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Quelles sont les formes et les fonctions des alternances codiques dans notre corpus ? Comme nous l’avons signalé plus haut, l’usage des alternances codiques par les enseignants

Les stratégies d’enseignement bilingues ou le recours à l’alternance codique

3. Quelles sont les formes et les fonctions des alternances codiques dans notre corpus ? Comme nous l’avons signalé plus haut, l’usage des alternances codiques par les enseignants

3. Quelles sont les formes et les fonctions des alternances codiques dans notre corpus ? Comme nous l’avons signalé plus haut, l’usage des alternances codiques par les enseignants est très fréquent dans les écoles publiques. Dans notre corpus, l’alternance codique apparaît sous les formes47 suivantes :

- Les équivalences métalinguistiques.

- Les activités de reprises : répétitions, reformulation

- Le parler bilingue : exclamations, incises, Alternance codique pure.

3.1. Les équivalences métalinguistiques

Les équivalences métalinguistiques en alternance codique représentent la catégorie quantitativement la moins importante dans nos transcriptions. Elles se font par le biais de

« verbes métalinguistiques » selon les termes de Rey-Debove (1978, 1997 : 180) pour laquelle :

« Les verbes métalinguistiques sont engagés dans deux types essentiels de prédication, celles qui expriment la relation entre les signes et les choses, et celles qui expriment la relation entre les signes et les personnes, le signe étant le médiateur entre les personnes et le monde.

Mais ils servent aussi à parler du langage en soi, signe dans un système, analyse du signe. On peut donc concevoir des relations CHOSES, PERSONNES et SIGNES-SIGNES […] »

Dans notre étude, nous avons appelé verbes métalinguistiques ceux qui expriment le troisième type de relation, à savoir signe – signe et dont la forme la plus fréquente est : X est Y, X renvoyant au signe dans la langue cible et Y renvoyant, dans ce cas, au signe correspondant dans la langue maternelle des apprenants. Les équivalences métalinguistiques montrent, selon Causa (2002 :133) « une haute densité métalinguistique signalée par la relation autonymique qui s’établit entre les deux signes (qui sont grammaticalement le sujet et l’objet direct du verbe) et une forte densité lexicale affichée par la présence des verbes métalinguistiques ».

47 La terminologie des catégories ainsi que leur définition ont été empruntées de l’étude de Causa (2002).

3.1.1. Les équivalences métalinguistiques introduites par un verbe

Les équivalences métalinguistiques servent à des explications sémantiques d’items lexicaux ou des syntagmes qui font obstacles à la poursuite de l’interaction.

Dans notre corpus, les équivalences métalinguistiques se réalisent :

- soit par le biais du verbe *yani48* qui se traduit par le verbe « signifier » ou « vouloir dire ».

- Soit par le biais du présentatif « c’est ».

Extrait 1

EB6 Kfarrouman

82 Am : demoiselle * shū ya‘né* (que veut dire) nouveau métier ? 83 P : nouveau métier *ya‘né méhné jdīdé* (signifie nouveau métier)

Dans cet exemple, suite à une question de la part de l’apprenant sur le sens de nouveau métier, l’enseignante traduit littéralement le syntagme nominal et établit une équivalence métalinguistique au moyen de *ya‘né*. La compréhension du « nouveau métier » est essentielle pour la suite de l’activité didactique en cours puisqu’il s’agit de classer les métiers en « vieux métiers » et en « nouveaux métiers ».

Extrait 2 EB6 Zebdine :

163 P : concierge *ya‘né natour* (signifie, est égal à natour)

Dans cet exemple, extrait du cours d’orthographe en EB6 Zebdine, l’enseignante, après avoir obtenu une réponse sur le féminin du mot concierge, répète celui-ci puis le traduit en arabe.

Les équivalences métalinguistiques peuvent aussi être introduites par l’opérateur d’équivalence « c’est » :

Extrait 3

EB6 Kfarrouman

412 P : très bien + doigt et doit

413 Houssam : demoiselle doigt *l ´osba‘* (le doigt) 414 P : Houssam

415 Zeina : demoiselle doigt *l ´osba‘* (le doigt)

48 Ce verbe se prononce « ya‘ni » en arabe classique et « ya‘né » en arabe libanais.

416 P: le premier doigt c’est *l ´osba‘* (le doigt)

Pour expliquer les homonymes, l’enseignante demande aux apprenants de relever les mots qui ont la même prononciation et de les expliquer. Houssam et Zeina traduisent le mot « doigt » en arabe, et pour préciser de quel [dwa] il s’agit, l’enseignante répète l’équivalence métalinguistique déclenchée par les apprenants et l’introduit par le présentateur « c’est » qui établit une identification sémantique complète entre l’item lexical en langue cible et l’item lexical en langue maternelle.

3.1.2. Les équivalences métalinguistiques avec ellipse du verbe

Les équivalences métalinguistiques ne se réalisent pas seulement au moyen des verbes métalinguistiques, mais elles peuvent aussi apparaître avec ellipse du verbe. En effet, nous avons repéré des cas où ces verbes sont sous- entendus. Le premier cas observé est lorsque l’enseignante procède à une activité focalisée sur la compréhension écrite ou orale d’un texte suivi d’une mise au point du vocabulaire nouveau.

Extrait 4

EB6 Kfarrouman

487 P : le premier son + qu’est-ce que c’est ? C’est un…

488 Am : demoiselle c’est un = 489 P : ma ta sa mon ton son

490 As : demoiselle adjectif possessif

491 P : adjectif possessif ++ quelle personne ? 492 As : troisième personne

493 P : troisième personne du… ? du 494 As : du pluriel

495 P : du singulier + son cahier *daftaru* (son cahier)

L’activité didactique dans laquelle s’inscrit cet extrait est l’explication des homonymes. Les élèves identifient les termes identiques dans chaque phrase et l’enseignante leur demande la nature ou le sens de chaque mot. Dans cet exemple, l’enseignante leur pose une question sur la nature de « son » ; mais percevant leur hésitation elle les aide en énumérant les adjectifs possessifs sans préciser leur nature. Elle demande ensuite une précision sur la personne

« quelle personne ? » et enfin sur le nombre, elle corrige la réponse des apprenants puis elle recontextualise l’adjectif possessif « son cahier » et répète le syntagme nominal en arabe pour

expliquer la correction du nombre de l’adjectif qu’elle a faite (c’est un seul cahier à lui et non pas plusieurs cahiers).

Le deuxième cas où les équivalences métalinguistiques se réalisent, dans le discours de l’enseignante avec une ellipse du verbe, c’est quand celui-ci a déjà été énoncé par un apprenant dans le tour précédent, comme dans l’exemple suivant :

Extrait 5

EB1 Lycée Pilote

167 P : […] toi là – bas + lève toi + avec qui joue Samir ? ++ Qu’est-ce qu’on répète ? Comme tes amis

168 As : Samir joue avec Mahdi 169 P : avec avec

170 Kifaya : avec *ya‘ né tnayneton* (c’est-à-dire tous les deux) 171 P : *ma‘ ba‘don* (ensemble) avec […]

Dans cet exemple, extrait du cours de lecture et d’expression orale au lycée Pilote, l’objectif de l’activité est d’apprendre à construire une phrase en utilisant la préposition « avec ».

L’enseignante demande à Batoul (qui n’est pas nommée ici, mais elle l’est dans la suite de la transcription) de répondre à la question « avec qui joue Samir ? » mais Batoul ne répond pas, alors l’enseignante lui donne une piste en lui demandant de répéter ce que les autres apprenants avait déjà répondu ; puisque l’enseignante avait déjà posé la question à deux autres apprenantes (Kifaya et Zeina). Batoul ne répondant pas toujours, plusieurs apprenants répètent la réponse de l’enseignante et dans le tour suivant, celle-ci insiste sur le mot à apprendre

« avec, avec ». Kifaya prend l’initiative d’expliquer ce mot-clé en arabe : « avec ya‘né tnayneton » (avec « c’est-à-dire tous les deux), l’enseignante accepte le changement de code et lui corrige sa réponse sans la répétition du verbe métalinguistique « signifier » : « ma‘

ba‘don (l’un avec l’autre) avec ».

Le troisième cas où le verbe métalinguistique est sous-entendu, quand l’enseignante répète et corrige une réponse inadéquate d’un apprenant. Considérons, à ce titre, les deux extraits suivants tirés de la transcription de la classe EB6 au Lycée Pilote :

Extrait 6

EB6 Lycée Pilote

338 Amal : Madame *la´ayta* (je l’ai trouvé)

339 P : *la´ayta*(je l’ai trouvé) qu’est-ce que je dis ? *´iltīlé la´ayta shū b´ūl * (tu m’as dit je l’ai trouvé qu’est-ce que je dis) en français ? ++ j’ai... ++ *shū ya‘ni la´ayta ya Amal* (qu’est-ce que ça veut dire je l’ai trouvé, Amal)

340 Am : j’ai cherché

341 P : j’ai cherché *fattashét ‘alayha* (je l’ai cherché)

Dans cet extrait, suite à une recherche d’un mot dans le dictionnaire, l’apprenante Amal trouve le mot recherché, qui est le mot novembre, elle le signale à l’enseignante, en 338, en arabe, sa langue maternelle : « Madame la´ayta » (je l’ai trouvé). L’enseignante répète la réponse de l’apprenante en arabe et lui demande de redire son énoncé en français, celle-ci répond par « j’ai cherché », qui est une réponse inadéquate. L’enseignante répète alors cette réponse inadéquate de l’apprenante et l’explique dans la langue maternelle de celle-ci : « j’ai cherché *fattashét ‘alayha*.

Extrait 7

EB6 Lycée Pilote

346 P : vous vous avez cherché et maintenant qu’est-ce que vous avez fait ? 347 Moussa : cherchez vous trouvez

348 P : cherchez vous trouvez * dawwér betlé´é*

Cet extrait se situe après l’extrait précédent. Pour aider les apprenants à trouver le mot

« j’ai trouvé », l’enseignante cite « le proverbe : cherchez vous trouvez », elle le contextualise en l’appliquant à la situation de la classe : « vous, vous avez cherché » et demande ensuite aux apprenants de lui dire le résultat de leur recherche. Mais Moussa ne fait que répéter le vieil adage cité plus haut, ce qui incite l’enseignante à expliquer celui-ci en arabe : cherchez vous trouvez *dawwer49 betlé´é*.

Le dernier cas où le verbe métalinguistique est sous-entendu, c’est quand l’enseignante pose la question et y répond elle-même :

49 « Dawwer » et « fattech » sont des synonymes, mais le premier appartient au dialecte libanais tandis que le deuxième relève plutôt de l’arabe écrit, et les deux peuvent être utilisés à l’oral mais « dawwer » est plus utilisé au Liban-Sud.

Extrait 8

EB6 Deir Zahrani

234 P : […] qui pétillent de malice et brillent dans son visage + que veut dire brillent dans son visage ? + *byelma‘o bi wijja* (brillent dans son visage) […]

Cet exemple est extrait du cours de production écrite au Lycée officiel de Deir Zahrani.

L’enseignante faisait le portrait physique de Cherine, une apprenante présente en classe. Elle décrivait ses yeux « qui pétillent de malice et brillent dans son visage ». Elle avait déjà expliqué l’expression « pétillent de malice » là elle la répète et ajoute « brillent dans son visage ». Elle demande aux élèves une explication sémantique de cette phrase, mais les apprenants ne réagissent pas, alors elle donne elle-même la réponse en arabe.

Les extraits commentés dans ce paragraphe sont tirés d’activités ciblées essentiellement sur le lexique. Ce point permet de distinguer ces séquences des activités de reprises, notamment des répétitions qui, elles, ont été repérées dans des activités pédagogiques différentes sans qu’aucune trace verbale environnante ne puisse faire penser à la mise en œuvre d’équivalences métalinguistiques.

3.1.3. Origine des équivalences métalinguistiques

Les équivalences métalinguistiques peuvent être auto-déclenchées quand c’est l’enseignant qui les utilise spontanément dans son propre discours sans que l’apprenant l’ait demandé explicitement, ou sans que ce dernier l’ait indirectement provoqué- ou hétéro- déclenchées- quand le recours à ce procédé en alternance codique est provoqué directement par l’apprenant. Toutefois, on remarque que le premier cas de figure est le plus fréquent dans les données recueillies. Une explication à cela peut être le fait que l’enseignant, lorsqu’il veut s’assurer que le mot nouveau a été bien compris, demande aux apprenants la correspondance dans la langue maternelle, ce qui s’avère possible grâce à la situation d’enseignement/

apprentissage observée. Dans ce cas, l’équivalence a une valeur préventive qui permet d’ailleurs aux apprenants de ne pas enfreindre le contrat didactique de leur propre initiative.