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Difficultés affectant le cours de traduction universitaire et possibilité de

Chapitre 3. L’enseignement de la traduction en Corée

3.2. Problèmes se posant en pratique lors de la formation à la traduction en Corée

3.2.10. Difficultés affectant le cours de traduction universitaire et possibilité de

Il est difficile d’adapter le degré de difficulté des textes proposés à la traduction compte tenu des différences de niveau des étudiants en langue étrangère. Il est également difficile d’offrir à chaque étudiant une appréciation personnalisée de ses travaux dans un contexte où les amphithéâtres sont souvent pleins dans les cursus universitaires de traduction en Corée (voir Kim, 2006).

Par ailleurs, Klein-Branley et Franklin (1998) et Kiraly (1995) regrettent le manque de cours diversifiés à l’université. Pour Klein-Branley et Franklin (1998), il manque par exemple un cours de traduction professionnalisant pour les étudiants de niveau avancé qui se destinent à faire ce métier.

Plusieurs chercheurs coréens soulignent aussi la nécessité d’ouvrir des cours appliqués de traduction professionnelle qui bénéficieraient aux étudiants de niveau avancé. Des cours de traduction diversifiés seraient nécessaires : cours ancrés dans l’actualité (traduction industrielle et économique, traduction politique et juridique), traduction littéraire, traduction des productions télévisées et cinématographiques, etc.

(voir par exemple, Eun-Sook Lee & Eun-Jung Lee 2010 : 230, Lee, 2011 : 176, Kim, 2011 : 43-44).

Dans l’enquête de Eun-Sook Lee & Eun-Jung Lee (2010 : 230), la plupart des étudiants (91 %) expriment le besoin de tels cours de traduction, ce que l’enquête de Yang (2010 : 140) confirme : les étudiants de quatrième année s’engagent dans un cursus universitaire de traduction parce qu’ils considèrent que cela peut les aider à entrer dans une école professionnelle ou les favoriser dans leur travail après la fin de leurs études.

Ce point de vue recoupe celui de Schäffner (2000 : 154), laquelle entend dépasser la métaphore plaçant la marche à pied (la compétence linguistique acquise à l’université) chronologiquement avant la course, (la compétence en traduction acquise à l’école professionnelle), à l’image des enfants qui apprennent à marcher avant de courir.

Étant donné que la compétence de traduction n’est pas une simple amélioration de la compétence linguistique, les étudiants devraient bénéficier au moins d’une initiation à la traduction professionnelle à l’université avant l’entrée dans une école professionnelle (Cf. Schäffner, 2000 : 154). Ceci pourrait se faire en réfléchissant à

« l’opération traduisante, à savoir analyser en profondeur les textes à traduire, comparer des traductions et des stratégies de traduction, envisager des types et divers modes de traduction adaptés, travailler dans le détail, mais aussi formaliser des méthodes et des procédures, notamment en termes de qualité » (voir Lavault-Olléon, 2003 : 207).

En fait, actuellement, le cours de traduction universitaire en Corée tend à former à la traduction professionnelle. On essaie pour cela d’introduire de nouvelles méthodes et matières en s’inspirant des formations existant à l’école professionnelle de traduction (voir Lee, 2010 : 141-142)

Autrefois, les départements de langue étrangère des universités coréennes utilisaient la traduction pour former aux langues étrangères. De nos jours, l’enseignement de la traduction tend à adopter le point de vue du traducteur professionnel au niveau du cours jusqu’au niveau du département et de l’université (voir Kim, 2011 :25).

D’ailleurs, grâce à une enquête qu’ils ont menée auprès de 84 étudiants ayant suivi un cours de traduction dans une université coréenne, Eun-Sook Lee & Eun-Jung Lee (2010) ont mis en évidence que leur motivation n’était pas l’envie d’améliorer leurs compétences linguistiques, mais l’intérêt pour la traduction professionnelle. L’enquête proposée par Kim (2002) à 31 étudiants d’un cours de traduction conduit à un résultat similaire : 19 étudiants sur 31 déclarent avoir choisi le cours de traduction par intérêt pour la traduction.

Kim (2011 : 38) souligne l’importance, pour l’avenir des étudiants universitaires, d’introduire une formation à la traduction professionnelle : après leurs études à l’université, les étudiants universitaires ayant reçu une formation à la traduction professionnelle peuvent réaliser des tâches de traduction dans leur environnement professionnel, voire travailler comme traducteurs professionnels après être passés par l’école professionnelle, ou encore devenir traducteurs experts s’ils perfectionnent leurs compétences en traduction en accomplissant des efforts permanents de formation et en tirant parti des retours d’expérience.

Cette initiation est rendue plus nécessaire encore aujourd’hui, où la probabilité est grande de voir des étudiants universitaires diplômés en langues, même s’ils ne sont pas passés par une école professionnelle, se retrouver un jour ou l’autre à traduire des textes de tout ordre, des documents technico-commerciaux pour la plupart, mais aussi des articles scientifiques, etc., sur sollicitation d’un proche, d’une connaissance ou d’un collègue qui assimile, comme cela est courant, la compétence en langue à la capacité à traduire (voir Lavault-Olléon, 1998 : 82).

Enseigner la traduction professionnelle au niveau universitaire est également justifié par le fait que les futurs traducteurs se retrouveront entourés de professionnels,

avocats, comptables, professeurs, etc. et devront répondre à une demande de travaux variés (Cf, Fraser, 2000 : 64)64.

Comme nous venons de le voir si l’initiation à la traduction professionnelle à l’université répond à un besoin réel à la fois des étudiants et de la société actuelle, il est nécessaire d’appliquer une pédagogie ciblée pour faire comprendre aux étudiants la complexité de l’opération de traduction, de leur enseigner par exemple l’importance du contexte et de la situation pour éviter une traduction mot à mot de mauvaise qualité (voir Kim, 2002 : 127). Lavault-Olléon (1998 : 81) le remarque : « il est vrai que les étudiants ont le plus souvent tendance à assimiler la traduction à un simple transcodage ». D’après elle, les enseignants-traducteurs disent même devoir réaliser un « désapprentissage pour éliminer les habitudes prises en cours de langues » car les étudiants qui arrivent ont été « rigidifiés par un enseignement qui leur a appris des mots et des équivalences ».

Schäffner (2000 : 144) fait elle aussi remarquer qu’il existe des situations où les étudiants entrant à l’école professionnelle doivent désapprendre ce qu’ils ont appris dans les cours traditionnels, notamment ceux de thème et de version. S’appuyant sur son expérience de professeur, Kim (2012) souligne que les étudiants de la première année de traduction à l’école professionnelle ont été un peu pervertis par les cours de thème et de version qui les ont habitués à la traduction littérale.

Delisle (1998, 2005) distingue, quant à lui, le cas des apprenants débutants dans les universités – insuffisance des connaissances requises, tendance à la transposition littérale et traduction fondée essentiellement sur l’analyse de la langue – et celui des apprenants de l’école professionnelle – traduction fondée plutôt sur l’analyse du discours et les paramètres de communication en vigueur dans la traduction professionnelle.

L’utilisation du mandat de traduction en cours universitaire est susceptible d’atténuer ce problème : elle pousse les étudiants à passer d’une traduction littérale à une traduction intégrant le contexte. La mise en valeur du mandat de traduction peut simultanément offrir aux étudiants une expérience en situation réelle de traduction                                                                                                                          

64 Fraser (2000 : 64), ‘We would like to argue that translation as a professional activity can and should be studied in a university environment, not least with a mind to the status of future translators, who will work in a world of lawyers, accountants, teachers and other accredited and recognized professionals.’

professionnelle, puisque la stratégie de traduction en dépend (voir Hyang Lee 2011 : 179).

Kim (2012) souligne elle aussi l’importance du mandat de traduction dans le cours de traduction. Après avoir demandé à dix étudiants en première année à l’école professionnelle de traduire selon deux mandats de traduction différents (ils peuvent choisir par lequel commencer), elle a comparé les deux productions. Elle s’est rendu compte que les étudiants ont réussi à s’éloigner d’une traduction littérale dans le second cas. Elle a aussi constaté que ses étudiants n’étaient pas, au début, habitués à traduire selon la réalité de la traduction professionnelle et ne comprenaient pas la différence entre thème et version. Ils y sont parvenus en tenant compte du mandat de traduction et sur la demande de l’enseignant jouant le rôle de client.

Adab (2000 : 127) critique pour sa part un cours de traduction qui ne fait pas référence au mandat de traduction, ce qui, d’après elle, ne laisse d’autre choix aux étudiants que de traduire littéralement, donc au niveau linguistique :

« On ne s’interroge pas non plus sur la fonction du texte dans la culture source, ni sur la fonction du texte traduit dans la culture cible. Ainsi, on attache peu d’importance au profil du lecteur ciblé, aux connaissances contextuelles et factuelles de ce destinataire, à ses attentes d’un texte ayant une fonction et un type donnés. Trop souvent on demande aux étudiants de traduire un texte sans leur fournir une information préalable, ce qui tend à donner l’impression à ces derniers que la traduction consiste simplement à rechercher des correspondances ou des unités interlinguistiques dans les unités linguistiques. »

D’une manière concrète, Gile (1992 : 400) précise des interventions pédagogiques dans un cours de traduction universitaire, destinées à contrecarrer chez les étudiants l’effet de plusieurs années de versions et de thèmes scolaires en visant à expliquer trois principes :

« 1) La traduction est une opération de communication qui vise à transmettre à un destinataire un texte présentant de manière fidèle, mais aussi lisible, crédible et convaincante que possible, le ou les messages de l’avenir.

2) La traduction peut être fidèle même si dans le choix des mots et des structures, elle s’éloigne sensiblement de l’original (ce principe est expliqué avec une démonstration expérimentale dans Gile 1985).

3) Dans le processus de traduction, chaque segment de texte de départ est soumis à un processus itératif de vérification de la plausibilité de son interprétation par le traducteur, processus qui ne s’arrête que lorsqu’une hypothèse de sens est jugée plausible, de même, tout libellé devant restituer le contenu de ce segment de texte est soumis à un processus itératif de vérification de sa fidélité et de son acceptabilité linguistique, processus qui ne s’arrête que lorsque les résultats de ces vérifications s’avèrent satisfaisants. » (Gile, 1992 :400)

Il y aura lieu de nous interroger sur les difficultés effectivement éprouvées par les étudiants et les enseignants des cursus universitaires de formation à la traduction tels qu’ils se déroulent aujourd’hui. En particulier, il nous faudra poser les questions de l’introduction de cours professionnalisants diversifiés au niveau universitaire et des outils permettant aux étudiants de s’éloigner de la traduction mot à mot pour tenir compte du contexte au niveau macrotextuel (mandat de traduction).

3.2.11. Maîtrise insuffisante de la langue étrangère chez les