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Absence de cours de lecture active, de méthodologie de recherche

Chapitre 4. Description de l’échantillon

1.5. Quelques caractéristiques particulières distinguant l’environnement coréen de

1.5.1. École professionnelle

1.5.1.3. Absence de cours de lecture active, de méthodologie de recherche

(TAO)

Selon les étudiants et les enseignants interrogés, des cours de lecture active et de méthodologie de recherche documentaire sont nécessaires pour s’exprimer en langue d’arrivée et comprendre le texte de départ. Ces cours, qui font le plus défaut, peuvent

être tout particulièrement utiles aux étudiants coréens en école professionnelle de traduction, pour acquérir des compétences linguistiques et textuelles : (1) compréhension de la langue étrangère, (2) expression dans la langue maternelle et (3) logique du texte. C’est surtout la compétence de lecture et compréhension du texte de départ en français qui ressort des réponses de la plupart des enseignants113.

Or, de tels cours n’existent pas dans les écoles professionnelles en Corée du sud.

Selon les étudiants de traduction français-coréen en master1, lorsqu’un enseignant français, qui enseigne la traduction du coréen au français à l’ESIT, a donné un cours de lecture active exceptionnellement pendant un mois, cela les a beaucoup aidés à comprendre le texte de départ. En effet, hormis deux étudiants bilingues, les autres manquent de compétences linguistiques et textuelles pour la compréhension fine du texte français114. D’après eux, le cours de lecture active les a beaucoup aidés à surmonter leurs difficultés liées à d’insuffisantes connaissances linguistiques (y compris par l’acquisition de connaissances liées aux facteurs socioculturels). Ce cours faisait en effet la part belle à la phraséologie, aux allusions et aux nuances culturelles propres au français et aux différences de systèmes de référence entre les deux langues. L’une des étudiantes précise:

« En cours de lecture active, un enseignant français de l’ESIT nous a expliqué des expressions figées et des termes ou des phrases difficiles avec des mots faciles en donnant plusieurs synonymes. Il nous a surtout bien précisé les différences de nature culturelle et les nuances subtiles que nous n’arrivons presque jamais à saisir, les expressions propres au français, ainsi que le contexte, le sujet et les mots-clés des textes de départ, etc. Cela m’a ainsi beaucoup aidée et je suis sûre que ce cours s’est avéré nécessaire pour nous qui éprouvons des difficultés à comprendre le texte de départ. » (ECPQ5.12 E10)

Par ailleurs, Choi (1999) considère le manque de diversité des cours comme un problème pour l’enseignement de la traduction en Corée : la recherche de sources d’information et la traduction assistée par ordinateur (TAO) sont peu enseignées.

                                                                                                                         

113 Q5.09 : « Quelles sont les compétences en traduction qui font le plus défaut aux étudiants ? », voir le graphique 20 en section 3.1 de la présente partie.

114 Nous traiterons ce sujet en détail en section 2.1 de la conclusion.

À l’instar des conclusions de cet auteur, notre enquête montre que la recherche documentaire est négligée. Les réponses à la question : « Quelles activités faites-vous en général pendant le cours ? » (Q 1.09 – voir le graphique 3 page 140) montrent qu’à peine 1 enseignant sur 36 lui consacre du temps en cours de traduction à l’université (ECUQ1.09) et seulement 6 enseignants sur 31 à l’école professionnelle (ECPQ1.09).

De surcroît, à la différence d’écoles de traduction comme l’ESIT et l’ISIT en France, l’ISTI (Institut supérieur de traducteurs et interprètes) en Belgique, ou encore l’école de traduction et d’interprétation d’Ottawa, il n’existe pas de cours consacré à la TAO dans les écoles professionnelles de Corée. L’usage de la TAO étant une des compétences appréciées sur le marché de la traduction professionnelle, l’ouverture dans les écoles professionnelles d’un cours qui lui soit consacré s’impose aujourd’hui, comme le souligne Yoo (2011 : 9-10) :

« Dans le domaine technique industriel et moderne, surtout dans le milieu informatique, la traduction de modes d’emploi, de projets industriels, de plans, etc. se réalise par TAO. Toutefois, il n’y a pas d’école professionnelle ou d’université à s’être dotée d’outils de TAO en Corée. Par contre, plusieurs universités dans le monde en possèdent actuellement. Il nous faut donc envisager l’introduction de la TAO dans la formation à la traduction. » (Traduction de Daeyoung KIM)

1.5.1.4. Absence d’enseignement lié à la situation réelle de la traduction professionnelle et faible connaissance du marché au niveau de l’école professionnelle en Corée

Shin (2010 : 104) souligne le besoin de préparer les traducteurs au marché de la traduction professionnelle et à ses évolutions. En effet, le type de textes à traduire change, ainsi que leur forme, des travaux apparaissent qui utilisent de nouveaux outils, etc. D’après elle, c’est aux entreprises professionnelles de traduction d’anticiper ces changements et de réagir promptement ; c’est pourquoi les traducteurs doivent présenter de leur côté une bonne capacité d’adaptation.

Pour ne pas se retrouver en échec professionnel après leurs études, dans un environnement différant profondément de l’école professionnelle, les étudiants ont besoin de faire précocement l’expérience de la réalité (Voir Shin, 2010).

Delisle (1998 : 215) mentionne que les stages en milieu professionnel ont pour but de parfaire la formation pratique et de faciliter l’intégration au marché du travail dès la fin des études. D’après les réponses de la majorité des enseignants et de tous les étudiants de l’école professionnelle interrogés et d’après l’Institut de la traduction littéraire coréenne (2005), l’ouverture d’un cours en prise avec la réalité de la traduction professionnelle est un réel besoin : il pourrait prendre la forme d’un stage en entreprise. À la question « Les enseignants et les étudiants pensent-ils avoir besoin d’une ouverture à d’autres cours pour acquérir des compétences en traduction ? » (Q5.11- voir graphique 29 page 251), la plus grande part des réponses des enseignants de l’école professionnelle (13 réponses, soit, 19%, ECPQ5.11) et tous les étudiants interrogés de l’école professionnelle signalent le besoin d’un cours permettant aux étudiants d’appréhender la réalité de la traduction professionnelle.

Or, les cours donnés à la GIST pèchent par manque de présentation du marché de la traduction professionnelle et de son fonctionnement, et le problème est aggravé par l’absence de stage en entreprise. En effet, d’après le résultat de l’enquête de An (2007) auprès de 52 enseignants et 163 étudiants de la GIST, les répondants sont plutôt dubitatifs quant à la question : « Le cursus de formation de la GIST est-il tourné vers le marché de la traduction professionnelle ? »

D’après Shin (2010), il n’y a en Corée du sud qu’un seul stage de pratique de la traduction, organisé à G.S.T.I., tandis que l’école professionnelle Monterey aux États-Unis a un cours professionnalisant et que l’école professionnelle Macquarie et l’université Monash en Australie proposent un programme en partenariat avec diverses agences et entreprises, ainsi que des instituts publics œuvrant dans le domaine de la traduction. L’université Monash précise même sur la page d’accueil de son site Internet le contenu des stages, leur durée et les établissements qui accueillent les étudiants et supervisent leurs stages. À l’université du Queensland, l’imbrication est forte entre enseignement classique et stage, puisque les étudiants réalisent leur projet conjointement en cours (deux heures par semaine) et en stage (100 heures en milieu professionnel).

Selon l’Institut de traduction littéraire coréenne (2005) et la page d’accueil de l’ESIT, des stages de 6 ou 8 semaines sont programmés à l’ESIT. Au cours de notre propre observation du cours de traduction espagnol-français de master 1 à l’ESIT, nous avons découvert que, pour permettre aux étudiants de se placer dans la situation d’un traducteur professionnel confronté à la réalité du marché, on leur faisait préparer en groupe un devis susceptible d’être proposé à un client. Le professeur joue le rôle du client et rend le devis révisé à chaque groupe, puis le chef de projet l’analyse. Ce genre de mise en situation est absent des cours donnés à la GIST, tout comme les stages en entreprise.

D’ailleurs, on peut voir sur la page d’accueil du site de l’ISIT que, sur les 5 ans de formation, depuis la licence jusqu’au master, les stages sont établis par étapes. (voir l’illustration page 178) : Un stage de découverte professionnelle, d’un mois minimum en fin de première année, un stage de découverte de l'entreprise et développement personnel, de six semaines minimum en fin de deuxième année, un stage d'approche du projet professionnel, de deux mois minimum en fin de troisième année, un stage de validation du projet professionnel, de trois mois minimum en fin de quatrième année, puis un stage d'insertion professionnelle en formation longue durée de six mois minimum à partir de mars ou un stage en apprentissage professionnel (une semaine sur deux en entreprise) sur un an115.

« Les stages de premier cycle à l’ISIT s’effectuent en majorité à l’étranger. Le service des stages de l’école propose des offres adressées par des entreprises partenaires de l’école ou par des structures intéressées par le profil des étudiants. Elles sont nombreuses et géographiquement variées. »116

                                                                                                                         

115 Voir par exemple, le programme de formation de l’ISIT : paris.fr/documents/programmes/programme-MCT-1er-cycle.pdf, http://www.isit-paris.fr/documents/programmes/programme-MCT-2e-cycle.pdf.

116 http://www.isit-paris.fr/-Les-stages,151-.html

Figure 5. Stages de l’ISIT (Source : page d’accueil du site de l’ISIT)

Sauf à la G.S.T.I, aucun stage n’est prévu dans les aux autres écoles professionnelles de Corée, contrairement à la situation française du stage concret comme l’ESIT et l’ISIT117. Donc, comme Shin (2010) le souligne, l’ouverture de stages par l’école professionnelle de traduction est nécessaire en Corée. Toutefois, trois conditions doivent être remplies pour y parvenir : l’accord de diverses agences et sociétés de traduction avec l’école professionnelle, la recherche de stages adaptés au niveau des étudiants, la mise en place progressive par l’enseignant de passerelles entre son cours et l’expérience pratique, de manière à ce que les étudiants tirent le maximum de profit de leur première expérience professionnelle (voir Shin, 2010 :117).

117 Voir l’Institut de traduction littéraire coréenne (2005) et Shin (2010)

1.5.1.5. Prépondérance de l’anglais et directionnalité de la traduction de A vers B et de B vers A

Parmi les douze écoles professionnelles coréennes de traduction, seules quatre proposent plus de quatre langues étrangères dans le cursus de traduction, la GIST étant la seule à en proposer huit (anglais, français, allemand, russe, espagnol, chinois, japonais et arabe). Les autres écoles professionnelles donnent la prépondérance à l’anglais. Selon l’Institut de traduction littéraire coréenne (2005), même s’il est vrai que l’anglais est le plus demandé en Corée, on a néanmoins besoin de traducteurs en d’autres langues, compte tenu de la mondialisation actuelle.

L’ESIT met en avant la combinaison de trois langues (le français, langue maternelle, l’anglais, et l’une des six langues étrangères : allemand, arabe, chinois, espagnol, italien, russe). Le principe de base est la traduction vers la langue maternelle.

À l’ISIT, le français et l’anglais sont obligatoires et les troisième et quatrième langues au choix : allemand, espagnol, italien et chinois. La traduction de A vers B (vers la langue étrangère) et de B vers A (vers la langue maternelle) coexistent dans les cours de traduction.

Les écoles professionnelles en Corée se concentrent sur la combinaison de deux langues : coréen, langue maternelle, et une langue étrangère. De plus, leurs cours portent aussi sur la traduction de A vers B, à savoir vers la langue étrangère (voir par exemple An, 2007 : 87).

1.5.1.6. Absence de cours de perfectionnement en langue étrangère et en langue maternelle

Comme nous l’avons mentionné en 1.5.1.3, la plupart des enseignants de l’école professionnelle et de l’université pensent que ce sont les compétences linguistiques (compréhension de la langue étrangère et expression dans la langue maternelle) qui

font le plus défaut aux étudiants et c’est sur celles-ci que les enseignants de l’école professionnelle mettent plus l’accent118.

Toutefois, trois écoles professionnelles seulement proposent des cours de perfectionnement en langue étrangère et en langue maternelle. Gwak (2009) regrette particulièrement la baisse régulière de niveau des étudiants dans leur propre langue, du fait d’un apprentissage moins performant de l’oral comme de l’écrit dans le parcours scolaire. Il souligne que, pour les enseignants, le problème principal est que les jeunes font des fautes d’orthographe et ne savent pas pourquoi.

Selon les propos des étudiants interrogés de la GIST, le cours de maîtrise du coréen est destiné en priorité aux étudiants ayant vécu longtemps à l’étranger. Ils souhaitent que ce cours soit également ouvert aux étudiants non bilingues, car ils en ressentent le besoin. Reprenons le commentaire d’une étudiante :

« Je trouve que les Français utilisent souvent l’objet en sujet de la phrase, alors qu’en général, les Coréens utilisent la personne plutôt que l’objet en sujet. Donc, en raison des différences entre parler sa langue maternelle et l’écrire, le cours de maîtrise de la langue maternelle est aussi nécessaire que celui de maîtrise de la langue étrangère. Il n’y a pas de raison que le cours de maîtrise du coréen pour la traduction et l’interprétation soit réservé aux étudiants bilingues ayant vécu longtemps à l’étranger.

Pour les étudiants coréens, il est essentiel de passer en revue des expressions et phrases coréennes courantes pour repérer les fautes qu’ils commettent le plus fréquemment. » (ETCPQ5.11E10)

1.5.1.7. Manque de logique dans l’ordre de succession des cours dans le cursus

À l’ESIT, les étudiants de première année bénéficient d’un apprentissage de la méthodologie de la traduction et de la traduction générale. En deuxième année, ils abordent des traductions spécialisées, dont le degré de difficulté augmente progressivement de manière assez logique. Surtout, grâce à un programme sur 5 ans (deux cycles) de formation de l’ISIT, la progression des cours dans le cursus est                                                                                                                          

118 À ce propos, voir la section 3.1.

logique et les cours sont variés : dans un premier cycle (première, deuxième, troisième années), les étudiants consolident fermement le fondement de la traduction, y compris le perfectionnement en langue étrangère et en langue maternelle, tandis que dans un deuxième cycle (quatrième, cinquième années) les étudiants se spécialisent en communication interculturelle et traduction spécialisée119.

Parmi les douze écoles professionnelles de traduction existant en Corée, la GIST et la GSTI offrent un cursus globalement similaire à celui de l’ESIT, mais ne proposent pas de paliers de difficulté en cours de traduction professionnelle. Il n’existe pas non plus de cours de méthodologie de la traduction où seraient enseignés la lecture active et la méthodologie de recherche documentaire, la théorie de la traduction, les termes spécialisés, etc.