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Aucune autre chronologie des chantiers de Jean de Berry n’est autant retranscrite dans le détail grâce aux comptes de construction que celle du château de Poitiers (193 feuillets sur les 287 conservés). Paradoxalement, la place de cette résidence reste somme toute très modeste dans l’itinéraire de Jean de Berry. A la lumière des sources iconographiques, force est de constater que les travaux de Jean de Berry n’ont donné à la forteresse d’Alphonse de Poitiers ni l’élégance ni la richesse décorative du château de Mehun-sur-Yèvre. Le prince ne connut au château de Poitiers aucun des grands événements semblables à ceux qui marquèrent l’histoire de l’hôtel de Nesle à Paris ou du château de Mehun-sur-Yèvre. Aucune chronique ne vante les embellissements du duc à Poitiers comme le fit Jean Froissart à Bourges ou Mehun-sur-Yèvre. Mis à part un court passage de Louis d’Orléans1003, aucun prince n’y fut reçu1004. Enfin, contrairement à Paris, Dourdan, Bourges et Mehun-sur-Yèvre, Jean de Berry ne conservait pas de pièces d’orfèvrerie ni de livres précieux au château de Poitiers1005. Seule la duchesse Jeanne de Boulogne, qui ne suivait pas son époux dans ses pérégrinations, partageait son temps entre le château de Mehun-sur- Yèvre et celui de Poitiers1006.

1001

Arch. dép., Cher, 8 G 2129, fol. 79v° (1410-1411).

1002

« Pour apparilher le logiez de Belle Fiolle » où madame la duchesse « cuida fere sa novaynne… », janvier 1374 (Lehoux Françoise, op. cit., t. I, p. 321, note 3).

1003

Louis d’Orléans soupe et couche le 3 octobre 1406 au château. Pour l’événement les Poitevins avaient reçu une lanterne d’argent qu’ils devaient pendre à leur fenêtre et qu’ils devaient laisser luire durant la nuit (Arch. mun., Poitiers, ms 391, fol. 85v°). D’après l’itinéraire de Françoise Lehoux, Jean de Berry n’était pas à Poitiers à ce moment.

1004

Philippe le Hardi, pourtant hôte régulier de Jean de Berry à Paris, à Bicêtre, à la Grange-aux- Merciers, à Bourges et en Auvergne, ne vit jamais le château de Poitiers (Petit Ernest, op. cit.).

1005

Guiffrey Jules, Inventaires de Jean duc de Berry...

1006

Lehoux Françoise, op. cit., t. II, p. 440 et note n° 1. Le 7 septembre 1400, le duc quitta Mehun- sur-Yèvre pour s’installer à Poitiers en compagnie de la duchesse et de sa belle fille. Jean de Berry

La manne documentaire que représentent les comptes de chantiers (1382-1388), n’éclaire pourtant pas toutes les interrogations que suscite une telle construction et montre, par là même, les limites de ce type de sources. Par exemple, la comptabilité de chantier n’explique en rien les choix architecturaux ou artistiques du maître d’ouvrage. En revanche, ces 193 feuillets de comptabilité fournissent une chronologie très fine et vivante de la rénovation d’un château à la fin du Moyen Age. On devine également à travers cette source, toutes les difficultés d’organisation, de logistique, mais aussi les hésitations de parti que ne manquèrent pas de causer les visites du prince.

La ville, le château et le duc de Berry

Le système défensif de la ville de Poitiers

Le château de Poitiers fermait l’angle nord-ouest de l’enceinte de Poitiers (voir Carte 14). Il était situé dans la paroisse Saint-Jean de Montierneuf sur un terrain marécageux limité par le Clain et la Boivre1007. Il contrôlait la voie terrestre partant de la porte de Saint-Ladre ainsi que celle partant du pont Joubert et qui menaient toutes deux à Châtellerault (route de Paris)1008. Selon le plan dressé par Adolphe Pesme en 1857, le dispositif défensif constitué par la porte Saint-Ladre et le château était situé sur une bande de terre isolée par plusieurs bras de la Boivre (voir Plan 9)1009. La configuration du terrain imprima au château son plan triangulaire de 60 mètres de côté. La célèbre représentation de Poitiers par François Nautré montre que le château était en outre protégé par des douves et par un mur du côté de la ville (voir Figure 55). Contrairement à beaucoup de communes qui s’en emparèrent durant la seconde moitié du XIVe siècle, la charge des fortifications, l’organisation du guet et reste à Poitiers pour les fêtes de la Toussaint, de la Noël et des Etrennes. Après le départ du duc, la duchesse demeure à Poitiers comme l’attestent des dépenses de messagers entre Paris et Poitiers au début de l’année 1401 (Arch. nat., KK 254, fol. 98v° et 99).

1007

Favreau Robert, La ville de Poitiers…, p. 40-41. Cette bande de terre est aménagée en étang dès le milieu du XIe siècle (Ibid., p. 43).

1008

L’ancien axe nord rejoint Châtellerault depuis la porte du Pont Joubert en empruntant la rive droite du Clain. Cette voie devint secondaire lorsqu’une nouvelle route fut aménagée sur la rive gauche du Clain. Elle partait de la porte Saint-Ladre et franchit la Vienne à Châtellerault. En 1468, cet axe fut pavé sur 500 toises (Favreau Robert, op. cit., p. 14 et 72).

1009

Pesme Adolphe-Stanislas, « Etude sur l’ancienne enceinte de Poitiers de 1569 », Bulletin de la

l’entretien des milices incombaient à la ville de Poitiers dès le XIIIe siècle. Les premières mentions du château remontent quant à elles au principat d’Alphonse de Poitiers1010. En dépit des efforts de la ville, le dispositif défensif de Poitiers s’avéra insuffisant et, dans les premiers temps de la guerre de Cent Ans, la ville se révéla moins bien protégée que Niort ou que Lusignan1011. En 1346, les défenses de la ville se montrèrent incapables de protéger les Poitevins contre les troupes du comte de Derby. Poitiers fut prise en 24 heures par les troupes Anglaises qui pillèrent la ville et incendièrent le château1012. En 1356, une expertise menée au château à l’instigation du sénéchal préconisa d’équiper les tours de hourdis1013. En 1360, conformément au traité de Brétigny, le Poitou et sa capitale furent remis aux Anglais. L’administration de Jean Chandos, officier d’Edouard III, n’a pas laissé mention de travaux concernant le château durant les douze années que dura la domination anglaise sur le comté.

Après 1372 et la reconquête de la ville par Jean de Berry et Bertrand Du Guesclin, la commune de Poitiers engagea la reconstruction de son système de défense à la faveur d’une longue période de trêve et grâce aux financements octroyés par le duc1014. Durant les quarante années que dura son principat, la ville renforça l’enceinte, rehaussa des tours, édifia de nouvelles portions de mur crénelé, aménagea des chemins de ronde, démolit des maisons et des moulins attenants à l’enceinte, et

1010

En 1244, on dépense 14 £ pour un appentis dans le château. En 1245, le château était muni de neuf balistes. On mentionne des travaux aux ponts et à la couverture des tours. En 1257, deux nouveaux ponts étaient en travaux et trois tours furent couvertes (Favreau Robert, op. cit., p. 117, note n° 508). On rencontre également mention de travaux concernant le château dans les comptes d’Olivier de Briançon, sénéchal du Poitou finissant à l’Ascension 1290 (travaux de couverture et de maçonnerie) de même que dans les comptes de son successeur, Jean de Saint-Denis, finissant à l’Ascension 1294 (Béranger Henri de, « Documents financiers sur la sénéchaussée de Poitou aux XIIIe et XIVe siècles », Archives Historiques du Poitou, t. LII, 1942, p. 187).

1011

Favreau Robert, op. cit., p. 117.

1012

Poitiers est prise en 24 heures (Ibid., p. 191)

1013

Lehoux Françoise, op. cit., t. I, p. 62, note n° 8. BnF, PO 1346, dossier Goillons n° 30535, n°4 (31 mai 1356) : en cas de siège, le château « ne se pouroit tenir si les tours d’icellui chastel n’estoient gailaudees et ordees » (voir Texte 1).

1014

Favreau Robert, op. cit., p. 241, note n° 642. Le duc autorisa la ville à prélever en moyenne 500 £ sur les impôts levés à Poitiers. Le duc de Berry était également occupé à la mise en défense des forteresses voisines : le 13 juillet 1373, le duc ordonne le versement de 2000 francs pour les frais de la bastille devant le château de Gençay (Redet Louis, Inventaire des archives de la ville de Poitiers,

partie antérieure à 1790, dressé en 1843, Poitiers, Société des Antiquaires de l’Ouest, 1883, p. 67,

table chronologique des titres disparus, CXVII, n°6). Les Archives municipales de Poitiers gardent en partie les concessions faites par le duc pour la remise en état des fortifications : 1392 (Arch. mun., Poitiers, carton 21 H, n°9),1393 (Ibid., 21 H, n°10), 1395-1396 (Ibid., 21 H, n°12), 1396 (Ibid., 19 G, n°1), 1398 (Ibid., 19 G, n°5), 1406-1407 (Ibid., 21H, n°17).

creusa des douves1015. Le site du château était concerné. Durant les années 1395- 1398, on bâtit un mur entre le château et la Porte de Rochereuil et on approfondit la douve entre le château et la porte de Saint-Ladre1016. Dix ans plus tard, on engagea des travaux de maçonnerie à la tour de l’œuf (voir Plan 9, n°3) et des travaux entre la porte Saint-Ladre et le château1017. Ces travaux, menés jusqu’à la fin de la guerre de Cent Ans, dotèrent Poitiers d’un puissant rempart comprenant entre soixante et quatre-vingt tours ainsi que six portes fortifiées dont cinq étaient munies de grands portails et de pont-levis1018.

Les séjours de Jean de Berry au château de Poitiers

De 1372 à 1378, Jean de Berry résida régulièrement à Poitiers (voir Graphique 5). Le château n’avait pour lors hébergé que les châtelains et des garnisons, mais le jeune duc s’en accommodait fort bien1019. Pour autant, il est probable que la vétusté du château conduisit rapidement le duc à rechercher un autre logis en ville. En mars 1375, le duc de Berry reçut de la vaisselle d’argent dans le « pavillon de la tour » de son hôtel à Poitiers1020 qu’aucune autre information ne permet de localiser.

Jean de Berry logeait de nouveau dans son château en novembre 1382. Il y revint durant l’hiver 1384-1385. A partir du mois de février 1387, les séjours devinrent réguliers. Ces trois périodes, complétées par les comptes de construction, permettent de jalonner et de comprendre la transformation de l’ancien château du XIIIe siècle en une somptueuse résidence.

1015

Favreau Robert, op. cit., p. 241. Les murs sont faits de pierres de Chardonchamp. Leur épaisseur variait entre 1,80 et 2,20 mètres et leur hauteur est d’environ 6 mètres. Le 26 juin 1390, le duc ordonne que chaque année il sera payé sur le produit du barrage 80 £ au chapitre Saint-Pierre-le-Grand de Poitiers jusqu’à ce qu’on eût rétabli ses moulins ruinés par suite des ouvrages de fortification (Lehoux Françoise, op. cit., t. II, p. 262, note n° 4).

1016

Arch. mun., Poitiers, carton 25 J, n°68-70 et n°71 et 73 et Ibid., carton 26 J, n°82-99 et 121-150.

1017

Ibid., carton 28 J, n° 435-515, années 1407-1408 (d’après Redet Louis, op. cit.).

1018

Favreau Robert, op. cit., p. 321-322.

1019

Lehoux Françoise, op. cit., t. I, p. 394. Le 22 avril 1374, le duc se reposa une semaine durant dans son château de Poitiers.

1020

Novembre 1382, la transformation du vieux château

Au début de la décennie 1380, le duc était au faîte de sa puissance et jouissait d'importants subsides lui permettant de maintenir l'ordre en Languedoc. Alors qu’il se préparait à gagner la Flandre pour rejoindre l'armée royale avant la bataille de Roosebeke, Jean de Berry prit le temps d’une halte à Poitiers (novembre 1382) pour marquer son intention de faire rénover le château1021. Le 6 novembre, il engagea durant seize mois le huchier Jean Brunet afin d’entreprendre le lambrissage de la salle à parer et de la salle de retrait1022. Ces deux salles, situées dans la partie méridionale du corps de logis furent donc les premières du château concernées par la rénovation. Deux jours plus tard (le 8 novembre), l’importance des travaux à venir conduisit Jean de Berry à nommer un payeur des œuvres du chantier en la personne d’Etienne Gervais, un chanoine de l’église collégiale Sainte-Radegonde de Poitiers1023.

Hiver 1384-1385, de nouvelles ambitions

Du 29 novembre 1384 au 23 janvier 1385, Jean de Berry revint pour la première fois depuis le début des travaux1024. Il découvrait l’avancement de la chambre de retrait et de la chambre à parer. Pour le reste, c’est dans un château en grande partie inhabitable que le duc et ses proches entendaient séjourner1025. Toutes les salles du corps de logis étaient en chantier. L’anxiété provoquée par l’approche de la venue de la cour ducale est palpable jusque dans les comptes d’Etienne Gervais. Ainsi, on livra des chandelles pour faire travailler les ouvriers de nuit. La semaine du 7 novembre, on compte 19 nuitées, la semaine suivante 81 et encore 82 la semaine d’après (voir Graphique 14). Certains ouvrages de taille de pierre et de maçonnerie, qui étaient destinés à être baillés en tâche mais qui n’avaient pas encore trouvé preneur jusqu’à

1021

Lehoux Françoise, op. cit., t. II, p. 71.

1022

BnF, ms fr. 20686, fol. 18v°. Jean Brunet est le seul ouvrier à être gagé au même titre que les maîtres d’œuvre ou que le payeur des œuvres.

1023

BnF, ms fr. 20686, fol. 13-13v°. Les gages d’Etienne Gervais sont de 20 £ t. par an.

1024

Lehoux Françoise, op. cit., t. III (itinéraire).

1025

Le prince était accompagné entre autres de son cousin, le comte d’Etampes. Une chambre lui est préparée au premier étage (Arch. nat., KK 256, fol. 28). La duchesse et la fille du duc (Bonne de Berry) sont logées quant à elles chez les Cordeliers (Ibid., fol. 10v° et 13).

présent, furent finalement dirigés en régie par Jean Guérart1026 ce qui occasionna une forte augmentation des effectifs. Dès la semaine du 7 novembre, on passa de 16 à 27 journées de maçons et tailleurs de pierre, à 66 journées la semaine du 11, puis à 94 journées la semaine du 21 (voir Tableau 14).

L’arrivée de la cour ducale exigea des travaux d’appoint. La charpente du galetas fut réparée et les gouttières posées1027. Faute d’aménagements de confort, on se contenta d’expédients. Des huis légers furent posés dans les chambres1028. Les livraisons de carreaux pour le pavement des chambres avaient déjà commencé avant le mois d’octobre1029, mais les premières mentions de travaux de pavement ne débutèrent qu’en septembre 1386. En conséquence, puisque le duc « vient bien bref soy logier ou dit chastel », on étendit de la terre battue dans les chambres basses, dans la grande salle et dans la chapelle1030. On enduisit les « maisons neuves »1031. A défaut de verrière, on posa sur les châssis des toiles cirées tendues à la chaleur1032. Enfin, les latrines n’étant pas encore bâties, on recouvrit trois sièges d’aisance, l’un près de la chambre de retrait, un autre près de la chambre du comte d’Etampes (chambre basse sous la chambre à parer), et un dernier dans la chambre basse sous la chapelle1033. On prit soin néanmoins de protéger par des serrures la chambre de retrait, la chapelle et son oratoire. Pour les chambres basses on se contenta de serrures de remploi1034.

A Poitiers, les lieutenants de Guy de Dampmartin avaient reçu l’ordre de rendre opérationnelles toutes les installations nécessaires à la conduite des travaux et de les combiner avec la programmation des travaux de la tour Maubergeon. Le jour même de son arrivée à Poitiers, Jean de Berry était rejoint par Guy de Dampmartin qui

1026

Arch. nat., KK 256, fol. 16 et 19v°.

1027

Arch. nat., KK 256, fol. 21 et 26v°.

1028

Arch., nat., KK 256, fol. 8, 10v° et 28.

1029

Semaine du 3 octobre : un millier de carreaux pour les chambres neuves (Arch. nat., KK 256, fol. 5v°). Semaine du 24 octobre : 4 milliers de pavements (Ibid., fol. 12v°). Semaine du 2 novembre : 2 cents de carreaux (Ibid., fol. 19). Semaine du 21 novembre : 18 cents de carreaux doubles pour le plancher de la chambre à parer et pour les autres chambres (Ibid., fol. 27v°), etc.

1030

Arch. nat., KK 256, fol. 12v° et 21v°.

1031

Arch. nat., KK 256, fol. 16.

1032

Le 15 novembre 1384, un marché est contracté avec le verrier Henri l’ancien pour 158 pieds de verre destinés aux salles du corps de logis. La certification de l’ouvrage n’eut lieu que quatre ans plus tard (Arch. nat., KK 257a, fol. 38). Jean Guérart dut parer au plus pressé : « Autres ovrers es jornees de mon dit Seigneur pour tandre toile ciree en chassix pour ce que les verreieres n’estoient pas prestes », plus loin on note la livraison de trois solmes de charbon « neccessaires pour fere tandre les dictes toiles » (Arch. nat., KK 256, fol. 16v°).

1033

Arch. nat., KK 256, fol. 28.

1034

travaillait alors sur le chantier du château de Mehun-sur-Yèvre1035. Le duc et son général maître des œuvres visitèrent le chantier du château et apportèrent les dernières modifications au projet à venir. Ils découvrirent la chambre de retrait et la chambre à parer dont les lambris venaient d’être posés. Le duc assistait encore à l’achèvement de son bateau d’apparat dans les douves du château. Les travaux de grande salle, des galetas, de la chapelle et des galeries restaient encore à entreprendre. A la mi décembre, Jean de Berry visitait le chantier de la chapelle, il fit changer l’arc de la fenêtre qui lui déplaisait1036. La même semaine, le 17 décembre, il reçut en audience plusieurs officiers et entrepreneurs. Le prince augmenta les gages d’Etienne Gervais en raison de l’accroissement de travail dû aux nouveaux chantiers de la tour Maubergeon et du bateau1037. Le même jour, il accorda un don de 120 £ au maçon Guillaume Patrin qui avait pris l’ouvrage de la tour Saint-Ladre en tâche et qui se plaignait de ne pas avoir encore reçu d’avance alors qu’il avait fourni les matériaux1038. Dès le départ de la cour, à la fin du mois de janvier, les travaux reprenaient de plus bel.

Un prince dans son château (1387-1391), et la fin des travaux. A la fin de la décennie 1380, la fortune politique de Jean de Berry tournait. Tenu à l’écart des affaires du royaume par les conseillers du roi, le duc se replia sur son apanage. De 1387 à 1391, il séjourna régulièrement à Poitiers, notamment durant la Noël et les Etrennes 1389 et 13901039. Après 1392 et son retour au gouvernement, Jean de Berry continua néanmoins à séjourner dans son comté du Poitou : à l’automne 1393, à l’été 1396 et durant le printemps et l’été 13971040. La durée de ces séjours variaient entre une semaine et trois mois1041.

1035

Guy de Dampmartin fut défrayé de 54 £ pour les 54 jours qu’il passa hors du chantier de Mehun- sur-Yèvre. Cette somme fut décomptée des registres du payeur des œuvres berrichon Hugues Meschin (Arch. nat., KK 256, fol. 56).

1036

Arch. nat., KK 256, fol. 34.

1037

BnF, ms fr. 20686, fol. 13v° voir Texte 7. Les gages du payeur des œuvres passèrent de 20 à 50 £ par an. Le 17 décembre 1384, il recut 17£ 3 d. au prorata de ce qu’il a déjà effectué depuis le 8 février plus une gratification de 50 £ ordonnée par le duc (Arch. nat., KK 256, fol. 56 et 56v°).

1038

Arch. nat., KK 257a, fol. 39.

1039

30 septembre 1389 – 19 mars 1390 et 28 mai 1390 – 4 février 1391 (Lehoux Françoise, op. cit., t. III). L’itinéraire de l’année 1390 n’est étayé que par un très faible nombre d’actes.

1040

4 septembre- 11 décembre 1393 ; 1er juillet-8 septembre 1396 ; 19 mars-1er août 1397 (Ibid.).

1041

L’établissement de la chronologie des travaux de Jean de Berry à Poitiers après 1387 se heurte à l’interruption de la comptabilité d’Etienne Gervais. Pour autant la retraite subie par le prince dans ses domaines n’avait en rien mis un terme à ses projets. Jean de Berry désirait faire reconstruire le pignon sud de la grande salle du palais de Poitiers et équiper la ville d’un « gros horloge ». Cette nouvelle campagne de travaux était facilitée par l’achèvement des chantiers à Bourges et à Mehun-sur- Yèvre, qui permit le transfert à Poitiers d’un certain nombre d’ouvriers et d’artistes, parmi lesquels le général maître des œuvres Guy de Dampmartin.

Dans ce contexte, le gros œuvre et les aménagements du château arrivaient à leur terme. L’arrivée de la cour ducale en février 1387 n’exigea en effet que des travaux modestes : les sols, encore non pavés, doivent être nattés et la cour doit être « égalée ». Il restait néanmoins à engager des travaux de décoration certainement stimulés par la présence de Guy de Dampmartin et des sculpteurs qui contibuèrent au programme iconographique de la grande salle du palais ainsi que de la tour Maubergeon. En 1398, à la faveur d’un document judiciaire, nous savons que plusieurs équipes de peintres, dont une menée par Jacquemart de Hesdin, travaillaient au château1042. L’importance des ouvrages de peinture avait justifié le logement à Poitiers des peintres avec leur famille.

Le château en chantier

La plus célèbre représentation du château de Poitiers est celle du mois de juillet des Très Riches Heures (Figure 53). Elle montre le pan de mur face au Clain qui était