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De la fonction didactique de la mimésis : ce que le belcanto a représenté et représente de nos jours

3. Des fonctions de l’écrit

3.1 De la fonction didactique de la mimésis : ce que le belcanto a représenté et représente de nos jours

La problématique soulevée par la lecture a été à l’origine même de notre recherche : notre métier d’enseignante nous a permis de lire ces anciens livres dans une approche essentiellement de mise en pratique. L’exercice de ma profession m’a permis de mettre en évidence le fait que ces anciens écrits renferment apparemment beaucoup de … non-sens. Par exemple, les méthodes proposent des exercices pour débutants dans des tessitures extrêmes (comme des gammes chantées jusqu’au contre-ut) que parfois même nos élèves les plus avancés auraient de la peine à réaliser ; d’autre part, les méthodes expliquent des procédés – comme celui du mouvement respiratoire – d’une façon qui contredit ce que nos professeurs de chant nous avaient appris en justifiant ce qui d’un point de vue physiologique était « naturel » (Mauss, 1934).

Pour traiter des textes et de leur mode de lecture, Chartier (2008) nous est très précieux ! Dans Ecouter les morts avec les yeux, il recommande « de toujours associer dans une même analyse les rôles attribués à l'écrit, les formes et les supports de l'écriture, et les manières de lire » (Chartier, 2008, p. 18).

Nous disposons d’un corpus d’écrits hétérogènes : certains sont normatifs, d’autres ont une fonction de répertoire didactique, d’autres encore expliquent la physiologie ou la phonétique.

Ces différentes approches de l’écrit soulèvent diverses problématiques concernant le didactique, comme par exemple le processus de transposition didactique ou l’utilisation de ces écrits comme milieux. Nous faisons l’hypothèse que ces choix, institutionnalisés, auraient eu des incidences sur le rapport topogénétique entre le maître et le disciple ou encore sur les attentes du contrat didactique ; enfin, sur la transformation des contenus d’enseignement.

Pour essayer de cerner les contenus de ces documents, et d’après la méthodologie proposée par Chartier, nous allons considérer tout d’abord les fonctions de l’écrit ; ensuite les différents formes et supports que ces écrits ont pris ; et enfin nous intéresser aux divers modes de lecture.

Des fonctions attribuées à l’écrit

Nous allons approcher cette problématique de la fonction de l’écrit en partant d’un exemple. Les mélodies composées par Vaccai (1833), dans sa Méthode, suivent un ordre graduel propre à une démarche d’élémentarisation des savoirs. Cette organisation se manifeste, entre autres, par l’augmentation progressive d’intervalles. En effet, la première leçon est basée sur la gamme, construite sur des intervalles conjoints, ensuite sur les tierces, quartes, etc. Pourtant, d’après nos critères actuels, cet ordre ne correspondrait pas au degré de difficulté en lien avec ce que de nos

37 jours nous appelons la « technique » vocale : la première mélodie « Manca sollecita » est souvent laissée de côté par les professeurs, pour être travaillée plus tard.

D’après Uberti (2004)68, Vaccai publie sa Méthode à Londres en 1833, mais il s’agirait de leçons écrites en 1824 à Frohsdorf, en Autriche. Le compositeur y enseignait à des jeunes filles de l’aristocratie, probablement peu assidues dans l’étude du solfège. La fonction première de la Méthode serait ainsi celle de fournir à ses élèves une approche élémentarisée de la lecture des notes – et non pas de contribuer à jeter les bases d’une maîtrise en technique vocale. Ces notes étaient certes chantées, mais en utilisant des voix que de nos jours nous considérerions comme non « travaillées ». En effet, l’émission légère pratiquée dans les années 1820 était certainement très éloignée de l’idéal technique soutenu et riche en timbre (couvert), base de l’apprentissage de ce qu’on appelle de nos jours la « technique ».

Mais nous ne disposons pas toujours, comme c’est le cas pour Vaccai, des éléments pour établir la fonctionnalité d’un texte. En outre, les fonctions de l’écrit sont généralement implicites; elles nécessitent de la part du chercheur un important effort, afin de pouvoir discerner les raisons qui ont amené à la production d’un genre particulier d’écrit à un moment donné, sous une forme précise, en rapport à des attentes particulières.

Les écrits connaissent ainsi une grande variété de fonctions à l’origine de différentes problématiques, toujours liées à la lecture. Nous allons nous intéresser en particulier à quatre d'entre elles liées: (a) au prestige, (b) à l’instruction, (c) à la légitimation; enfin, (d) à la publicité.

Certains écrits remplissent plusieurs de ces fonctions à la fois.

a) De la fonction de prestige

Le musicologue Piperno (1992) s’est intéressé au rôle des partitions et à leur usage, au XVIIe siècle. Il est arrivé à la conclusion suivante :

Les partitions des intermèdes florentins de 1589 et de l’Orfeo de Striggio-Monteverdi (Mantoue, 1607) furent imprimées, non point en vue de reprises éventuelles, mais bien en tant que monuments devant perpétuer le souvenir de l’excellence du spectacle. (Piperno, 1992, p. 6)

Avant le développement de l’imprimerie (Eisenstein, 1983/1991), les partitions constituaient un objet relativement luxueux, que l’on consultait dans les bibliothèques de certains particuliers ou de certaines institutions. Ces livres avaient comme fonction la fixation d’une œuvre qui avait été donnée sous forme de spectacle. Le livre était gardé et montré, un peu dans le même esprit que l’on fixait une scène de bataille dans un tableau.

Dans un contexte plus récent, nous avons trouvé d’autres livres remplissant cette même fonction.

A Milan, dans le bureau de Direction de la bibliothèque du Conservatoire, nous avons pu consulter un exemplaire de la première édition de la Méthode de chant du Conservatoire de Paris (1803) conservé comme un objet précieux, mais sans la moindre trace d’utilisation.

D’après les explications du bibliothécaire, cette Méthode avait était amenée au moment des invasions de la région lombarde par les troupes de Napoléon (1796-1799). Le musicologue Daolmi (s.d.) explique, dans un article sur le Conservatoire de Milan, comment cette Méthode avait été offerte par Napoléon lui-même en 1809 à l’institution (Daolmi, s.d.).

Celle-ci se présente sous la forme d’une édition de luxe, richement ornée, dont la fonction était essentiellement représentative du prestige du modèle pédagogique français. Toutefois, Daolmi insiste sur le fait que :

68 Uberti, M. (2004). «Il metodo pratico di canto di Nicola Vaccaj». Nuova rivista musicale italiana, Roma: RAI.

(Numero 1 gennaio-marzo 2004, pp. 43-67). http://www.maurouberti.it/vaccaj/vaccaj.html

38 La pratique italienne, même dans les conservatoires, restait encore liée à l’enseignement direct. L’usage des manuels est, dans la didactique musicale, essentiellement un pis-aller ; le vrai enseignement est surtout ad personam. (Daolmi, s.d. , p. 18).

La prassi italiana, anche nei conservatori, rimaneva ancora legata all’insegnamento diretto. L’uso della manualistica è, nella didattica musicale, sostanzialmente un ripiego; il vero insegnamnento è soprattutto ad personam.

Néanmoins, le modèle conservatoire va s’imposer un peu partout dans le monde. Les contenus de la Méthode de 180369 ont contribué à créer un modèle de structuration et de contenus d’enseignement, encore influent de nos jours sur les pratiques.

b) De la fonction d’instruire

Dans un contexte d’écrit sur le chant, la fonction d’instruire semble à première vue la plus évidente. Cette fonction se manifeste pourtant de manières diverses, comme par exemple, dans les préfaces des opéras du XVIIe siècle, qui fournissent des consignes performatives au lecteur-praticien. Les explications permettent au chanteur de travailler un exercice, d’acquérir la maîtrise d’un procédé, et constituent une autre manifestation de la fonction d’instruire.

Ainsi, même si les exemples que nous venons de citer ont tous les deux un but d’instruire, leurs fonctions sont très différentes : le texte de la préface renseigne sur l’exécution d’une œuvre en particulier, c’est-à-dire sur l’expression; le texte explicatif de la Méthode de 1803 contient des instructions qui s’appliquent à la résolution de problèmes généraux (que nous appelerions actuelement « techniques ») pris en considération hors d’un contexte d’œuvre musicale. Nous pensons qu’il est important de marquer cette différence, surtout parce que les notions d’expression et de technique ne semblent pas nettement différenciées avant le XIXe siècle.

Nous émettons l’hypothèse que dans l’approche analytique, un indice pour identifier un processus de transposition didactique peut être trouvé grâce à la fonction du texte analysé.

Ceci dit, l’approche de la fonction n’est pas toujours simple. La fonction des préfaces peut s’avérer tout autre que celle que nous lui attribuons de nos jours : la partition d’un opéra pouvait être publiée après que l’œuvre avait été donnée devant un public, ce qui écarte la possibilité de constituer un texte rédigé dans un but performatif immédiat (Rappelons que la musique était écrite pour des chanteurs en particulier).

L’Orfeo de Monteverdi (1609) a été publié à Mantoue le 22 août 1609, c’est-à-dire deux ans après la première représentation. Même si l’auteur a contribué activement à la préparation du spectacle (ce qui était habituel), ces deux années de décalage constituent le signe d’une possible et vraisemblable distinction entre ce qui a fait l’objet d’une représentation, d’une part, et ce qui a été écrit, d’autre part. Nous ne pouvons ainsi déduire la fonction d’un texte simplement d’après ce qui est écrit, nous devons nous interroger encore sur les pratiques d’utilisation de ce texte.

c) De la fonction de légitimer

Nous citerons encore un exemple en lien avec la fonction d’instruire, qui remplit également celle de légitimer des savoirs dans un contexte didactique. Le Conservatoire de Paris (1795) édite la première Méthode de chant en 1803. D’après une première lecture, on pourrait considérer les chapitres sur le « Mécanisme de la voix » de la Méthode de 1803 comme une sorte de mode d’emploi des Solfèges d’Italie70, mélodies qui figurent à la fin de l’ouvrage. Mais cette fonction paraît secondaire par rapport à la première fonction du livre: celle de légitimer des savoirs. Les

69 Nous allons faire référence à la Méthode de chant du Conservatoire de Paris (1803) en la nommant de manière abrégée, Méthode de 1803.

70 Comme le terme « solfège » peut prêter à confusion, nous allons utiliser le terme de Solfeggi ou encore de Solfèges d’Italie, pour désigner les mélodies écrites généralement par les maîtres, pour un élève en particulier, et utilisées comme milieu didactique pour apprendre à chanter et à ornementer.

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« Arrêtés relatifs à la confection de la Méthode de chant du Conservatoire » (Méthode 1803, p.

ii) sont explicites à cet égard. Le dernier est signé par le Directeur Sarrette, et on peut lire :

Vû l’adoption prononcée par le Conservatoire de Musique le 23 nivose au XI aux termes de l’Article 5 du titre 14 du Règlement. Arrête : La Méthode de Chant adoptée par les membres du Conservatoire, servira de base à l’enseignement dans les classes du Conservatoire de Musique. (Méthode 1803, p. iii)

Cette phrase placée dans son contexte nous ouvre la possibilité d’aborder une tout autre lecture, qui dépasse largement la première fonction qui nous a semblé « évidente », celle d’instruire. La Méthode est imposée aux professeurs par l’institution. Les conséquences sont importantes : la Méthode va profondément bouleverser les pratiques du fait qu’elle a en valider certaines et en invalider d’autres.

Par exemple, la notion de portamento71, qui, jusqu’alors, était différenciée suivant qu’elle soit une pratique française ou italienne, sera définie par la Méthode comme le « véritable Portamento des Italiens » (Méthode 1803, p. 15). La manière des Français sera considérée comme défectueuse.

Nous allons maintenant aborder une dernière fonction de l’écrit imprimé, la fonction publicitaire.

d) De la fonction publicitaire

La fonction publicitaire du livre aurait des conséquences beaucoup plus importantes que ce que nous avions soupçonné au départ. Cette fonction serait liée à la promotion de certains auteurs et de leurs ouvrages, aboutissant à la constitution d’un répertoire didactique.

Comme nous allons le voir, cette fonction soulève une problématique qui n’est pas toujours facile à cerner.

Citons un premier exemple où cette fonction apparaît de manière explicite. Il s’agit d’un texte qui témoigne de l’engouement pour ce qu’on appelait l’hygiène du chanteur, au début du XXe siècle. En effet, la méthode de chant, Emission esthétique et santé vocales résument tout l’art du chant : étude sur la voix, est signée par un auteur apparemment inconnu dans les milieux du chant : Borese (1924). Il s’agit d’un petit livre d’une trentaine de pages, contenant des conseils de bon sens. C’est uniquement à la fin du livre que l’on découvre la fonction publicitaire du texte : l’auteur vante les qualités de nourriture spéciale pour chanteurs ! Ce type d’ouvrage nous semble néanmoins constituer un cas isolé : la publicité dans les livres fonctionne généralement de manière plus discrète, voire implicite.

Nombreux sont les exemples : au XIXe siècle, des professeurs de chant qui ouvraient une école publiaient souvent une méthode de chant pour affirmer leur autorité dans le domaine et attirer des élèves. Mais un des usages les plus fréquents de la publicité est celui qu’en font les éditeurs, encore de nos jours, pour promouvoir des auteurs et les ouvrages de leur maison d’imprimerie.

Dans la Méthode de 1803 – que nous venons d’évoquer – quatre pages de publicité sous forme de « Catalogue » figurent au début du livre :

Des ouvrages nouveaux de Musique Vocale et Instrumentale composant le Magasin de Musique du Conservatoire, tenu par M. Mrs. Charles, Michel, Ozi et Compagnie, à Paris, Rue Bergère, N°3. (Méthode 1803, p. I)

71 Porter la voix signifie lier deux sons, généralement séparés par un intervalle disjoint, de manière

« imperceptible ». L’art du portamento était considéré comme un art exigeant et consistait en passer par tous les micro-intervalles (comas) qui séparent deux notes, en employant un soutien qui « portait » et garantissait la

« qualité » du son, sans laisser « glisser » la voix de manière incontrôlée. Cette dernière pratique était considérée comme défectueuse.

40 Le lecteur dispose non seulement de la liste des ouvrages à choix, mais aussi de l’adresse pour commander les partitions. D’autres institutions d’enseignement, ou des particuliers en province, vont se procurer ces ouvrages qui jouissent du prestige d’être annoncés dans la Méthode du conservatoire. Cette institution édite elle-même ces œuvres à la rue Bergère72, dans le même bâtiment que celui qui est consacré à l’enseignement.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la pratique publicitaire promouvant des catalogues d’éditeurs dans les ouvrages est très ancienne73. Eisenstein (1983/1991) explique:

Pour se faire connaître, les premiers imprimeurs sortaient des listes d’ouvrages, des circulaires et des placards. Ils mettaient en première page des livres qu’ils exécutaient le nom de leur firme, sa marque et son adresse. (Eisenstein, 1983/1991, p. 47)

Eisenstein compare ces procédés avec les pratiques antérieures à l’imprimerie, et insiste sur leurs conséquences :

Les imprimeurs s’annonçaient en premier alors que les colophons des scribes terminaient les manuscrits. Et ils étendaient également leurs nouvelles techniques de promotion aux auteurs et artistes dont ils publiaient l’œuvre, contribuant ainsi à créer des formes neuves de célébrité personnelle. Les maîtres de calcul et les facteurs d’instruments profitaient, aux côtés des professeurs et des prêcheurs, des annonces de livres qui portaient leur renom au-delà des salles de cours et des boutiques. (Eisenstein, 1983/1991, p. 47)

Dans notre contexte de vocalité, l’imprimé musical aurait également contribué à la valorisation de certains artistes et de leurs productions. Nous émettons l’hypothèse que des facteurs de type commercial, allant de pair avec la promotion d’un choix d’auteurs et de leurs ouvrages par les éditeurs, aura des répercussions didactiques très importantes, notamment en ce qui concerne le choix de milieux didactiques utilisés dans la construction des savoirs. L’usage des ouvrages didactiques édités par le Conservatoire de Paris dépasserait ainsi largement l’emploi destiné aux élèves de l’Institution. Au début du XIXe siècle, une partie de ces ouvrages auraient contribué précisément à la construction du paradigme belcantiste et à l’utilisation d’un répertoire didactique. Le répertoire didactique contemporain est encore fortement influencé de nos jours par certains de ces écrits.

Ce phénomène a été analysé dans un contexte de littérature par Kirsop (1984/1990), qui s’est intéressé au rôle de l’édition dans l’élaboration de la notion de répertoire:

Tandis que les grands auteurs des XVe et XVIe siècles, sans parler de la plupart des contemporains de Malherbe ou du jeune Corneille, disparaissent à quelques exceptions près des fonds de librairie, les classiques et leurs successeurs du siècle des Lumières sont réimprimés sans cesse pour les honnêtes gens et pour les collégiens de tous les pays où le français est enseigné. La Fontaine, Fénelon, Voltaire, Lesage sont édités – parfois en versions bilingues juxtalinéaires– jusque dans les Etats-Unis ou, au XIXe siècle, en Australie. (Kirsop, 1984/1990, p. 16)

Nous retrouvons un phénomène équivalent dans le contexte musical. Par exemple, si nous consultons les programmes des spectacles donnés à l’Opéra-Italien de Paris, au début du XIXe siècle (Mongrédien, 2008), nous remarquons l’existence d’auteurs – de nos jours presque oubliés – comme Martin y Soler. Ce compositeur était contemporain de Mozart, et contrairement à celui-ci, avait connu beaucoup de succès dans les plus grands théâtres des villes européennes. Ce ne sera que plus tard, dans la seconde moitié du XIXe siècle, que la sélection des compositeurs

72 Le conservatoire de Paris restera en ces mêmes lieux jusqu’à 1911.

73 D’après Eisenstein: « Nombre de procédés encore employés aujourd’hui par les publicitaires furent testés pour la première fois au temps d’Erasme. En s’attachant à exploiter les nouvelles techniques publicitaires, peu d’auteurs s’abstinrent de faire en premier lieu leur propre publicité. Le battage, l’annonce tapageuse et autres moyens de promotion commerciale qui nous sont familiers étaient déjà exploités par les premiers imprimeurs qui s’évertuaient agressivement à faire connaître les auteurs et les artistes dont ils espéraient vendre les productions. » (Eisenstein, 1983/1991, p.162)

41 dignes de figurer dans les catalogues des « classiques » aura lieu, et les institutions suivront le mouvement.

Kirsop (1984/1990) souligne les enjeux de cette démarche de « consécration » d’un auteur, et les répercussions de celle-ci dans l’uniformisation des « produits » :

Avant 1777, en France même, les privilèges, donc les bénéfices de ce commerce perpétuel, appartiennent à peu près exclusivement aux libraires parisiens. La nouvelle littérature classique au sens plein du terme devient un atout majeur de l’édition française, et, vu que celle-ci n’est pas prête à se lancer dans toutes les audaces, les auteurs ont de bonnes raisons pratiques de rester dans les chemins battus de l’orthodoxie moderne. (Kirsop, 1984/1990, p. 16)

La correspondance échangée entre la veuve de Mozart et les différents éditeurs constitue un témoignage très intéressant sur la construction de l’œuvre d’un auteur. Même si cela peut surprendre, il est possible que d’un point de vue didactique, la fonction publicitaire constitue une des fonctions de l’écrit qui a fortement déterminé les transformations des pratiques.

Formes et supports

Nous venons de voir comment l’objet-livre évolue d’après les fonctions qui lui sont attribuées.

Abordons maintenant les formes et supports des différents écrits (manuscrits, éditions de luxe ou à plus grand tirage, partitions), qui correspondent à différents usages de l’écrit, notamment comme milieu didactique. Ce faisant, nous nous intéresserons également aux dessins, planches anatomiques, exercices et cellules musicales écrits sur des portées qui ont eu une fonction complémentaire de l’écrit. Enfin, nous aborderons les « moyens de reproduction technique » (Benjamin, 1939/2000) : tout d’abord les enregistrements de la voix, et plus tard de la voix et de l’image, dont nous émettons l’hypothèse qu’ils seraient à l’origine d’une rupture de pratiques ayant des conséquences dans les usages de transmission et l’adoption d’autres référents.

Les premiers écrits sur le chant que nous avons analysés ont été édités sous forme de livres au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, et avaient comme particularité qu’ils faisaient généralement partie d’ouvrages traitant d’autres sujets: les textes sur le chant étaient souvent réduits à quelques pages (comme Zarlino, 1562 ou Mersenne, 1636), de même que les préfaces des opéras et oratorios (comme Guidotti, 1600 ou Gagliano, 1608)74. Ces textes étaient pourtant indissociables de l’œuvre dont ils faisaient partie.

Les premiers écrits sur le chant que nous avons analysés ont été édités sous forme de livres au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, et avaient comme particularité qu’ils faisaient généralement partie d’ouvrages traitant d’autres sujets: les textes sur le chant étaient souvent réduits à quelques pages (comme Zarlino, 1562 ou Mersenne, 1636), de même que les préfaces des opéras et oratorios (comme Guidotti, 1600 ou Gagliano, 1608)74. Ces textes étaient pourtant indissociables de l’œuvre dont ils faisaient partie.