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Le développement des sondes de FRET (Forster Resonance Energy Transfer) dans le domaine des petites GTPases a eu lieu grâce à la découverte de variants de la GFP capables de réaliser un transfert d’énergie de type FRET et à la découverte des principaux effecteurs des RHO. Il intègre les contraintes liées à la technologie de FRET en elle-même mais également celles inhérentes à son sujet d’application, les protéines RHO.

Le FRET consiste au transfert d’énergie entre un fluorophore donneur et un fluorophore accepteur si ceux-ci se trouvent à proximité l’un de l’autre et si le spectre d’émission du premier recouvre partiellement le spectre d’absorption du second. Suite à l’excitation du fluorophore donneur par un photon d’une longueur d’onde appropriée, le fluorophore donneur émet un photon de longueur d’onde caractéristique mais transmet également une partie de son énergie au fluorophore accepteur qui, s’il se trouve à proximité et correctement orienté, rentre en résonnance et s’excite à son tour. Dès lors, il y a émission par le fluorophore accepteur d’un photon de fluorescence. L’efficacité du transfert d’énergie est régie par une loi mathématique qui dépasse le cadre de cette introduction mais dont nous retiendrons seulement les paramètres contraignants (outre le rendement quantique du donneur et le coefficient d’extinction de l’accepteur, généralement optimaux dans les fluorophores choisis) :

 la distance séparant les deux fluorophores doit être inférieure à 80 Å

 l’orientation relative du donneur et de l’accepteur (parallèle l’un à l’autre pour une efficacité maximale de transfert)183.

Or, dans les cellules en culture, les contributions respectives de la distance séparant les deux fluorophores et de l’orientation des deux dipôles ne sont pas analysables séparément. Ce qui conduit à l’élaboration empirique des sondes de FRET par variation de la taille des linkers et de l’orientation des fluorophores et donc à un travail important de mise au point.

L’étude des RHO rend le développement des biosenseurs de FRET quelque peu plus compliqué. Contrairement aux protéines RAS, dont l’activation peut représenter jusqu’à près de 40% de la quantité totale de protéine, les RHO ne sont que faiblement activées, au maximum à 10%. Contrairement aux protéines RAS situées constitutivement à la membrane, les protéines RHO sont liées aux GDI dans un pool cellulaire cytoplasmique inactif. Ce qui a pour contrainte d’avoir à détecter de faibles signaux d’activation dans un fort bruit de fond66.

Différentes sondes de FRET ont été imaginées et nous nous restreindrons à celles appliquées à la sous-famille RHOA (Figure 18). Cependant, elles reposent toutes sur le même principe : l’activation de la protéine cible conduit à un changement d’efficacité du transfert d’énergie en altérant la distance et/ou l’orientation des fluorophores. Ce changement d’efficacité est mesuré par une augmentation ou une diminution du ratio entre le signal de fluorescence émis par le fluorophore accepteur et le fluorophore donneur.

Nous retiendrons des premières approches sur RAC et CDC42 leurs enseignements. Initialement en effet, les premiers biosenseurs de FRET appliqués à RAC étaient sous format bimoléculaire, c’est à dire sur que le FRET s’effectuait entre deux protéines physiquement séparées. Cette méthode est aussi connue sous le terme de FLAIR pour Fluorescence Activation Indicator for RHO proteins. Le domaine de liaison de PAK était couplé à un fluorochrome tandis que RAC1 était

couplé à la GFP184 (Figure 18). En dépit de la spécificité du signal mesuré (le FRET proprement dit

n’ayant lieu que si les deux protéines marquées interagissent), leurs localisations et leurs taux d’expressions intracellulaires différents rendaient la quantification du signal FRET difficile, ne révélant que les localisations où RAC1 s’accumule. Ces constructions s’avéraient incapables de détecter de faibles changements d’activité185. En effet la quantification d’un signal FRET n’est

envisageable que si les deux fluorophores sont distribués de façon similaire dans la cellule et si leur abondance relative est stœchiométriquement fixe. D’autre part selon cette conception des sondes de FRET, il est important de nuancer que le biosenseur révèle non pas l’activation per se de la protéine mais plutôt l’exposition d’un domaine protéique d’interaction. En effet le biosenseur rentre en compétition directe avec les ligands naturels de la protéine et peut alors ne pas arriver à la détecter, surtout si la protéine appartient à de larges complexes moléculaires185. Nuance importante car elle a

permis de poser l’hypothèse de la régulation par les intégrines de la libération de RAC1 de son complexe formé avec les GDI dans un modèle de cellules en migration 185,184.

Afin de faciliter la quantification des signaux de FRET, la conception de sondes unimoléculaires a été privilégiée (Figure 18). En 2003, l’équipe de Matsuda rapporte le développement de deux sondes appliquées à l’étude de RHOA dans la division cellulaire : la sonde Raichu-RBD et la sonde Raichu-RHOA (Raichu par analogie à la sonde précédemment développée pour Ras, Ras and interacting protein chimeric unit)186. La sonde Raichu-RBD comprend le RBD flanqué de part et

d’autre de la CFP (Cyan Fluorescent Protein) et de l’YFP (Yellow Fluorescent Protein). Sa conception est basée sur l’observation d’un changement de conformation au sein du RBD au moment de sa liaison avec RHOA-GTP. Ce changement se traduit au niveau de la sonde par une perte du signal FRET. Elle permet ainsi de suivre indirectement l’activité des RHOGDI mais reste insuffisante pour étudier précisément l’une des trois GTPases par le manque de sélectivité du RBD.

C’est pourquoi la conception de sondes unimoléculaires comprenant la protéine cible et son domaine d’interaction flanqué de part et d’autre par les deux variants de GFP entre lesquels se fera le FRET a été privilégiée. Quand les deux partenaires protéiques interagissent, alors les fluorophores se rapprochent et/ou se réorientent. Cette sonde devant mimer exactement le comportement de la protéine endogène dans son contexte intracellulaire, sa validation s’avère laborieuse. Il convient en effet de déterminer :

 l’expression en dessous de laquelle les fonctions cellulaires ne sont pas modifiées,  mais également celle permettant d’obtenir un signal de FRET suffisamment au-dessus

du bruit de fond,

 les ligands avec lesquels la sonde rentre en compétition, ceux par lesquels elle peut être régulée,

 si la localisation de la sonde de FRET est superposable à celle de la protéine endogène187.

Alors, avec une calibration adéquate, il est possible de relier le changement d’efficacité du FRET mesuré à la quantité de protéine activée188. Le recours à un système inductible permettant de

mieux contrôler l’expression du biosenseur peut s’avérer nécessaire, car sa trop forte expression conduit à la saturation des RHOGDI donc à l’activation permanente de la construction à la membrane et à l’observation finale d’un ratio d’activation faible, de façon erronée187.

Dans la sonde Raichu-RHOA, le RBD de la PKN et RHOA sont reliés directement par un linker et flanqués de part et d’autre par les fluorophores donneurs et accepteurs. Après avoir testé plusieurs domaines effecteurs, leur choix s’est porté sur celui de la PKN permettant d’obtenir la sonde la plus sensible possible quant au changement d’activité de RHOA. Dans ce schéma conceptuel, la séquence d’adressage à la membrane plasmique doit être rajoutée sur les fluorophores, entrainant la translocation permanente du biosenseur à la membrane plasmique et l’empêchant d’être régulé par les GDIs. Si cette sonde s’avère utile pour mesurer les changements d’activation de RHOA à la membrane suite à l’action de GEFs ou de GAPs, elle ne peut en revanche suivre la navette cytosol / membrane. C’est pourquoi Pertz et al. ont imaginé une autre sonde, changeant l’organisation des protéines. Afin de conserver la partie C-terminale de RHOA intacte (celle-ci étant l’élément déterminant la localisation de la protéine), les fluorophores sont dès lors encadrés par la GTPase et son domaine effecteur, le RBD (de la Rhotekine). Avec cette sonde, ils ont été en mesure de révéler pour la première fois la localisation de l’activation de RHOA au front de migration de MEFs (Mouse Embryonic Fibroblasts)189.

Plus récemment la même équipe a développé un biosenseur pour visualiser l’activité de RHOC selon le même schéma mais en utilisant d’autres variants de la GFP190. Enfin, dernièrement, un

biosenseur de RHOB a été également développé et a permis de confirmer le rôle particulier de RHOB dans les cellules endothéliales étudiées77.

Il existe des alternatives à la technologie du FRET notamment lorsqu’une protéine ne peut être liée à la GFP ou à une molécule fluorescente sans perturber son activité. De même il existe des alternatives lorsque la liaison de la protéine à son domaine rapporteur d’activité n’induit pas un changement de position des fluorophores. Cette alternative repose notamment sur l’utilisation de molécules fluorescentes solvatochromiques. L’intensité ou la longueur d’onde de fluorescence de ces molécules varient selon la polarité du solvant ou l’établissement de liaisons hydrogènes. Cette propriété a été appliquée avec succès sur le domaine CRIB de WASP, permettant de détecter de façon très sensible l’activation de la protéine CDC42 endogène (Figure 18)191. Ce concept permet

avantageusement de déterminer simultanément l’activité de plusieurs protéines endogènes en utilisant des molécules qui fluorescent à différentes longueurs. Cependant, l’étape de marquage dirigé sur un

site spécifique est délicate, réalisée in vitro et la construction doit ensuite être microinjectée dans les cellules.

Les biosenseurs de FRET appliqués aux GTPases RHO ont véritablement révolutionné la manière d’étudier ces protéines et finalement permis d’appréhender le degré de complexité supplémentaire rajouté par leur étroite régulation spatiale et temporelle. Ainsi il est maintenant admis que les GTPases RHO sont activées en quelques dizaines de secondes dans des zones subcellulaires de quelques micromètres69. Leur activation simultanée en de multiples localisations suggère qu’elles

régulent différentes fonctions cellulaires et par-delà l’existence de complexes macromoléculaires de signalisation comprenant GEFs, GAPs, et effecteurs 66. Et Pertz de proposer un modèle basé sur la

dissection de ces modules de signalisation spatio-temporels pour mieux comprendre le rôle des RHO et de le complexifier encore en l’intégrant dans la réponse à différents stimuli cellulaires (engagement des intégrines, réponse au PDGF…)66. L’équipe de Hahn a été également en mesure d’appréhender la

coordination spatiotemporelle de ces trois protéines précédemment suggérée par les expériences de biochimie globale (RAC1 et RHOA seraient mutuellement inhibiteurs ; CDC42 peut activer RAC1). Les auteurs ont contourné la difficulté de visualiser au sein de la même cellule plusieurs biosenseurs de FRET (due à la nécessité de non chevauchement entre les spectres d’émission et d’excitation des différentes paires FRET) en étudiant séparément les trois biosenseurs et en rapportant leur activation par un traitement informatique de l’image à un évènement commun, la dynamique des protrusions cellulaires192. Ils ont ainsi mis en évidence l’existence de zones d’activation de RHOA mutuellement

Figure 18: Illustration des différentes constructions de biosenseurs de FRET d’après 66.A : Construction minimale du rapporteur d’interaction fusionné à la GFP utilisé par Benink182 B :

Construction bimoléculaire d’un biosenseur de FRET. Le domaine effecteur PAK fusionné au fluorophore Alexa546 est microinjecté dans des cellules exprimant de façon exogène RAC1 fusionné à la GFP. Le signal de FRET est plus sensible mais difficilement quantifiable par la distribution subcellulaire différente des deux partenaires. C, D, E : Construction de sondes unimoléculaires. La construction présentée en C empêche la régulation par les RHOGDI et restreint la construction à la membrane plasmique. C’est pourquoi la construction en E a été imaginée. En D : l’activation de la protéine endogène est visualisée par une diminution du signal FRET. Cette approche souffre toujours du manque de sélectivité des domaines d’interaction naturels des GTPases RHO. F : le domaine d’interaction est fusionné avec une molécule solvatochromique et lorsque celui-ci va interagir avec la GTPase, cela se traduira par une augmentation de fluorescence.

En conclusion de ce chapitre, nous retiendrons la quantité d’informations précieuses apportées par les biosenseurs de FRET sur la régulation intracellulaire de l’activité de petites GTPases. Cependant, au-delà de la simple observation de leur régulation, il convient maintenant d’identifier les partenaires moléculaires associés et pour cela d’utiliser des approches systématiques de screening en commençant les régulateurs du cycle que sont les GEFs, GAPs et GDI. Plus encore, connaître ce qui est à l’origine et ce qui régit l’activation spatiotemporelle de ces derniers permettra d’enrichir la compréhension des fonctions des petites GTPases. Les biosenseurs de FRET ne sont pas pour autant l’outil idéal :

 Leur conception pour chaque paire de GTPase/domaine effecteur est longue et laborieuse rendant difficile leur transposition à d’autres couples GTPase/partenaire.  Leur sensibilité est limitée, nécessitant des méthodes de détection adaptées et

performantes.

 De nombreuses calibrations sont nécessaires afin d’obtenir une relation entre le ratio FRET mesuré et la quantité de GTPases activées.

 L’établissement de lignées cellulaires stables peut être délicat en raison de la possibilité de recombinaison homologue entre les séquences très proches de la CFP et de l’YFP.

 Enfin le biosenseur est surexprimé dans la cellule, nécessitant de s’assurer de son comportement semblable à celui de la protéine endogène.

C’est pourquoi d’autres techniques permettant de révéler les interactions protéine-protéine in cellulo ont été étudiées. Elles reposent toutes sur la complémentation de deux parties, chacune greffée sur une des protéines cible de l’interaction, d’une même molécule dont la reconstitution par l’interaction des deux protéines étudiées génère un signal mesurable.