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Vers une plus grande indépendance de l’expertise et de l’autorité de sureté

Partie I : La préparation à la gestion des risques nucléaires en France : une

Chapitre 1 La construction du système d’acteurs fonctionnel autour de la

1.6 Vers une plus grande indépendance de l’expertise et de l’autorité de sureté

En 1996, M. Vesseron est parti de l’IPSN pour devenir Directeur général chargé des risques industriels et environnementaux auprès de Corinne Lepage au Ministère de l’Environnement. André-Claude Lacoste aurait voulu avoir l’expertise de sûreté des réacteurs de l’IPSN, qui était encore au CEA, à la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN) mais la situation était impossible car les réacteurs de recherche exploités par l’IPSN ne pouvaient dépendre du Ministère de l’Industrie. De plus, M. D’Escatha, Administrateur Général du CEA, ne voulait pas voir l’expertise de l’IPSN partir à la DSIN. En 1997, le gouvernement a finalement nommé Michel Livolant comme Directeur de l’IPSN.

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http://www.irsn.fr/FR/Larecherche/Organisation/Programmes/ENVIRHOM/Pages/Programme-ENVIRHOM-1720.aspx

André-Claude Lacoste, un acteur central de la sûreté nucléaire en France

André-Claude Lacoste est une personne très importante et très influente dans le système nucléaire français. Il était jusqu’à novembre 2012, le Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Nous avons souhaité retracer son parcours dans cet encadré puisqu’il représente l’illustration parfaite des carrières effectuées par les ingénieurs du Corps des Mines dans le giron de l’Etat (car un grand nombre d’ingénieurs des Mines vont « pantoufler » dans l’industrie à un moment de leur carrière).

- Ecole Polytechnique en 1960 (9ème à la sortie) - Corps des Mines en 1963 (4ème à la sortie)

- Ingénieur des Mines à Valenciennes, puis Lille, et chef de l’arrondissement de Douai de 1966 à 1978

- Chef de Service de la Sécurité Industrielle au Ministère de l’Industrie de 1978 à 1979

- Adjoint du directeur de la Qualité et de la Sécurité Industrielles au Ministère de l'industrie de 1979 à 1982. Au cours de ce poste, il se bat pour que la sûreté nucléaire soit rattaché à l’Administration française et non au CEA.

- Divers postes au Ministère de l’Industrie, jusqu’à Adjoint au Directeur Général, entre 1982 et 1993

- Nommé Directeur de la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaire (DSIN) de 1993 à 2002

- Il obtient des pouvoirs élargis en 2002 avec la création d’une Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection (DGSNR), pour laquelle il a beaucoup œuvré. Il en est le Directeur Général. Pendant sa nomination, il lutte pour que la DGSNR sorte du giron de l’Etat et soit réellement indépendante de l’exploitant, pour que la Sûreté Nucléaire soit confiée à une Autorité Administrative Indépendante (AAI).

- En 2006, le Président Chirac créé l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), comme une AAI, et le nomme Président irrévocable pour 6 ans. Il quitte ses fonctions en 2013.

De plus, André-Claude Lacoste est très actif dans les organisations internationales des autorités de sûreté nucléaire (WENRA, INRA), dont il est un membre éminemment reconnu. Nous avons pu constater ce point notamment lors d’une conférence à Madrid, en

En 1998, M. Le Déaut, Président de l’OPECST, rend un rapport au Premier Ministre Jospin, intitulé « Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire : la longue marche vers l’indépendance et la transparence »175. Ce rapport prévoyait la fusion de l’IPSN et de l’OPRI. Il est un des documents précurseurs de la future organisation du contrôle et de l’organisation du nucléaire français. Le rapprochement de ces deux organismes était une opération compliquée. « Ce rapprochement n’est pas du goût des ministères concernés, tels que les Ministère de la Santé, de l’Industrie et de l’Environnement. » (Ing/IRSN). Parallèlement, des décisions de principe ont été prises à la fin de 1998 par le gouvernement Jospin, en faveur de la réorganisation du contrôle de la sécurité nucléaire. Il s’agissait de créer une Autorité de Sûreté Nucléaire sous la forme d’une Autorité Administrative Indépendante (AAI) comme recommandé par le rapport Le Déaut. Le statut d’AAI devait servir à garantir l’indépendance du contrôle de la sécurité nucléaire par rapport au pouvoir exécutif et aux exploitants nucléaires.

« Un amendement à la loi du 9 mai 2001 créant l’Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale (AFSSE) a procédé à la réunion des activité d’expertise et de recherche de l’OPRI et de l’IPSN (détaché du CEA) au sein de l’IRSN, auquel a été attribué le statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle des ministres en charge de l’Environnement, de l’Industrie, de la Défense, de la Recherche et de la Santé. »176 Le Décret 2002-254 du 22 février 2002 relatif à l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a précisé ses missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la sûreté des transports des matières radioactives et fissiles, de la protection de l’homme et de l’environnement contre les rayonnements ionisants, de la protection et du contrôle des matières nucléaires, de la protection des installations nucléaires et des transports de matières radioactives et fissiles contre les actes de malveillance. Il ajoute également la mission d’information du public « notamment en élaborant et rendant public, après avis du conseil scientifique, un rapport annuel d’activité ».

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L’IRSN laisse par contre au CEA l’exploitation des réacteurs de recherche dont il devient le simple commanditaire d’essais. A partir de mars 2003, Jacques Repussard est devenu son Directeur Général et occupe toujours cette fonction au moment où nous écrivons. Il est issu de l’Ecole Polytechnique en 1968 et du Corps des Mines. Avant d’avoir été nommé Directeur

175 Disponible sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/994000102/0000.pdf 176

Besançon Julien, Les agences de sécurité sanitaire en France, Revue de littérature commentée, Cahier du GIS, n°2, Août 2004.

Général de l’IRSN, il occupait le poste de Directeur Général adjoint de l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) depuis 1997.

En même temps que l’IRSN est créée une Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection (DGSNR) en remplacement de la DSIN. Son chef, M. Lacoste est resté à la tête de cette nouvelle Direction Générale qu’il a contribué à créer. La DSIN était rattachée au Ministère de l’Industrie et de l’Environnement et avec la DGSNR, est rajoutée la tutelle du Ministère de la Santé.

Depuis longtemps, M. Lacoste voulait créer une structure indépendante pour l’autorité de sûreté nucléaire. Une des raisons serait que dès son arrivée à la DSIN en 1993, il a « été marqué par le fait de devoir rendre des comptes à deux ministres qui avaient souvent des avis opposés lorsqu’on leur posait une question difficile. » (Ing/IRSN). Il a échoué une première fois en 2000 suite à un avis défavorable du conseil d’Etat qui considérait que les Autorités Administratives Indépendantes (AAI) étaient une forme de démembrement de l’Etat. Le gouvernement n’a pas décidé de passer outre cet avis et a renvoyé à plus tard le projet d’AAI. Le Président Chirac a relancé cette idée d’AAI, après que M. Lacoste l’ait convaincu de son utilité.

En 2006, la loi de juin 2006 sur la Transparence et la Sûreté Nucléaire crée l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) en tant qu’AAI. Elle exerce au nom de l’Etat des missions de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l'environnement des risques liés à l'utilisation du nucléaire. Elle contribue à l’information des citoyens.178 Son statut d’AAI lui vaut de ne rendre des comptes qu’au Parlement et non au pouvoir exécutif, lui assurant ainsi une plus grande indépendance. Les commissaires de l’ASN sont nommés par Décret et sont inamovibles pendant une durée de 6 ans. Le député Le Déaut appelle cela « la longue marche vers la transparence »179.

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Missions complètes sur www.asn.fr

179 Saint-Raymond Philippe, Une longue marche vers l’indépendance et la transparence, Paris, la Documentation Française, 2012 (Préface du Député Jean-Yves Le Déaut)

1.7 L’histoire du nucléaire a façonné la perception des risques de la