• Aucun résultat trouvé

B Les mutations de la migration de la population de l’UE vers l’EMM au

1962Population totale

B.2 La diversification des origines dans la population de l’UE et ses conséquences

B.2.1 La fin d’une domination de la population espagnole, italienne et portugaise

La migration de l’ensemble de la population de l’UE (lorsqu’on l’analyse selon l’année d’arrivée) s’explique principalement, jusqu’à son point culminant en 1962, par le comportement migratoire de la population espagnole, italienne et portugaise [cf. Annexe Tab. B-12, B-13]. La variation de l’effectif du nombre d’arrivées de toute la population de l’UE suit en effet exactement celles de ces populations sur l’ensemble du XXème siècle [cf. Fig. II-5]. Comme nous l’avons souligné dans les sections précédentes, l’allure générale de ces variations

est marquée par la grande vague migratoire des années 1960 ; de part et d’autre de ce pic, la tendance générale est différente. Si la diminution des arrivées est forte et continue à partir de 1962 et jusque dans les années 1990, les effectifs varient de façon beaucoup plus irrégulière avant cette date – dans leurs variations se trouvent reflétés les évènements politiques ou économiques marquant l’histoire de chacun de ces trois pays – en particulier, la deuxième guerre mondiale, au cours de laquelle le mouvement, ou au moins celui qui sera suivi d’une installation durable jusqu’en 1999, est pratiquement interrompu.

Ainsi, les pics observés en 1923 et en 1930 sont probablement induits par la prise de pouvoir de Mussolini en 1922, puis renforcés ensuite par la crise économique mondiale de 1929. Les personnes arrivées à ces dates sont presque toutes italiennes : parmi les 90,1% de la population de l’UE résidant en 1999 dans les Bouches du Rhône, arrivée en 1923, qui est espagnole, italienne ou portugaise, 85,7% est italienne (en 1930, les statistiques sont similaires : 77,9% des 83,8% espagnols, italiens ou portugais sont italiens) [cf. Annexe Tab. B- 18, B-19].

Le pic de 1939 s’explique principalement par la population espagnole, qui fuit la guerre civile de 1936-1939 puis le régime de Franco, au pouvoir depuis 1938 (DUFOIX 2002) : elle représente 93,1% de la population espagnole, italienne et portugaise résidant en 1999 dans les Bouches du Rhône arrivée cette année là (qui représente elle-même 83,8% de la population de l’UE) [cf. Annexe Tab. B-18, B-19]. Mais les flux installés entre l’Espagne et la France n’ont pas seulement un caractère politique. La situation économique difficile en Espagne explique également l’établissement d’un flux massif vers la France pendant la Première Guerre mondiale pour assurer la production agricole, suivie par une émigration saisonnière qui se poursuit jusqu’à la guerre civile : au cours des premier mois de 1939, 500 000 espagnols (hommes, femmes, enfants) sont arrivés en France (VILAR 2002).

Des mouvements migratoires importants ont également lieu après la deuxième guerre mondiale ; ils en sont, au titre de la reconstruction, une conséquence, mais ils trouvent une origine plus directe dans certains accords bilatéraux. Celui que signent la France et l’Italie, en 1946, pour le recrutement de main-d’œuvre explique le pic de 1947 : parmi les 1 203 personnes espagnoles, italiennes et portugaises résidant en 1999 dans les Bouches du Rhône, arrivées en 1947 (soit 90,7% de la population de l’UE), 89,1% est italienne [cf. Annexe Tab. B-12, B-13, B-18, B-19]. La France signe ensuite le même type d’accord avec l’Espagne en 1961 puis avec le Portugal en 1963. Les conséquences de ces signatures sont pérennes et vont encourager toute la migration jusqu’aux années 1960 : les arrivées de la population de l’UE restent, jusqu’aux années 1960/1970, dominées par la main-d’œuvre, principalement de la population espagnole, italienne et portugaise.

Fig. II-5 La population de l’UE née à l’étranger résidant en 1999 dans les Bouches du Rhône, selon l’année d’arrivée et la nationalité (nationalité des étrangers et nationalité à la naissance des Français par acquisition)

Population de l'UE25 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 année d'arrivée ef fe ct if s

Source : Calculs propres d'après les données INSEE (RP 1999)

1957 1947 1939 1930 1998 1962

Population espagnole, italienne, portugaise

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 année d'arrivée ef fe ct if s

Source : Calculs propres d'après les données INSEE (RP 1999)

1962

1957

1947

1939 1930

Population autre UE15

0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 année d'arrivée ef fe ct if s

Source : Calculs propres d'après les données INSEE (RP 1999)

1998 Population de l'UE10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 année d'arrivée ef fe ct if s

Source : Calculs propres d'après les données INSEE (RP 1999)

1981 1957 1948 1945 1929 1998 1991 1938 1976 1968 1962

La nature essentiellement économique de la migration de ces personnes explique le fait que l’impact de la crise de 1973 soit particulièrement visible sur le nombre d’arrivées – et, ainsi, puisque ces trois pays dominaient fortement la migration de la population de l’UE, celle-ci perd beaucoup en importance relative et en effectifs du fait de l’arrêt du recrutement [cf. Fig. II-5].

Finalement, les variations des effectifs des arrivées de personnes de l’UE dans l’EMM sont toutes portées par les personnes espagnoles, italiennes ou portugaises lors d’évènements aux conséquences limitées à une période brève (changement de régimes politiques dans ces pays, guerres), ou bien à une mutation plus durable de données politiques et économiques, comme le déficit de main-d’œuvre en France au début des Trente Glorieuses ou le choc pétrolier en 1973.

Toutefois, cette partie de la population de l’UE n’est pas celle qui est à l’origine de l’augmentation rapide du nombre d’arrivées à la fin des années 1990 : les personnes d’une autre nationalité sont très représentées dans le début de ce mouvement migratoire.

La population autre UE15109 est ainsi la principale responsable de cette tendance, observable depuis les années 1980. Bien qu’elle ait participé à la migration dans les années suivant la deuxième guerre mondiale et dans la période de la croissance économique des années 1960/70, sa migration connaît son maximum en 1998 – pour atteindre le triple de l’effectif moyen des arrivées des années précédentes [cf. Fig. II-5, Annexe Tab. B-12, B-13]. Cet écart très important, entre le nombre de personnes autre UE15 ayant déclaré, en 1999, être arrivées en 1998, ou bien celles arrivées quelques années auparavant, semble, en l’absence, à notre connaissance, d’un évènement pouvant directement avoir un impact sur la migration de ces personnes, être un indice d’une durée de séjour de l’ordre d’une à deux années : il s’agirait donc d’un artefact, dû à la méthode d’analyse rétrospective de la migration grâce à la déclaration de l’année d’arrivée. Cela signifierait donc que le projet migratoire de cette population est différent de celui des personnes espagnoles, italiennes ou portugaises arrivées peu avant 1999 dans l’EMM, puisque l’on n’observe pas cette forte croissance à la fin de la période couverte par la statistique.

L’artefact montre qu’il est intéressant de compléter l’étude des arrivées par une autre méthode : l’analyse, pour chaque recensement, du nombre de personnes dont la résidence antérieure était à l’étranger lors du précédent recensement, confirme la croissance du nombre d’arrivée des personnes autre UE15. Elle franchit même un seuil symbolique, puisque, depuis les années 1980, la population autre UE15 a dépassé l’effectif de la population espagnole,

109

Population de l’UE à 15 pays (hormis la France et avant l’élargissement en 2004) autre que la nationalité espagnole, italienne, portugaise : population allemande, autrichienne, belge, britannique, danoise, finlandaise, grecque, irlandaise, luxembourgeoise, néerlandaise, et suédoise.

italienne et portugaise [cf. Annexe Tab. C-7, C-64, C-71] et domine donc la migration de la population de l’UE dans l’EMM [cf. Fig. II-6].

Le rôle, récent mais important, de la population autre UE15 dans la migration de la population de l’UE justifie le choix de distinguer pour la suite du travail au moins deux groupes au sein de la population de l’UE15 : la population ayant participé à la vague massive des années 1960, dont la migration vers l’EMM est plus ancienne (population espagnole, italienne et portugaise), et la population autre UE15, majoritaire actuellement dans les arrivées. Nous mènerons ainsi une partie de l’analyse de la mutation de l’attractivité au regard de ces deux populations.

Fig. II-6 La population de l’UE de l’EMM dont la résidence antérieure est à l’étranger selon l’année du recensement et la nationalité (nationalité des étrangers et nationalité à la naissance des

Français par acquisition)

0 20 000 40 000 60 000 80 000 100 000 120 000 1968 1975 1982 1990 1999

espagnole, italienne, portugaise autre UE15 UE10

Les données sur les personnes nées UE10 varient entre les années selon le pays qu'on ne pouvait pas identifier lors du recensement UE10 en 1968 : Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie

UE10 en 1975 : Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie UE10 en 1982 : Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie

UE10 en 1990 : Chypre, Hongrie, Malte, Pologne, Tchécoslovaquie,

UE10 en 1999 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Rep. Tchèque, Slovaquie, Slovénie effectifs

Source : Calculs propres d'après les données INSEE (RP 1968, 1975, 1982, 1990, 1999)

Un troisième groupe de personnes, issues pour la plupart de l’ex-bloc de l’est, montre un comportement migratoire encore différent (population de l’UE10110). Bien que son effectif soit faible par rapport à celui de la population espagnole, italienne et portugaise ou celui de la population autre UE15 [cf. Fig. II-6, Annexe Tab. B-12, B-13], il est intéressant de noter que les personnes résidant en 1999 dans les Bouches du Rhône sont arrivées dans des périodes de l’histoire significatives pour cette population : leur migration est très irrégulière [cf. Fig. II-5]. Une première vague migratoire est probablement déclenchée par la crise

110 Nous rappelons ici que nous avons choisi d’étudier les dix pays membres ayant adhéré à l’UE en 2004

économique de 1929 ; ensuite, la période de la deuxième guerre mondiale est encadrée par un pic en 1938, vraisemblablement constitué de personnes ayant fui le nazisme, et, dans l’immédiat après-guerre (1945-1949), par une deuxième vague migratoire, essentiellement représentative du mouvement des juifs qui fuient des régimes autoritaires (MILZA 1994). Certaines d’entre ces personnes sont restées dans l’EMM : 11,3% de la population née hors de France résidant en 1999 dans les Bouches du Rhône est arrivée dans cette période [cf. Annexe Tab. B-12, B-13].

Par la suite, ce sont des événements liés aux régimes socialistes de l’autre côté du Rideau de Fer qui correspondent aux pics migratoires : l’insurrection de Budapest en 1957, la révolte du printemps de Prague en 1968 et Solidarnosc en Pologne en 1980/1981. Enfin, le pic le plus important après celui de 1945 se situe en 1991, après la chute du mur à Berlin en 1989 et l’effondrement du régime communiste.

Le cadre temporel de notre étude (1968–2006) couvre donc un ensemble d’évènements historiques dont la portée dépasse largement le cadre spatial de l’EMM, mais dont il est intéressant de noter combien la lecture de leur chronologie, malgré la taille réduite de l’échelle spatiale, reste claire. Du point de vue migratoire, il commence au début d’un mouvement important de population de l’UE vers l’EMM, dominé par la population espagnole, italienne et portugaise. La nature de cette vague migratoire, dans laquelle 48% de la population de l’UE hors de France recensée en 1999 dans les Bouches du Rhône trouve son origine (arrivée entre 1957 et 1975) [cf. Annexe Tab. B-12, B-13], va imprégner les caractéristiques sociodémographiques du stock jusqu’en 2006. En particulier, le stock de population de l’UE, dominé dès 1975, à hauteur de 89,4%, par les personnes espagnoles, italiennes ou portugaises en l’absence d’une migration antérieure importante, conserve pour l’essentiel cette répartition par nationalité puisqu’elle représente en 1999, 81,4% de la population de l’UE [cf. Annexe Tab. C-7, C-71].

Toutefois, l’évolution des origines au sein des arrivées des personnes de l’UE, ainsi que le changement probable, au sens de la durée de séjour, du projet migratoire des arrivants, semble mettre en évidence une mutation de l’attractivité de l’EMM. Pour approfondir cette hypothèse, l’évolution de la stratégie résidentielle, traduite sur la répartition spatiale de cette population, est essentielle car elle met en évidence des propriétés sociodémographiques et spatiales qui peuvent relever d’éventuelles nouvelles attractivités pour la migration de la population de l’UE.

B.2.2 Le déplacement des pôles de migration de

Outline

Documents relatifs