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Focalisation sur l’évaluation orientée vers le résultat et l’évaluation

Chapitre 3. L’enseignement de la traduction en Corée

3.2. Problèmes se posant en pratique lors de la formation à la traduction en Corée

3.2.3. Focalisation sur l’évaluation orientée vers le résultat et l’évaluation

processus dans la fonction diagnostique et formative

D’après Collombat (2009 : 43), les premiers travaux remis par les étudiants permettent à l’enseignant d’établir un bilan personnalisé qui aidera l’apprenant à prendre conscience de ses forces et faiblesses, et l’encouragera à mobiliser les moyens nécessaires pour surmonter ces dernières. Si ce diagnostic initial met en évidence des erreurs se répétant systématiquement lors des travaux ultérieurs, il conduira l’enseignant à énoncer (ou rappeler la plupart du temps) les règles générales à appliquer pour les éviter (voir par exemple Collombat, 2009 : 43).

L’évaluation initiale peut aider les enseignants à choisir les méthodes d’enseignement et d’entraînement les mieux adaptées au niveau et au profil des étudiants. Les enseignants s’attacheront à trouver les bons instruments pour réaliser ce diagnostic et analyser les besoins (Cf. Kelly, 2005 : 133)

D’après Collombat (2009 : 50), il est fondamental que l’apprenant accepte le diagnostic posé par l’enseignant pour que des progrès soient envisageables.

Le diagnostic peut être posé également grâce à l’évaluation orientée processus, qui permet de détecter les difficultés propres à chaque étudiant. Dans ce cadre, la traduction accompagnée de commentaires faits par l’étudiant est une méthode extrêmement efficace, puisque permettant de reconstituer le raisonnement suivi par l'apprenant pour aboutir au résultat choisi. C’est en effet en offrant à l’étudiant la possibilité d’exposer ses difficultés de traduction, d’expliquer le raisonnement suivi pour les résoudre et de justifier ses choix de traduction que l’enseignant peut l’aider à acquérir une méthode opérationnelle de résolution de problèmes et, le cas échéant, à renforcer certaines connaissances dont le manque peut le conduire à produire un raisonnement biaisé ou fondé sur des prémisses erronées (voir par exemple Collombat, 2009 : 43)

Gile (1992 : 252) rappelle que « dans la pédagogie de la traduction, nous cherchons à proposer aux étudiants non pas une description complète du processus, mais des modèles méthodologiques susceptibles de les orienter vers des applications pratiques.

» D’après lui, « l’enseignement orienté processus se concentre sur le processus de traduction en cherchant à optimiser la démarche et les méthodes mises en œuvre par les étudiants » (2005 : 201).52

Gouadec (1989), Albir (2001) et Ryun-hee Kim (2004) considèrent eux aussi la prise en compte du processus de traduction et de son évaluation comme un outil apte à favoriser la progression didactique. Plusieurs autres chercheurs comme Migyoung Lee (2011), Hairston (1982) et Fox (2000), soulignent le rôle essentiel de l’approche orientée processus pour l’enseignement de la traduction. Pour eux, l’enjeu actuel de la formation porte sur la capacité à passer d’une approche centrée sur le résultat à une                                                                                                                          

52 Il préconise ainsi le recours au compte rendu intégré des problèmes et décisions (CRIPD) (2005 : 226). À ce propos, voir le & 2.3.2.

approche centrée sur le processus, plus à même de permettre aux étudiants de comprendre leurs problèmes et d’y chercher efficacement des solutions par interaction au sein du groupe et avec l’enseignant. De son côté, Kwon (2006 : 6) explique que le choix presque exclusif de l’évaluation orientée vers le résultat dans les cours de traduction pose problème : « S’il n’y a que l’évaluation orientée vers le résultat au cours de l’apprentissage des étudiants, l’enseignant indique des erreurs et donne une bonne réponse ou ses commentaires avec une note. Ce faisant, l’enseignant ne tient pas compte du processus de traduction des étudiants. D’une part, un étudiant peut être mal noté alors même qu’il possède une bonne méthodologie de traduction. D’autre part, les étudiants peuvent corriger leurs erreurs selon les indications et commentaires de l’enseignant sans pour autant comprendre pourquoi ils les ont commises. Ils ne pourront donc pas surmonter les mêmes problèmes ni éviter les mêmes erreurs lors d’un prochain travail de traduction » (Traduction de Daeyoung Kim).

Hatim et Mason (1997 :198-199) jugent problématique l’évaluation sommative en tant que tentative d’évaluer globalement des compétences de traduction, qui plus est sur un travail rendu ne reflétant pas fidèlement ces habiletés techniques, dont beaucoup sont liées au processus.

Ces auteurs mettent en avant l’intérêt d’une évaluation continue qui ne serait pas conçue comme une suite de mini-examens de nature sommative, mais aurait une visée formative en donnant aux étudiants les retours qui leur permettront de progresser.

Lee-Jahnke (2001 : 261) souligne aussi que l’évaluation formative est prioritaire en tant qu’elle vise le développement des performances de traduction des étudiants :

« Tous les professeurs n’ont pas la même conception du rôle de l’évaluation. Pour beaucoup, elle sert uniquement à sanctionner les travaux à la fin du cours. Pour d’autres, par contre, elle sert à aider les étudiants à s’améliorer dans leurs performances. À notre avis, cette amélioration ne vise pas seulement la réussite dans les examens. Elle doit essentiellement viser l’amélioration de l’aptitude à traduire et, ensuite seulement, le produit fini, à savoir une traduction de qualité. C’est dire que l’évaluation formative nous intéresse en priorité. »

En outre, pour être constructifs, ces retours doivent s’appuyer sur des critères bien définis. En encourageant les étudiants à travailler en vue d’objectifs clairs et réalistes,

l’enseignant les aide à s’auto-évaluer et en même temps accroît la pertinence et l’efficacité des retours qu’il apporte à leurs travaux de traduction (Cf. Fraser, 2000 : 59)53 .

Ceci peut se concrétiser, par exemple, par un répertoire complet d’erreurs : « Plus un répertoire d’erreurs est exhaustif, plus on a de chances de repérer tous les écarts par rapport à une traduction acceptable. L’exhaustivité de la liste utilisée assure son universalité » (Brunette 1998 : 137).

Toutefois, même dans un répertoire détaillé et impeccable, la limite entre certaines catégories d’erreurs n’est pas forcément claire et un dilemme peut donc y subsister (voir Brunette, 1998 : 130). Alors, « corriger des traductions n’équivaudra plus qu’à sanctionner des textes et fautes » (Brunette, 1998 : 139) et il est préférable de fournir un retour avec des explications complémentaires plutôt que de se contenter de faire figurer en marge une abréviation convenue (voir Migyoung Lee, 2011).

C’est pourquoi l’évaluation orientée vers le processus utilisant le CRIPD peut jouer un plus grand rôle que l’évaluation orientée vers le résultat, étant donné que les étudiants peuvent régler leurs problèmes en appliquant diverses stratégies : stratégies de résolution de problèmes, utilisation de critères de prise de décision, développement de compétences de correction et de révision, enfin méthodologies de recherche d’informations (voir Kim, 2007 : 87).

En outre, cela permet aux étudiants de comparer des processus de traduction et d’améliorer leurs compétences méthodologiques. (voir Kim, 2007 : 87)

Par ailleurs, d’après l’enquête de Migyoung Lee (2011), il s’avère que les étudiants préfèrent aussi l’approche processus à l’évaluation par le résultat. Nous faisons donc l’hypothèse que, pour progresser en toute connaissance de cause, les étudiants ont besoin de reconnaître leurs erreurs et de les comprendre grâce à des commentaires détaillés sur chacune d’elle et une indication du cheminement qui aurait permis de l’éviter. C’est précisément l’objectif de l’évaluation fondée sur le processus.

                                                                                                                         

53 ‘We as teachers need to make our criteria clear…If we ourselves are clear about the instructions we give for the final translation, it should be easier to make explicit the criteria by which we judge it.

Moreover, by encouraging students to work to a set of clear but realistic aims in a translation task, we make it easier both for them to evaluate their own work and for ourselves give them meaningful and constructive feedback on it’ (Fraser, 2000 : 59).

Toutefois, Kim (2007 : 85-86) souligne que, dans la réalité, les cours de traduction sont marqués par l’évaluation orientée vers le résultat et l’évaluation sommative plutôt que par l’évaluation orientée processus et l’évaluation formative, alors même que l’inverse serait souhaitable pour que l’évaluation participe vraiment à l’acquisition de la compétence de traduction.

L’enquête de Cho-Lim Sung et al. (2001) montre également que les professeurs procèdent à une évaluation plutôt orientée vers le résultat que vers le processus. En effet, les enseignants ont répondu en majorité qu’ils corrigeaient les erreurs des étudiants sur leurs copies, proposaient des modèles de solutions et attribuaient des notes.

Il nous faudra donc nous efforcer de mettre en évidence si les méthodes d’évaluation effectivement pratiquées par les enseignants de traduction sont plutôt de type évaluation formative, fondée sur le processus, ou évaluation sommative, fondée sur le résultat. Il nous faudra également faire ressortir les méthodes d’évaluation souhaitées par les étudiants, celles auxquelles ils font confiance pour améliorer leur apprentissage.

3.2.4. Difficultés à s’auto-évaluer et manque d’autonomie dans le