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Graphe du réseau entités humaines marketeurs français

Dans le graphe sur le réseau d’entités humaines neuroscientifiques américaines ci- dessus, nous sommes partis du noyau central scientométrique qui est Read Mon-

tague et de ses satellites très influents et tout aussi connus sur le plan académique que sont Dan Ariely, Ale Smidts, Brian Knutson ou encore Samuel McClure, tous co-auteurs d’articles scientifiques de premier plan avec Read Montague : leurs re- lations sont donc directes et fortes.

Au centre en rouge, quelques électrons libre, qui publient en neurosciences et sur le neuromarketing, mais qui n’ont aucun lien direct entre eux : Diana Tamir, Jason Mitchell. En haut à gauche, le couple Damasio et le binôme Zurawicki et Miljkovic qui ont déjà collaboré ensemble et co-citent régulièrement et réciproquement leurs travaux en neurosciences appliquées.

On observe qu’il n’y a pas qu’une seule communauté qui forme le réseau complet et véritable du neuromarketing américain, mais bien des micro-réseaux parallèles15,

des « small worlds »16 très forts, très légitimes sur le plan scientifique et très pro- ductif sur le plan des publications.

Ces premières conclusions sur la nature des relations entre acteurs qui composent les réseaux neuromarketing américain et français vont nous permettre maintenant d’approfondir l’évaluation scientométrique. En analysant la variété et la solidité des « entités non humaines » au sens de l’ANT c’est-à-dire les traces.

15. Watts, Duncan J. 1998. Collective dynamics of "small-world" networks. Nature 393 (6684) : 440 - 442.

16. Watts, Duncan J. 2003. Small Worlds : The Dynamics of Networks between Order and Randomness. Princeton Uni- versity Press.

Chapitre 4

Analyse des traces du

neuromarketing

Résumé du Chapitre 4

Le Chapitre 4 se concentre sur la collecte, le partitionnement et l’analyse des documents « non scientifiques » (en complément aux articles universitaires étudiés dans le cadre de notre revue de littérature). On entend par document « non scientifique » tout type d’article, ne faisant pas l’objet de publication académique : donc des articles de presse, blog. Ces publications grand public sont accessibles et indexées sur le web notamment grâce aux moteurs de recherche comme Google ou Bing.

Ces articles sont souvent rédigés par des journalistes, des blogueurs ou même parfois des professionnels du marketing qui produisent au même titre qu’un papier issu d’un « peer review journal» des traces, ces entités non humaines, qui sont le matériau composite et fondamental à tout processus de traduction (au sens de l’ANT).

Pour avancer, nous procédons à la « réduction scientométrique », c’est-à-dire à l’établis- sement d’une correspondance, d’une traduction fiable entre les réseaux de mots associés (au sein des corpus documentaires formés par les textes, articles, rapports produits par les actants au cours de leurs pratiques) et les réseaux d’acteurs de la production-circulation du savoir « neuromarketing ». Nous formons ici le concept « traçométrie » pour insister sur l’idée d’analyse et de mesure quantitative des traces selon l’ANT, tout en livrant une lecture critique de la bibliométrie orthodoxe, pour envisager l’analyse des « traces non scientifiques » dans notre approche.

C’est ainsi que nous avons commencé à travailler avec la société Semdee, afin de définir une nouvelle méthodologie et des outils capables d’appréhender le sujet « neuromarke- ting » sous l’angle du web mining, du text mining, du clustering et de l’analyse séman- tique dans une approche quantitative et technique, à la croisée de l’algorithmique, de la linguistique computationnelle, de la sociologie des réseaux. Une approche hybride aux confins des « Network Sciences » et des « Digital Humanities » appliquée à un sujet de recherche en sciences de gestion.

Enfin, nous présentons notre modèle appliqué de l’ANT en 7 étapes (scraping, indexa- tion, parsing, clustering, tagging, semantic matching, analyse sémantique) ainsi que les premiers résultats du clustering (10 clusters) qui montrent les liens entre acteurs-réseaux et controverses.

4.1

De l’analyse « traçométrique » du réseau neuro-

marketing

Conformément au cadre méthodologique qui découle de l’ANT (chapitre 2) et de son application : nous avons d’abord effectué une analyse de littérature scientifique sur le neuromarketing (chapitre 1) qui nous permis d’identifier et de définir les acteurs-réseaux du neuromarketing (chapitre 3). Nous allons au cours de ce cha- pitre nous concentrer sur l’étude des documents « non scientifiques » (en complé- ment aux articles universitaires étudiés dans le cadre de notre revue de littérature). On entend par document « non scientifique » tout type d’article, ne faisant pas l’objet de publication académique : donc des articles de presse, blog. Ces publi- cations grand public sont accessibles et indexées sur le web notamment grâce aux moteurs de recherche comme Google ou Bing. Ces articles souvent rédigés par des journalistes, des blogueurs ou même parfois des professionnels du marketing qui produisent au même titre qu’un papier issu d’un « peer review journal » des traces, ces entités non humaines, qui sont le matériau composite et fondamental à tout pro- cessus de traduction(au sens de l’ANT). S’agissant dans notre cas d’une discipline naissante comme le neuromarketing. C’est bien la complémentarité entre toutes les associations de documents qu’ils soient scientifiques ou non qui définit le concept de trace dans la théorie de l’acteur-réseau (ANT).

Cette idée repose sur l’un des principes fondateurs de l’ANT : le principe de sy- métrie. Le concept de symétrie correspond à un équilibre, à une relation bilatérale entre les différentes entités en œuvre dans la fabrication de la science en train de se faire. En effet, il faut accorder la même importance aux sujets et aux objets « hu- mains » et « non humains », aux traces « scientifiques » et « profanes » qui sont en jeu dans le processus de traduction. La théorie de l’acteur-réseau refuse la dicho- tomie pure et simple entre les textes scientifiques et les publications grand public, entre « science » et « non science ».

Car la fabrication de la science est fait de bricolage, de mythes, de tâtonnements, de renoncements, puis s’apparentent à des hypothèses, sans démonstration, mais

qui progressivement se transforment, évoluent pour former des hypothèses plus so- lides, des théories mêmes, qui s’avèrent fiables et partagées par des pairs, qui elles- mêmes participent de co-construction de la connaissance scientifique. C’est dans un continuum mouvementé et inégal où les scientifiques et les profanes jouent un rôle décisif et complémentaire que la science se fait : c’est bien le principe de sy- métrie entre tous les actants qui permet l’éclosion floue, incertaine, paradoxale et controversée de la science surtout durant ces premières années d’existence, ce qui correspond parfaitement à la situation du neuromarketing, en tension entre « neu- rosciences appliquées » et « marketing ».

4.1.1

Les « traces » du réseau neuromarketing au sens de l’ANT.

Toutefois, nous n’avons pas pu investiguer les sources postées sur les réseaux so- ciaux, pour des raisons techniques, de temps relatif à ce travail doctoral mais éga- lement financières. Les raisons techniques tiennent essentiellement à l’accessibilité des données sur Twitter, Facebook, Linkedin : tous les flux sont contrôles et limités par ces mêmes réseaux sociaux qui rendaient obligatoires le recours à un intermé- diaire, un broker de données autorisé et habilité tels que Gnip, Datasift ou encore Topsy. En avril 2015, Twitter a décidé d’arrêter de donner accès gratuitement à son historique de tweets (tout comme l’a décidé Facebook et Linkedin). Twitter a donc stoppé les partenariats avec Datasift et Topsy pour ne garder que Gnip qu’ils ont fini par racheter. Désormais, l’accès aux données provenant des réseaux sociaux sur une période historique est payant. Les flux en temps réel sont très limités et également payants.

En revanche, dans le cadre de notre activité professionnelle chez Keyrus, nous avons mené un avant-projet pour le compte d’une grande régie publicitaire, pour laquelle nous avons dû avec notre partenaire Semdee utiliser notre méthodologie aussi sur les réseaux sociaux et donc recourir aux services payants de Gnip (cf. Chapitre 7 - Contributions managériales « Use cas TF1 Publicité »).

4.1.1.1 Traces et acteurs-réseaux du neuromarketing.

« L’importance des traces dans l’anthropologie des sciences et des techniques, se situe d’une certaine manière au cœur de l’analyse et de la méthodologie d’approche des réseaux de l’innovation. En effet, comment faire le suivi des acteurs et actants, des acteurs réseaux, ces associations hybrides d’entités hétérogènes, sinon par le recueil, l’observation et l’analyse des traces de toutes sortes qu’ils produisent et laissent derrière eux ? Les traces, écrites ou non écrites, produites par l’activité scientifique et technique, constituent ici le matériau de base de l’observateur, atta- ché à suivre les « cascades de traductions », i.e. les innombrables transformations opérées par les acteurs et actants d’un processus »1 . C’est bien cette pluralité et cette richesse « publicationnelle », qui constituent les traces du réseau sociotech- nique qu’est le neuromarketing. Nous allons dans la prochaine section définir et analyser ces traces en partant des acteurs-réseaux.

Ces traces s’étendent de la production et de la diffusion d’articles scientifiques, (dans le champ des neurosciences appliquées, du marketing, consumer research...) aux publications des professionnels du neuromarketing et des experts issus des grands cabinets d’études (ayant un département neurosciences : Nielsen, Millward Brown...) aux associations professionnelles, qui publient des articles, des comptes rendus et autres actes de colloques et de séminaires. Les journalistes quant à eux pu- blient des articles sur tous supports désormais, web, papier mais également sur les réseaux sociaux. Cette manne d’informations éparses et variées constitue les traces du réseau neuromarketing dans une approche de la sociologie de l’acteur-réseau. Latour (1984) pose les bases de la sociologie de la traduction et de la théorie de l’acteur-réseau, en redéfinissant la sociologie comme la science des associations.

1. Alexandre Serres. Quelle(s) problématique(s) de la trace ? Texte d’une communication prononcée lors du séminaire du CERCOR (actuellement CERSIC), avril 2005.