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Des facteurs de hausse diversifiés

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 151-155)

COMMENT MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS EN LOGEMENTS DANS LES TERRITOIRES ?

Carte 6 Les chiffres clés d’Action Logement en 2015

C. Il n’y pas un mais des prix de l’immobilier

3. Des facteurs de hausse diversifiés

Un grand nombre de facteurs peut contribuer à expliquer la hausse des prix des logements anciens et des loyers et diverses études récentes se sont efforcées d’approcher leur rôle respectif. Certains de ces aspects ont déjà été évoqués infra, d’autres le seront dans la suite de ce rapport. On en donnera donc dans ce point une présentation synthétique.

Une première explication possible est constituée par la pénurie de logements.

Michel Mouillart, professeur à l’Université Paris-Ouest la Défense, considérait en entretien avec la rapporteure qu’il manquerait en France de l’ordre de 900  000  à 1  million de logements225. Selon ses estimations, « il faut construire 500 000 logements neufs par an pendant une dizaine d’années »226. Si l’existence d’un manque de logements est reconnu par la plupart 222 Jean-Claude Driant, Les politiques du logement en France (2015), op. cit. p. 42.

223 Idem.

224 INSEE Première n°1350, « Prix des logements anciens et loyers entre 2000 et 2010 », op. cit.

225 Entretien de Michel Mouillart avec la rapporteure, le 08/04/2016

226 « Il faut construire partout en France », de Michel Mouillart, in Revue Constructif n°32, juin 2012.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES des analystes, son ampleur fait débat (cf. point I A 1 b du présent rapport) et ne suffit pas

à expliquer l’augmentation très forte des prix immobiliers. Jacques Friggit soulignait en entretien avec la rapporteure que l’insuffisance du rythme de la construction peut constituer un facteur explicatif, mais de second ordre. « En effet, l’élasticité du prix des logements par rapport à leur nombre227 apparaît de l’ordre d’1 à 2 % : même la construction d’un million de logements supplémentaires (soit 3 % du parc) n’aurait diminué que de 3 à 6 % le prix des logements. De plus, si l’évolution de l’offre et de la demande de « service logement » avait influé sur le prix des logements, elle aurait également dû influer sur les loyers. Or, dans les années 2000, l’indice INSEE des loyers n’a pas augmenté plus rapidement que le rythme parallèle au revenu par ménage qu’il avait suivi dans la période précédente »228.  De même, à part en Île-de-France, il n’a pas été constaté une augmentation du nombre de personnes par logement, qui aurait dû logiquement suivre une situation de pénurie marquée de logements. Parmi les pays européens, la France fait du reste partie de ceux qui, de manière globale et malgré des niveaux de tension différents selon les territoires, dispose d’un stock de logements important : notre pays compte 509 logements pour 1000 habitant.e.s contre 539 en Espagne et 516 en Allemagne, mais 449 aux Pays-Bas, 436 au Royaume-Uni et 433 en Italie. La France fait aussi partie des pays où l’on construit le plus : cinq logements construits en 2013 pour 1000 habitant.e.s contre trois en Allemagne229.

Contribue par ailleurs au manque de fluidité des marchés immobiliers ainsi qu’à l’augmentation du prix des logements, le niveau relativement élevé des coûts liés à la mutation en France. Ceux-ci comprennent les droits de mutation à titre onéreux (DTMO), avec notamment diverses taxes départementales et communales, les «  frais de notaire  » proportionnels au montant de la transaction (émoluments du.de la notaire proprement dits, frais liés à la publicité foncière et des frais annexes), auxquels s’ajoutent les éventuels frais d’agence immobilière. Selon une étude de l’OCDE, la France fait partie, avec la Belgique et la Grèce, des pays où les coûts liés à une transaction immobilière sont les plus élevés230. L’étude déjà citée de l’Institut Montaigne note que les DTMO créent une rigidité sur le marché du logement et peuvent dissuader voire empêcher un ménage d’acheter un bien correspondant à l’évolution de ses besoins (besoin de mobilité géographique lié par exemple à un changement d’emploi, besoin d’agrandissement lié à un agrandissement de la famille ou au contraire besoin de logement de taille plus réduite en cas de départs des enfants).

L’étude souligne toutefois que ce frein à la mobilité joue particulièrement en périodes de stagnation ou de baisse des prix de l’immobilier, pendant lesquelles les frais de transaction ne peuvent être amortis rapidement par une plus-value lors de la revente du bien231.

227 C’est-à-dire que, devant la hausse de la demande, la construction devrait s’ajuster en augmentant, et ainsi modérer voire annuler l’augmentation des prix immobiliers induite par l’accroissement de la demande.

228 Entretien de Jacques Friggit avec la rapporteure et article de Jacques Friggit « Le prix des logements à Paris sur huit siècles », revue Variance (octobre 2012) p.43.

229 Institut Montaigne, Politique du logement : faire sauter les verrous, (juillet 2015), p. 6.

230 Etudes économiques de l’OCDE, Union européenne, mars 2012.

231 Institut Montaigne Politique du logement : faire sauter les verrous, op. cit. p. 52 à 54.

Rapport

Si les DTMO peuvent effectivement constituer un frein à la mobilité, ils ne jouent quoi qu’il en soit que de manière marginale dans la hausse des prix immobiliers.

Un deuxième ordre de facteurs explicatifs est lié à l’offre de logements : selon l’Institut Montaigne, « au niveau de l’offre, les prix ont été tirés par une augmentation des coûts de la construction qui résulte, au moins partiellement d’une amélioration de la qualité des logements liée à l’accroissement des normes de construction »232. Jacques Friggit observait toutefois en entretien avec la rapporteure que l’augmentation de la qualité des logements n’avait pas été plus rapide depuis 2000 que dans la période antérieure, et que cela ne pouvait donc expliquer que de manière relativement marginale l’augmentation des prix des logements. Une étude de France stratégie (ex Conseil d’analyse stratégique) analyse les diverses composantes possibles de ce phénomène. Elle relève que les gains de productivité dans la construction, traditionnellement élevés par rapport à ceux du reste de l’économie, auraient connu un ralentissement à partir du début des années 1990, ce qui tendrait à faire augmenter le prix du bâti233. Toutefois, d’après une étude du CSTB, cet effet serait limité234. Le rapport Analyse de l’évolution comparée des prix et des coûts dans le bâtiment235, préconisations en matière de simplification réglementaires permet de compléter ces constats et de les actualiser. Selon ce rapport, de 1997 à 2012 soit sur quinze ans, les évolutions des prix dans l’immobilier résidentiel auraient été les suivants à fin 2012 : les prix des appartements neufs, au m², auraient augmenté de 103,3 % (source ECLN/MEDDE) ; le prix des logements anciens, au m², aurait augmenté de + 156,1 % (source INSEE-Notaires) ; les prix du bâtiment, mesurés par les évolutions de l’indice du coût de la construction (ICC) se seraient accrus sur la même période de + 54,9 % (source INSEE) ; l’indice des prix entretien-amélioration se serait pour sa part accru de + 51,9 % au cours des trois dernières années (1999/2012) (IPEA : source MEDDE). Aussi, selon ce rapport « les hausses des prix bâtiment sur quinze ans ressortent globalement 2 à 3 fois moins rapides que celles des prix de ventes ». Le prix des logements neufs a ainsi augmenté beaucoup plus vite que le coût de la construction depuis la fin des années 1990236.

Un facteur de hausse des prix immobiliers réside dans l’accroissement du prix des terrains à bâtir, déjà évoqué au point précédent (II B 2). Mais selon Jacques Friggit, « le prix des logements est peu influencé par celui des terrains à bâtir : l’élasticité du prix des logements par rapport à la taille du parc n’étant que d’environ – 1 ou – 2, une augmentation du nombre de terrains destinés à la construction (par modification de la réglementation ou par mise en vente) diminue peu le prix des logements. En revanche, le prix auquel les vendeurs potentiels de terrains sont prêts à les vendre influe sur le nombre de logements construits »237. Dans cette analyse en

232 Idem, p. 13.

233 Conseil d’analyse stratégique (CAS) « L’évolution des prix du logement en France sur 25 ans », note d’analyse n°221 (2011).

234 Arènes J-F, Elias P. et Weiss N. Les conséquences économiques des évolutions législatives, réglementaires et normatives (2005 et 2006) CSTB.

235 Rapport Analyse et évolution comparée des prix et des coûts dans le bâtiment : préconisations en matière de simplification réglementaire, FFB, rapport du groupe de travail présidé par Olivier Tomassini, p. 5 et 13 (2013) 236 Rapport Analyse et évolution comparée des prix et des coûts dans le bâtiment  : préconisations en matière de

simplification réglementaire, FFB, op. cit., p. 5 et 13 (2013)

237 Jacques Friggit, Les prix de l’immobilier d’habitation sur le long terme, cours immobilier 2016, ENPC, diapositive 174.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES effet, et selon la logique du « compte à rebours » déjà décrite, c’est la hausse du prix des

logements qui a entraîné celle du prix des terrains, au moins autant que l’inverse.

L’étude déjà citée du CAS sur L’évolution des prix du logement en France depuis 25 ans met en avant d’autres explications pour cette très forte hausse des prix, notant entre autres le rôle de l’évolution des conditions de financement : la baisse des taux d’intérêt nominaux et réels a en effet favorisé un allongement de la durée d’emprunt (en 2009, les emprunts de durée égales ou supérieures à 20 ans représentaient 57 % des emprunts, contre 16 % en 2001) et une progression de l’endettement immobilier des ménages : « les encours totaux de crédit, qui étaient restés stables à 30 % du PIB dans les années 1980 et 1990, ont doublé entre 1999 et 2010  ». Selon le CAS, l’assouplissement des conditions de financement expliquerait plus de la moitié de l’augmentation des prix dans l’immobilier ancien238. Jacques Friggit mettait aussi l’accent sur ce facteur lors de son entretien avec la rapporteure et notait que, alors que les ménages empruntaient pour acquérir une résidence principale sur 15 ans environ en 2000, ils empruntaient sur une durée sensiblement plus longue, de l’ordre de 20 ans, en 2015239. Aurait joué aussi en ce sens, selon le Conseil d’analyse économique, la perception de l’immobilier comme une valeur refuge240.

Dans le Rapport annuel sur l’état de la France en 2014, le CESE note ce rôle joué par les conditions de financement du crédit immobilier et la part des achats de logements dans l’endettement des ménages   : « Il semble également que les modifications intervenues dans les conditions de crédit (allongement de la durée de prêt, stabilisation puis baisse des taux de prêt) aient constitué le principal facteur de soutien à la demande et, partant, le moteur de la hausse des prix. La totalité des encours des crédits immobiliers est de 857,1 milliards en 2012, soit 77 % des crédits octroyés aux ménages »241.

Ainsi, la baisse des taux d’intérêt réels à un niveau proche de leur plus bas historique (les taux d’intérêt à long terme, une fois déduite l’inflation, sont passés de 3,6 % en 2000 à 1,5 % en 2008 et à 2,1 % au 3ème trimestre 2015) et l’augmentation de la durée d’emprunt des ménages qu’elle a permis, tout en favorisant la solvabilisation d’une partie des ménages et en leur permettant d’acheter un logement, a joué un rôle majeur dans l’augmentation des prix immobiliers.

238 CAS, note d’analyse n°221 (2011).

239 Entretien de Jacques Friggit avec la rapporteure et Jacques Friggit : « Le prix de l’immobilier d’habitation sur le long terme », op. cit. p. 184.

240 Alain Trannoy et Etienne Wasmer, Conseil d’analyse économique  : «  Comment modérer les prix de l’immobilier ? », note n°2, février 2013. p. 5.

241 CESE, Rapport annuel sur l’état de la France en 2014, rapporté par Hélène Fauvel (2014), p. 112.

Rapport

4. Conséquences en termes de taux d’effort

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 151-155)