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Chapitre 2. Point de vue général sur l’enseignement de la traduction

2.2. Compétence de traduction

Hurtado (2007 : 168) mentionne que le terme de compétence de traduction est utilisé depuis le milieu des années 1980 et que diverses propositions visant à détailler cette compétence ont été avancées dans les années 1990. D’après Hurtado (2007 :169), la plupart des modèles proposés33 se contentent de décrire individuellement les éléments qui forment les compétences de traduction professionnelle, c’est-à-dire sans tenir compte de leurs interactions, et négligent en outre les études empiriques qui ont permis cette description par collecte et analyse de données.

Quels sont ces éléments ? Nous prendrons comme point de départ la définition de Roda P. Roberts (1984) reprise par Delisle (1992 : 42) dans son article paru dans la revue TTR, qui s’articule autour des cinq compétences suivantes :

1) linguistique (capacité de comprendre la langue de départ et qualité d’expression dans la langue d’arrivée) ;

2) traductionnelle (capacité de saisir l’articulation du sens dans un texte, de le rendre sans le déformer dans la langue d’arrivée tout en évitant les interférences) ;

3) méthodologique (capacité de se documenter sur un sujet donné et d’assimiler la terminologie propre au domaine) ;

4) disciplinaire (capacité de traduire des textes dans certaines disciplines de base, telles que l’économie, l’informatique, le droit) ;

5) technique (capacité d’utiliser diverses techniques d’aide à la traduction, telles que le traitement de texte, les banques de terminologies, les dictaphones, etc.).

Dans ce même article, Delisle (1992) affirme pour sa part que ces compétences

« rallieraient la majorité des professeurs des écoles de traduction », mais ajoute que ces facteurs de compétence traductionnelle ne se concentrent que sur la compétence linguistique.

                                                                                                                         

33 Pour ces modèles proposées, Hurtado (2007) mentionne Lowe (1987), Hewson et Martin (1991), Nord (1991, 1992), Pym (1992), Kiraly (1995), Presas (1996), Hurtado Albir (1996), Hatim et Mason (1997), Hansen (1997), Risku (1998), Neurbert (2000), Kelly (2002) et Gonçalves (2003, 2005).

Vienne (1998 : 187) regrette lui aussi qu’« une fois de plus la compétence traductionnelle se trouve en quelque sorte réduite à une double opération de déverbalisation et de reformulation de la pensée déverbalisée, chère à la théorie de la traduction interprétative (Déjean Le Féal 1993 : 155) et ne rendant cependant pas suffisamment justice, à son sens, aux compétences véritablement spécifiques des traducteurs. » (Traduction de Daeyoung KIM)

À la suite de Vienne, nous ferons remarquer qu’il manque d’autres éléments à la notion de compétence traductionnelle professionnelle de Roberts (1984), à savoir les connaissances extralinguistiques générales et spécialisées, la démarche du traducteur, le savoir-faire pour s’adapter au marché de la traduction, etc.

Dans le but d’être plus exhaustif quant à la compétence d’un traducteur professionnel, Vienne (1998) présente les quatre éléments de compétence suivants, appelés noyaux durs, que doivent acquérir les futurs traducteurs professionnels et qui les démarqueront peut-être mieux des autres professions langagières :

1) capacité d’analyser diverses situations de traduction, autrement dit de décider des mesures à prendre en fonction des réponses données par le donneur d’ouvrage à une série de questions.

2) capacité à gérer et traiter l’information. Il faut pour cela que le traducteur soit capable tout d’abord de décider de la stratégie documentaire appropriée à la situation, puis d’évaluer et d’exploiter les ressources nécessaires à l’exécution de sa tâche.

3) dialogue avec le donneur d’ouvrage, qu’aura volontairement instauré le traducteur, à savoir tout simplement la capacité d’argumenter.

4) capacité à opérer avec l’aide d’autres experts (techniciens, juristes, médecins, etc.).

Ces éléments recoupent en partie la définition de Roberts. Toutefois, ils portent peu sur la capacité linguistique (la compréhension de la langue de départ et la reformulation en langue d’arrivée), sur les connaissances extralinguistiques générales ou spécialisées, etc.

Sur une base empirique et expérimentale, PACTE (2003) détaille cinq composants, en tant que sous-compétences pour la traduction professionnelle. Il semble que tous les éléments de la traduction professionnelle mentionnés ci-dessus soient compris dans le modèle de PACTE (2003) :

ü Sous-compétence bilingue : connaissances nécessaires pour la communication de deux langues : connaissances pragmatiques, sociolinguistiques, textuelles, lexiques et grammatiques.

ü Sous-compétence extralinguistique : connaissances biculturelles, thématiques et encyclopédiques.

ü Sous-compétence de la connaissance de traduction : unités de traduction, problèmes de traduction, processus et méthode utilisés en traduction et des considérations professionnelles (types du mandat de traduction, lecteur)

ü Sous-compétence instrumentale : connaissances des sources documentaires, l’information et la communication technologique appliquées à la traduction.

ü Sous-compétence stratégique : connaissances nécessaires pour garantir l’efficacité du processus de traduction

ü Sous-compétence psycho-physiologique : composants cognitifs comme la mémoire, la perception et les aspects d’attitudes comme la curiosité intellectuelle, la persévérance, la minutie, l’esprit critique, la connaissance et la confiance dans ses propres capacités, la connaissance de la limite de ses propres capacités, la motivation, etc. ; des techniques comme la créativité, le raisonnement logique, l’analyse et la synthèse.

La sous-compétence stratégique occupe une place centrale puisqu’elle influe sur la correction des défauts et contrôle le processus entier.

Le modèle PACTE (2003) s’inspire des études exploratoires (2000) qui avaient impliqué six traducteurs (voir H. Albir, 2007 : 169). À la différence d’autres chercheurs, PACTE place la recherche au cœur de la compétence traductionnelle dans l’enseignement de la traduction. (Lee, Yoo-jin, 2010 :126)

Tableau 1 : Compétence de traduction selon le modèle holistique PACTE (2003)

170 Competence-based Curriculum Design for Training Translators

translation knowledge, instrumental and strategic) as well as some psycho-physiological components.

Figure 1. Translation competence according to the PACTE holistic model (2003)

In this model, bilingual subcompetence comprises the essentially operative knowledge necessary for communicating in the two languages: pragmatic, sociolinguistic, textual and lexical-grammatical knowledge. Extralinguistic sub-competence comprises essentially declarative knowledge which relates to  the  world  in  general  and  to  specific  areas:  bicultural,  thematic  and  ency-clopaedic knowledge. Translation knowledge sub-competence comprises essentially declarative knowledge concerning principles that govern transla-tion (translatransla-tion units, types of problems, processes, methods and procedures used) and professional considerations (types of briefs and the receiver).

Instrumental subcompetence comprises essentially operative knowledge related to using documentary sources and information and communication technology (ICT) applied to translation.

Strategic subcompetence comprises the operative knowledge necessary to  guarantee  the  efficiency  of  the  translation  process.  It  has  a  central  role   since it controls the translation process and serves to: (a) plan the process and manage the translation project (choosing the most appropriate method);

(b)  evaluate  the  process  and  partial  results  obtained  according  to  the  final  

Les compétences du modèle PACTE (2003), exception faite de la sous-compétence psycho-physiologique, sont incluses dans les facteurs de sous-compétence du traducteur présentés par Gile (2005) et déjà mentionnés en 199234 et en 199535 :

« 1. une meilleure compréhension suffisante de la langue de départ sous sa forme écrite. (Un traducteur devrait connaître la langue étrangère à partir de laquelle il va travailler. Cette connaissance est généralement un premier prérequis du traducteur. À propos de cette connaissance, il faudrait faire attention aux points suivants : 1) la maîtrise de la langue de départ requise pour la traduction est une connaissance passive. 2) La connaissance passive requise est celle de l’écrit, non pas de l’oral. 3) Le niveau de compréhension requis varie selon le texte concerné. 4) Connaître une langue, c’est également connaître une ou plusieurs cultures qui s’y intègrent.

2. des connaissances extralinguistiques générales (la culture générale) ou spécialisées. (Certains termes et expressions, notamment les termes culturels ne peuvent pas être dissociés des faits historiques, de l’environnement social, etc.)

34 Gile, Daniel (1992b), « Pour que les écoles de traduction universitaires soient vraiment

utiles », Turjuman, Tanger 1/1:63-74 de Tanger, et Rivista internazionale di tecnica della traduzione, numero 0, SSLM Campanotto Editore, pp.7-14.

35 Gile, Daniel (1995a), Basic concepts and models for translator and interpreter training, chapitre 1 , de Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins Publishing Company.

3. Une bonne capacité rédactionnelle en langue d’arrivée. (Le traducteur rédige en langue d'arrivée un texte selon sa fonction comme informer, expliquer, ou convaincre ses lecteurs dans les meilleures conditions.)

4. Une maîtrise des principes et de la démarche du traducteur. (Un traducteur professionnel possède un savoir comme la connaissance des normes professionnelles applicables, telles que les principes de fidélité ou du comportement professionnel à l’égard des clients et des collègues, de même que la connaissance du marché de la traduction, des sources d’informations disponibles, des outils informatiques et autres, etc. Puis, le traducteur professionnel possède un savoir-faire, notamment des techniques de la recherche documentaire, la prise de décisions informationnelles et linguistiques dans la rédaction du texte d’arrivée, l’évaluation des sources d’information, l’utilisation des différents outils, etc. En principe, un bon traducteur professionnel est capable de travailler dans des domaines de spécialité très variés, d’assurer la qualité de ses traductions, de les réaliser plus rapidement, de surmonter les différents obstacles plus facilement et à un coût moindre.)

5. Une connaissance des aspects pratiques et commerciaux du métier.

(Principalement, un bon traducteur professionnel possède la connaissance du marché de la traduction et des éléments techniques associés à la pratique de la traduction dans le contexte économique. Il s’agit notamment de la connaissance des clients potentiels, des domaines de spécialité, des règles applicables, des méthodes et techniques d’organisation de projets, des outils informatiques et autres.) » (Gile, 2005 : 12-17)

Sur la base des opinions de différents chercheurs énoncées ci-dessus, nous retiendrons les éléments suivants en matière de compétence en traduction professionnelle : compréhension de la langue étrangère, expression dans la langue maternelle, logique du texte, respect du mandat de traduction, savoir-faire en traduction, utilisation des outils de recherche documentaire tels que dictionnaire et Internet, stratégie de traduction, connaissances extralinguistiques et spécialisées.

Cela nous amène à nous interroger sur les éléments qui, parmi ceux cités ci-dessus, font le plus défaut aux étudiants, ou sur lesquels les enseignants mettent plus l’accent au cours de traduction à l’université et à l’école professionnelle.

Nous traiterons, dans la section suivante, de l’évaluation dans l’enseignement de la traduction, qui mesure l’acquisition des compétences de traduction des étudiants.