanismes ont été observés in vitro et il reste encore aujourd’hui à déterminer in vivo lesquels sont réellement pertinants dans la tumorigénèse.

Rôle dans la transformation cellulaire : Historiquement, les premières implications des RHO dans le cancer ont été faites par analogie à RAS. La première preuve de l’implication des RHO dans la tumorigénèse vient d’expériences faites avec des mutants constitutivement actifs des RHO dans des fibroblastes murins 81: la surexpression de ces mutants permet aux cellules d’acquérir les

caractéristiques d’une cellule transformée (croissance indépendante du substrat, indépendance vis à vis des facteurs de croissance). Injectées chez la souris nude, ces cellules sont capables de former des tumeurs82. Quelques années plus tard, leur rôle dans le processus métastatique était mis en évidence in

vivo. Cependant, leur rôle reste encore assez débattu. Malgré les résultats des premières expériences présentées ci-dessus, le pouvoir transformant des RHO est nettement inférieur à celui de RAS (mesuré par le nombre de colonies formées en agar mou)83. Les tumeurs induites chez la souris par les mutants

de RHO étaient plus différenciées que les tumeurs induites par RAS82. Enfin si l’amplification du gène

est capable de transformer des fibroblastes murins, d’autres n’ont pas mis en évidence de pouvoir transformant des mutants actifs83. Ainsi, il est finalement considéré que les RHO peuvent avoir

différents rôles dans la transformation mais confèreraient plutôt un avantage de croissance aux tumeurs RAS mutées. D’autres, comme RHOB, auraient un rôle suppresseur.

Gardien du génome, rôle suppresseur de tumeur : Bon nombre d’arguments permettent de considérer RhoB comme un gène suppresseur de tumeurs. L’expression de la protéine est fréquemment perdue dans de nombreux cancers et est corrélée avec la progression du stade tumoral. D’autre part, sa transcription est augmentée en réponse à divers stress cellulaires (dommage à l’ADN, hypoxie). Des souris KO pour le gène RhoB développent plus de tumeurs induites par un carcinogène84. Au laboratoire, il a été mis en évidence que la déplétion de RHOB aboutit à

l’accumulation de cassures doubles brins dans des carcinomes épidermoïdes de la peau85. D’autre part,

RHOB permet le déclenchement de l’apoptose dans des cellules présentant des dommages à l’ADN. Au laboratoire, il a été montré que RHOB est impliqué dans la réponse et la réparation des dommages à l’ADN via la recombinaison homologue86. Pour d’autres GTPases, comme RHOA et CDC42, le rôle

suppresseur de tumeur semble être contexte dépendant.

Indépendance vis à vis des facteurs de croissance : Les protéines RHO sont impliquées dans les voies de signalisation dérégulées issues des récepteurs à activité tyrosine kinase (EGFR, c-Met, IGFR, certains GPCR)84. L’EGFR, par exemple, est un récepteur transmembranaire qui peut être

retrouvé soit surexprimé, soit muté soit activé de façon aberrante dans de nombreuses tumeurs épithéliales. L’expression d’un dominant négatif de RHO dans une lignée cellulaire primaire de fibroblastes aviaires surexprimant un mutant de l’EGFR, parvient à inhiber la transformation de ces cellules87. Pour maintenir l’homéostasie tissulaire, l’activité de l’EGFR est étroitement régulée,

notamment par son recyclage endosomal. Or, RHOA, RHOB, CDC42 contribuent au maintien de la dérégulation de cette voie de signalisation en inhibant le recyclage de l’EGFR dans les endosomes84.

Echappement au système immunitaire : L’immunothérapie est une thématique en plein essor ces dernières années avec le succès clinique des inhibiteurs de points de contrôles immunitaires. Au laboratoire, il a été montré que l’inhibition des GTPases RHO favorise les réponses immunes anti- mélanome en contrecarrant l’échappement tumoral, notamment par la réexpression de molécules de costimulation88.

Angiogénèse : Pour croître au-delà d’une certaine taille, les tumeurs doivent nécessairement induire la formation de nouveaux vaisseaux. Les RHO participent aux divers aspects du switch angiogénique. Les GTPases RHO régulent la prolifération, la survie et la migration des cellules endothéliales en réponse à des facteurs proangiogéniques84. D’autre part, les GTPases participent dans

les cellules tumorales à la production des facteurs proangiogéniques. RHOA, RAC1, CDC42 participent au maintien de HIF1 en conditions hypoxiques84 permettant ainsi la production de VEGF.

Au laboratoire, un axe intégrine/FAK/RHOB a été mis en évidence dans la régulation de HIF1 dans le glioblastome89.

Métabolisme : Les cellules tumorales arborent une altération de leur métabolisme énergétique, en particulier dans la régulation des voies glycolytiques. RAC et CDC42 inhibent une importante enzyme (phosphoglycerate mutase (PGAM)-B) participant à la régulation du glucose dans la cellule tumorale, tandis que RHOA et ROCK participent au transport de récepteur d’entrée au glucose GLUT1 dans les tumeurs p53 mutées90.

Inflammation : Les voies STAT3 et NFB sont particulièrement impliquées dans la promotion d’un contexte inflammatoire au sein du microenvironnement tumoral par leur action sur les leucocytes, la production de cytokines ou des protéines du complément. Leurs voies de signalisation sont croisées avec celles des GTPases. RHOA et RAC1 sont deux puissants activateurs de STAT3 : RHOA via ROCK stimule la phosphorylation de STAT3 par JAK2, tandis que RAC1 peut activer STAT3 soit par un mécanisme indirect de sécrétion autocrine de l’IL6 soit par un mécanisme direct de liaison à STAT391. RHOA, RAC1 et CDC42 participent également à la transcription de NFB par un

mécanisme impliquant la phosphorylation de IB et la translocation des dimères p50/p50 and p50/p65 au noyau91.

Survie cellulaire : Les voies pro apoptotiques et anti-apoptotiques impliquent toutes deux les GTPases RHO de sorte que selon le contexte cellulaire, elles participent au déclenchement de la cascade apoptotique ou à l’inverse activent des voies de survie.

Cette brève illustration suffit néanmoins à mettre en évidence la grande diversité fonctionnelle des GTPases RHO et leurs multiples implications dans les différents aspects de la tumorigénèse. Celles-ci apparaissent redondantes dans de nombreuses situations, si bien que face à la perte de l’une d’entre elles, les cellules tumorales vont surexprimer ou réactiver un autre membre de la famille pour compenser. Le tableau général se complique encore plus avec l’observation de situations où les membres d’une même famille peuvent tenir des rôles opposés. La régulation spatiale et temporelle de leur activité ressort ainsi encore une fois comme notion inévitablement nécessaire pour expliquer et comprendre leur implication dans les différents aspects de la tumorigénèse.