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Partie 2 : CADRE THEORIQUE

5. LES FORMATEURS DE TERRAIN

5.3. Accompagnement

C'est dans les années 90 que l'accompagnement émerge et est utilisé dans différents domaines comme l'éducation, la formation, la santé, l'insertion, etc. Ce recours massif à l'accompagnement engendre l'apparition de plusieurs formes d'accompagnement : tutorat, parrainage, mentorat, coaching, etc. « Or on peut conseiller, orienter, aider, former… sans pour autant accompagner » (Paul, 2009a, p.92). L’accompagnement ne peut donc servir de concept à lui seul, il s’étudie, se comprend et prend sens au regard des pratiques qui constituent « sa nébuleuse » (Paul, 2002a).

Avant de définir l’accompagnement, il convient de s’intéresser au sens sémantique du verbe accompagner car cela permet de saisir les fondements de l’accompagnement. Vial et Caparros-Mencacci (2007) ont effectué cette analyse dans leur ouvrage. Au niveau étymologique, accompagner est issu du radical « com-pagn » (avec-pain), un dérivé du nom pain devenu

« compain » puis « copain », « c’est-à-dire celui avec qui on partage le pain, avec qui on vit au quotidien » mais aussi celui avec qui on partage un chemin, tel un compagnon de voyage, ou les épreuves, tel un compagnon d’armes (p. 20). Puis, « compain » s’est décliné en compagne (le féminin) et compagnon (le masculin) » (p. 20). Au niveau sémantique accompagner, c’est ac (vers) –cum (avec) –pagnis (pain). Alors, bien qu’accompagner et compagnon soient proches au niveau

étymologique, l’ajout du suffix « ac » implique une notion de direction vers un but, aller vers.

(p.21).

Accompagner signifie alors être avec, aller vers, dotant l’accompagnement d’une dimension relationnelle et de cheminement.

D’après la définition de Paul (2016), accompagner c’est « se joindre à quelqu'un : mise en relation / pour aller où il va : mise en chemin / en même temps que lui : à son rythme » (p.47)

Cette définition permet de mettre en évidence des principes fondamentaux et communs à l’accompagnement à partir des trois dimensions suivantes : relationnelle, spatiale et temporelle.

Tout d’abord, la mise en relation est considérée comme un élément premier et nécessaire pour débuter l'accompagnement. Il s’agit alors d’être avec, de construire un lien « qui fera de deux partenaires des “compagnons”. » (Vial & Caparros-Mencacci, 2007, p. 21). La mise en relation est « initiale (et initie l'accompagnement), elle est prioritaire (et doit être considérée avant tout chose), elle est primordiale (car il n'y pas d'accompagnement sans relation) » (Paul, 2016, p. 47).

Les propos suivants montrent que l’accompagnement est avant tout une rencontre, « une relation avec l’autre que l’on découvre, et avec qui on fait un bout de chemin. » (Vial & Caparros-Mencacci, 2007, p.34). Cette mise en relation implique des comportements, des actions entre les sujets : être disponible, présent, ouvert, attentif, respectueux, avoir confiance mais aussi d'accepter les émotions, les affects ou encore les humeurs présentent chez soi et chez l’autre. De plus, la relation présente un caractère interactif puisque les deux personnes doivent s’autoriser à mettre en commun et échanger des idées en acceptant que celles-ci peuvent modifier les représentations et les idées de chacun. L’accompagnant et l’accompagné doivent être en confiance pour croire que l’autre est capable de répondre à ses attentes mais aussi prendre en compte l’autre comme un individu singulier avec son parcours, son projet et ses affects. L'accompagnement engendre, alors, un double mouvement qui est de créer « des conditions de centration, en vue d'une élaboration de soi et celles de décentration, en vue d'une ouverture à ce qui est autre » (Paul, 2016, p. 51). Ainsi, la relation d’accompagnement devrait se développer autour de valeurs telles que l’écoute, l’empathie, la tolérance, l’ouverture, le respect des différences, l’absence de jugement (Paul, 2004, p.130). Finalement, « être avec » n'est pas un sentiment ou un état mais des actes, des agissements entrepris dans une situation ce qui montre alors qu'il s'agit d'une posture à adopter (Paul, 2016, p.

52).

Ensuite, la dimension spatiale (pour aller où il va) est caractérisée par un mouvement vers l'autre, aller vers, au sens d'adopter une attitude d'ouverture, « fondée sur la conception de l'homme

franchissant les seuils du connu vers l'inconnu » (Paul, 2016, p.52). Ce mouvement est étroitement lié au but ou au projet de la personne accompagnée (vers quoi) et la manière de procéder par l'accompagnant (avec quoi). L'accompagnement est un chemin co-construit avec la personne accompagnée en tenant compte de ses motivations, ses désirs et de son projet. Des propos qui montrent l’évolution de la transmission des savoirs en passant d’une relation verticale maître-élève à une relation davantage symétrique puisqu’il s’agit d’aider un adulte en formation à construire son expérience. « L’art d’accompagner consiste à trouver ’là où va’ celui qu’on accompagne afin d’aller avec lui » (Vial & Caparros-Mencacci, 2007, p. 35). L’accompagnant ne doit pas précéder l’accompagné, ni lui montrer le chemin mais il le « conduit, l’aide et le guide sur son chemin jusqu’à ce qu’il puisse effectivement définir et réaliser ses objectifs en autonomie. » (Verzat, 2010, p. 39).

Afin de distinguer et articuler les deux dimensions « être avec » et « aller vers », il faut y intégrer une dimension de coopération qui doit être un principe guidant l'action et non pas un objectif à atteindre. Il s'agira alors de s'entendre avec l'autre, de coopérer, de pouvoir baisser la garde.

Finalement, l’accompagnement est caractérisé par une dimension temporelle : « en même temps que lui », à son rythme. Tout accompagnement est régi par une temporalité puisqu’il y a un début, un développement et une fin. Cette dimension joue donc un rôle structurant puisqu’elle va permettre d’alterner les phases de tension et de détente. Ainsi, il ne s’agira par pour l’accompagnant d'imposer une cadence mais bien d'aller au rythme de l'accompagné. C’est à l’accompagnant d’insuffler une démarche qui offre « des temps de respirations là pour mieux reprendre ensuite » (Paul, 2016, p. 47) et qui montre alors que le rythme est caractérisé par des discontinuités.

L’accompagnement renvoie alors à quatre idées principales, selon Paul (2004, p.69) :

La secondarité : L’accompagnant est suivant dans le binôme. Il se met à côté de l’accompagné avec comme rôle de soutenir, encourager, valoriser ou encore escorter la personne accompagnée.

Le cheminement : L’accompagnement est une mise en chemin, une orientation à faire ensemble dans une idée de progression.

L’effet d’ensemble : L’accompagnement a pour but de créer des relations entre deux éléments du binôme et ce à tous les stades du cheminement.

La transition : L’accompagnement est temporaire. Il est marqué par un début, un développement et une fin.

Les propos mis en évidence précédemment sur l’accompagnement se retrouvent également chez d’autres auteurs qui se sont intéressés à l’accompagnement dans la formation.

Verzat (2010) explique que l’accompagnement est une structure qui permet aux individus de développer leur autonomie grâce à une relation avec un accompagnateur qui conduit, guide et aide l’accompagné à tracer son chemin, à réaliser ses objectifs d’autonomie ainsi qu’à la construction identitaire. De plus, elle mentionne l’importance de s’intéresser aux motivations, aux besoins affectifs de l’accompagné car l’accompagnement s’effectue sur le plan cognitif de la régulation des apprentissages ainsi que sur le plan affectif. Lafortune et Deaudelin (2001) définissent l’accompagnement des étudiants dans leur apprentissage comme un soutien apporté aux apprenants afin qu’ils puissent cheminer dans la construction de leurs connaissances. Il s’agit alors pour le formateur de terrain de les aider « à activer leurs connaissances antérieures, à établir des liens avec les nouvelles connaissances et à transférer le fruit de leur apprentissage en situation réelle. Il présuppose une interaction entre la personne accompagnatrice et celle qui est accompagnée (Lafortune & Deaudelin, 2001, p.199) » (Raucent, Verzat & Villeneuve, 2010, p.

17). Finalement, l’accompagnement vise toujours la finalité suivante : aider la personne « à mieux comprendre le monde, les autres et soi-même, afin de trouver sa place dans son groupe social d’appartenance tout en construisant son identité humaine et singulière. » (Verzat, 2010, p.39).