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Les quatorze registres du receveur de la baronnie de Graçay font exception dans la documentation comptable de Jean de Berry. Ils constituent la seule série de comptes couvrant plusieurs décennies presque sans interruption982. L’étude de ces feuillets revèle les efforts consentis à l’entretien du domaine (grange, moulins, halles, etc.), mais également à la rénovation des deux résidences ducales : la tour de Graçay et l’hôtel de Genouilly. Cette terre appartenait au duc depuis 1371983. Deux ans plus tard, il la donna à sa première épouse puis la céda finalement, en 1392, en la réunissant au temporel de la Sainte-Chapelle de Bourges. Les chanoines n’en perçurent les revenus qu’à partir de 1405, date de la consécration de l’édifice.

Le duc et la duchesse, qui possédait des vignes dans les environs de Vierzon984, avaient l’habitude de séjourner dans l’hôtel de Genouilly985. Même si celui-ci était la propriété de la duchesse depuis 1373, il restait l’une des résidences rurales les plus fréquentées par le duc au début de son principat (17 fois en 1375, 4 fois en 1376, 3

979

Arch. dép., Cher, C 787 et Arch. nat., R1 398, dossier n°8.

980

Arch. nat., R1 398.

981

M. Gilbert dans ses mémoires note la date de 1812 (Gauchery Robert, « Le château de Mehun-sur- Yèvre…, p. 339).

982

Arch. dép., Cher, 8G 2119-2132 (années 1372-1379 ; 1389-1401 ; 1404-1416).

983

Michaud-Fréjaville Françoise, « Enchères et enchérisseurs à Graçay…, p. 15-39.

984

Autrand Françoise, op. cit., p. 257.

985

On sait également que la duchesse Jeanne d’Armagnac séjourna dans un hôtel dit « de la Belle- fiolle » pour une neuvaine.

fois en 1377, une fois septembre 1391, en septembre 1398 et en novembre 1403). Sa proximité avec Mehun-sur-Yèvre en faisait pour le duc un lieu de détente idéal pour la pratique de la chasse986 ou pour profiter du cadre champêtre. Lors de la réunion de la terre de Graçay au temporel de la Sainte-Chapelle de Bourges, Jean de Berry entendit conserver cet endroit puis finalement abandonna ses droits sur l’hôtel tout en se gardant la possibilité d’y venir pour chasser987.

Dominant une cour fermée de plus de 200m²988, l’hôtel contenait une grande salle, au moins cinq chambres et une chapelle Saint-Silvain que desservait le curé de la paroisse contre une rente de 22 setiers de seigle par an. Outre les cuisines, la résidence comptait un logement pour le sommelier989. L’entretien de l’hôtel était assuré par des marchés attribués par les officiers domaniaux à des ouvriers locaux. En 1372, on employa trois milliers « d’essil » (bardeaux) pour couvrir la noue de l’hôtel de Genouilly990. En 1375, on bouchait les fenêtres de la chapelle avec six « chartoynes » (toile)991. La même année, pour la venue du prince, on nettoya l’hôtel992 et on aménagea les cinq chambres. Pour l’occasion, on installa deux chambres aisées, des huis, des gonds, des fenêtres (au nombre de trente), des tréteaux, on remit le puits en fonction et on aménagea le « cloître » que l’on peut comprendre par la cour. En 1376, on maçonnait les fenêtres de la chapelle et de la chambre du duc. Le verrier Pierre Lalement et deux valets installèrent les verrières de la chapelle et des chambres993. En 1378, on posa des cloisons de genêt dans la chambre du duc994. Ces travaux restaient somme toute modestes, mais ils avaient été rendus nécessaire par la vétusté des lieux : en 1397, pour couvrir l’hôtel, on prépara un échafaudage de 12 mètres de long et on reprit des chevrons fendus qui étaient tombés dans la chambre du duc.

Il semble bien que le principal attrait de la résidence était celui d’un retrait champêtre qui séduisait autant le duc que la duchesse. A Genouilly, Jean de Berry

986

Arch. dép., 8 G 2123, fol. 58v°. Le 24 septembre 1398, le duc ordonne la construction du logis de ses chiens de chasse, cheval et lévriers (le bois nécessaire provient d’une démolition d’une maison des environs). Le 13 janvier 1378, on travaille à la garenne de Graçay (Ibid., 8 G 2119, fol. 223v°).

987

Gandilhon Alfred (de), « Les terres de Vatan et de Graçay, et Jean de France, duc de Berry (1370- 1405), Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, t. 30, 1907, p. 55-86.

988

Ibid., p. 75 (104 toises carrées).

989

En mai 1399, Mme de Maupas y est logée (Arch. dép., 8G 2123, fol. 58).

990

Arch. dép. 8 G 2119, fol. 36 et sq.

991

Gandilhon Alfred (de), op. cit., p. 76.

992

Arch. dép. 8 G 2119, fol. 127.

993

Arch. dép. 8 G 2119, fol. 155v°.

994

venait se détendre et profiter du jeu paume995 et de son chenil. L’élément le plus remarquable, ne se trouvait pas dans la demeure mais dans le jardin où Jean de Berry commanda en 1376 un étrange ouvrage de maçonnerie au pied d’un chêne996. Il s’agissait d’un« siège » ou « chaere du chaigne de Genouilly « , faite de pierre de Nohant (voir Carte 6), et dont la construction est consignée jusqu’à l’interruption de la série de comptes en 1379. Cet ouvrage était entouré d’un mur percé de fenêtres pourvues de volets. Une palissade et un treillis « d’espines » de 551 mètres protégeaient le jardin de l’hôtel997.

A l’automne 1397, la duchesse de Berry ordonna d’importants travaux à l’hôtel de Genouilly998. Cette tranche de travaux revêtait ici un caractère plus ambitieux. Elle consistait à faire rénover la résidence avant la venue du prince l’été suivant. D’ailleurs, l’empressement se traduit par les nuitées qu’il fallut consentir durant le mois d’octobre. La conduite du chantier et la direction des équipes de charpentiers et de couvreurs étaient supervisées en personne par Jean Guérart, lieutenant de Drouet de Dampmartin. On allait à Mehun-sur-Yèvre se procurer les matériaux ou la main d’œuvre nécessaire999. Il est également question d’ameublement dans ces feuillets et ce point mérite d’être souligné car ce genre de mention est assez rare dans la comptabilité de chantier. Le huchier Jean de Laon réalisa de nombreux ouvrages : bancs, sièges d’aisances, tables, tréteaux, un buffet, mais aussi des portes, fenêtres, un escalier du pavillon et des cloisons1000. Il est encore question de la grande salle du côté vers les chambres et les gardes robes, de la chambre de Madame de Montpensier et de Madame de Mongascon, d’un banc à prêche de 12 pieds de long, des tresses à mettre devant les chaises. On livra deux « sarreuses » (serrures) à ressorts, il est question d’une garde robe devant la grande salle. Ces trois mois de chantier doublèrent les charges de la baronnie sans pour autant qu’il eût été concédé des recettes supplémentaires (voir Graphique 22). Bien évidemment les ressources

995

Le 16 septembre 1398, un commis vint de Genouilly à Bourges pour « querir des esteux (balles pour le jeu de paume) pour jouer » (Lehoux Françoise, Jean de France, duc de Berri…, t. II, p. 395, note 10).

996

Gandilhon Alfred (de), op. cit., p. 73-74.

997

Année 1395 (Arch. dép. 8 G 2121, fol. 65v°).

998

Arch. dép. Cher, 8 G 2122, fol 64-82v°.

999

En 1374, on prit deux jours pour aller chercher 8 milliers de clous à lattes à Mehun-sur- Yèvre et 2 milliers et demi à Romorantin pour la chambre du portail de Graçay (Arch. dép., Cher, 8G 2119, fol. 95v°). En 1389, deux scieurs de Mehun-sur-Yèvre font le déplacement pour scier 4 cents et demi de plancher à Graçay (Ibid., 2120, fol. 46).

1000

Entre le premier et le 13 octobre, on compte 22 occurrences de son nom (Arch. dép., Cher, 8G 2122, fol. 69v°-74v°).

locales se montraient insuffisantes dès lors qu’il fallait financer de tels travaux. Trois ans plus tard, les comptes indiquent encore que 176 £ furent consacrées pour la réparation de l’hôtel mais sans en préciser le détail1001.

Le couple ducal possédait encore d’autres résidences dans la baronnie : un hôtel à Bellefiole situé aux abords de Vierzon et dont nous savons peu de choses1002 et une tour à Graçay (voir p 219).