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délinquance féminine

2.1 Portrait chiffré

2.1.1 Les femmes soupçonnées par la police

Les statistiques policières comptabilisent le nombre de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction. Il peut s’agir d’infractions que la police découvre, ou d’infractions dont la commission est portée à sa connais-sance (dénonciation ou plainte). Bien qu’elles représentent près de la moitié de la population mondiale, les femmes sont toujours sous-représentées dans les statistiques policières, c’est-à-dire qu’elles représentent toujours moins de la moitié des personnes suspectées par la police d’avoir commis une infrac-tion. En moyenne européenne, les femmes représentent généralement 15 % des personnes suspectées. En 2010, par exemple, la médiane indiquait 14.7 % de femmes parmi l’ensemble des suspects pour les pays membres du Conseil de l’Europe ; les pourcentages variant, cette année-là, de 4.3 % (Albanie) et 5.9 % (Kosovo) à 23.5 % (Finlande) et 25.4 % (Allemagne)46.

Les statistiques nationales permettent habituellement une analyse un peu plus fine. En Suisse, les femmes représentaient, en 2015, 23.2 % des personnes adultes soupçonnées d’une infraction au Code pénal (CP) et 11 % des personnes suspectées d’une infraction à la Loi sur les stupéfiants (LStup). Plus spécifiquement, 23.9 % des infractions au patrimoine enregistrées par la

46 Comme le révèle une analyse des différentes éditions du European Sourcebook of

Crime and Criminal Justice Statistics (ESB), ces différences traduisent

vraisemblable-ment davantage une position différenciée des femmes dans ces différentes sociétés que des variations réelles du taux de délinquance féminine ; pour le détail, v. Marcelo Aebi et al. (2014). De surcroît, les comparaisons internationales sont limitées par des différences entre les définitions légales appliquées dans les pays, et les différentes méthodes d’enregistrement et de comptage statistique.

2 Ni anges ni démons : Les visages de la délinquance féminine 57 police étaient le fait d’un suspect féminin, de même pour 19.6 % des infrac-tions à la vie et à l’intégrité corporelle47.

En France, les femmes représentaient, en 2013, 16.8 % personnes adultes mises en cause par la police nationale pour crimes et délits, exclusion faite des délits routiers et des infractions à la législation sur les étrangers, et 7.9 % en ce qui concernait les infractions à la législation sur les stupéfiants. Les femmes représentaient ainsi 24.5 % des personnes mises en cause pour vols et 9.6 % pour les vols avec violence, puis 17 % des personnes mises en cause pour violences physiques non crapuleuses (INHESJ/ONDRP 2014).

Les données disponibles pour l’Amérique du Nord indiquent les mêmes ordres de grandeur. Au Canada, les femmes représentaient, en 2009, 23 % des personnes poursuivies pour une infraction au Code criminel (Hotton Mahony 2011). Les infractions les plus souvent commises par les femmes canadiennes étaient, cette année-là, le vol d’une valeur de moins de 5 000 CAD, les voies de fait de niveau 148, et les violations liées à l’administra-tion de la justice (p. ex. ne pas comparaître en justice en dépit d’une cital’administra-tion, ou encore violer une probation). La même année, le taux de femmes accusées d’homicide était de 9.5 %, tandis qu’elles représentaient 28 % des personnes accusées d’avoir menacé ou harcelé un tiers par téléphone. Aux États-Unis, en 2009, les femmes représentaient 11 % des personnes suspectées de meurtre in-tentionnel, 1.3 % des personnes suspectées de viol49, et 18.9 % des personnes suspectées de possession et/ou usage de stupéfiants (Snyder 2011).

À en croire les statistiques de police, les femmes seraient donc sous-représentées dans la délinquance. De plus, dans l’ensemble des pays se dessine le même schéma : les femmes commettent avant tout des infractions non vio-lentes, et la majorité des infractions qu’elles commettent sont peu graves (ce qui s’observe d’ailleurs également avec les hommes).

À cause de leur nature, et notamment du mode par lequel les infrac-tions sont portées à la connaissance de la police, les statistiques policières souffrent cependant d’un certain nombre de défauts qui peuvent entamer leur fiabilité et leur validité. Elles dépendent, premièrement, de l’activité de la police, notamment de ses effectifs sur le terrain et de ses priorités (qui peuvent changer au fil du temps). Dans le même sens, tout élément influençant la pro-pension des citoyens à dénoncer certaines infractions va « fausser » les statis-47 OFS, Statistique policière de la criminalité (SPC), 2015.

48 Définies comme une voie de fait qui ne cause aucune lésion corporelle, ou une lésion corporelle mineure, à la victime.

49 Ce qui est probablement dû à la définition du viol, telle que donnée dans ces sta-tistiques : on y entend la pénétration du vagin par le pénis, y compris les tentatives, mais pas la sodomie, le viol au moyen d’un objet, etc. Ne sont pas inclus non plus les

58 Partie I : Les femmes délinquantes Figure 1 Contacts formels avec la police ou le système judiciaire

(personnes suspectées, arrêtées ou cautionnées)

Source : UNODC, Crime Trends Survey 2013, données 2012, à l’exception du Canada et de la

Roumanie, données 2011.

0 5 10 15 20 25 30

Maroc Émirats arabes unis Algérie

Moyen-orient et Afrique du nord

Uruguay Salvador Mexique Honduras Guyane Grenade Colombie Chili

Amérique latine et Caraïbe

Suisse Suède Pays-Bas Italie France Finlande États-Unis Espagne Canada Belgique Autriche Allemagne Régions développées Slovénie Slovaquie Serbie Roumanie République Tchèque Pologne Lithuanie Lettonie Hongrie Croatie Chypre Bulgarie Azerbaïdjan Arménie

Europe centrale et de l’est et Asie centrale

2 Ni anges ni démons : Les visages de la délinquance féminine 59 tiques policières, dans le sens où une augmentation des plaintes pour une cer-taine infraction ne traduira pas nécessairement une augmentation du nombre d’infractions commises, mais l’augmentation du taux de reportabilité, soit la proportion de personnes décidant de porter plainte50. Ces chiffrent doivent donc être considérés avec prudence lorsqu’il s’agit de comparer les dénoncia-tions concernant les femmes et les hommes, car il se pourrait qu’ils traduisent une réaction sociale (ou familiale) différenciée selon le sexe de l’auteur51.

Les pratiques d’enregistrement, notamment la manière de « compter » les infractions et les suspects, influencent également les chiffres de la délin-quance produits par la police : comment enregistrer, par exemple, un événe-ment unique ayant fait plusieurs victimes, comme une fusillade ? La même question se pose si une personne commet une infraction considérée comme principale et une infraction annexe, s’il y a une série d’infractions analogues dont l’on peut penser qu’ils forment un tout, ou si plusieurs personnes com-mettent ensemble une seule infraction. Il existe à chaque fois plusieurs moda-lités d’enregistrement, source d’incertitude supplémentaire lorsqu’il s’agit de comparer des données entre plusieurs juridictions aux pratiques d’enregistre-ment variées. Le mod’enregistre-ment de l’enregistred’enregistre-ment par la police influence égale-ment les chiffres de la délinquance : les incidents sont-ils comptabilisés dès que la police en a connaissance, ou lorsqu’elle résout l’affaire ? L’étendue du pouvoir de discrétion52 du policier confronté à une dénonciation, ou inter-venant sur les lieux d’un incident joue également un rôle : doit-il enregistrer l’événement automatiquement, ou peut-il tenter de résoudre le problème de façon informelle ? Ces pratiques ne sont pas nécessairement constantes dans le temps ou d’une juridiction à l’autre.

Enfin, l’enregistrement d’une infraction par la police n’est que la pre-mière étape du processus pénal, et, en un sens, un indicateur pauvre de la délinquance réelle, car il peut contenir des erreurs de qualification juridique des infractions enregistrées. De plus, cet indicateur ignore les suites judiciaires d’une infraction (p. ex. certains faits dénoncés se révèlent plus tard ne pas constituer une infraction) ; or, les statistiques de police ne sont pas corrigées

50 Il est ainsi possible qu’une victime, femme ou homme, renonce à porter plainte si elle a été victimisée par une femme, parce qu’elle a honte ou estime que l’infraction est moins grave que si elle avait été commise par un homme.

51 Par exemple, aux États-Unis, la seule infraction répertoriée pour laquelle le nombre de filles est plus important que le nombre de garçons concerne les fugues, pour les-quelles les filles sont même surreprésentées : 55 % contre 45 %. Il se pourrait toute-fois que les familles déclarent plus rapidement la disparition d’une fille que celle d’un garçon, avec la conséquence que, si l’enfant revient finalement à la maison, les fugues des garçons apparaissent moins dans les statistiques.

60 Partie I : Les femmes délinquantes après coup. Autant d’éléments qui rendent les comparaisons internationales ou temporelles souvent hasardeuses.

2.1.2 Les femmes condamnées

Les statistiques de condamnation, ou statistiques judiciaires sont éla-borées au niveau des tribunaux, et comptabilisent le nombre de personnes condamnées pour la commission d’une ou de plusieurs infractions. Elles pré-cisent, en général, l’infraction commise, la peine infligée, ainsi que certaines caractéristiques relatives à la personne condamnée, comme son sexe, son âge, ou sa nationalité.

En Suisse, les femmes représentaient, en 2014, 16.6 % des personnes adultes condamnées pour un crime ou un délit53, 17.4 si seuls les crimes et délits au sens du CP sont considérés. Au niveau de lois, voire des titres du CP, la proportion de femmes condamnées varie en général peu ; cependant, au niveau d’une infraction spécifique, la proportion de femmes peut varier de manière plus importante d’une année à l’autre, compte tenu de la faible occurrence de certaines de ces infractions.

La proportion de femmes parmi les personnes condamnées pour traite d’êtres humains était de 40 % cette même année, de 38.5 % pour l’encoura-gement à la prostitution, 29.1 % pour l’escroquerie, 22.6 % pour l’abus de confiance, 35.5 % pour l’enlèvement de mineurs et 18.4% pour le vol. Leur taux d’implication était plus bas pour les infractions plus violentes, comme l’assassinat (7.1 %), les lésions corporelles graves (5.1 %) et le brigandage (7.1 %). Les femmes représentaient, par ailleurs, 8.7 % des adultes condamnés pour une infraction à la LStup54.

En France, en 2011, moins d’un condamné sur dix était une femme. Comme ailleurs, plus l’infraction est grave, moins les femmes sont présentes. Les femmes sont ainsi peu nombreuses pour les crimes (6 %) et les violences volontaires (8 %), ainsi que pour les infractions à la législation sur la circula-tion routière (8 %), les stupéfiants (6 %) ou encore les armes (2.5 %). Elles sont par contre plus nombreuses parmi les personnes condamnées pour bles-sures volontaires (18 %), vol simple (19 %), faux en écriture (23 %), escroque-rie (32 %) et surtout non-présentation de l’enfant (76 %)55 (Timbart 2013). Mêmes tendances au Canada, où les femmes constituent 20 % des personnes

53 Soit une infraction au CP, à la LCR, à la LStup et à la LEtr, toutes les contraventions n’étant pas inscrites au casier judiciaire.

54 OFS, Statistique des condamnations pénales (SUS), 2015.

55 Ce qui est logique au vu du fait que ce sont encore elles qui obtiennent le plus sou-vent la garde des enfants.

2 Ni anges ni démons : Les visages de la délinquance féminine 61 condamnées par les tribunaux (Dauvergne 2012) ; elles le sont avant tout pour des vols, des fraudes et des voies de faits simples. Quant aux femmes belges, elles représentaient, en 2012, 16.3 % des personnes condamnées au niveau na-tional, toutes infractions confondues, une proportion qui ne fluctue guère de-puis 1995. Par infraction, elles représentaient 8.2 % des meurtriers, 4.9 % des personnes condamnées pour coups et blessures, 3.3 % des personnes condam-nées pour violation de domicile, 13.4 % des personnes condamcondam-nées pour vol, mais 5.9 % des personnes condamnées pour vol avec menaces ou violence56. Autour du monde, une personne condamnée sur dix est une femme, un pour-centage un peu plus élevé chez les personnes mineures. Comme pour d’autres comparaisons internationales, des valeurs extrêmes apparaissent, comme, par exemple, à la Barbade avec 53 % de femmes parmi les personnes condamnées en 2006, à Hong Kong (28 %) et en Thaïlande (26 %). À l’opposé, l’Afghanis-tan, l’Arménie et le Qatar comptent très peu de femmes parmi les condamnés tant adultes que mineurs. Les femmes paraissent toujours plus nombreuses dans les statistiques de condamnations européennes et américaines qu’ailleurs (Harrendorf et al. 2010).

Comme pour les statistiques de police, les femmes sont sous-repré-sentées dans les statistiques de condamnation par rapport à leur proportion dans la population générale57. Toutefois, les statistiques de condamnation ne sont pas considérées comme de bons indicateurs de la délinquance, car elles la comptabilisent à un stade avancé de la chaîne pénale, c’est-à-dire à un mo-ment où un « tri » important a déjà été effectué en amont. Ainsi, un particulier peut décider de ne pas porter plainte ou de ne pas dénoncer une infraction dont il a été témoin, un policier peut ne pas donner suite à la plainte, et un procureur peut décider de ne pas poursuivre un suspect, notamment parce que l’acte commis est jugé de peu d’importance. À noter que le ratio entre personnes suspectées et personnes condamnées est habituellement moindre quand il s’agit des femmes : une plus petite proportion des femmes suspectées est condamnée comparativement à la proportion des hommes suspectés fina-lement condamnés. En 2006, la médiane de ce ratio calculée pour 81 pays était de 49 % pour les femmes contre 60 % pour les hommes (Harrendorf et al. 2010). Cela s’explique d’une part par la moindre gravité générale de la délinquance féminine, mais également par le fait qu’une partie importante de la délinquance féminine est traitée hors des cours de justice.

56 Service de la politique criminelle, Statistique des condamnations, 2012, http://justice. belgium.be.

57 D’après certains historiens, il s’agit là d’une constante depuis le Moyen-Âge ; v. p. ex. Claude Gauvart (2010) pour la France et Martine Charageat (2010) pour la pénin-sule ibérique.

62 Partie I : Les femmes délinquantes Enfin, les statistiques de condamnation se focalisent parfois sur les délinquants (prévalence) plutôt que sur les actes commis (incidence). Cela a pour conséquence que, même si un délinquant a commis deux infractions du même type, il n’apparaîtra qu’une seule fois dans ces statistiques si ces infractions sont jugées ensemble, et l’information du nombre d’infractions commises sera perdue. À l’inverse, s’il commet une infraction, est jugé, puis commet une seconde infraction et est à nouveau condamné, il apparaîtra deux fois dans les statistiques de condamnation, alors que, dans ces deux exemples, le nombre d’infractions commises est identique. Par ailleurs, si ce même délinquant commet deux infractions de types différents, jugées simultané-ment, deux juridictions différentes pourront comptabiliser les faits de façon différente : dans un cas, les deux infractions seront enregistrées, dans l’autre cas, seule l’infraction la plus grave (ou considérée comme l’infraction prin-cipale) sera enregistrée. En revanche, la qualification juridique des faits est, en général, fiable dans les statistiques de condamnation, car les juges ne font qu’appliquer une définition donnée par la loi, et qualifient donc les mêmes actes de la même manière.

2.1.3 Les femmes emprisonnées

Le dernier maillon de la chaîne pénale comprend l’exécution des peines et des mesures prononcées par les tribunaux. Les statistiques péniten-tiaires comptabilisent le nombre de personnes qui entrent en prison pour pur-ger une peine (statistiques de flux) ou qui se trouvent en prison pour purpur-ger une peine (statistiques de stock) à une date donnée58.

À travers le monde, les femmes représentent entre 2 et 9 % de la population carcérale. Des proportions les plus élevées sont observées en Asie, particulièrement dans les régions du sud et du sud-est, tandis que les pays africains comptent moins de femmes parmi leurs détenus (Walmsley 2015)59.

58 Sur les statistiques pénitentiaires et les différences entre hommes et femmes, v. André Kuhn (2000 : 25–27 en particulier) ; pour des informations sur le profil des femmes incarcérées, v. ég. §4.2.1 et §4.2.2.

59 Spécifiquement, la proportion médiane de femmes dans la population carcérale serait de 6 % en Asie, 2.8 % en Afrique et de 4.9 % en Europe (soit 4.4 % pour l’ensemble des données disponibles). La fourchette de 2 à 9 % s’applique à environ 80 % des sys-tèmes pénitentiaires, mais d’autres pays connaissent des proportions de femmes plus élevées, p. ex. Hong-Kong (19.4 %), Macao (17.7 %), Myanmar (16.3 %) ou encore la Thaïlande (14.5 %) ; v. not. Roy Walmsley (2015).

2 Ni anges ni démons : Les visages de la délinquance féminine 63 Figure 2 Pourcentage de détenues (y.c. détention préventive) en 2012

Source : SPACE Survey 2012 (Aebi et Delgrande 2014).

0 2 4 6 8 10

Rép. serbe de BosnieAlbanie Azerbaïjan Macédoine Féd. de Bosnie-et-HerzégovineMonténegro Bulgarie Pologne UK: Irlande du Nord France Irlande Turquie DanemarkSerbie ArménieItalie Croatie LuxembourgBelgique Lithuanie Roumanie UK: Angleterre et Pays de Galle Suisse Géorgie SlovénieEstonie Norvège Pays-BasPortugal Allemagne UK: ÉcosseSuède Rép. SlovaqueMoldavie UkraineMalte Rép. Tchèque AutricheLettonie FinlandeHongrie Chypre Espage Féd. de Russie Islande Pourcentage de détenues

64 Partie I : Les femmes délinquantes En Europe, les femmes comptent, en moyenne, pour 5 % des détenus60. En 2014, les femmes représentaient, par exemple, 3.3 % de la population carcé-rale (stock) en France, 4.3 % en Belgique, 4.7 % en Suisse, 5.8 % en Norvège, et 5.9 % en Allemagne et en Suède. Les proportions constatées sont sensi-blement plus élevées en Amérique du Nord ; 11 % de la population carcérale canadienne étaient des femmes, respectivement 7.2 % de la population carcé-rale aux États-Unis (Carson 2015).

Certains analystes affirment ainsi que, au cours des années 2000, la population carcérale féminine a augmenté bien plus rapidement que la population carcérale masculine : le nombre de femmes et de filles détenues aurait augmenté de plus de 50 % au cours des 15 dernières années (Walmsley 2016). L’évolution de la population carcérale féminine au cours des dernières décennies présente d’importantes variations régionales, particulièrement des deux côtés de l’Atlantique. Entre 2006 et 2009, par exemple, la population carcérale féminine a crû de 23 % aux États-Unis et jusqu’à 6 % dans certains pays d’Europe61.

Les statistiques pénitentiaires, comme les autres statistiques officielles, présentent certains problèmes conceptuels qui n’en font pas des indicateurs idéaux de la délinquance. Il n’est en effet pas toujours évident de savoir qui doit être comptabilisé en tant que « détenu » : que faire des personnes en dé-tention administrative en attente d’expulsion ? Que faire des personnes qui purgent formellement une mesure62, mais sont détenues dans un établisse-ment carcéral, car aucune autre structure ne peut les accueillir ? Les comparai-sons internationales sont délicates à cet égard, car tous les États ne semblent pas procéder de la même manière63. Par ailleurs, les statistiques pénitentiaires ne sont pas des indicateurs valides lorsqu’il s’agit de mesurer la délinquance, 60 Pour les pays membres du Conseil de l’Europe, la proportion médiane de la

popu-lation carcérale féminine était de 5 % au 1er septembre 2012, soit une proportion stable par rapport aux années précédentes. Un quart des détenues de sexe féminin était en pré-détention (Aebi et Delgrande 2014).

61 Compilation de données (Walmsley 2015) ; v. ég. Marcelo Aebi et al. (2014) pour les dernières données ESB et Marcelo Aebi et Natalia Delgrande (2014) pour les dernières données SPACE.

62 En droit pénal suisse, une mesure se différencie d’une peine (comme la peine priva-tive de liberté, par exemple) par le fait qu’elle vise avant tout à soigner l’auteur de l’infraction et à protéger la société plutôt qu’à punir le coupable. Certaines mesures privatives de liberté sont prononcées à l’encontre de personnes irresponsables, c’est-à-dire dont la culpabilité ne peut pas être reconnue, car il leur manquait, au moment d’agir, la conscience et/ou la volonté de commettre l’infraction en question. Techni-quement, ces personnes ne sont pas « en prison », même si elles s’y trouvent parfois physiquement.

2 Ni anges ni démons : Les visages de la délinquance féminine 65 car elles sont le résultat d’une série de décisions et de « filtres » en matière de poursuite pénale (p. ex. classement, suspension, plea bargaining, etc.). Les statistiques pénitentiaires ne sont représentatives ni de l’ampleur (nombre d’actes commis, nombre d’auteurs) ni de la nature (type d’actes) réelle de la délinquance. Toutes les infractions ne sont pas portées à la connaissance des autorités, tous les délinquants ne sont pas identifiés, ni arrêtés, et lorsque cela est le cas, un certain nombre d’entre eux ne sont pas renvoyés en jugement. Lorsqu’ils sont condamnés, finalement, la grande majorité n’est pas envoyée en prison, d’autres peines ou mesures étant prononcées64.

Enfin, en ce qui concerne plus spécifiquement la délinquance fémi-nine, sa relation avec le nombre de femmes en détention est ténue. Un regard historique met bien en évidence cette relation. Premièrement, comme pour