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Le principe du deuxième groupe de stratégies repose sur l’identification d’une liaison antigène anticorps en milieu réducteur. L’interaction antigène anticorps peut se faire soit dans le cytoplasme bactérien, soit en levure, soit en cellule de mammifère et sera couplée à une réaction rapportrice de l’interaction basée soit sur la restauration d’une fonction enzymatique soit sur l’utilisation d’une voie de signalisation cellulaire impliquée dans le « contrôle qualité » de la maturation protéique. L’intérêt majeur de cette stratégie directe de screening sans caractérisation préalable in vitro est de s’affranchir d’un biais potentiel de sélection. En effet, le comportement in vitro n’est pas forcément prédictif du comportement in cellulo251.

Levures :

Historiquement, le screening d’intracorps directement en milieu réducteur a été mis au point dans les levures. En 1999, Visintin adapte le système double hydride de Fields et Song à la détection d’une interaction entre un scFv et son antigène. Pour cela, il fusionne un scFv à un domaine d’activation transcriptionnel VP16 (AD) et son antigène cible au domaine LexA liant l’ADN (DBD pour DNA Binding Domain). Ces constructions sont cotransfectées dans une souche de levure His- (ne poussant pas sur milieu dépourvu en Histidine) mais dont le gène His est sous le contrôle d’un promoteur minimal contenant le domaine de reconnaissance LexA. Si le complexe scFv/Ag se forme in cellulo, alors le gène His peut s’exprimer et la croissance des levures sur un milieu dépourvu d’histidine est restaurée252. En parallèle, le gène LacZ a été aussi placé sous le contrôle d’un promoteur

contenant le domaine de reconnaissance LexA de manière à disposer d’un autre test pour confirmer l’interaction in cellulo. La preuve de concept établie, les auteurs testent la possibilité de cribler une banque non immune de scFv par cette méthode.

Pour cela, ils y rajoutent une première sélection in vitro par phage display, développant ainsi la technologie IACT pour Intracellular Antibody Capture Technology. Ils ont notamment isolé des scFv contre la protéine associée aux microtubules TAU253, l’oncogène BCR-ABL ou l’oncogène

RAS254. Cependant, l’inconvénient majeur de cette technique est la nécessité de sous cloner la banque

sélectionnée après un tour de phage display dans le vecteur d’expression en levure VP16. La comparaison des séquences obtenues à partir de cette banque par cette technologie permet de dégager une séquence consensus, très proche des séquences des VH3 et V humaines comme séquence caractéristique des intracorps. Elle sera à l’origine de la création d’une banque d’anticorps de deuxième génération, à simple domaine, après randomisation des boucles CDR directement sélectionnable par IACT (l’étape de phage display est donc supprimée)255. L’avantage majeur résidant

dans l’absence de production et purification de l’antigène in vitro. La faible diversité (10e6 clones) de

la banque reste toutefois un inconvénient mais inhérent à l’efficacité de transformation des levures. C’est pourquoi une IACT de 3eme génération a été développée256. Dans ce protocole, la faible

diversité de la banque initiale est dépassée par l’ajout d’une étape de maturation d’affinité in vitro par randomisation des CDR de la sous banque sélectionnée dans les tours successifs de sélection (CDR 2 au 2ème tour et CDR1 au 3ème tour). Le risque de faux positifs est largement diminué par l’alternance

entre les systèmes rapporteurs de l’interaction (LexA et Gal4). Pour trouver des intracorps de haute affinité, le laboratoire de Rabbitts a développé 15 sous banques différentes (14 de VH et 1 de VL) qui peuvent être toutes criblées afin de compenser leur manque de diversité. Toutefois, cela représente un travail très fastidieux. De plus, il est difficile de discriminer les clones de fortes ou de faible affinité directement. En utilisant IAC3, les auteurs ont obtenus des VH de forte affinité contre LMO2, RAF et P53.

Figure 25 : A : Principe de la sélection par Intracellular Antibody Capture Technology. La librairie de scFv est criblée directement en levure contre son antigène cible. Une interaction positive se traduit par la croissance des levures sur un milieu sélectif. D’après 257. B : Principe de la IACT3. 3 tours de

sélections comprenant une étape de maturation d’affinité sont effectués avant d’obtenir des intracorps de haute sélectivité et affinité. D’après 256.

Les surfaces d’interactions protéine-protéine sont souvent considérées comme très difficilement perturbables par des petites molécules pharmacologiques. Or, les voies de signalisation qui résultent de l’interaction protéine-protéine peuvent être impliquées dans de nombreux processus pathologiques. D’autre part, les anticorps sont des molécules spécialisées pour établir une interaction avec leur protéine antigénique cible. Dès lors, dans le but d’inhiber une interaction protéine-protéine, Visintin et al ont imaginé un essai permettant de sélectionner des intracorps « neutralisants », capables d’inhiber une interaction. Pour cela, les auteurs ont également construit une banque nommée SPLINT (Single Pot Library of Intracellular Antibodies) de scFv directement sélectionnable en levure. Le Yeast 3 Splint assay consiste à objectiver l’inhibition de l’interaction entre deux partenaires protéiques en présence d’un intracorps à l’aide d’ un test rapporteur basé sur le double hybride de levure258.

Bactéries :

Pellis et al adaptent la technologie IACT dans les bactéries et s’en servent pour cribler des intracorps de format VHH contre l’intégrase du virus HIV-1. Pour cela, les VHH ont été fusionnés répresseur lambda de l’opérateur du phage et cotransformés avec l’antigène fusionné à la sous unité  de la RNA polymérase. L’interaction antigène/anticorps recrute la machinerie transcriptionnelle sur l’opérateur lambda et permet l’activation de gènes de sélection. L’avantage majeur étant de pouvoir cribler des banques d’ADNc de plus grande taille que des banques immunes et de cibler des antigènes non immunogènes. Ils comparent de plus cette procédure au protocole classique de phage display. Les anticorps retenus par le crible bactérien possèdent paradoxalement des cystéines dans leur séquence, suggérant que pour ces anticorps, l’absence de ponts disulfures n’est pas préjudiciable à leur fonction259.

Barberis et al utilisent la complémentation de fragment protéique où une protéine rapportrice de l’interaction (la DHFR) est divisée en deux parties respectivement fusionnées à l’anticorps (scFv) et à sa cible260. L’interaction antigène anticorps restaurera l’activité enzymatique et les bactéries pourront

être sélectionnées sur un milieu complémenté en triméthoprime, un antibiotique inhibant la DHFR bactérienne. Cependant, les anticorps issus d’une banque synthétique identifiés par cette méthode se sont avérés de faible affinité. L’efficacité de cette méthode est dépendante de la longueur des linkers. L’équipe ayant développé la méthode ISELATE proposera aussi d’appliquer ce système pour identifier les interactions protéines/protéines (scFv/antigène) directement dans l’environnement réducteur du cytoplasme procaryote ; c’est la méthode FLI-TRAP pour Functional Ligand-binding Identification by Tat based Recognition of Associating Proteins261. Avec cette technique, les auteurs parviennent à

sélectionner des interactions de fortes affinités (1nM) nécessaires pour maintenir le complexe associé pendant le transport vers le périplasme. Cette méthode peut également être utilisée pour identifier des anticorps recombinants plus solubles ou plus affins262.

Remarquons de façon générale que ces méthodes en bactéries ne sont pas applicables à tous les antigènes (notamment si besoin d’identifier des modifications post-traductionnelles).

Cellules de mammifères :

Sur le même principe que le 3 yeast-SPLINT, l’équipe de Rabbitts développe un test d’inhibition d’interaction protéique en cellule CHO à l’aide d’un test rapporteur basé sur la luciférase263.

Pellis et al adaptent le test d’interaction protéine-protéine intracellulaire F2H pour la première fois à des intracorps déjà caractérisés antiGFP. Ce test est effectué en cellules mammifères BHK ou U2OS, car celles-ci présentent l’intégration stable de 200 à 1000 copies d’un plasmide portant 256 copies de l’opérateur Lac, créant ainsi une plateforme d’interaction nucléaire avec l’expression du répresseur LacI264. Kraiser crée un vecteur d’expression GFP-LacI-Ag et fusionne l’anticorps à une

autre protéine fluorescente (Figure 26). L’interaction antigène anticorps se traduit par la co-localisation de l’antigène et de l’anticorps sur la plateforme d’interaction nucléaire. L’inconvénient majeur de cette technique est la présence du bruit de fond important correspondant à la fluorescence des deux protéines, et pouvant empêcher la distinction de la liaison antigène anticorps265. La délocalisation dans

le noyau de l’interaction Antigène/Anticorps peut être également limitante.

Figure 26 : Principe du test F2H265. A : Le domaine LacI lié à l’antigène reconnaît sur le chromosome l’intégration des multiples copies de l’opérateur Lac. Cela se traduit par l’apparition d’un spot de fluorescence se détachant du bruit de fond non lié. B : Un VHH taggué par la RFP interagissant avec son antigène cible entraîne une concentration du signal RFP au niveau de l’opérateur LacI ce qui se traduit par une colocalisation des spots de fluorescence. A l’inverse, un VHH non spécifique de la cible présente un signal de fluorescence RFP diffus dans la cellule.