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En tant qu’intracorps, ils offrent à la communauté scientifique de nouvelles perspectives d’études des protéines en ouvrant le champ de la protéomique fonctionnelle, en :

 perturbant des interactions protéine-protéine dans l’environnement intracellulaire, jusqu’à présent inaccessibles pour les petites molécules pharmacologiques,

 révélant des interactions intracellulaires,

 ciblant des états conformationnels ou des modifications post-traductionnelles en lien direct avec la fonction des protéines,

 modulant l’activité des protéines,

 permettant de suivre la dynamique spatiotemporelle de leur antigène.

Visualisation de la dynamique spatiotemporelle d’une protéine

En 2006, Rothbauer et al font la première démonstration de l’utilisation des VHH en tant qu’intracorps pour suivre de façon spatiale et temporelle un antigène intracellulaire272. Cette approche

fait suite à celle employée en 2003 par Nizak et al et utilisant un scFv pour suivre la dynamique spatiotemporelle de la petite GTPase Rab6273. La construction développée consiste en la fusion entre

un VHH et une protéine fluorescente et prend le nom générique de chromobody. En premier lieu, les auteurs génèrent un anticorps antiGFP, le GFP4, qui, couplé à mRFP, leur permet de suivre des protéines étiquetée GFP pendant la phase S (GFP-PCNA) ou pendant la mitose (GFP-H2B). Par la suite, d’autres chromobodies leur permettent de cibler des protéines endogènes telles que la cytokératine ou la lamine. Plus récemment, la même équipe rapporte le développement d’un chromobody anti-vimentine qui met pour la première fois en évidence la dynamique de la protéine endogène 274. Des chromobodies de haute affinité (0,16 nM) anti capside du virus HIV permettant de

suivre en direct l’assemblage du virion à la membrane plasmique. Or, cela n’était pas possible auparavant sans modifier génétiquement le virus275.

Un autre exemple majeur des applications intracellulaires des VHHs est celui qui a permis de révéler pour la première fois dans des cellules de mammifères l’activation des GPCR aux endosomes276. L’utilisation du Nb80 déjà décrit auparavant, montre qu’en réponse à un agoniste,

l’activation des GPCR à la membrane plasmique est immédiatement suivie de celle dans le compartiment des endosomes précoces et que celle-ci contribue largement à la signalisation cellulaire d’aval (production d’AMPc).

Détection des interactions intracellulaires in cellulo

L’équipe de Rothbauer décline une autre application d’un anticorps antiGFP en développant le nanotrap : l’antiGFP, grâce à son affinité subnanomolaire pour sa cible, fusionné à une protéine

d’intérêt permet de déplacer efficacement celle-ci vers une localisation subcellulaire ectopique et définie par l’expression d’une autre protéine en fusion avec la GFP277.

Puis, l’antiGFP4 sera fusionné à l’opérateur LacI et exprimé dans les cellules BHK contenant l’opérateur LacO (cf. III.C.2.b) pour former une plateforme d’interaction protéine-protéine visualisable en microscopie. Les protéines partenaires de l’interaction à étudier sont respectivement fusionnées à la GFP et à la RFP. Lorsque les deux protéines partenaires interagissent alors il y colocalisation des signaux de fluorescence et concentration de ces signaux au niveau de la plateforme de l’opérateur LacO. Cet ingénieux système de détection d’interaction protéine-protéine in cellulo, dénommé F3H pour Fluorescent 3 hybrid, est employé pour tester des peptides perméants capables de dissocier l’interaction protéine-protéine p53/hdm2278.

Les intracorps antiGFP sont également à la base de systèmes sophistiqués permettant la modulation sélective au sein d’une population d’une activité cellulaire développés par l’équipe de Cepko (plateforme d’interaction moléculaire dépendante de la GFP et système split-recombinase dépendante de la GFP)279, 280. Ces deux systèmes ont pu être conçus grâce à l’existence de différents

intracorps, ciblant différents épitopes de la GFP pour être complémentaires, soulignant ainsi le potentiel tiré de la diversité des épitopes reconnus par les VHH.

Très récemment, il a été mis en évidence la possibilité de rendre l’expression de l’intracorps dépendante de l’expression de son antigène avec pour applications majeures la possibilité de rendre dépendante l’expression d’une protéine de fusion de la présence d’un antigène ou encore de détecter en direct l’expression d’un antigène à l’intérieur des cellules281. Pour cela les auteurs ont créé une

banque aléatoire issue de l’intracorps antiGFP et fusionné les mutants à la BFP. En se concentrant sur les mutants dont l’expression de la BFP est diminuée (absente) en présence de GFP, les auteurs ont pu identifier ainsi un set de mutations à l’origine de la déstabilisation antigène dépendante de l’intracorps. De façon fort intéressante, ces mutations se trouvent dans les FR et sont applicables à n’importe quel VHH.

Perturbation de la fonction d’une protéine

Plusieurs stratégies ont été imaginées pour perturber la fonction d’une protéine par des intracorps. Ceux-ci peuvent s’avérer intrinsèquement bloquants ou dans le cas contraire, peuvent être fonctionnalisés pour le devenir.

C’est ainsi que Caussinus et al proposent d’exploiter la voie de dégradation dépendante du protéasome pour dégrader sélectivement une protéine fusionnée à la GFP à l’aide de l’intracorps antiGFP4 lui-même fusionné à un domaine F-Box282. Ce nouveau type de knockdown protéique, ou

degradFP, utilisé chez la drosophile permet ainsi d’obtenir rapidement des phénotypes « perte de fonction » en évitant les phénomènes de compensation secondaires. Il permet en outre de suivre par vidéo-microscopie simultanément la dégradation protéique et le phénotype en résultant.

sélectivement la forme active de la protéine RHOB, obtenant ainsi un nouvel outil d’étude de cette petite GTPase (travail doctoral de Nicolas Béry, soumis pour publication, dont le manuscrit est présenté dans la partie résultat). De la sorte, il a pu être montré que la forme active de RHOB participe à l’acquisition du phénotype invasif et migratoire des cellules épithéliales bronchiques.

D’autres ont utilisé le domaine F-Box de -TrCP en fusion avec des VHH pour dégrader la neurotoxine botulinique, permettant de rendre les neurones résistants à l’infection et plus rapidement guéris après une infection283.

La littérature recense divers exemples d’intracorps bloquants. L’expression d’un VHH inhibiteur de d’une activité enzymatique de la voie de biosynthèse de l’amidon chez la pomme de terre en est l’exemple le plus pertinant284. A partir d’une banque naïve, les auteurs isolent une dizaine de

VHH capable in vitro de se lier à l’enzyme recombinante et seulement deux capables d’en inhiber l’activité enzymatique. In vivo, les VHH s’expriment et se maturent correctement et n’entraînent pas de dégradation de leur cible. L’expression des VHH inhibiteurs permet d’obtenir des phénotypes plus marqués qu’avec la stratégie d’interférence à l’ARN. Cet exemple illustre par conséquent la capacité des VHH à s’insérer au niveau du site actif des enzymes et à les inhiber, sans en perturber l’expression, démontrant ainsi tout le potentiel de ces nouveaux outils pour étudier véritablement la fonction d’une protéine. Depuis, d’autres intracorps bloquants ont été décrits : un VHH anti-BAX a permis d’identifier le rôle de cette protéine dans la mort des cellules neuronales par apoptose induite par le stress oxydatif285. Issu d’une banque naïve, son affinité n’est que de l’ordre du M. Une banque

naïve a été également utilisée pour isoler des anticorps anti HIF1a. La dimérisation de deux VHHs permet d’obtenir un intracorps de forte affinité dirigé contre le domaine de dégradation dépendant de l’oxygène. Dans les cellules, fusionnée à une séquence d’import nucléaire, cette construction inhibe la transcription dépendante du domaine NTAD (N-terminal Activation Domain) de HIF1a286. La

contribution de la Fascine et de la Cortactine pendant la formation d’invadopode a été élucidée par l’utilisation de deux intracorps bloquants de forte affinité (35 et 75 nM respectivement) dirigés contre chacune de ces protéines. L’anti-fascine se lie au niveau du site de liaison de l’actine, tandis que le VHH anti-Cortactine empêche son recrutement à la membrane plasmique par l’intermédiaire de son domaine SH3. Les auteurs démontrent ainsi que l’activité de la Fascine est nécessaire à la stabilisation des invadopodes et que le domaine SH3 de la Cortactine est largement impliqué dans la formation de ces structures 287. A noter que les auteurs développent également une stratégie de délocalisation de la

protéine en ajoutant un peptide à l’anticorps permettant son ancrage dans la membrane externe des mitochondries. Nous retiendrons particulièrement de ces deux approches la possibilité grâce aux intracorps de sélectivement cibler un domaine protéique particulier. Un intracorps capable de se lier à la CapG et inhibant son activité à l’extrémité + des filaments d’actine diminue de plus de 90% la formation de métastases pulmonaires dans un modèle de xénogreffe de cellules humaines cancéreuses mammaires. Il faut souligner ici l’importance de ces outils pour distinguer les fonctions de différentes protéines se liant à l’actine et pour lesquelles il n’existe pas d’inhibition sélective pharmacologique.

Ce papier montre également les différences dans les conclusions qui peuvent être tirées entre une approche au niveau protéique et une approche au niveau génétique288 et permet de révéler aussi cette

protéine comme cible potentielle au niveau pharmacologique.

Modulation de l’état conformationnel d’une protéine

La diversité des anticorps antiGFP obtenus par le groupe de Rothbauer l’a conduit à examiner leurs propriétés de liaison sur la GFP. Ils caractérisent des anticorps qui se lient à des épitopes différents sur la GFP (mis à profit par le groupe de Cepko) mais également des anticorps qui modulent la fluorescence de la GFP. Ils identifient ainsi un anticorps « enhancer » et un anticorps « minimizer », qui augmente et diminue respectivement la fluorescence de la GFP en induisant des réarrangements différents au niveau du chromophore. Cet effet est observable également au sein des cellules ce qui a été mis à profit pour apporter la preuve de principe de la détection d’événement tels que la relocalisation subcellulaire289. D’autres rapportent également des anticorps capables d’activer ou

d’inhiber in cellulo l’activité de la PKC290. Enfin, nous terminerons notre exposé sur les propriétés

allostériques des VHH par les travaux effectués sur les RCPG. L’utilisation conjointe du Nb80 et d’un autre anticorps, le Nb60 (inhibiteur allostérique du récepteur 2 adrénergique) a permis récemment de mettre en évidence la dynamique de réponse des RCPG suite à une activation et a conduit les auteurs à proposer un nouveau modèle d’activation de ces récepteurs291.

Ainsi les exemples tirés de l’étude des VHH antiGFP ou dirigés contre le récepteur 2 adrénergique illustrent parfaitement toutes les connaissances fondamentales qui peuvent être obtenues par l’utilisation des VHH en tant qu’intracorps. Ils montrent par conséquent en quoi cette stratégie semble adaptée pour l’étude des protéines RHO.

Les récents développements de la RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) cellulaire permettent de faire le lien entre la biologie structurale et la biologie cellulaire en étudiant la dynamique des conformations protéiques à l’intérieur de la cellule. Les VHHs sous format intracorps sont parfaitement complémentaires à cette nouvelle approche de façon extrêmement prometteuse231.

Les perspectives d’applications thérapeutiques des intracorps pourront être envisagées dès lors que la problématique posée par leur pénétration intracellulaire sera solutionnée. Or, à l’heure actuelle, ce point fait encore l’objet d’un champ de recherche à part entière292. Par exemple, dans un travail très

récemment publié, des nanoparticules de silice ont permis de libérer efficacement des chromobodies à l’intérieur des cellules293.

En conclusion de ce chapitre, nous aborderons brièvement les applications thérapeutiques actuelles ou envisageables grâce aux anticorps de format VHH. Les VHHs peuvent être administrés chez l’Homme, et certains sont déjà en phase d’étude clinique. Leurs applications médicales relèvent à la fois du diagnostic et de la thérapeutique. Leurs résultats sont vivement attendus pour considérer définitivement les VHH comme les fameuses « balles magiques » de l’immunothérapie.

En premier lieu, il convient de s’intéresser à leur tolérance. L’immunogénicité des VHHs est une question importante, mais aujourd’hui encore controversée294. Leurs propriétés

pharmacocinétiques sont de mieux en mieux connues et sont résumées dans la revue de Kijanka selon le classique ADME (Administration/Distribution/Métabolisation/Elimination)295. Elles sont

particulièrement à prendre en compte en cancérologie afin d’atteindre la tumeur le plus efficacement possible. Leur clairance rénale rapide en fait de bons candidats pour l’imagerie médicale : des VHHs anti HER2, EGFR ou V-CAM1 couplés à des isotopes radioactifs ont déjà été développés.

Les VHHs ont montré leur efficacité dans quatre grands domaines de pathologies : les pathologies infectieuses, les maladies auto-immunes, les maladies neurodégénératives et l’oncologie. Différents exemples peuvent à titre d’information se trouver dans diverses revues générales296,297. La

compagnie Ablynx recense sur son site les différents VHHs en étude clinique à ce jour :

http://www.ablynx.com/rd-portfolio/overview/.

Cette introduction a souligné les exigences associés à l’étude des protéines RHO dans une première partie, a montré que les outils d’étude disponibles à l’heure actuelle méritent d’être améliorés et complétés dans une deuxième partie, et a présenté dans une troisième partie les caractéristiques des anticorps à simple domaine issus des camélidés. Ce qui nous a conduit à développer une stratégie basée sur l’utilisation de ce format d’anticorps pour concevoir de nouveaux outils cellulaires adaptés à l’étude des protéines RHO.

OBJECTIFS

ET