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Partie 2 : CADRE THEORIQUE

5. LES FORMATEURS DE TERRAIN

5.1. Formation

Dans le dictionnaire, l’acte de former renvoie à plusieurs définitions :

« Façonner quelqu’un, quelque chose. », « concevoir quelque chose par l’esprit »,

« Être à l’origine de quelque chose, être la cause de son existence, de son apparition »

« Éduquer quelqu’un, lui inculquer les principes, les habitudes, les connaissances qui développent ses aptitudes, son goût etc. » 7

Ces définitions donnent un aperçu général de ce que signifiait traditionnellement le fait de former.

En effet, le formateur de terrain appelé également « maître de stage » ou

« compagnon du devoir », avait pour mission de faire « la démonstration d’une pratique maîtrisée, voir exemplaire, en espérant que l’étudiant se l’appropriera par imprégnation et imitation. » (Perrenoud, 1994, p. 14). L’apprentissage d’un tel métier relevait d’une transmission de valeurs et de connaissances dont le but était de « faire comme le maître d’apprentissage avec qui l’idéal de métier est partagé. » (Chaix, 2007, p.3)

Avec la professionnalisation du métier d’enseignant, le maître de stage est devenu le formateur de terrain (Perrenoud, 1994). Le formateur de terrain n’est plus celui qui éduque, qui inculque quelque chose au stagiaire. Il est à présent celui qui partage avec le stagiaire plusieurs types de savoirs d’actions et ses connaissances du terrain. Son rôle principal est « de l’aider à construire son identité professionnelle, à faire ses expériences et à analyser ses propres pratiques. » (Py &

Leduc-Claire, 2008 cités par Tavel, 2012, p.15). L’exercice de la réflexion est fortement préconisé dans les gestes de formation actuelle, car comme nous l’avons mentionné précédemment tout enseignant professionnel est amené à se doter d’une « capacité de résoudre des problèmes complexes et variés par ses propres moyens, dans le cadre d’objectifs généraux et d’une éthique, sans être tenu de suivre des procédures détaillées conçues par d’autres. » (Uwamariya &

Mukamurera, 2005, p.140). Ainsi, le formateur de terrain forme le stagiaire en lui apprenant « à reconnaître la différence entre les routines de l’enseignement et les liens entre ces routines et les apprentissages des élèves ; développer des habilités d’enseignement ; et développer une attitude

7 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/former/34651

à vouloir réellement penser son acte pédagogique. (Feiman-Nemser & Buchmann, 1987) » (Boudreau, 2001, p.67).

D’autres auteurs tels qu’Altet, Paquay et Perrenoud (2002, p.273) définissent l’acte de former de la manière suivante :

former, c’est partir de la pratique, encourager, provoquer, puis accompagner une transformation volontaire d’une personne, dans toutes ses dimensions ;

former, c’est aider à construire des compétences, à travailler la mobilisation et le transfert des ressources ;

former, c’est cesser de prescrire et favoriser un choix raisonné, éclairé, compte tenu des mandats, du projet personnel, des attentes, des contraintes du métier d’enseignant ;

former, c’est aider à construire des modèles d’analyse de la complexité et à vivre avec ;

former, c’est pousser à formaliser les savoirs d’action et d’expérience et à les connecter à des savoirs issus de la recherche.

D’après ces auteurs, former renvoie au fait d’aider le stagiaire à se construire et à créer ses propres savoirs d’action.

Perrenoud (1994) s’est intéressé au rôle du formateur de terrain. Cet auteur écrit que le formateur de terrain est appelé à verbaliser ses propres modes de pensée et de décision. Certains gestes exécutés au quotidien sont souvent peu faciles à verbaliser, sans doute parce qu’ils sont devenus tellement automatiques qu’ils sont difficiles à expliquer à une autre personne. Il est vrai que pour enseigner à un groupe d’élèves, plusieurs gestes exécutés de manière répétitive finissent par sembler anodins. Lorsque nous animons une leçon nous faisons attention à plusieurs petits détails comme par exemple anticiper des obstacles que pourraient rencontrer les élèves, préparer le matériel et veiller qu’il soit adéquat à la leçon, prévoir un temps pour faire sa leçon. Perrenoud déclare que ces gestes, ces savoir-faire ne sont pas disponibles dans les livres dans lesquels il serait possible de trouver des méthodes écrites prêtes à l’emploi. Néanmoins, ils peuvent être verbalisés par les formateurs qui ont fait des expériences et qui souhaitent partager des savoir-faire tirés de leur expérience.

Perrenoud ajoute aussi que le formateur est amené à renoncer à incarner un modèle dont le stagiaire devrait reproduire.

Comme l’avait exposé dans son discours Jean Rostand (1959), former c’est

[…] former les esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoctriner, les armer sans les enrôler, leur communiquer une force, les séduire au vrai pour les amener à leur propre vérité, leur donner le meilleur de soi sans attendre ce salaire qu’est la ressemblance […].

En effet, il s’agit là d’un défi pour le formateur de terrain, car il ne faut pas oublier qu’il a construit ses compétences au cours de ses expériences ce qui lui a permis de forger son identité professionnelle. Il sera donc considéré par son stagiaire comme une figure de référence de la profession d’enseignant. Le stagiaire cherchera à s’approprier les savoirs que lui enseignera son formateur mais aussi il cherchera à s’identifier à ce dernier car il le considéra comme l’incarnation d’une forme d’excellence ou encore de maîtrise. C’est là que le défi du formateur débute, car il devra montrer au stagiaire qu’il n’existe pas un modèle d’enseignant qui maîtrise tout sur tout.

L’enjeu du métier d’enseignant de manière générale relève d’une faculté d’adaptation et de réajustement perpétuel de sa pratique. Face à des élèves qui changent chaque année, à des difficultés variées, à des contextes diversifiés, il n’y a pas une manière unique de faire. C’est pour cela que le formateur

doit évidemment renoncer à incarner une norme, un surmoi, un modèle : on ne peut à la fois être un modèle et aider l’autre à penser, à se situer, à se construire. Être la norme de l’autre, c’est penser à sa place (Perrenoud, 1994, p. 17).

Pour finir, Perrenoud (1994) ajoute que le formateur de terrain prend les erreurs comme des occasions de progresser. En effet, plusieurs auteurs se sont accordés pour mettre en évidence que l’apprentissage ne devrait pas être perçu comme quelque chose de linéaire mais plutôt comme un processus parsemé d’essais et d’erreurs dont l’apprentissage serait la finalité. L’erreur ne serait donc plus source d’échec mais d’apprentissage. Elle aurait acquis un tout autre statut puisque se questionner et réfléchir sur l’erreur permettraient de mieux comprendre et ainsi chercher à anticiper sa réitération lors d’une autre situation. Dans le contexte de la formation, le formateur de terrain devrait interroger le stagiaire sur « pourquoi il a fait ce qu’il a fait, de reconstituer son cheminement intérieur, ses doutes éventuels ; d’essayer de savoir s’il pensait avoir un choix ou n’a vu qu’une possibilité ; si, après coup, il entrevoit d’autres possibilités. » (Perrenoud, 1994, p.19). Ce travail de réflexion favoriserait chez le stagiaire une prise de conscience sur sa manière de penser et d’agir, qui fait écho au le concept de praticien réflexif développé, entre autres, par Schön (1994).