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Copie d’écran extraite de l’article de Montague et al (2004)

dans la marre » du marketing traditionnel en publiant un ouvrage « buy.ology » se fondant sur la plus grande étude en neuromarketing réalisée aux Etats-Unis. Philip Kotler lui rend hommage sur la postface de « Buy.ology »11 : « plein d’histoires

intrigantes sur le fonctionnement du cerveau, les marques, et sur les émotions qui dictent les décisions des consommateurs. Un brillant mélange de Martin Lindstrom entre marketing et neurosciences qui nous fournit une compréhension plus profonde des forces dynamiques, largement inconscientes qui façonnent notre prise de déci- sion. Une lecture de ce livre et vous regarderez le comportement du consommateur et du producteur avec un éclairage entièrement nouveau »12. Mais nous verrons, au

11. Martin Lindstrom. Buyology : Truth and Lies About Why We Buy, Crown Business, 2010

12. « Full of intriguing stories on how the brain, brands, and emotions drive consumer choice. Martin Lindstrom’s brilliant blending of marketing and neuroscience supplies us with a deeper understanding of the dynamic, largely unconscious forces that shape our decision-making. One reading of this book and you will look at consumer and producer behavior in an

FIGURE 1.2 – Copie d’écran extraite de l’article de Montague et al (2004). cours de notre analyse, que les écrits de Martin Lindstrom vont être malmenés par 44 neuroscientifiques qui vont démontrer l’usage d’une contre-vérité scientifique : l’expert en branding sera victime d’une erreur de logique dite de « reverse infe- rence »que nous détaillerons dans le Chapitre 5 de la thèse dédiée aux controverses qui frappent le neuromarketing.

1.1.2

A l’origine du neuromarketing : l’émergence des neuros-

ciences cognitives

La « révolution cognitive »13 qui succède à la cybernétique resserre son champ d’investigation pour privilégier, comme hypothèse de travail, l’analogie de fonc-

entirely new light».

13. La révolution cognitiviste ou révolution cognitive, d’après une expression d’Howard Gardner (1985), désigne le mou- vement scientifique qui, né à la fin des années 1950, a donné naissance aux sciences cognitives.

tionnement entre l’esprit et l’ordinateur. On parle de métaphore du cerveau et de l’ordinateur comme nouveau paradigme et fondement « des sciences de la cogni- tion » ou « sciences cognitives ». Les sciences cognitives ont conduit à dépasser le cadre béhavioriste pour revenir à l’étude de la pensée dans une « approche inter- disciplinaire du mental »14. Les sciences cognitives envisagent, le fonctionnement

du cerveau comme un ensemble de traitements d’informations et d’opérations lo- giques effectuées sur des symboles élémentaires. En effet, l’essor de l’informatique est inséparable de cette révolution scientifique et philosophique qui rend possible la représentation mentale décrite par un langage formel et simulé par un programme d’ordinateur.

Les neurosciences cognitives sont l’une des branches des sciences cognitives, elles désignent le domaine de recherche dans lequel sont étudiés les mécanismes neuro- biologiques qui sous-tendent la cognition (perception, motricité, langage, mémoire, raisonnement, émotions...). Les neurosciences cognitives font appel pour une large part aux neurosciences, à la neuropsychologie, à la psychologie cognitive, à l’ima- gerie cérébrale ainsi qu’à la modélisation. Cette révolution est épistémologique car elle touche la science de la connaissance et sa méthodologie, provoquée par l’évo- lution « technologique » de nos artefacts de modélisation et de simulation. L’essor de la 1ère et 2nde cybernétique a permis l’éclosion des Sciences du Traitement de l’Information que sont devenues les Sciences Cognitives regroupant elles-mêmes le vaste champ des Neurosciences et de l’Intelligence Artificielle. Ces disciplines vont converger pour fonder un champ scientifique et technologique fécond et très prometteur.

« Au nombre des plus récentes métamorphoses de la connaissance scientifique, la neuroscience cognitive est assez représentative d’un tel schéma. Depuis vingt- cinq ans environ, l’idée qu’a émergé une nouvelle discipline dans le domaine de l’investigation du système nerveux et de la cognition s’est progressivement affirmée, d’abord à travers des articles, des réunions scientifiques, des livres, puis par le

biais de la création de sociétés savantes, de collections d’ouvrage, de centres et de programmes de recherche et d’enseignement. Le nom de neuroscience cognitive s’est aussi peu à peu établi pour désigner cette discipline dans sa globalité »15.

1.2

Validité scientifique des théories neuroscientifiques

La validité scientifique de la neuroscience cognitive a pu faire débat au début des années 1990, mais, depuis une décennie, les thèses et les pratiques de la neuros- cience se sont confirmées au sein de la communauté scientifique mondiale et sont reconnues et prouvées (scientifiquement) par la communauté des chercheurs et le corps enseignant concerné (médecine, biologie, psychologie, épistémologie, infor- matique...). Comme le rappelle Daniel Andler (2005), « Le développement rapide de la neuro-imagerie semble encourager l’idée que les faits, qui sont concrets et solides, s’opposent aux théories, abstraites et fragiles, et que les neurosciences, grâce à l’imagerie, fournissent les faits permettant à la science de l’esprit/cerveau d’échapper à l’incertitude des théories, produit d’une psychologie encore trop as- servie au modèle spéculatif de la philosophie et d’un certain mode idéologique de pratiquer les sciences de l’homme. »16.

La neuroscience cognitive est une discipline scientifique à part entière, une disci- pline théorique issue de l’évolution de la biologie et de l’informatique et qui révolu- tionne le champs des possibles, en construisant une matière pluridisciplinaire qui se nourrit d’autres sciences également telle que la physique, la chimie, les mathéma- tiques et des sciences « molles » ou autres « humanités » telles que la philosophie, l’épistémologie, la psychologie, l’anthropologie pour en prolonger les fondements théoriques et les applications.

« Affirmer que les neurosciences sont une discipline théorique, c’est donc dire

15. Jean-Michel Roy, « L’émergence de la neuroscience cognitive », Histoire du cerveau, Cahiers Alfred Binet, n◦667, 2001.

16. Daniel Andler, «Les neurosciences cognitives : une nouvelle "nouvelle science de l’esprit" ?» Psychiatrie, sciences humaines, neuroscience, 3-12, mars-avril 2005, pp. 74-87.

qu’elles possèdent ces traits. Pour être plus précis, elles sont une branche d’une science théorique, à savoir la biologie, et elles héritent de leur caractère théorique. Quant à ce qu’on appelle (depuis peu) « neurosciences cognitives », ce n’est pas, contrairement aux apparences lexicales, une simple spécialité au sein des neuros- ciences, mais un programme de recherche, ou mieux une toute jeune « matrice dis- ciplinaire », pour emprunter à Thomas Kuhn un terme qu’il a finalement préféré au trop versatile « paradigme »... »17.

1.3

L’impact des neurosciences cognitives sur les sciences

humaines

L’impact de la neuroscience cognitive sur les sciences humaines fut au cœur de la révolution « cognitive » et on peut dire finalement qu’elle est consubstantielle au développement de la neuroscience cognitive. En effet, les neurosciences cogni- tives en tant que champs scientifique multidisciplinaire se proposent de sonder les théories fondatrices des sciences humaines pour en réviser les connaissances et les applications : qu’il s’agisse de la psychologie, de la sociologie, de l’économie, des sciences de l’éducation... Aucune discipline ne semble échapper au crible de l’ana- lyse neurocognitive. Et dans un même mouvement, les sciences humaines apportent parfois un éclairage nouveau sur les théories neuroscientifiques elles-mêmes. A titre d’exemple, nous pouvons citer le travail d’économistes spécialisés en psychologie du raisonnement Daniel Kahneman et Amos Tversky (devenus Prix Nobel d’Econo- mie en 2002) et qui ont donné naissance à l’un des fondements théoriques majeurs des sciences cognitives actuelles et qui ont toujours formulées des doutes sur la « rationalité » humaine, et le concept « homo œconomicus » à la suite de Keynes, Bourdieu...

Ces chercheurs en économie dite expérimentale ou « behavioural economics » que sont Daniel Kahneman et Amos Tversky ont développé une théorie sur les « heu-

17. Daniel Andler, «Les neurosciences cognitives : une nouvelle "nouvelle science de l’esprit" ?» Psychiatrie, sciences humaines, neuroscience, 3-12, mars-avril 2005, pp. 74-87.

ristiques et les biais dans le jugement » et font l’hypothèse que les erreurs systé- matiques par rapport à la norme bayésienne, et mises en évidence par leurs expé- riences, s’expliquent par des raccourcis mentaux, plus faciles d’accès, moins coû- teux en temps et en concentration ou heuristique. Quand le coût du calcul bayésien normatif est important, l’individu a tendance à faire appel à des exemples qui l’ont marqué ou à des aspects parlants du problème qui lui permettent de réaliser des approximations. De ce fait, la décision se fait via un arbitrage entre ces raccourcis et un calcul plus rigoureux.

Néanmoins, une vraie théorie de la rationalité limitée ne peut se contenter d’une liste de raccourcis mentaux. Il faut préciser comment ces heuristiques opèrent, sous quelles conditions, à l’occasion de quelles situations. Pour ce faire, il faut ouvrir la « boîte noire » du processus cognitif de jugement. Lévy-Garboua et Montmar- quette (2004) font l’hypothèse d’agents cognitivement limités qui sont soumis à la séquentialité de leur perception. L’homme ne peut traiter simultanément toutes les perceptions qu’il reçoit. C’est pourquoi, le jugement ne peut être parfaitement prédit par la norme bayésienne. Plusieurs approches psychologiques remettent en cause l’hypothèse d’un « homme statisticien » par nature.

Nous nous attarderons particulièrement sur ce que Kahneman et Tversky (1974) ap- pellent « l’heuristique de représentativité ». Lévy-Garboua et Montmarquette pro- posent un modèle de jugement qui fait l’hypothèse d’un individu fondant ses juge- ments de manière disproportionnée sur la valeur normative des probabilités et sur « l’impression » des événements. Mais il faudra attendre l’année 2006 pour qu’un équipe de neuroscientifique reconduise les mêmes tests que Kahneman et Tversky sous IRMf afin de démontrer « physiologiquement » l’effet de cadrage. Benedetto De Martino et ses collègues ont mené une étude d’imagerie encéphalique sur des bénévoles à qui l’on a présenté le même choix - que faire avec une somme d’argent dans deux contextes différents ? Les bénévoles qui étaient plus susceptibles à l’effet de cadrage ont démontré plus d’activité dans l’amygdale (« Amyg » dans l’image infra), une région du cerveau liée à l’apprentissage et à l’émotion. Les auteurs an- noncent également qu’ils ont pu prédire quels bénévoles sont les plus immunes à

cet effet et peut-être aussi les plus rationnels étant donné la plus grande activité dans une autre région, le cortex préfrontal latéral et orbital (« ACC » pour Anterior Cingulate Cortex dans l’image infra).