• Aucun résultat trouvé

Monsieur X est venu me voir le soir (sans aucune demande de ma part) pour m’indiquer : « ce n’est

3. Identifier et caractériser des genres

3.2.2. Y a-t-il un genre « rapport » ?

Avec les textes qui portent la dénomination de « rapport », on se trouve face à une diversité maximale. Là encore, l’ajout d’une spécification au déverbal (rapports éducatifs, d’information, de stage, d’activités) permet sans doute de mieux circonscrire et identifier des « genres ». Il me semblait intéressant néanmoins de poser la question de l’existence d’un point commun entre tous les genres du « rapport ». Les réflexions qui suivent, en cours d’élaboration, se situent une nouvelle fois à la croisée de la recherche et de l’enseignement, des analyses de rapports éducatifs produits dans le champ de la protection de l’enfance et des observations de genres professionnels menées dans le cadre de la mise en place du cours « Pratique des écrits professionnels ».

Les rapports éducatifs dans le champ de la protection de l’enfance

Le travail sur les écrits produits dans le champ de la protection de l’enfance par les travailleurs sociaux a conduit à une réflexion, indispensable à la constitution du corpus et à la démarche interprétative, sur les genres auxquels nous avions affaire. J’ai ainsi proposé que les écrits auxquels nous avions accès soient regroupés sous l’appellation de « rapports éducatifs ». Certes le corpus est constitué de textes qui portent des noms différents selon le type de mesure mis en œuvre, mesures qui se distinguent en particulier par la temporalité dans laquelle elles s’inscrivent : on dispose ainsi de « rapports éducatifs », « rapports de signalement », « enquêtes sociales », « rapports d’IOE89 », « rapports d’AEMO », « notes d’information », « notes de situation ». Cependant, on peut considérer à un certain niveau que ces textes partagent un certain nombre de propriétés énonciatives, pragmatiques et discursives qui permettent de les regrouper en corpus : produits par des travailleurs sociaux à destination d’une instance judiciaire, « ils ont pour objectif d’évaluer une situation familiale et de préconiser le cas échéant des mesures d’intervention ; Ils s’inscrivent dans une pratique sociale et constituent des écrits professionnels ; ce sont des écrits sous-tendus par des discours tels les textes de loi, les discours médiatiques, les guides de rédaction, et […] ils sont constitués de descriptions et d’évaluations produites par le travailleur social, de discours représentés de la famille, d’analyses ou diagnostics proposés par le psychiatre du service, etc. » ([22] : 62).

De fait, l’analyse des formes linguistiques ou des configurations discursives n’a pas permis de mettre en évidence des différences notables entre les éléments du corpus. Les marques de subjectivité, par exemple, et en premier lieu les embrayeurs de 1ère personne, ou les formes de représentation du discours autre, varient plus en fonction des services qu’en fonction du type d’écrit. Cependant, M. Veniard, dans son étude des lexèmes difficulté et problème (Veniard 2008), note une différence de fréquence : ces lexèmes sont plus utilisés dans les rapports d’IOE, qui sont des écrits longs, que dans les écrits plus courts et réalisés plus rapidement que sont les enquêtes sociales et les notes de situation. Pour elle, ils sont donc « caractéristiques des textes d’analyse, longs (15-20 pages), écrits après 6 mois de contacts avec la famille » (Veniard, 2008 §

89

IOE : Investigation et Orientation Educative ; AEMO : Aide Educative en Milieu Ouvert. « La mesure d’IOE est une mesure d’aide à la décision pour le magistrat qui l’ordonne ; elle consiste en une démarche d’évaluation et d’analyse qui porte a minima sur les points suivants : les conditions matérielles d’existence du mineur, les conditions d’éducation, le contexte sociologique, la personnalité du mineur et des membres de son environnement familial, le fonctionnement intra-familial. » (http://ardecol.inforoutes.fr/pjj/enfance_danger/pages/IOE.HTM). « La Mesure Judiciaire d’Investigation Educative se substitue, depuis le 1er janvier 2012, à l’enquête sociale (ES) et à la mesure d’investigation et d’orientation éducative (IOE). L’Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO) est une mesure de protection de l’enfant vivant dans son milieu familial. Elle intervient dès lors que les conditions de vie de l’enfant sont susceptibles de le mettre en danger ou quand ses parents rencontrent des difficultés particulières dans leurs responsabilités éducatives. Cette mesure est mise en œuvre par des services éducatifs (le plus souvent gérés par des associations mais qui peuvent aussi être de statut public) à la demande : – soit de l’autorité administrative (le président du Conseil Général par l’intermédiaire de son service de l’Aide Sociale à l’Enfance). – soit de l’autorité judiciaire (le Juge des Enfants). » (http://www.cnaemo.com/aemo.html)

11). Ici la structuration du corpus en fonction des différents types d’écrits permet d’affiner l’analyse. De même nous avons pu envisager le « signalement » comme un genre, en travaillant sur l’interaction entre le nom du genre et les formes réalisant dans les textes l’acte illocutoire de « signaler », afin de suivre comment la dynamique du genre se joue dans la distorsion entre ces différents niveaux.

Il semble donc satisfaisant du point de vue méthodologique et heuristique de disposer de la catégorie du « macro-genre » « rapport éducatif », tout en se réservant la possibilité d’une part de contraster entre eux, sur certains faits précis, les différents « genres » ou « sous-genres » ainsi regroupés et d’autre part de mener des études spécifiques sur tel ou tel de ces genres – et en particulier des études diachroniques permettant de suivre l’institutionnalisation d’un genre dans une sphère d’activité90. A ce titre, le travail sur le signalement mériterait d’être poursuivi dans sa perspective diachronique. Un programme de recherche de ce type demanderait également que l’on se penche sur le genre de l’enquête sociale, dont les origines remontent au XIXe siècle, ce qui permettrait de suivre les permanences et les évolutions propres à ce genre, et éventuellement d’en comprendre la longévité…

La cartographie que nous proposons met en évidence que les différents « genres » auxquels nous avons affaire partagent un grand nombre de traits en commun de telle sorte que, sous un certain angle, ils peuvent être regroupés en corpus.

Les rapports dans d’autres sphères sociales

Des textes dénommés « rapports » existent dans la plupart des sphères professionnelles, qu’il s’agisse de l’entreprise, de l’université, de l’administration, du milieu associatif. La dénomination « rapport » est, comme je l’ai dit, le plus souvent suivie d’une spécification : rapports de stage, rapports d’information, rapports d’activité, rapports de mission…

Dans le cadre d’un enseignement consacré aux écrits professionnels, j’ai ainsi proposé aux étudiants d’observer d’une part un rapport d’information sur le système éducatif finlandais, présenté au Sénat par une délégation de la commission de la Culture , et d’autre part le rapport d’activité d’une entreprise du logement social, Armorique Habitat. La différence entre les deux textes est pour ainsi dire visible à l’œil nu car elle touche la matérialité sémiotique même des documents mais je laisserai cet aspect pour me centrer sur les caractéristiques linguistiques de ces textes avant d’envisager leurs buts illocutoires respectifs et de reprendre à la lumière de ces observations, très partielles pour le moment, la question de la pertinence de poser un genre ou un macro-genre « rapport ».

Le rapport d’information au Sénat se caractérise tout d’abord, visuellement, par des marques de structuration textuelle explicites (titres, intertitres) et de soulignement (gras). Du point de vue énonciatif, on note la quasi-absence de marques renvoyant à l’énonciateur (généralement

90 Ma position est ainsi un peu différente de celle de F. Pugnière-Saavedra qui, dans les Carnets du

Cediscor, 10, considère les écrits professionnels comme un « hyper genre », les écrits du domaine social

comme un genre et les écrits du signalement comme un « sous-genre » (Pugnière-Saavedra, 2008). Une exploration textométrique permettant de comparer le vocabulaire spécifique de chacune des catégories de documents qui constituent le corpus permettrait peut-être d’affiner les résultats.

dénommé votre commission) sauf dans les formules du type relevons, citons, et dans la conclusion, sur laquelle nous reviendrons. On note aussi l’emploi du présent (La Finlande compte

406 lycées en 2008) avec quelques occurrences de passés composés signalant des évolutions

dans le système éducatif finlandais (les dépenses courantes au profit de l’ensemble du système

éducatif ont globalement augmenté). Enfin, ce texte est caractérisé par une densité nominale

forte qui se traduit par un grand nombre de nominalisations et en particulier de reprises anaphoriques nominales, tandis que les verbes sont des verbes de sens « faible » (être, avoir,

montre, indique), avec un nombre important de passifs ou de pronominaux :

(56) Finlande : le bon élève des systèmes éducatifs occidentaux peut-il être un modèle ? 7 avril 2010

Rapport d'information n° 399 (2009-2010) de Mme Colette MÉLOT, M. Pierre MARTIN, Mme Françoise CARTRON, M. Claude DOMEIZEL et Mme Lucienne MALOVRY, fait au nom de la commission de la culture, déposé le 7 avril 2010

I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME ÉDUCATIF FINLANDAIS