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Le développement du neuromarketing aux Etats-Unis et en France. Acteurs-réseaux, traces et controverses

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THÈSE DE DOCTORAT

de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres 

PSL Research University

Préparée à l’Université Paris-Dauphine

COMPOSITION DU JURY :

Soutenue le

par

ecole Doctorale de Dauphine — ED 543

Spécialité

Dirigée par

Le développement du neuromarketing aux États-Unis et en

France: Acteurs-réseaux, traces et controverses.

20.09.2016

Bruno TEBOUL

Pierre VOLLE

Université Paris-Dauphine Pierre VOLLE

ESSEC Business School

Emmanuelle LE NAGARD-ASSAYAG

Christine BALAGUE

Telecom Ecole de Management

Claire GAUZENTE Université de Nantes Sciences de gestion Directeur de thèse Présidente du jury Rapporteure Rapporteure

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L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse : ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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Remerciements

Cette thèse est l’aboutissement à la fois d’un travail universitaire, d’un défi person-nel et la réalisation d’un projet passionnant qui m’a animé pendant près de 4 années. Elle est aussi le fruit de rencontres intellectuelles et scientifiques marquantes et sti-mulantes.

Je tiens ainsi à remercier toutes celles et ceux qui ont contribué à cette réussite et ainsi à leur témoigner ma profonde affection.

Je souhaite tout d’abord remercier le Professeur Pierre Volle, mon Directeur de Thèse, que j’ai connu en 2001, lorsque je travaillais pour le groupe PPR, et que j’ai eu la chance de croiser durant plusieurs jours à l’époque où je faisais partie des cadres « haut potentiels » qui bénéficia d’une formation de type « internal MBA » dont le principal responsable pédagogique et enseignant était Pierre Volle. Depuis cette période, j’ai eu envie de reprendre mes études après avoir démarré une pre-mière thèse en épistémologie suite à l’obtention d’un DEA de sciences cognitives en 1994. C’est en 2012, que nous avons convenu d’un sujet de recherche et que j’ai ainsi pu m’inscrire à Dauphine en Thèse de Doctorat. Je remercie encore Pierre Volle de sa confiance et pour avoir accepté de diriger mes travaux tout en ayant accepté que je sois en responsabilité chez un leader du conseil en Data et Transfor-mation Numérique, le groupe Keyrus.

C’est Pierre Volle qui m’a permis de découvrir la théorie de l’acteur-réseau (ANT) et qui m’a permis d’appliquer ce design de recherche à un sujet controversé : le neuromarketing. Ce sujet faisait le lien entre ce que j’avais étudié les sciences cog-nitives (neurosciences, intelligence artificielle...), le numérique et le marketing. J’ai

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pu apprécier chez Pierre, sa grande ouverture d’esprit, sa bienveillance, sa connais-sance du monde économique, de l’entreprise, des enjeux liés à la transformation numérique et sa culture encyclopédique en marketing et en consumer research... Il est et sera un grand inspirateur pour moi et je l’en remercie encore sincèrement !

Je tiens à remercier chaleureusement Christine Balagué, d’avoir accepté de prési-der le jury de ma thèse. J’ai plusieurs fois eu l’occasion d’échanger avec Christine sur l’avancée de mon travail de recherche et notamment sur l’utilisation des réseaux sociaux, de la bibliométrie et du social graphing afin d’affiner mes contributions mé-thodologiques et managériales. J’ai rencontré Christine Balagué également dans le cadre de mes activités professionnelles chez Keyrus, pour discuter autour des ques-tions liées au Big Data et à la transformation numérique : lorsqu’elle était encore Vice-Présidente du Conseil National du Numérique et à l’occasion de colloques et séminaires communs, où nous avons eu la chance d’intervenir et de nous croiser.

Je remercie également Emmanuelle Le Nagard et Claire Gauzente qui m’ont accordé le privilège de relire mes travaux, de faire partie de mon jury lors de ma pré-soutenance et de me faire à présent l’honneur et le plaisir d’être membres de mon jury de thèse finale. Elles m’ont toutes deux aidé durant cette phase de prépa-ration à la finalisation de mes recherches, en me prodiguant de judicieux conseils et en m’encourageant à terminer les dernières corrections.

Je tiens à remercier le groupe Keyrus qui m’emploie et tout particulièrement Mon-sieur Eric Cohen, son Président-Fondateur ainsi que Rebecca Meimoun, DRH et Directrice Juridique du groupe qui m’ont soutenu durant toutes ces années et encouragé à concilier mon activité professionnelle chez Keyrus et mes recherches doctorales à Dauphine ! Je tiens à leur témoigner toute mon amitié, ma reconnais-sance et mon immense fierté.

Je tiens à remercier également Soumia Malinbaum, ma collègue chez Keyrus qui m’a présenté à Laurent Batsch, le Président de l’Université de Paris-Dauphine au moment où nous souhaitions ouvrir une Chaire en Data Science. J’ai eu la chance de

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revoir le Président Batsch pour lui parler de ma thèse, de mes activités universitaires (ma charge de cours magistraux en Master 2, durant 3 années) et de mes activités professionnelles en lien avec Dauphine, notamment autour d’un projet de création d’Université du Numérique. Ces discussions furent passionnantes et je tiens à l’en remercier encore très sincèrement !

Je voudrais remercier un ami, avec qui j’ai pris énormément de plaisir à travailler : Brice Hoarau le patron-fondateur de Semdee qui dès le début de ma thèse m’a soutenu, aidé, encouragé dans la mise en place de ma méthodologie. C’est avec Semdee que j’ai mené l’étude de cas chez TF1 Publicité ! Je remercie aussi très chaleureusement mes amis Vigile Hoareau, Omar Bennani et Murat Ahat les Jedis de Semdee sans qui je n’aurais pas pu maitriser l’algorithmique vectorielle et son application dans le cadre de mes travaux de recherches !

Au cours de mes recherches, j’ai consulté plusieurs experts et praticiens du « neu-romarketing » et du « nudge » comme Etienne Bressoud, Directeur Innovation et Marketing Science chez BVA, que je remercie très amicalement d’avoir répondu à mes questions et sollicitations professionnelles chez des clients communs ! J’ai éga-lement eu la chance de travailler avec Pierre Gomy, le patron en France de Mill-ward Brown sur le rôle des émotions et l’approche neuroscientifique du marketing et de la publicité, pour des clients et évènements communs. Je remercie également Laurent Dumouchel qui travaille avec Pierre Gomy chez Millward Brown et avec qui nous avons collaboré dans un cadre professionnel, notamment auprès de TF1 Publicité. Je les en remercie encore mille fois !

Je tiens à remercier mon ami Thierry Berthier ! Mathématicien, Chercheur à la Chaire Saint-Cyr en Cyberdéfense, avec qui je publie régulièrement et travaille de-puis plusieurs années étroitement ! Je remercie aussi ses deux enfants, brillantis-simes polytechniciens Éloïse Berthier et Antoine Berthier qui m’ont aidé à trans-former mon œuvre sous LATEXet autres scripts Python pour Gephi ! Encore

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Je veux témoigner ici de mon immense amitié et de toute ma gratitude à chacun d’entre vous !

Doctoralement vôtre,

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Dédicaces

Je dédie ma thèse de doctorat à Isabelle mon épouse, à mes quatre enfants : Eve-Anaïs, Ysilde, Matthéo et Solal.

A mes très chers parents : Eliette et Daniel !

A ma sœur Sabine, à Michel son mari et à leur fils Adam !

(8)

Table des matières

Remerciements 3

Dédicaces 7

Table des matières 8

Liste des figures . . . 13

Liste des tableaux . . . 19

Introduction 21 0.1 L’intérêt du sujet . . . 26

0.2 Les modes managériales : une alternative théorique ? . . . 33

0.3 La problématique et les questions de recherches . . . 39

0.4 Le plan de la thèse . . . 41

0.5 Le schéma du plan de la thèse . . . 43

1 Naissance et développement du neuromarketing 44 1.1 Qu’est-ce que le neuromarketing ? Comment s’est-il développé ? . . 46

1.1.1 Définition du neuromarketing . . . 46

1.1.2 A l’origine du neuromarketing : l’émergence des neuros-ciences cognitives . . . 51

1.2 Validité scientifique des théories neuroscientifiques . . . 53

1.3 L’impact des neurosciences cognitives sur les sciences humaines . . 54

1.4 « Pré-histoire et philosophie antique du Neuromarketing » : les ra-cines et le développement du Neuromarketing . . . 57

1.5 De la théorie des émotions au marketing des émotions... . . 63

(9)

1.7 Le développement du neuromarketing : revue de littérature

scienti-fique . . . 67

1.7.1 Genèse du neuromarketing dans la littérature . . . 72

1.7.2 Les différentes conceptions du neuromarketing relevées dans la littérature . . . 73

1.7.3 De l’importance de l’imagerie cérébrale dans le développe-ment du neuromarketing . . . 80

1.7.4 Les autres techniques dites « périphériques » utilisées en neuromarketing . . . 82

1.7.5 L’impact du neuromarketing sur les études marketing, la publicité, le branding... . . 86

1.7.6 Le neuromarketing comme technique d’exploration non ver-bale du comportement du consommateur . . . 91

1.7.7 Les questions éthiques liées au neuromarketing . . . 93

1.7.8 Les premières controverses sur le neuromarketing . . . 97

2 Sociologie de l’Acteur Réseau (SAR) ou Actor Network Theory (ANT) 101 2.1 Définition et analyse de la théorie de l’acteur-réseau ou Actor Net-work Theory (ANT) . . . 103

2.2 Approche épistémologique et méthodologique de l’ANT . . . 108

2.3 Le choix d’un paradigme constructiviste . . . 112

2.4 Le choix d’une approche mixte : quantitative-qualitative . . . 114

2.5 Intérêts en sciences de gestion d’une approche fondée sur l’Actor Network Theory . . . 115

3 Le neuromarketing comme réseau d’acteurs 120 3.1 Le « neuromarketing » comme réseau d’acteurs . . . 122

3.2 Les intermédiaires et les médiateurs de la traduction du neuromar-keting . . . 127

3.3 L’évaluation bibliométrique (PoP) du réseau neuromarketing amé-ricain et français . . . 130

3.3.1 Introduction à la bibliométrie et à l’utilisation du logiciel Publish or Perish (POP) . . . 130

(10)

3.3.2 Analyse bibliométrique comparée des acteurs-réseaux neu-romarketing . . . 135 3.4 Acteurs-réseaux neuromarketing selon l’ANT . . . 156 3.5 Cartographie des acteurs-réseaux neuromarketing américains et

fran-çais. . . 166

4 Analyse des traces du neuromarketing 172

4.1 De l’analyse « traçométrique » du réseau neuromarketing . . . 174 4.1.1 Les « traces » du réseau neuromarketing au sens de l’ANT. . 175 4.1.2 De la « traçométrie » . . . 178 4.1.3 Analyse critique de la bibliométrie . . . 180 4.2 Limites de la bibliométrie actuelle appliquée aux acteurs-reseaux

du neuromarketing américain et français. . . 181 4.3 Analyse des traces « non scientifiques » sur le neuromarketing : les

articles issus de la presse américaine . . . 183 4.4 Nouvelle méthodologie quantitative proposée : Webcrawling,

Web-mining, Clustering et Semantic Matching . . . 187 4.4.1 Notre collaboration avec la société Semdee . . . 187 4.4.2 Méthodologie hybride : entre « Network Sciences » et «

Di-gital Humanities » . . . 190 4.4.3 Les grandes étapes de notre méthodologie quantitative avec

Semdee. . . 191 4.4.4 L’innovation au cœur de notre méthodologie avec Semdee . 204 5 Controverses relatives au neuromarketing 208

5.1 De l’analyse aux cartographies des controverses autour du neuro-marketing au sens de l’ANT . . . 210 5.2 Préhistoire des controverses sur le neuromarketing . . . 213 5.2.1 Fondements théoriques des controverses pour l’ANT . . . . 213 5.2.2 A l’origine des controverses sur le neuromarketing . . . 215 5.2.3 Les questions éthiques . . . 215 5.2.4 Neuromarketing et vie politique . . . 217

(11)

5.2.5 Préjugés, fantasmes autour du cerveau et de son étude scien-tifique et technique . . . 218 5.2.6 Les reportages et articles grand public à charge contre le

neuromarketing en France . . . 219 5.3 Analyse qualitative des controverses sur le neuromarketing . . . 222

5.3.1 Première controverse : le neuromarketing est une manipu-lation mentale . . . 222 5.3.2 Deuxième controverse : la thèse des trois cerveaux (cerveau

triunique) . . . 225 5.3.3 Troisième controverse : le bouton d’achat dans le cerveau . 232 5.3.4 Quatrième controverse : la « reverse inference ». . . 235 5.4 Processus de cartographie des controverses (sous Gephi) . . . 242 5.5 Cartographies des quatre controverses sur le neuromarketing à

par-tir de Gephi. . . 244 6 Contributions théoriques, méthodologiques et managériales 255 6.1 Les contributions théoriques . . . 257 6.1.1 Les contributions théoriques relatives au neuromarketing . . 257 6.1.2 Contributions à la théorie de l’ANT : notre concept de «

tra-çométrie» . . . 259 6.1.3 Contributions théoriques à propos des controverses sur le

neuromarketing . . . 261 6.1.4 Contributions théoriques relatives à l’analyse ANT du

neu-romarketing comme réseau sociotechnique . . . 263 6.2 Contributions méthodologiques . . . 266 6.3 Contributions managériales : mise en œuvre de notre méthodologie

chez un client du groupe Keyrus (étude de cas) . . . 271 6.3.1 Analyse du cas TF1 Publicité . . . 273 6.3.2 Notre étude de cas appliquée à l’analyse des audiences

plu-rimédia de la série « Le Mentaliste » . . . 280 6.3.3 Que nous apprennent les résultats de ce cas pratique sur

(12)

7 Conclusion générale : synthèse, limites et perspectives de recherches 290 7.1 Synthèse de nos recherches . . . 292 7.2 Les limites de nos recherches . . . 295 7.2.1 Les limites de nos recherches sur le sujet « neuromarketing » 295 7.2.2 Les limites liées au cadre fixé par l’ANT . . . 299 7.2.3 Les limites de l’analyse par les métriques de l’ANT :

l’ab-sence de design longitudinal . . . 302 7.3 Perspectives de recherches . . . 304

7.3.1 Perspectives sur la bibliométrie : vers un nouveau « social index » . . . 304 7.3.2 Perspectives liées à la mise en place d’un design

longitu-dinal : historiographie et recherche sur la dynamique histo-rique du neuromarketing . . . 310

Annexes 313

(13)
(14)

Table des figures

1.1 Copie d’écran extraite de l’article de Montague et al (2004). . . 50

1.2 Copie d’écran extraite de l’article de Montague et al (2004). . . 51

1.3 Copie d’écran extaite de l’article de Martino et al (2006). . . 56

1.4 Les 2 traditions philosophiques et scientifiques qui construisent et influencent le neuromarketing. . . 68

1.5 Liste du TOP 50 articles cités dans PoP pour « Neuromarketing » (source Google Scholar). . . 71

1.6 Vue du cortex orbitofrontal en vert fluo (source Wikipedia). . . 77

1.7 Différentes images du cerveau par type de technologie d’explora-tions : (IRM, EEG, MEG, IRM fonctionnel et TEP (source Korean Medecine Nuclear Department) . . . 84

3.1 L’ensemble des actants du réseau neuromarketing. . . 122

3.2 Intermédiaires et médiateurs neuromarketing américain. . . 130

3.3 Intermédiaires et Médiateurs neuromarketing français. . . 131

3.4 « The Paper Mountain », in « The Top 100 papers », Nature, octobre 2014 . . . 135

3.5 Cartographie du réseau humain neuroscientifique américain sous Gephi. . . 167

3.6 Graphe du réseau entités humaines marketeurs américains. . . 168

3.7 Graphe du réseau entités humaines neuroscientifiques américains. . 169

3.8 Graphe du réseau entités humaines neuroscientifiques français. . . . 170

3.9 Graphe du réseau entités humaines marketeurs français. . . 170

(15)

4.2 Résultats de requête bibliométrique ("traces") dans PoP pour Read Montague. . . 178 4.3 Notre modèle appliqué de ANT en 7 étapes. . . 191 4.4 Reconstitution de l’indexation et création de l’espace sémantique

depuis la plateforme Semdee. . . 194 4.5 Copie d’écran outil de Semantic Matching, plateforme Semdee. . . 201 4.6 Listes des mots clés, phrases, questions associés au neuromarketing. 203 4.7 Matrice de positionnement des outils présents sur le marché de

l’analyse des données - source Etude Semdee Mai 2016. . . 206 4.8 Liste des différentes API de Semdee - Mai 2016. . . 207 5.1 Mapping The Republic of Letters - Stanford. Narrative panorama

of the project by Michele Graffieti. . . 212 5.2 Neuromarketing : Votre cerveau les intéresse. Un reportage de la

série "Cash Investigation" par Elise Lucet. 25 mai 2012 - France 2. . 221 5.3 Schéma d’articulation entre les traces et les controverses. . . 222 5.4 Représentations de visages sous formes d’images subliminales et

résultats sur la consommation et l’évaluation d’utilité d’une boisson . 224 5.5 Le cerveau « triunique » selon Paul Mac Lean (source de l’image :

http ://www.innovationmanageriale.com/wp-content/uploads/2014/04/CERVEAU-TRIUNIQUE.png). . . 227

5.6 Modélisation informatique du crâne de Phineas Gage (Source : Van Horn JD, Irimia A, Torgerson CM, Chambers MC, Kikinis R, et al. 2012, PLOS.org). . . 229 5.7 Méthode inventée par SalesBrain qui utilise la théorie du "cerveau

reptilien" et du "bouton d’achat". . . 231 5.8 Image représentant l’expérience Knutson et al, 2007. . . 233 5.9 Image représentant le Nucleus Accumbens (NAcc) appelé aussi «

cra-ving spot» et considéré comme le « bouton d’achat dans le cerveau ». . . 234 5.10 Copie d’écran de NYT de la réponse de Poldrack à Lindstrom. . . . 239

(16)

5.11 Focus sur un groupe d’acteurs-réseaux autour de la controverse « Manipulation » (zoom 900% à partir de notre fichier .pdf extrait de Gephi). . . 245 5.12 Cartographie de la controverse « Cerveau reptilien » (« cerveau

triu-nique »). . . 246 5.13 Cartographie de la controverse « Manipulation ». . . 247 5.14 Cartographie de la controverse « Buy Button » (« bouton d’achat »). 248 5.15 Cartographie de la controverse « Reverse Inference ». . . 249 5.16 Cartographie globale des 4 controverses avec thèmes, acteurs-réseaux

et traces (scientifiques). . . 250 5.17 Zoom à partir de la cartographie globale autour des interconnexions

entre les controverses « Buy Button », « Manipulation » et « Re-verse inference ». . . 251 5.18 Capture d’écran de la première page de l’article de Christophe

Mo-rin, Neuromarketing : The New Science of Consumer Behavior, Springer, 2011. . . 252 6.1 Notre Modèle général ANT appliqué au « neuromarketing » en 7

étapes. . . 268 6.2 Méthodologie ANT appliquée en 7 étapes : Crawling, Indexing,

Clustering, Tagging, Data Visualisation, Semantic Research and Ana-lysis. . . 273 6.3 Méthodologie présentée à TF1 Publicité pour notre Proof Of Concept

adaptée de notre modèle général ANT en 7 étapes. . . 278 6.4 Copie d’écran résultats de « requête Google » : Le Mentaliste. . . . 281 6.5 Résultats de requête sur la Fan Page Facebook de TF1, rubrique «

Le Mentaliste ». . . 282 6.6 Copie d’écran résultats de requête sur la Page « Twitter » de « The

Mentalist ». . . 283 7.1 Capture d’écran - Top 50 des scientifiques « stars sur Twitter ». . . . 307 7.2 Les 6 phases de l’étude longitudinale sur le neuromarketing

(17)

3 Copie d’écran de la page d’accueil du site web de MediaMento. . . 314 4 Capture d’écran du site web de la société Impact Mémoire. . . 314 5 Copie d’écran Speakers Neuromarketing World Forum 2014. . . 315 6 Copie d’écran Speakers Neuromarketing World Forum 2014. . . 315 7 Diapositive de présentation des domaines d’expertise de Semdee. . . 316 8 Lancement du webcrawling depuis la plateforme Semdee. . . 316 9 CLUSTER 1 avec liste des 10 tags : Neurosciences cognitives,

Mar-keting, Publicité, Cerveau, IRM, EEG, Read Montague, Neurones miroirs, Brain Impact, Olivier Droulers . . . 317 10 CLUSTER 2 avec liste des 10 tags : Sciences Cognitives,

Mani-pulation, Banner Blindness, IRM, Impact publicitaire, Emotions, Irrationnel, Décision, Images subliminales, Putamen. . . 318 11 CLUSTER 3 avec liste des 10 tags : Consommation,

Agroalimen-taire, IRM, Sel, Sucre, Gras, Calories, Surpoids, Perception, Emo-tions. . . 319 12 CLUSTER 4 avec liste des 10 tags : Chercheurs, Neurosciences,

Marketing, IRMf, circuit, Récompense, Placebo, Striatum, Précau-tion, Doutes. . . 320 13 CLUSTER 5 avec liste des 10 tags : Achats, Impulsifs, Emotion,

Attention, Méfiance, Sensoriel, Notoriété, Impact, Conscience, Ethique.321 14 CLUSTER 6 avec liste des 10 tags : Efficacité, Publicitaire,TV,

Tests, Inconscient, Consommateurs, Mesures, Affectives, Cogni-tives, Bonheur. . . 322 15 CLUSTER 7 avec liste des 10 tags : Echec, Produits, EEG,

In-fluence, Préférence, Coca-cola, Pepsi-cola, Limites, Juridiques, Scien-tifiques. . . 323 16 CLUSTER 8 avec liste des 10 tags : Risques, Manipulatoires,

Cer-veau, Crible, Analyses, Influence, Décision, Achat, Connaissances, Dérives. . . 324 17 CLUSTER 9 avec liste des 10 tags : Cerveau, Consommateurs,

Em-prise, Influence, Danger, Manipulation, Emotions, Mémorisation, Prudence, Parcimonie. . . 325

(18)

18 CLUSTER 10 avec liste des 10 tags : Cibler, Parler, Vendre, Cer-veau, Consommateur, Appréhender, Plaisir, Conquête, Fidélisation,

Client. . . 326

19 Correspondance entre étapes de la cognition humaine et les API de Semdee (cognition artificielle) - Mai 2016. . . 327

20 Cours et séminaire à Science Po Paris : de cartographie des contro-verses avec Bruno Latour. . . 328

21 Notre modèle général ANT - Les 3 premières étapes. . . 345

22 Notre modèle général ANT - Les étapes 4 à 6 . . . 345

23 Notre modèle général ANT - Les étapes 7 et 8 . . . 346

(19)

Liste des tableaux

1 Top 20 des articles les plus cités contenant l’expression « Fashion Waves » (source Publish or Perish) . . . 34 2 Top 20 des articles les plus cités contenant l’expression « Fads »

(source Publish or Perish). . . 35 3.1 Les principales sociétés spécialisées en neuromarketing aux

Etats-Unis. . . 124 3.2 Nombre total d’articles trouvés par acteur-réseau humain «

neuros-cientifique » et « marketeur » américain. . . 139 3.3 Nombre de citations des acteurs-réseaux humains «

neuroscienti-fiques » et « marketeurs » américains. Nombre total de citations trouvées (« Citations »). . . 141 3.4 h indexdes acteurs-réseaux humains « neuroscientifiques » et «

mar-keteurs » américains. . . 143 3.5 g indexdes acteurs-réseaux humains « neuroscientifiques » et «

mar-keteurs » américains. . . 145 3.6 Top 20 articles de Read Montague (extract PoP). . . 147 3.7 TOP 20 des liens directs et indirects Read Montague . . . 148 3.8 h index des acteurs-réseaux humains « neuroscientifiques » et «

marketeurs » français. . . 150 3.9 g index des acteurs-réseaux humains « neuroscientifiques » et «

marketeurs » français. . . 151 3.10 Nombre total d’articles trouvés par acteur-réseau humain «

(20)

3.11 Nombre total de citations par acteur-réseau humain « neuroscienti-fique » et « marketeur » français. . . 154 3.12 Les entités humaines « neuroscientifiques » du réseau

neuromarke-ting américain. . . 161 3.13 Les entités humaines « marketeur » du réseau neuromarketing

amé-ricain. . . 162 3.14 Les entités humaines « neuroscientifiques » du réseau

neuromarke-ting français. . . 162 3.15 Les entités humaines « marketeur » du réseau neuromarketing

fran-çais. . . 162 3.16 Réseau entités humaines neuroscientifiques américains avec poids

et types de relations. . . 163 3.17 Réseau entités humaines marketers américains avec poids et types

de relations. . . 165 3.18 Réseau entités humaines neuroscientifiques français avec poids et

types de relations. . . 165 3.19 Réseau entités humaines marketeurs français avec poids et types de

relations. . . 166 4.1 Liste des articles parus dans la presse américaine sur le

neuromar-keting et qui alimentent les controverses (juin 2002 à mars 2009). . 184 4.2 Liste des articles parus dans la presse américaine sur le

neuromar-keting et qui alimentent les controverses (avril 2011 à avril 2015). Aucun article publié en 2010. . . 185 4.3 Synthèse des thèmes et controverses sur le neuromarketing dans la

presse américaine entre 2002 et 2015. . . 186 4.4 Représentation graphique de la synthèse des thèmes et controverses

sur le neuromarketing (presse américaine - période 2002-2015) . . . 186 4.5 Correspondances entre « clusters et controverses » à partir d’exemples

d’articles indexés et analysés sur le web. . . 200 5.1 Scores de similarité des 4 controverses à partir des articles « grand

(21)

Introduction

Notre présent travail de recherche se propose d’examiner comment le neuromar-keting s’est constitué comme discipline à part entière aux Etats-Unis, où il existe désormais des cursus et des diplômes délivrés également dans une dizaine de pays d’Europe, en Australie, au Brésil : de la Licence, en passant par divers types de Masters1 et jusqu’aux formations doctorales. Il existe également des revues

in-ternationales2 qui publient et accueillent des articles sur le neuromarketing, des agences spécialisées en neuromarketing qui conseillent les marques du Fortune 500, une association mondiale pour le Neuromarketing, la NeuroMarketing Science and Business Association (NMSBA) basée à Amsterdam et représentée en France par l’Institut BVA. Le neuromarketing s’est construit au fil des années grâce à la colla-boration directe et/ou indirecte de scientifiques et d’universitaires (en marketing, psychologie, sciences cognitives, neurosciences) ainsi que de professionnels du marketing (académiques, agences et cabinets de conseils, experts/conférenciers...). Ce qui en fait une discipline nouvelle, un peu particulière où les acteurs sont des neuroscientifiques, des universitaires en marketing, des praticiens du marketing, des journalistes, tous aux profils très divers. Cette communauté forme un réseau où la connaissance produite s’établit par la conjonction de la théorie en neurosciences cognitives, les pratiques en marketing, l’utilisation de protocoles expérimentaux neuroscientifiques et médicaux : tels que l’Imagerie par Résonance Magnétique

1. A titre d’exemples : le Master en Neuromarketing à l’Université Autonome de Madrid en Espagne, l’Executive Master à l’IPAM Marketing School à Lisbonne au Portugal, le Master en Neuromarketing à l’Aarhus University au Danemark, le Graduate Program complet à l’Université de Melbourne en Australie...

(22)

fonctionnelle (IRMf)3 , l’Electro Encéphalo Graphie (EEG)4, la Tomographie par

Emission de Positrons (PET)5 , l’Electromyographie Faciale (EMG)6 , l’Oculo-métrie7 , le tout à des fins commerciales et/ou publicitaires. Nous nous sommes

inspirés d’un article de 20108 pour dresser un tableau comparatif (Tableau 1 an-nexé page 239) des principales techologies utilisées en neuromarketing avec une indication des coûts et de leurs usages spécifiques. Il faut préciser que les techno-logies de neuroimagerie utilisées par le neuromarketing proviennent toutes de la

3. Selon l’Inserm (source www.inserm.fr). Dérivée de la résonance magnétique nucléaire, l’IRMf est utilisée pour étudier in vivo l’activité d’un organe, par aimantation de l’hémoglobine dans ses formes oxygénée et désoxygénée. La per-turbation du signal de RMN émis par cette molécule permet d’observer l’afflux de sang oxygéné. L’IRMf est notamment très utilisée en neurosciences, pour étudier en détail l’activité neurale lors des événements sensorimoteurs, perceptifs, émotifs ou cognitifs.

4. Selon le Centre de Neuro-Imagerie de Recherche de l’Hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris (www.cenir.org), l’activité électrique du cerveau produit de faibles champs électriques. L’EEG (ElectroEncéphaloGraphie) permet le recueil non-invasif des champs électriques à la surface du scalp. L’EEG donne des images du fonctionnement électrique naturel du cerveau. L’EEG est utilisé pour étudier les fonctionnements normaux ou anormaux du cerveau avec une résolution temporelle de l’ordre de la milliseconde. L’EEG est complètement non-invasif, le sujet n’est soumis à aucun rayonnement ionisant ou électromagnétique. Il n’y pas de contre-indications particulières.

5. « La tomographie par émission de positons (TEP) est une modalité d’imagerie médicale qui mesure la distribution tridimensionnelle d’une molécule marquée par un émetteur de positons. L’acquisition est réalisée par un ensemble de détec-teurs répartis autour du patient. Les détecdétec-teurs sont constitués d’un scintillateur qui est choisi en fonction de nombreuses propriétés, pour améliorer l’efficacité et le rapport signal sur bruit.» De Dreuille, O., et al. "Principe et technique de la tomographie par émission de positons (TEP)." Encycl Méd Chir 35 (2002).

6. « Il s’agit du processus d’enregistrement de l’activité électrique d’un muscle à l’aide d’électrodes de surface. Quand une fibre musculaire est activée par le système nerveux central, de faibles courants électriques sous forme de flux d’ions sont générés. Ces courants électriques se déplacent à travers les tissus du corps, entraînant une résistance, qui crée un champ électrique. La différence de potentiel qui en résulte peut être mesurée entre certaines régions de la surface du corps, c’est-à-dire de la peau.» traduction en français de : « This is the process of recording electrical muscle activity using surface electrodes. When a muscle fiber is activated by the central nervous system, small electrical currents in form of ion flows are generated. These electrical currents move through the body tissue, encountering a resistance which creates an electrical field. The resulting potential differences can be measured between certain regions on the body surface, i.e. at the skin.» Tanja Schultz, Michael Wand. Modeling Coarticulation in EMG-based Continuous Speech Recognition. Speech Communication, Elsevier, 2010, 52 (4), pp.341.

7. « Le système de mesure le plus utilisé pour mesurer le mouvement des yeux est communément appelé oculomètre. En général, il existe deux types de techniques d’observation des mouvements oculaires : ceux qui mesurent la position relative de l’œil par rapport à la tête, et ceux qui mesurent l’orientation de l’œil dans l’espace, le point du regard.» traduction en français de : « The measurement device most often used for measuring eye movements is commonly known as an eye tracker. In general, there are two types of eye movement monitoring techniques : those that measure the position of the eye relative to the head, and those that measure the orientation of the eye in space, or the "point of regard".» Duchowski, A. (2007). Eye tracking methodology : Theory and practice(Vol. 373). Springer Science & Business Media.

8. Dan A and Gregory S B (2010), Neuromarketing : The Hope and Hype of Neuroimaging in Business, Perspectives : Science and Society, Vol. II, April, Macmillan Publishers Ltd.

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neuroimagerie dite fonctionnelle « qui cherche à caractériser le cerveau en action. L’usage traditionnel de ces méthodes consiste à faire effectuer une tâche cognitive à un individu et à mesurer le signal produit par l’activité cérébrale. Suivant les techniques et les outils mathématiques employés, il est possible de retrouver, avec plus ou moins de précision, quelle région du cerveau était particulièrement active et à quel moment de la tâche cognitive »9.

Cette discipline naissante qui utilise les neurosciences cognitives et ses technolo-gies pour mieux comprendre le comportement des consommateurs, donne lieu à une nouvelle production de connaissance, qui se nourrit de la publication d’articles très variés : articles scientifiques publiés dans des revues à comités de lecture, ouvrages scientifiques, ouvrages de vulgarisation, articles de presse web et papier, interviews vidéo, blogs spécialisés, séminaires et conférences... Cette richesse « publication-nelle » et « informationpublication-nelle » ouvre un nouveau champ de recherche et d’investi-gation scientifiques, à l’heure où le web et les réseaux sociaux sont omniprésents et incontournables. Le débat autour du neuromarkerting a même envahi la Toile, et forme ainsi un nouveau terreau où se forgent et se produisent des traces, em-preintes et inscriptions d’une nouvelle discipline laissées par des acteurs très variés (d’éminents scientifiques à profanes), formant, comme nous le verrons, un réseau.

Dans l’hexagone, le neuromarketing fait toujours débat : c’est notamment ces contro-verses auxquelles nous nous intéresserons et que nous examinerons en parcourant à la fois la littérature scientifique, mais également en investiguant le web et les ar-ticles de presse s’y référant. Pour ce faire, nous utiliserons une méthode hybride, qualitative et quantitative et nous définirons les bases d’une nouvelle méthodo-logie qui est une combinaison de techniques issues du « webcrawling », du « text mining », du « clustering », dans une approche issue de la « linguistique computa-tionnelle » en complément d’une approche qualitative plus classique, afin d’extraire le sens des textes formant ce corpus de documents accessibles sur le web. Puis,

9. Citation tirée de Wikipedia, article sur l’Imagerie Cérébrale : https://fr.wikipedia.org/wiki/ Imagerie_c\%C3\%A9r\%C3\%A9brale

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nous procéderons à une analyse sémantique qui nous permettra de faire rejaillir les controverses. Pour ce faire, nous inscrirons notre démarche méthodologique, ainsi que notre design de recherche dans le sillon de la Sociologie de l’Acteur-Réseau (SAR) ou de l’Actor-Network Theory (ANT)10. L’Actor Network Theory est dé-finie comme une sociologie de la traduction du fait scientifique : cette approche théorique et méthodologique en sociologie des sciences a été développée par Michel Callon, Bruno Latour et Madeleine Akrich au sein de leur laboratoire de l’Ecole des Mines de Paris dans les années 1980/1990. Leurs premiers travaux se fixèrent comme dessein de comprendre la construction du fait scientifique. Il s’agit de com-prendre l’articulation d’une discipline depuis son origine sur la « paillasse » d’un laboratoire, en passant par sa lente diffusion dans des revues scientifiques et jusqu’à sa vulgarisation dans les médias et le débat d’idées grand public.

L’Actor Network Theory (ANT) a déjà été utilisée en sociologie, en management, en finance et en comptabilité-contrôle, mais relativement peu en marketing en France. Nous verrons qu’au centre de ce cadre théorique qu’est l’ANT, les acteurs, les traces et les controverses, en tant que triade fondatrice de cette théorie, jouent un rôle fondateur et continu dans la production de la science en acte. La science se constitue par le jeu d’acteurs humains et non-humains, par la production de traces (articles, publications diverses et variées...) et par les controverses qui, au-delà du fait qu’elles nourrissent les débats de fond sur des idées nouvelles, font et défont la connaissance scientifique, la co-construise dans un mouvement continu et incessant. Les trois piliers fondateurs de la sociologie de la traduction : les acteurs-réseaux, les traces, les controverses, vont nous permettre de mieux comprendre cette « science naissante », matière en devenir, co-construite à partir de deux disciplines qui sont les neurosciences et le marketing.

Dans le cadre plus précis de notre sujet de thèse, nous verrons comment le « neu-romarketing » peut-être considéré comme un réseau composé d’acteurs, qui

pro-10. Madeleine Akrich, Michel Callon, Bruno Latour, Sociologie de la Traduction, Textes Fondateurs, Presses Mines de Paris, 2006.

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duisent des traces quantifiables et analysables, alimentent la bataille des idées et la joute scientifique autour de controverses versées au débat public, dans un mou-vement qui peut s’apparenter à une co-construction des connaissances en neuros-ciences et en marketing à la fois. Car ici, la théorie neuroscientifique alimente les pratiques marketing, qui elles-mêmes nourrissent la pensée et la théorie marketing dans un sens bidirectionnel et donc réciproque.

La SAR permet de dissoudre la distinction entre ce qui est « social » et « natu-rel », elle est une théorie qui tente de ne pas hiérarchiser ni ce qui est scientifique (la nature) ni ce qui est social (la société). En effet, Callon, Law et Rip (1986) re-jettent les distinctions entre la Science, la Technologie et la Société. Ils rere-jettent à la fois la perspective qui dépeint la science comme un domaine privilégié de savoir et la prétention à atteindre la réalité. Latour suggère que la théorie Acteur-Réseau nous permet d’éviter les pièges de la « naturalisation » (une rationalité scienti-fique), de la « socialisation » (constructivisme ou cognition sociale), et de la « tex-tualisation » (déconstruction) (Latour 1987). L’Actor Network Theory considère la société comme une construction ou performation continuelle accomplie par des êtres sociaux actifs. Cette sociologie de la traduction associe une série d’entités hybrides contenant des éléments humains ou non-humains. Comme le suggère Vy-gotsky (1978) des ressources additionnelles à la simple cognition individuelle sont nécessaires dans les sociétés humaines pour assurer une stabilité sociale, en parti-culier des ressources matérielles et symboliques. L’usage de ces différents artefacts permet aux hommes de simplifier la tâche de création de la société et de traduire leurs comportements auprès de leurs homologues.

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0.1

L’intérêt du sujet

L’intérêt du sujet de notre thèse est pluriel car, pour comprendre l’impact et la pénétration de la neuroscience cognitive en marketing, cela présuppose d’abord d’examiner les fondements scientifiques de la neuroscience, d’en vérifier la vali-dité scientifique, de confronter les hypothèses issues de cette nouvelle science avec les théories marketing actuelles et ses présupposés ; pour enfin comprendre si la neuroscience peut contribuer au-delà d’un effet de mode à la refonte d’une disci-pline telle que le marketing, tant sur le plan théorique que pratique.

Car l’utilisation croissante des thèses et des pratiques neuroscientifiques pour dé-passer le marketing traditionnel et ses biais doit être analysée de manière épistémo-logique, empirique et managériale.

Si les découvertes scientifiques des neurosciences se confirment, le marketing ne pourra plus en ignorer les conséquences et devra faire évoluer ses conceptions à la lumière de ces nouvelles connaissances qui fondent une véritable « rupture épisté-mologique » au sens de G. Bachelard et imposent à la discipline d’évoluer et de s’adapter en théorie comme en pratique.

On peut résumer les travaux de Bachelard sur l’histoire des sciences par une thèse devenue aujourd’hui familière : la discontinuité. Le progrès, pour Bachelard11 , est incontestable, il constitue la dynamique même de la culture scientifique. «Pour la pensée scientifique, le progrès est démontré, il est démontrable». Mais il ne s’effec-tue pas selon une marche régulière et ininterrompue. L’histoire des sciences n’est pas une simple accumulation de découvertes et d’inventions qui s’additionneraient progressivement, mais une aventure faite de perpétuelles ruptures.

D’où le premier concept, celui de rupture épistémologique, correspondant à ces mutations brusques qui apportent des impulsions inattendues dans le cours du dé-veloppement scientifique, dans la construction d’une discipline scientifique, mais

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cela vaut aussi pour les sciences de gestion en général et pour le marketing en par-ticulier qui n’a cessé d’évoluer au fil du temps.

Comme nous l’explique Pierre Volle : « l’histoire du marketing n’est pas seulement celle des pratiques et des institutions, [...] mais également celle des concepts et des théories. En effet, le marketing est une discipline académique depuis mainte-nant un siècle, avec ses revues scientifiques et ses sociétés savantes, ses manuels et ses chaires universitaires. Dans l’histoire du marketing, pratiques et théories s’entremêlent. Par exemple, comment mettre en place des programmes de fidélisa-tion avant même de savoir ce que recouvre le concept de fidélité en marketing ? Les concepts et les théories apparaissent conjointement avec les pratiques et les institutions, formant une mosaïque d’histoires qui se croisent »12. C’est ainsi que l’on peut envisager l’enchevêtrement possible des théories et des pratiques en neu-rosciencesavec la science du consommateur notamment, pour peut-être arriver à la co-construction d’une neuroscience du consommateur, dans le champ du marketing.

Les neurosciences cognitives marquent un tournant dans la connaissance scienti-fique. En explorant le cerveau, grâce aux techniques de la médecine nucléaire, cette dernière a pu mettre en avant un certain nombre de découvertes fondamentales, comme le fonctionnement du cerveau et les facultés de traitement de l’information naturelle.

Pour rappel : une des découvertes récentes des neurosciences pour le marketing porte sur la remise en question de la rationalité du consommateur et par le biais que représente le langage dans l’utilisation des études marketing ou des tests pro-duits qui utilisent le témoignage verbal ou écrit d’un panel.

Ainsi, comme l’indiquent clairement Bernard Roullet et Olivier Droulers13, par la démonstration empirique que les consommateurs ne déclarent pas toujours ce qu’ils

12. Pierre Volle, MBA Marketing, Marketing : comprendre l’origine historique, Eyrolles, 2011, Page 42.

13. pages 8 et suivantes « Neuromarketing : Le Marketing revisité par la Neuroscience du Consommateur », Dunod, 2012.

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pensent vraiment, ou qu’ils ne disent pas toujours la vérité en situation de focus groupe, par exemple : on peut facilement comprendre que les études « non déclara-tives» rendues possibles par le « neuromarketing » soient plébiscitées en entreprise et attestent que les études fondées sur le déclaratif ne puissent pas être considérées comme fiables scientifiquement.

Le consommateur est victime de biais cognitifs en tout genre, procède par heuris-tique ou justifie souvent ces choix a posteriori : ce qui plaide pour une remise en cause profonde du principe même de rationalité. C’est le principe cartésien de ratio-nalité qui a « volé en éclat » sous la pression de l’observation par imagerie médicale (en 1994 avec les publications de A. Damasio notamment) et par les avancées de la psychologie du raisonnement (notamment les travaux de Kahneman & Tversky dès 1974). C’est pourquoi nous pouvons parler de rupture épistémologique, au sens de rupture de paradigme, véritable rupture théorique et pratique qui relativise un certain héritage cartésien réfuté par Damasio qui n’hésite pas à parler dans l’un de ses ouvrages de référence « l’erreur de Descartes ».

Dès lors, l’intérêt majeur de notre sujet est de questionner au fond l’évolution du marketing et de ses pratiques sous un angle nouveau et par une approche scientifique en plein devenir (la neuroscience cognitive), qui pose d’une part le problème de la différence entre théorie marketing et pratiques marketing, et d’autre part, la ques-tion de la diffusion et de la pénétraques-tion du neuromarketing passant par l’analyse des acteurs humains, leurs facteurs d’impact bibliométriques comparés (États-Unis ver-sus France) et les controverses qui frappent le neuromarketing. Nous mobiliserons le cadre épistémologique et méthodologique de la sociologie de l’acteur-réseau (Actor Network Theory).

Pour ce faire, nous nous inspirerons des travaux de Michel Callon, Bruno Latour et Madeleine Akrich, que nous questionnerons en utilisant les principaux concepts de leur théorie de l’acteur-réseau tels que : le réseau, la traduction, la controverse, l’entre-définition, le principe de symétrie, puis à partir de ces concepts, comme l’ont déjà fait Latour et Callon, nous proposerons un modèle général appliqué au

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« neuromarketing » pour mieux comprendre comment notre objet « neuromarke-ting » est passé d’une simple idée, d’une innovation isolée, confinée en laboratoire à une véritable « épidémie sociale », une nouvelle discipline à part entière. Cette dernière s’inscrit et prolonge le marketing comme champ et pourrait bien s’inscrire dans l’histoire du marketing, malgré les controverses et ses pratiques inégales d’un continent à l’autre.

L’autre intérêt majeur de notre sujet est qu’il permet d’innover en appliquant la Théorie de l’Acteur Réseau depuis l’analyse du réseau d’acteurs comparés du neu-romarketing (acteurs humains), jusqu’à la représentation sous forme de graphes de ces mêmes acteurs, produisant des traces qui alimentent la connaissance scientifique en mouvement : ces controverses qui frappent le neuromarketing dès sa naissance aux États-Unis en 2003, nous les représenterons également après en avoir fait une analyse détaillée.

Pour Bruno Latour le « mapping des controverses » représente l’aboutissement de l’application de sa théorie. En effet, l’enjeu de la cartographie des controverses scientifiques et techniques, selon Latour, est « de réussir à déployer les versions concurrentes des mêmes affaires scientifiques et techniques, de retrouver une ob-jectivité qui ne repose plus sur un silence admiratif, mais sur la gamme des avis contradictoires portant sur les versions opposées des mêmes enjeux »14.

Par conséquent, l’objectif est de parvenir à mettre sur un même plan, sur un même niveau de visualisation, les différentes thèses débattues afin de pouvoir se faire un avis sur le sujet « neuromarketing » : en cartographiant les thèmes des débats contra-dictoires, en représentant graphiquement les inter-relations entre les désaccords pro-fonds et féconds, en spatialisant les contre-vérités dénoncées, thème par thème et en lien avec leurs auteurs, les acteurs-réseaux du neuromarketing.

Cette représentation graphique sous forme de cartographie (réseau de graphes) se

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fera à l’aide d’un logiciel d’analyse et de visualisation de réseaux « graphes en ré-seau » ou « représentations graphiques en réré-seau ». Ce logiciel « open source » se nomme Gephi15 et a été développé par une équipe d’étudiants français issus de

l’Université de Technologie de Compiègne : Mathieu Bastian, Sébastien Heymann et Mathieu Jacomy16.

Ce logiciel nous aidera à montrer toute la complexité des interrelations entre les membres directs et indirects du réseau « neuromarketing » et à comprendre égale-ment l’influence des facteurs non humains sur le modèle (articles, rapports, livres...). En effet, notre ambition est de « traduire », donc d’appliquer l’ANT via une ap-proche quantitative « sociométrique » qui mobilise la bibliométrie d’une part comme préalable et la théorie des graphes d’autre part, comme application et prolongement empirique de notre modèle. La bibliométrie est une condition pour la pertinence du modèle de « graphe social » qui requiert comme données des indicateurs fiables et fondés sur les standards académiques de référence, G Index et H Index (à titre d’exemples).

Cette partie quantitative est cruciale pour objectiver le débat sur le neuromarketing, pour mieux comprendre ses controverses et déconstruire les « mythologies » qui se sont forgées autour de ce nouveau domaine. Le but ultime étant d’en décrire et d’en décrypter les processus comparés (américain et français) de co-construction, d’impact, de diffusion, de développement, tout en prouvant les contradictions, les faiblesses et les limites actuelles de la récente discipline. Le résultat de nos re-cherches nous permettra alors d’établir une méthodologie appliquée de l’ANT que nous envisageons en plusieurs étapes qui permettra d’établir sur les bases de ce qui précède le processus complet de traduction du réseau sociotechnique qu’est le

neu-15. GEPHI est gratuitement téléchargeable à l’adresse suivante : https://gephi.org/users/download/. L’ap-plication GEPHI a été développée en mode open-source et a fait l’objet d’une présentation, suivie d’une publication en mai 2009 à San Francisco à la conférence 3rd AAAI Conference on Weblogs and Social Media. GEPHI a reçu le soutien du Google Summer of Code en 2009 et en 2010.

16. Mathieu Bastian, Sébastien Heymann et Mathieu Jacomy, Gephi : An Open Source Software for Exploring and Manipulating Networks, International Association for the Advancement of Artificial Intelligence Conference on Weblogs and Social Media, 2009.

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romarketing, mais nous montrerons l’intérêt général d’une telle méthodologie qui pourrait s’appliquer à tout sujet controversé (exemples : les OGM, le nucléaire, le Big Data, le réchauffement climatique, l’Uberisation, les NBIC, etc.).

Pour ce faire, nous avons décidé de concentrer notre étude sur deux territoires, afin de les comparer : les États-Unis d’une part, où est né le neuromarketing en 2003. Ce pays constitue à la fois nous le verrons le berceau et la terre où s’est le mieux développé le réseau neuromarketing. Et de façon assez naturelle et logique, nous avons décidé de comparer les États-Unis, le « Nouveau Monde » non pas à l’Eu-rope, le « Vieux Continent », mais à la France où nous étudions, vivons et où nous avons observé l’évolution et le développement du phénomène depuis le départ.

En effet, l’Europe comme périmètre géographique et comme terrain d’analyse pour notre thèse aurait été un territoire beaucoup trop vaste, trop complexe à appréhender dans sa globalité : 720 millions d’habitants, 50 États européens, 128 langues et dialectes...

Comment aurions-nous pu traiter la pluralité des situations eu égard au neuromar-keting et à son développement dans 28 États Membres de l’UE, mais également au sein des 9 pays non membres de la zone euro par exemple ? Comment départir, choisir certains pays européens plutôt que d’autres mis à part les critères biblio-métriques ? Comment comparer et considérer la différence de maturité de tous les états européens beaucoup trop disparate, trop inégale sur le plan des publications scientifiques sur le neuromarketing ?

Sachant qu’il nous aurait fallu traduire dans le cadre de notre revue de littérature tous les articles pertinents quelle que soit leur langue de publication, puis analy-ser tous les facteurs bibliométriques liés aux auteurs-réseaux, compte-tenu de cette complexité linguistique et culturelle, c’est impossible dans le cadre d’une thèse de doctorat.

C’est la raison pour laquelle nous avons donc décidé de nous focaliser uniquement (dans le cadre de notre recherche doctorale) sur la comparaison des réseaux neuro-marketing aux États-Unis et en France (acteurs, traces et controverses).

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Ainsi, nous pouvons nous demander comment s’est développé le neuromarketing de manière comparée entre les Etats-Unis et la France. Comment s’est construit ce nouveau domaine à mi-chemin entre neurosciences appliquées et marketing, sur le plan théorique et pratique ? Qui en sont les principaux acteurs, quelles évolutions, quels rôles ont-ils joué dans la propagation, la diffusion et la traduction de cette dis-cipline récente ? Pourquoi le neuromarketing s’est-il développé de manière inégale et différente entre les Etats-Unis et la France ? Pourquoi est-il sujet de controverses et quelles sont-elles ? Quels sont les fondements scientifiques de ces controverses sur le neuromarketing ? Comment pouvons-nous faire le lien entre ces controverses et leurs auteurs ? Comment mettre en perspective les controverses sur le neuromar-keting et son développement comparé ?

Notre approche méthodologique « qualitative-quantitative » qui résulte de notre choix de design de recherche qu’est la Théorie de l’Acteur-Réseau (TAR) confère un rôle primordial à la bibliométrie et permet dans le cadre d’une revue de litté-rature de couvrir grâce à des outils logiciels de bibliométrie comme Publish Or Publish17, de pouvoir recenser les articles scientifiques les plus cités sur un sujet

précis et ainsi de nous concentrer sur un panel représentatif d’articles de références, dont nous avons fait l’étude et l’analyse approfondie. Il est difficile sur un sujet donné de lire toute la littérature et de l’analyser (plus d’un millier d’articles indexés par Google Scholar sur « neuromarketing » par exemple), aussi, la bibliométrie peut-être utile pour retenir les papiers les plus emblématiques d’un domaine (en général plusieurs dizaines d’articles) et qui font autorité dans un domaine scienti-fique particulier. Les critères d’analyse bibliométriques comme les différentes in-dices ou scores à l’échelle d’un auteur ou encore le nombre de citations totales, l’année publication donnent des informations précises sur l’importance quantitative de la production scientifique. C’est un préalable aujourd’hui pour ne pas passer à côté d’un article majeur dans un domaine, car l’indexation dans des nouvelles bases de données ouvertes et accessibles comme « Google Scholar » utilisée dans l’outil

17. Voir plus de détails, le chapitre 3.3.1 de notre thèse : « Introduction au logiciel de bibliométrie utilisé : Publish or Perish (POP)».

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« Publish or Perish » permet de recenser les corpus d’articles disponibles comme préalable à une revue de littérature aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle nous retenons dans notre approche méthodologique l’utilisation de la bibliométrie pour concentrer nos efforts de revue de littérature (qualitative, sémantique) sur le Top 20 ou le Top 50 des articles sur un sujet précis.

0.2

Les modes managériales : une alternative

théo-rique ?

Pourquoi nous n’avons pas retenu les modèles dits de « modes managériales » : « Fashion waves » ou « Fads » ?

Pour mesurer, analyser l’impact et le développement du « neuromarketing », nombre de modèles et de design de recherches existent et auraient pu nous servir de cadre théorique et méthodologique : en effet, la littérature en marketing, en management, en management des systèmes d’information, en économie, en sciences de gestion et en sciences sociales abonde d’articles sur les modèles décrivant les « courants managériaux à la mode », ou « modes managériales » appelés en anglais « fashion waves » et « fads ». Après une première revue de la littérature traitant du phéno-mène de « modes managériales », depuis l’outil logiciel Publish Or Perish18(POP)

nous avons constaté qu’il existe, indexés et présents (résultats de requêtes donnés par Google Scholar) environ 331 articles différents et pas moins de 6 697 citations de l’expression « Fashion Waves ». Pour l’expression « Fads », plus de 1 000 articles sont indexés par Google Scholar, ce qui représente un volume de 45 797 citations de l’expression dans l’ensemble des articles publiés et ainsi catégorisés. Pour pouvoir rendre réaliste et réalisable notre revue de littérature et notre analyse, nous avons décidé de ne retenir que le « Top 20 » des articles les plus cités et relatifs aux 2 expressions : « Fashion Waves » et « Fads » et dans les champs académiques du marketing, du management, de la stratégie, en somme des sciences de gestion que nous couvrons.

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Nous avons produit 2 tableaux contenant les 20 articles (cf Tableaux 1 et 2) les plus emblématiques de chaque modèle, classés par ordre décroissant en nombre de ci-tations, et après « suppression » des articles « non pertinents », en dehors de notre intérêt de recherche.

Dès lors, nous nous sommes concentrés uniquement sur les articles issus des re-vues en management, en marketing, en management des systèmes d’information, en sciences sociales (cf Tableaux 1 et 2).

Tableau 1 – Top 20 des articles les plus cités contenant l’expression « Fashion Waves » (source Publish or Perish)

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Tableau 2 – Top 20 des articles les plus cités contenant l’expression « Fads » (source Publish or Perish).

Nous retenons ici les travaux pionniers de E. Abrahamson19 qui analyse et décrit les phénomènes de « modes managériales » (« Fashion Waves » et « Fads ») dès les années 1990. Ces publications font référence dans toute la littérature en manage-ment et en sciences sociales. Son premier article en 1991 a fait date dans l’univers académique et même en entreprise (il a été cité 1858 fois par ses pairs dans la littéra-ture). L’auteur y définit les modes managériales comme « des croyances collectives transitoires disséminées par des fashion setters »20. Ce sont, la plupart du temps, des « gourous », des « consultants », des « experts » d’un domaine, qui vont utiliser les médias pour distiller leurs idées, leur vision managériale éphémère, mais avec efficacité et talent.

Dans un effort de développement d’une théorie des modes de gestion, Abrahamson (1996) distingue deux catégories d’acteurs : les faiseurs de modes et les deman-deurs/utilisateurs de modes. Parmi les faiseurs de modes se trouvent les sociétés de conseil, les écoles de commerce, les gourous du management, et les médias de masse spécialisés. Abrahamson propose un modèle qui permet d’interpréter l’adop-tion et la diffusion des innoval’adop-tions managériales, le phénomène déclencheur de ce

19. E. Abrahamson, « Managerial Fads and Fashions : the Diffusion and Rejection of Innovations », Academy of Mana-gement Review, vol. 16, 1991, p.586-612.

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processus décisionnel sera différent selon la perspective dans laquelle on se place (effets de mode ou d’engouement, choix efficient, adoption forcée).

Selon Abrahamson, ces modes managériales n’étant que des croyances, leur effica-cité, et donc leur durabilité dans l’organisation restent très limitées. Conformément aux analyses classiques de la diffusion des innovations, ces démarches - dont les cercles de qualité au début des années 1980 en constituent un parfait exemple -suivent une courbe de diffusion en cloche, nommée encore « S » inversé.

Kieser (1997) reprend cette théorie de la courbe en cloche pour montrer que les différentes modes managériales des années 1980 et 1990 répondent à des cycles de plus en plus courts, avec des pics de plus en plus élevés et des périodes d’inter-ruptions de plus en plus faibles. Il complète l’analyse d’Abrahamson en décrivant plus finement la rhétorique, principal vecteur de diffusion et de déclin des modes managériales. Cette rhétorique est toujours constituée des mêmes caractéristiques : promettre des progrès substantiels à l’entreprise qui l’adoptera, mentionner des uti-lisateurs célèbres, accentuer l’universalité de concepts délibérément simples...

Ces interprétations et débats prorogent le champ d’application de la mode, la cré-dibilisent, mais obscurcissent sa signification. Kieser atténue pourtant l’approche d’Abrahamson en considérant que l’offre est aussi créée par la demande : les entre-preneurs utilisent en effet ces modes managériales pour se distinguer entre eux et se valoriser. L’importance concédée à la rhétorique de la conviction pour expliquer l’enchaînement des modes managériales est d’ailleurs confirmée par Abrahamson & Fairchids (1999).

Dans le cadre de notre sujet de recherche, cette approche théorique, bien qu’intéres-sante, ne nous convient pas complètement. En effet, cette interprétation théorique est assez limitée dans la compréhension et l’analyse d’une science naissante : car elle se limite aux seuls rôles dévolus aux acteurs, aux « fashion setters », à leur dif-fusion médiatique, sans prendre en considération tout le contenu qui rend possible cet « effet de mode managérial » et surtout, sans en comprendre la portée

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scienti-fique à travers l’analyse des traces, des publications et les contradictions inhérentes à toute science naissante, ou innovation. D’autre part, nous le verrons, dans le cadre du neuromarketing, la diffusion, la médiatisation, le développement de la discipline sont liés à un jeu complexe d’acteurs variés en commençant par les scientifiques eux-mêmes, rejoints par les journalistes et les experts autoproclamés du sujet. Les acteurs, leurs traces controversées, sont indissociables et consubstantielles au neu-romarketing. C’est notamment pour ces raisons que la sociologie de l’acteur-réseau (SAR) est bien plus pertinente et adaptée à notre d’étude comme cadre théorique et méthodologique.

Les études exploratoires constituent un recours en l’absence des théories mobi-lisables, comme première étape d’une reconfiguration des connaissances dans un domaine scientifique (Wacheux, 1996)21, ce qui n’est pas le cas de notre thèse.

Notre recherche doctorale s’inscrit dans un design exploratoire au sens théorique et méthodologique. Notre exploration théorique implique d’établir une relation entre deux champs théoriques non reliés dans les recherches précédentes ou entre deux disciplines : ici les neurosciences et le marketing. Notre exploration implique pour notre travail doctoral d’établir des relations entre des concepts existants au sein de l’Actor Network Theory (ANT) et/ou d’introduire de nouveaux concepts dans le champ théorique de la sociologie de la traduction. C’est tout l’objet de la sous-section du chapitre 7.1 consacrée aux contributions conceptuelles et théoriques.

Nous allons ainsi montrer comment deux disciplines aux champs théoriques dif-férents vont se rejoindre pour former une nouvelle « science », le neuromarketing, dans une logique de co-construction des savoirs et des pratiques.

Notre démarche est une exploration hybride qui consiste en une série d’allers et re-tours entre revue de littérature, données quantitatives (bibliométriques), traces aca-démiques et profanes sur le web, analyses et cartographies des controverses, puis retour vers la théorie et les concepts propres à l’ANT, afin de mieux comprendre le

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jeu des acteurs-réseaux du neuromarketing et envisager le neuromarketing, comme une science en train de se faire.

Bruno Latour nous ouvre la voie. Dans son ouvrage L’espoir de Pandore22, il montre « comment se fait la circulation de la référence dans les pratiques scien-tifiques, notamment à partir de la description d’une recherche en pédologie (la science des sols) en Amazonie. Il suit, littéralement à la trace, le processus de pro-duction d’un nouvel énoncé scientifique, en parcourant très minutieusement toutes les étapes traversées par ce qu’il appelle la référence circulante, terme emprunté à la linguistique mais recyclé dans le glossaire « latourien ». En montrant la cascade de transformations, depuis le prélèvement d’échantillons de terre jusqu’à la rédac-tion d’un article scientifique en passant par toutes les opérarédac-tions de notarédac-tion, de mise en coordonnées, de comparaison, etc. des mottes de terre amazoniennes, en soulignant le rôle-clé des instruments scientifiques permettant la production d’ins-criptions scientifiques (diagrammes, cartes, données, etc.), il parcourt en fait le chemin qui va du monde réel, de la matière vers le langage, la représentation du monde»23.

C’est pourquoi nous allons nous attacher à décrire le « phénomène » neuromarke-ting, pour formuler des hypothèses quant à son développement comparé entre la France et les États-Unis, dans une logique abductive et socioconstructiviste (dans le sillage de l’ANT). Compte tenu de ce qui précède et pour être tout fait complet et cohérent avec notre choix de notre design de recherche (l’ANT), nous précisons que nous ne mènerons pas d’étude longitudinale sur le neuromarketing (pas de design longitudinaldonc).

22. B. Latour, L’espoir de Pandore, Editions La Découverte, traduit de l’anglais par Didier Gille, mai 2007.

23. Alexandre Serres. Quelle(s) problématique(s) de la trace ? Texte d’une communication prononcée lors du séminaire du CERCOR (actuellement CERSIC), le 13 décembre 2002.

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0.3

La problématique et les questions de recherches

La problématique que nous soulevons dans le cadre de cette recherche doctorale peut se définir comme suit :

Comment comprendre et analyser le développement du neu-romarketing de manière comparée entre les Etats-Unis et la France ?

Cette problématique pose et induit plusieurs questions de recherches qui ont struc-turé notre réflexion et nous ont ainsi permis de produire une articulation logique et continue dans notre recherche sur le développement comparé du neuromarketing.

Pour répondre à notre problématique générale, nous poursuivrons cinq objectifs majeurs tout au long du présent travail doctoral, afin de répondre précisément aux questions de recherche suivantes :

Première question centrale de recherche : « Qu’est-ce que le neuromarketing ? »

Comment définir le neuromarketing à travers la littérature scientifique ? Quels en sont les fondements théoriques, les pratiques et les applications concrètes ? Com-ment et pourquoi le neuromarketing s’est-il développé aux États-Unis plutôt qu’en France ? Quels sont les impacts du neuromarketing sur le marketing et la publicité ? (premier objectif de notre recherche).

Deuxième question centrale de recherche :

« Comment et pourquoi le neuromarketing est-il une co-construction des neurosciences et du marketing ? »

Cette question de recherche appelle une nouvelle interrogation qui doit nous conduire à préciser notre design de recherche. Quel cadre théorique et méthodologique de recherche pourrions-nous appliquer pour répondre à cette question ? En quoi la théorie de l’acteur-réseau (ANT) peut-elle nous aider à répondre à cette question ? (deuxième objectif de notre recherche).

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Troisième question de recherche :

« Qui sont les acteurs qui constituent les réseaux neuromarketing américain et français ? »

Qui sont les principaux acteurs-réseaux du neuromarketing aux États-Unis et en France ? Comment évaluer leurs places, leurs rôles au sein de leur réseau respectif ? Quelles sont leurs motivations ? Comment ont-ils construit leurs « réseaux » au sens de l’ANT ? Comment ont-ils diffusé leurs théories et leurs pratiques au sein de leur réseau ? (troisième objectif de notre recherche).

Quatrième question de recherche :

« Quelles sont les traces constitutives des réseaux neuromarke-ting américain et français et quels sont leurs rôles ? »

Quelle est la place et le rôle que jouent les traces, les inscriptions de chaque ré-seau (publications d’articles, livres, interviews...) ? Quels fondements pour une ap-proche scientométrique (bibliométrique) ? Quelles fonctions assigner aux traces nu-mériques dans la traduction du réseau neuromarketing (web, réseaux sociaux...) ? (quatrième objectif de notre recherche).

Cinquième question de recherche :

« Pourquoi certaines publications ont-elles donné lieu à des controverses sur le neuromarketing ? »

Quelles sont les controverses fondées scientifiquement ? Comment s’articulent-elles à partir des différentes traces (comparaison États-Unis/France) ? Quelles sont les controverses qui touchent davantage à l’éthique, au contexte juridique spécifique à la France ? Quelles conséquences pour le neuromarketing comme discipline et ré-seau sociotechnique ? (cinquième objectif de notre recherche).

Les réponses à toutes ces questions de recherches vont nous permettre d’éclairer sous un angle nouveau les limites et les perspectives du développement du neuro-marketing aux États-Unis et en France.

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0.4

Le plan de la thèse

Chapitre 1

Nous commençons notre travail de recherche en rappelant les fondements théo-riques du neuromarketing à travers notamment l’analyse de la littérature.

Chapitre 2

Puis nous présentons les intérêts pour les sciences de gestion en général et pour le marketing en particulier d’utiliser une approche fondée sur l’Actor Network Theory.

Chapitre 3

Nous abordons ensuite le neuromarketing comme un « réseau d’acteurs humains » que nous définirons et nous représenterons graphiquement pour en dévoiler les interrelations et les rôles de chaque acteur-réseau.

Chapitre 4

Nous montrons comment le neuromarketing s’est développé en produisant des traces qui constituent un « réseau non-humain » et qui contribuent directement à sa tra-duction scientométrique.

Chapitre 5

Puis, nous analysons les différentes principales controverses qui frappent le neuro-marketing, afin d’en dresser une représentation graphique sous forme d’une visua-lisation cartographique sociale (social graphing).

Chapitre 6

Nous présentons nos contributions de recherche sur les plans théorique, méthodolo-gique et managériale. Nous montrons notamment comment grâce à un cas d’usage (en entreprise) nous pouvons faire la « preuve de notre concept » en appliquant notre méthodologie.

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Enfin, nous terminons par une discussion autour des limites de nos recherches, puis nous proposons quelques perspectives autour de notre méthodologie et d’une nou-velle approche de la bibliométrie reposant sur les traces numériques (web, réseaux sociaux...).

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Chapitre 1

Naissance et développement du

neuromarketing

Figure

Tableau 3.1 – Les principales sociétés spécialisées en neuromarketing aux Etats- Etats-Unis.
Tableau 3.2 – Nombre total d’articles trouvés par acteur-réseau humain « neuros- neuros-cientifique » et « marketeur » américain.
Tableau 3.3 – Nombre de citations des acteurs-réseaux humains « neuroscienti- neuroscienti-fiques » et « marketeurs » américains
Tableau 3.4 – h index des acteurs-réseaux humains « neuroscientifiques » et « mar-
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Références

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