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Chapitre 1 L’EMERGENCE DE LA SOCIETE DES RESEAUX

II. LE CONCEPT DE RESEAU

1. Des généralités sur les réseaux

Objet multidimensionnel, mot fétiche, selon l’expression de Pierre MUSSO1, le réseau est devenu la pièce maîtresse de la société contemporaine qui semble être la solution pour restructurer et moderniser toutes les organisations étatiques et non étatiques. Cette notion confuse et encombrée de sens2 qui a envahi tous les domaines : politique, économique et social, mérite d’être analysée et développée.

a. Essais de définition

Les définitions du vocable "réseau" sont multiples et confuses ayant conduit Pierre MUSSO à le qualifier de "sac à métaphores"3. La confusion majeure de la notion du réseau réside dans sa double dimension à la fois technique (infrastructures et technologies) et sociale (relations et communications).

Les auteurs n’ont pas été tous unanimes sur cette question et chacun définit la notion selon son point de vue personnel.

Pierre MUSSO distingue trois niveaux de définitions4 :

Le premier niveau définit le réseau comme des éléments liés entre eux par des chemins ;

Le deuxième niveau le définit comme une structure d’interconnexion ;

Le troisième niveau le considère comme une structure d’un système dynamique. Pour Ariel COLONOMAS, le réseau est constitué d’un « mouvement faiblement institutionnalisé réunissant des individus et des groupes dans une association dont les termes sont variables et sujets à une réinterprétation en fonction des contraintes qui pèsent sur elle. C’est une organisation dont la dynamique vise à la perpétuation et à la progression des activités de ses membres »5.

Un réseau traduit ainsi, l’existence d’entités, qui peuvent être des individus ou des groupes d’individus, qui sont liés tous ensemble par des relations d’interdépendance6.

Certains auteurs définissent le réseau comme « un ensemble de moyens techniques – ou infrastructures – et un ensemble de règles stratégiques – ou infostructures – permettant aux

1 Pierre MUSSO (dir), Réseaux et sociétés, PUF, Février 2003, p5.

2 Henry BAKIS, Les réseaux et leurs enjeux sociaux, PUF, Que sais-je ?, 1993, p3. 3 Pierre MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, PUF, 1997, p36. 4 Ibid, p42.

5 Ariel COLONOMOS, Sociologie des réseaux transnationaux : communautés, entreprises et individus : lien

social et système international, l’Harmattan, Mai 2000, p22.

6 Sophie BEJEAN Maryse GADREAU, « Concept de réseau et analyse des mutations récentes du système de

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acteurs possédant des droits d’accès d’élaborer entre eux et de contrôler des relations créatrices de valeur »1.

Le réseau est défini aussi comme un moyen de réduction des coûts reliant des acteurs appartenant à une même chaîne de valeur et ayant des relations bilatérales de types clients/fournisseurs2.

Une autre catégorie d’auteurs définit le réseau par rapport aux relations qui existent entre les acteurs qui échangent les informations dans un cadre informel3.

Pour les ingénieurs, le réseau fait référence à l’interconnexion d’équipements complémentaires qui coopèrent dans le but d’assurer le transport des personnes, de l’énergie, des matières et des informations d’une source à une destination4.

Pour les économistes, le réseau est défini en tant qu’objets visant à mettre en relation les fournisseurs et les clients de certains biens et services assurant par conséquent une certaine intermédiation économique5.

Le réseau est défini également comme étant une idéologie où règnent la convivialité, l’égalité, la transparence et la liberté6. Il est perçu aussi comme une technologie de l’esprit7.

Aussi nombreuses, toutes les définitions du réseau convergent vers des points communs et insistent sur les critères du groupe, d’interrelations, d’échange, de partage, de coordination et d’économie d’échelle.

b. Essais typologiques

La diversité des définitions de la notion « réseau » a conduit plusieurs auteurs a proposé divers essais typologiques dont la plupart sont construits sur des dimensions différentes. Ainsi, ils peuvent prendre des formes très différentes selon le secteur d'activité dans lequel ils s'insèrent.

Pierre BOULANGER8, distingue quatre familles de réseaux, basées essentiellement sur le mécanisme de distribution du pouvoir :

- Les réseaux intégrés qui se caractérisent par la descendance du pouvoir de l’initiateur du réseau vers les entités membres qui en sont dépendantes ;

- Les réseaux fédérés, dans lesquels, le pouvoir remonte vers le haut du réseau à partir d’élections et de mécanismes de délégation des entités membres ;

1 CF Gérard BELL et Michel CALLON, « Réseaux technico-économiques et politique scientifique et

technologique », STI de l’OCDE, N° 14, 1994, pp 67-127.

2 CF Carlos JARILO, « On Strategic Networks », Strategic Management Journal, N°9, 1988, pp 31-41.

3 CF Mark GRANOVETTER, « Economica Action And Social Structure : The Problème Of Embeddeness »,

Americain Journal Of Sociology, Vol 91, N° 3, Novembre 1985, pp 485-510.

4 Nicolas CURIEN, Economie des réseaux, La découverte, 2000, p5. 5 Ibid, p7.

6 Pierre MUSSO (dir), Réseaux et sociétés, Op.cit, p53. 7 Ibid, p56.

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- Les réseaux associés, dans lesquels le pouvoir est latéral et distribué entre partenaires unis dont les rapports de force sont équilibrés ;

- Les réseaux maillés, dans lesquels le pouvoir est « polycentré » émanant de différents centres ayant des rapports de coordination et de coopération.

François PICHAULT1 quant à lui, distingue trois formes de réseaux :

- Les réseaux coopératifs où les partenaires mettent en commun leur savoir-faire autour d’une firme pivot jouant le rôle « d’ensemblier » ;

- Les réseaux d’intermédiation où un partenaire joue le rôle d’intermédiaire entre le

marché et les producteurs des biens et services ;

- Les réseaux externalisés où le partenaire leader (donneur d’ordres), confie à des sous-traitants les activités ne relevant pas de son activité principale.

Pour ce qui est de Michèle HEITZ2, elle distingue quatre types de réseaux :

- Les réseaux-tampons où les partenaires protègent leur savoir-faire spécifique et mettent en commun des activités similaires pour atteindre un objectif déterminé ;

- Les réseaux transactionnels se caractérisent par l’existence de relations d’échange entre les partenaires permettant de renforcer la chaîne de valeur par la mise en commun d’activités complémentaires ;

- Les réseaux d’orchestration se caractérisent par la mise en commun d’activités complémentaires très spécifiques entraînant la constitution d’actifs forts consistant à la capacité « d’orchestrer » les différents éléments ;

- Les réseaux heuristiques dans lesquels les partenaires mettent en commun des activités similaires pour créer de savoir-faire spécifique au niveau du réseau.

Concernant Isabelle ORGOGOZO3, elle distingue deux formes de réseaux :

- Les réseaux cloisons mobiles qui se caractérisent par la recherche de flexibilité avec une grande mouvance de partenariat ;

- Les réseaux caravanes qui sont centrés sur les projets avec un caractère éphémère de partenariat.

Raymond MILES et Charles SNOW4, proposent trois formes de réseaux :

1CF, François PICHAULT, «La question de l’alignement stratégique dans les nouvelles formes

organisationnelles», Revue de Gestion des Ressources Humaines, N° 46, 2002, pp 59-75.

2 Michèle HEITZ, « Les soubassements du jeu relationnel : les enjeux de la confiance par style de réseau »,

Les cahiers de recherche de Grefige, N°2000-14, pp 01-17.

3 CF, Isabelle ORGOGOZO, Les paradoxes du management : des châteaux forts aux cloisons mobiles, Edition

d’organisation, Mars 1991.

4 CF, Raymond MILES et Charles SNOW, « Causes of Failure in Network Organizations », California Management

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- Les réseaux internes comprennent des entités appartenant à la même entreprise qui sont en relation grâce aux mouvements fournisseurs-clients ;

- Les réseaux dynamiques constitués par des partenariats créés pour répondre à une demande extérieure ou pour réaliser un projet ;

- Les réseaux stables sont créés par des partenaires (fournisseurs, distributeurs), pour répondre à une demande prévisible.

c. Morphologie des réseaux

L’étude morphologique des réseaux permet aux auteurs de comprendre les transformations enregistrées ou qui sont en cours au sein de leur organisation. On distingue généralement trois représentations morphologiques :

- L’infrastructure : constitue la couche basse du réseau1 et comprend l’ensemble d’éléments structuraux notamment, les équipements techniques, les constructions et les points de vente qui forment son ossature. Cette infrastructure mesure l’importance d’un réseau par rapport aux autres ;

- L’infostructure : représente la couche médiane du réseau et se compose des services intermédiaires de contrôle et de commande qui ont pour rôle essentiel d’optimiser l’utilisation de l’infrastructure2 ;

- Les services finals rendus par le réseau constituent la couche haute qui est en relation avec les clients.

Une maquette bien représentée du réseau avec ces trois couches précitées, lui permet de se positionner sur le marché en tant que leader et être compétitif. Le réseau pourrait jouer ainsi son rôle d’information, d’anticipation, d’influence, d’innovation, d’organisation, de défense et de responsabilité.