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Grande disparité territoriale – viscosité

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 118-123)

COMMENT MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS EN LOGEMENTS DANS LES TERRITOIRES ?

E. Le logement, un bien spécifique dans les Outre-mer

II. LES DIFFÉRENTS MARCHÉS DU LOGEMENT A. Les marchés du logement

3. Grande disparité territoriale – viscosité

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES

Rapport

y compris dans les grandes agglomérations (+ 29 % dans les agglomérations de plus de 100 000 habitant.e.s, + 25 % dans les petites et moyennes agglomérations)168.

Par ailleurs, compte tenu des niveaux de prix initiaux, la disparité des coûts du logement est considérable selon les territoires : ainsi, « le prix des appartements anciens est 3,4 fois plus élevé en Île-de-France (4540€/m²) que dans le Limousin (1340 €/m²) »169 ; de même, le niveau des loyers au mètre carré est plus de deux fois plus élevé à Paris qu’en province, « le loyer mensuel pratiqué au m² pour l’ensemble du parc locatif privé (étant) de 20,8€/m² à Paris, de 15,7€/m² en proche banlieue et de 9,1€/m² en province » 170.

Jean-Claude Driant souligne l’amplification de ces disparités dans la période récente :

« Entre 1998 et la crise de 2007-2008, l’écart entre la situation de l’Île-de-France et celle du reste du pays s’est considérablement creusé : par exemple, on est passé de 500 à 1000 € le m² à Maubeuge, mais à Paris on est passé de 4 000 € à 8 000 € le m². Les conditions d’accès au marché du logement, à l’accession à la propriété, mais aussi à la location, se sont considérablement différenciées selon les territoires. De ce fait, la question des besoins en logements est principalement une question locale »171.

La très forte concentration géographique des recours déposés au titre du Droit au logement opposable (Dalo) est un autre signe des contrastes existant selon les départements quant aux difficultés d’une partie de la population à accéder au logement. En 2014, d’après le comité de suivi de la loi Dalo, 57  % des recours amiables Dalo au niveau national ont été déposés dans les huit départements franciliens, alors que l’Île-de-France représente moins de 19 % de la population de France métropolitaine. La même année, trois départements de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Bouches-du-Rhône, Alpes-Maritimes, Var) et six départements hors Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Gironde, Haute-Garonne, Hérault, Loire-Atlantique, Nord, Rhône) ont enregistré plus de 1 000 recours : ces neuf départements représentent ensemble 28 % des recours. « 85 % des recours, soit 73  272 recours pour l’année 2014, se concentrent donc sur 17  départements. Ces territoires sont ceux où l’offre de logements aux loyers accessibles ne permet pas de répondre à la demande. Ils représentent les secteurs clefs pour l’application du droit au logement opposable et devraient faire l’objet d’une action prioritaire des pouvoirs publics »172.

Cette situation n’est pas nouvelle : dans l’avis Evaluation relative à la mise en œuvre du Dalo, déjà cité, le CESE soulignait déjà que « Le problème le plus évident est l’absence d’un nombre suffisant de logements sociaux dans les zones dites « tendues » (les régions Île-de-France, PACA et Nord-Pas-de-Calais), et les départements d’Outre-mer, c’est-à-dire là où la demande de logements bon marché est très supérieure à l’offre. Ces zones tendues sont les grandes

168 Philippe Gallot, Elodie Leprévost, Catherine Rougerie «  Prix des logements anciens et loyers entre 2000 et 2010 », INSEE première n°1350 (mai 2011).

169 Note Famille et logement, adoptée par le Haut Conseil de la Famille (mai 2012), p. 56.

170 Ministère de l’Égalité des territoires et du logement L’évolution des loyers du parc locatif privé en 2011, les principaux résultats, Note du 13 juin 2012, p. 2.

171 Intervention de Jean-Claude Driant à la table-ronde « Observation des besoins en logements » du 24 février 2016 devant la section Aménagement durable des territoires.

172 Comité de suivi de la loi Dalo Le bilan du droit au Logement opposable pour la période 2008-2014, n°10, (2015) p. 15.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES agglomérations qui concentrent les entreprises et les emplois, mais aussi où les prix du logement

sont les plus élevés. C’est en particulier le cas de la région parisienne »173.

A l’inverse, 83 départements ont enregistré moins de 1 000 recours en 2014. Ensemble, ils représentent 15  % des recours au niveau national. Parmi eux, 30 départements ont enregistré de 120 à 999 recours en 2014 ; quant aux 53 départements comptant moins de 120 recours en 2014, ils ne représentent ensemble que 2,1 % des recours. « Dans les secteurs dits détendus, les situations de mal logement trouvent généralement une solution avant d’avoir à mobiliser le dispositif du Dalo »174.

Le rapport du Comité de suivi de la loi Dalo met en exergue quatre agglomérations parmi les plus peuplées qui pourraient de ce fait figurer parmi les départements potentiellement soumis à des problèmes de logement, mais enregistrent un nombre relativement faible de recours au titre du Dalo au regard de leur population, car des solutions sont trouvées en amont : il s’agit du Bas-Rhin, de l’Isère, de la Seine-Maritime et de l’Ille-et-Vilaine. Parmi eux,

« le département d’Ille-et-Vilaine fait figure d’exemple avec seulement 10 recours déposés en 2014. La politique de logement dynamique mise en place par la ville de Rennes depuis plus de 20 ans se traduit clairement par un faible nombre de recours au Dalo. Dans ce département, la commission de médiation n’intervient qu’en ultime recours, après échec des filières classiques d’accès au logement »175.

Comme déjà noté en point IA3, à partir de la deuxième moitié des années 2000, les territoires dits  « tendus » ont été de manière générale confrontés à un manque de fluidité du marché, liée notamment à la baisse de la rotation, notamment dans le parc social, ainsi qu’au ralentissement de l’accession à la propriété. Ces évolutions ont été particulièrement sensibles dans les grandes villes et dans l’agglomération parisienne.

Pour y remédier, les politiques publiques se sont efforcées de stimuler la production de logements locatifs via des produits défiscalisés. Mais, au moins jusqu’à la réforme du dispositif Scellier en 2009, une part importante des constructions qui en ont résulté n’a pas été localisée dans les territoires où les besoins étaient les plus urgents. Cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs  : d’une part, la construction de logement constitue une activité économique importante, et les acteur.rice.s de territoires détendus, notamment les élu.e.s, œuvrent pour essayer d’obtenir le classement de leur commune en zone éligible, de manière à y soutenir l’activité et, le cas échéant, à attirer si possible de nouveaux habitant.e.s dans les logements ainsi créés. Par ailleurs, le foncier disponible est souvent à la fois plus abondant et à moindre coût dans les secteurs relativement détendus, permettant des prix immobiliers moindres qu’en zones tendues, où les prix du foncier sont tirés vers le haut par la demande.

Selon un rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales,

« les études existantes montrent la capacité des aides existantes, notamment fiscales, à exercer un réel soutien conjoncturel à l’investissement et à l’activité du bâtiment. (...) En revanche, ces aides ne répondent que très partiellement à la croissance de la demande et aux besoins de certaines zones très tendues. (...) L’investissement locatif aidé, malgré l’amélioration apportée

173 CESE, avis Evaluation relative à la mise en œuvre du Dalo, op. cit. p. 7.

174 Comité de suivi de la loi Dalo Le bilan du droit au Logement opposable pour la période 2008-2014, op. cit.

175 Comité de suivi de la loi Dalo Le bilan du droit au Logement opposable pour la période 2008-2014, op. cit. p. 20.

Rapport

par le « zonage » du Scellier, ne parvient pas à répondre aux besoins des zones les plus tendues (A1 bis), compte tenu notamment du coût du foncier. Il oriente un peu mieux la construction vers les zones moyennement tendues (B1 et B2) »176.

Graphique 3 : Répartition par zones de tensions entre offre et demande des constructions de logements locatifs permises

par les mécanismes d’incitation fiscale

20,8%

15,6%

45,9%

30,5%

23,5%

28,4%

9,9%

25,4%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

45%

50%

1999 2007

Zone A (très fortes tensions) Zone B1 (fortes tensions) Zone B2 (quelques tensions) Zone C (pas de tension)

Source : Inspection générale des Finances 2011, cité in revue Variances n°45, octobre 2012.

176 Rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (juin 2011), p. 79.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Ainsi, comme le relevait le rapport sur Le logement autonome des jeunes, la construction

de nombreux logements dans des villes petites ou moyennes de province sous l’influence de dispositifs d’incitation fiscale relevant notamment du Robien – dont la rentabilité supposée relevait tant sur le prix d’achat plus faible dans ces zones que sur l’exonération fiscale d’une partie des loyers – s’est révélée un désastre financier pour beaucoup des petits propriétaires qui l’ont financée : ceux-ci ont en effet peiné à trouver des locataires, faute de demande suffisante, et «  les lotissements ainsi créés risquent dans certains cas de se transformer d’ici quelques années en copropriété dégradée »177.

De manière plus générale, la construction neuve depuis une quinzaine d’années n’a pas toujours été la plus dynamique là où les besoins en logements apparaissent les plus criants, ce qui pose question quant à l’apport qui en est résulté pour satisfaire les besoins des ménages : l’exemple le plus criant est l’Île-de-France, région où le taux de construction pour 1 000 habitant.e.s est le plus faible avec 3,4 logements construits pour 1 000 habitant.e.s, soit un peu moins que Champagne-Ardenne (3,6 logements pour 1 000 habitant.e.s), seule région dont la population n’a pas progressé entre 1990 et 2011, et 2,3 fois moins qu’en Languedoc-Roussillon (7,8 logements construits pour 1 000 habitant.e.s).

Graphique 4 : Nombre de logements neufs construits pour 1 000 habitant.e.s (moyenne annuelle 1998-2014)

9,1

7,8 7,7 7,5 7,5

6,9 6,5 6,5

5,6 5,5 5,4 5,4 5,1 5,14,9 4,8 4,5 4,5

4,2 3,9 3,8 3,63,4

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Source : SOeS, Commissariat général au développement durable.

177 CESE, Avis sur Le logement autonome des jeunes, rapporté par Claire Guichet (2013).

Rapport

Enfin, y compris dans les territoires où il existe de la vacance, les logements existants disponibles, parfois « vieillots », ne correspondent pas toujours aux nouvelles orientations de la demande (cuisine américaine, isolation, etc.) et, en partie de ce fait, ne trouvent pas forcément preneur.se.s, contribuant là aussi à la viscosité du marché.

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 118-123)