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La place des femmes dans les spectacles du théâtre et de l’arène : l’ouverture nécessaire d’un milieu

Chapitre 2 : Prosopographie des professionnelles des spectacle

8) Fabia Arete, archimima

BIBLIOGRAPHIE : BONARIA 1965, 221 ; SPRUIT 1966, n° 71 ; LEPPIN 1992, 212 ; ORLANDI 1993, 19, n° 67 ; MALASPINA 2003, 370 ; PEREA YEBENES 2004, 29 ; FERTL 2005, 175 ; CALDELLI – RICCI 2005, 83, n. 12 ; 84, n 20 ; GREGORI 2011, 187 ; CALDELLI – RICCI 2012, 21-22 ; 30.

SOURCES : CIL, VI, 10107 cf p. 3906 ; ILS, 5212 ; EDR108851.

Contexte de découverte : Inscription qui se trouvait, d’après les éditeurs du XVIIe siècle, à Rome, au-delà de la porte Pinciana à l’angle d’un mur, le long de la via Salaria, actuelle SS4 qui longe le parc de la villa Borghese aux abords de la porte Pinciana, près des vignes d’un certain Alfonsus Hispanus, médecin pontifical. Elle a ensuite été déplacée dans la demeure des Delphini.

Description : Table en marbre mutilée à droite et en bas. Lettres élégantes. Inscription funéraire. Le champ épigraphique était divisé en quatre parties, une partie supérieure centrale et trois colonnes inférieures.

Lieu de conservation : Inscription perdue depuis le XVIIe siècle. Datation : Seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C. – (IIIe siècle ap. J.-C. ?). Texte :

Dìs Manibus / M(arci) Fabi M(arci) f(ilii) Esq(uilina) Regilli et Fabiae [---], / Fabia M(arci) et ((mulieris)) lib(erta) Arete, archim[ima] / temporis sui prima, diurna, fec[it] / sibi et suis quibus legavit testa[mento]. //〈columna I〉M(arco) Fabio Chrysanto / M(arco) Fabio Phileto / M(arco) Fabio Salvio vest(iario) / M(arco) Fabio Hermeti / M(arco) Fabio Torquato / Fabiae Mimesi / M(arco) Fabio Azbes[to] //〈columna II〉M(arco) Fabio Antigono / M(arco) Fabio Carpo l(iberto) / M(arco) Fabio Peculiari l(iberto) / M(arco) Fabio Hilaro l(iberto) / M(arco) Fabio Secundo l(iberto) / M(arco) Fabio Aucto l(iberto) / Fabiae Cypare l(ibertae) //〈:columna III〉posterisq[ue eorum monumentum] / ne abalien[etur maneatque] / in familia [exceptis his]: / Sex(to) Pompeio [---] / l(iberto) Neriano [---] / A(ulo) Cosio Iucu[ndo quos cum Fabiis] / et in eod(em) mon[umento sepeliri volo]. Camo [---].

COMMENTAIRE :

Ce document, malheureusement perdu depuis le XVIIe siècle mais attesté par une dizaine d’éditeurs, est à la fois très intéressant et très difficile d’interprétation. Fréquemment cité dans le cadre de travaux historiques très divers en raison de sa richesse, il n’a jamais fait, à notre connaissance, l’objet d’un commentaire approfondi, sans doute en raison des difficultés d’interprétation qu’il soulève et qui se laissent difficilement surmonter en l’absence du document original. Les commentateurs utilisent d’ailleurs cette source en l’interprétant de

manière différente sans expliquer leurs choix d’interprétation. Il convient donc d’abord de faire le point sur les informations que nous pouvons tirer avec certitude de ce document avant d’aborder les aspects qui font l’objet d’interprétations contradictoires pouvant en modifier considérablement la compréhension.

La dédicante de ce monument funéraire est une certaine Fabia Arete affranchie d’un M. Fabius et d’une femme (Fabia M. et Ↄ lib. Arete). Le premier réflexe consiste à voir dans cette femme l’épouse de M. Fabius. Cependant les deux individus peuvent également être un frère et une sœur partageant leurs biens en tant qu’associés (consocii bonorum). Fabia Arete est une archimima, c’est-à-dire vraisemblablement une chef de troupe interprétant le premier rôle dans les pièces de mime48. Outre Fabia Arete, deux autres cas d’archimimae sont attestés dans l’épigraphie49, mais l’inscription de Fabia Arete est la plus riche des trois. Fabia Arete affirme avoir fait ce monument funéraire « pour elle et pour les siens » (sibi et suis), et précise qu’elle entend par « siens » l’ensemble des individus mentionnés dans son testament (quibus legavit testa[mento]). Ces individus sont vraisemblablement les mêmes que ceux cités dans la suite de l’inscription, sur les deux premières colonnes. L’inscription étant lacunaire, seuls quinze noms ont été conservés, mais la liste était vraisemblablement plus longue. Il s’agit d’hommes et de femmes, affranchis ou ingénus, tous liés à la gens Fabia dont ils sont les affranchis ou les descendants d’affranchis. Pour Caldelli et Ricci, il pourrait s’agir des affranchis de Fabia Arete elle-même étant donnée l’aisance financière que celle-ci semble avoir atteinte.

On peut également émettre l’hypothèse que ces individus aient fait partie de la troupe de mimes dirigée par Fabia Arete. En effet, l’un des individus mentionnés dans l’épitaphe est qualifié de uestiarius, terme qui désigne le responsable des vêtements. Or l’existence d’individus préposés à la gestion des costumes est bien attestée dans le monde des spectacles50. Par ailleurs, dans le contexte de l’épitaphe d’une archimime, le cognomen de Marcus Fabius Secundus, même s’il est relativement courant, évoque très fortement la répartition des rôles au sein des troupes de mimes entre, secundus, tertius, quartus mimus51. Cette hypothèse bien que vraisemblable ne peut être prouvée ce qui nous empêche d’intégrer les deux femmes mentionnées dans cette liste, Fabia Mimesis et Fabia Cyparis, à notre

48 Voir chapitre 1, lexique, article « Archimima ». 49 Voir n° 2 et n° 25.

50 CIL, VI, 8554 ; 8553 ; 10089 ; 10090 ; voir GREGORI 2011, 173

51 CIL, VI, 10103 ; X, 814 ; 1404 ; XIV, 4198 ; CIC., Caec., 48 ; HOR., Ep., I, 18, 14 ; FEST., 438, 22 L. Voir chapitre 1, lexique, article « Mima ».

prosopographie. Evelyn Fertl a choisi d’intégrer à sa prosopographie Fabia Mimesis52. Ce choix est d’autant plus compréhensible que le cognomen de Fabia Mimesis fait ostensiblement référence à une activité théâtrale. Faute de certitude et d’informations, nous avons préféré nous contenter de mentionner ici le cas de Fabia Mimesis et de Fabia Cyparis.

La dernière colonne de l’inscription très lacunaire précise vraisemblablement que le monument était également destiné à leurs descendants (posterisq[ue eorum monumentum]) et s’achève par l’interdiction d’ensevelir dans le même monument les personnes extérieures à la familia à l’exception des trois dont les noms sont expressément indiqués. Caldelli et Ricci insistent sur le fait que nous sommes là face à des formules juridiques fréquentes dans l’épigraphie funéraire et qui renvoient à un acte testamentaire que la défunte devait avoir élaboré. Fabia Arete a donc pris des mesures juridiques avant sa mort afin de prévoir la transmission de son patrimoine.

L’actrice se dit également diurna et prima temporis sui. L’adjectif diurnus est utilisé par deux autres archimimi et un autre individu qui semble occuper des fonctions assez proches de celles d’archimime53. Il n’est jamais employé pour qualifier des pantomimes. L’usage assez rare de ce terme pour qualifier des acteurs a été débattu sans qu’il soit possible d’arriver à une interprétation satisfaisante. Il est à peu près admis qu’il devait servir à désigner des acteurs bénéficiant d’un revenu journalier. Ce dernier devait être un privilège sans quoi on comprendrait mal pourquoi les acteurs ressentaient le besoin d’inscrire cette information sur leur stèle funéraire. D’ailleurs, certains des acteurs concernés semblent, comme Fabia Arete, particulièrement aisés. Il est donc probable que ce salaire journalier était un supplément par rapport au salaire des autres acteurs, notamment par rapport à celui des acteurs des troupes auxquelles ils appartenaient. La richesse de Fabia Arete se manifeste par sa position de testateur qui, sans être exceptionnelle, reste relativement remarquable pour une femme54 et surtout par l’ampleur de ce monument qui devait pouvoir accueillir plus d’une vingtaine de personnes.

L’expression primus temporis sui est, elle, beaucoup plus fréquente dans les inscriptions funéraires d’artistes55. Son sens littéral est plus évident. Il s’agit pour un acteur de

52 FERTL 2005, 189.

53 CIL, VI, 33965 ; CIL, XIV, 2299 ; 2408.

54 M. L. Caldelli, a recensé en tout vingt-neuf inscriptions urbaines dans lesquelles des femmes apparaissent dans des testaments soit comme héritières soit comme légataires. Sur ces vingt-neuf cas, treize sont avec certitude des affranchies et onze sont incertaines et concernent ou bien des affranchies ou bien des ingénues (CALDELLI - RICCI 2005, 83-84).

proclamer sa supériorité sur ses collègues. Cependant, le fait que son usage soit limité suppose que tous les acteurs ne pouvaient pas se permettre d’employer cette formule. Sa forme stéréotypée et son emploi limité suggèrent donc qu’il s’agissait d’un titre officiel sans qu’il soit possible de déterminer par qui il était décerné. Claudia Hermione et Fabia Arete sont à la fois les seules femmes et les seules archimimes à disposer de ce titre qui apparaît essentiellement dans les inscriptions de pantomimes liés à la famille impériale. Fabia Arete fait donc figure d’exception parmi les femmes de la scène et même parmi les acteurs en général.

Les choses se compliquent lorsqu’il s’agit de comprendre qui sont M. Fabius Regillus et Fabia [---] à qui Fabia Arete dédie ce monument funéraire et qui devaient donc y être inhumés avec les autres membres de la familia dans mais qui occupent une position centrale en tant que bénéficiaires de la dédicace. Pour Leppin, M. Fabius Regillus de la gens Fabia est le patron de Fabia Arete56. Celle-ci aurait donc gardé un contact étroit avec ses patrons pour qui elle fait construire une sépulture. Ce monument funéraire aurait donc été construit par Fabia Arete pour ses deux patrons, mais aussi pour elle-même et pour les siens (sibi et suis), c’est-à-dire essentiellement des affranchis de la même familia. Ce choix d’interprétation soulève plusieurs questions. Tout d’abord, notons que la P.I.R. ne recense aucun M. Fabius Regillus. Cet individu n’est donc pas connu en dehors de cette unique inscription.

Ensuite, si M. Fabius Regillus est le patron de Fabia Arete, se pose la question de l’identité de la Fabia [---] à qui Fabia Arete dédie ce monument conjointement à Fabius Regillus. Puisque Fabia Arete est affranchie d’un Fabius et d’une femme, il est probable que Fabia [---] soit cette femme. On comprendrait mal en effet que Fabia Arete dédie un monument funéraire à un de ses patrons et à une autre femme que sa patronne. Donc si M. Fabius Regillus est le patron d’Arete, il faut vraisemblablement convenir que Fabia [---] est la patronne d’Arete. Se pose alors de nouveau la question du lien entre M. Fabius Regillus et Fabia [---]. Le plus simple est encore une fois de supposer un lien matrimonial. Cependant, il n’y a aucune raison pour que l’épouse de M. Fabius Regillus porte le gentilice Fabia, même si ce n’est pas absolument impossible. Puisque cette femme appartient à la gens Fabia, il est donc sans doute possible d’y voir une sœur de Regillus ayant hérité ou acquis l’esclave conjointement.

Par ailleurs, le fait qu’une affranchie dédie un monument funéraire à ses patrons,

sans être exceptionnel, n’est pas un acte anodin. Cela suppose d’abord que l’ancienne esclave se soit suffisamment enrichie pour offrir à ses anciens maîtres un monument funéraire digne de leur rang social et de leur propre richesse. En outre, M. L. Caldelli a recensé dans l’épigraphie urbaine quatre cas de femmes affranchies ayant inscrit leurs patrons dans leur testament57 ; pour elle, le fait qu’une affranchie désigne comme bénéficiaire son patron révèle sans aucun doute un lien de tutelle et amène à supposer qu’elle n’agit pas selon sa pleine et entière volonté. Or, M. Fabius Regillus et Fabia [---] ne sont pas les seuls bénéficiaires du testament de Fabia Arete ni du monument funéraire qu’elle fait construire pour eux. Si M. Fabius Regillus était le patron de Fabia Arete et que le choix de l’inscrire dans son testament était pour elle une contrainte induite par une forme de tutelle, comment comprendre qu’une part importante du testament revienne cependant à d’autres individus n’ayant pas les mêmes liens avec elle ? En effet, si M. Fabius Regillus et Fabia [---] avaient la possibilité d’établir les destinataires du testament de leur affranchie Fabia Arete, pourquoi auraient-ils choisi de partager le bénéfice de ce testament avec une vingtaine de leurs affranchis et clients ? Était-il dans l’intérêt d’un patron influent de partager sa sépulture avec ses anciens esclaves ?

Quelques éléments de réponse peuvent être proposés ici. Sur le dernier point, tout d’abord, on peut imaginer que pour certains patrons s’étant créé une importante clientèle d’affranchis et d’anciens affranchis, il ait été valorisant d’être ensevelis au sein de leur familia, avec cependant une position prépondérante. Par ailleurs, sur le premier point, M. L. Caldelli ne semble pas en mesure, à partir de la seule documentation épigraphique, de préciser la nature des contraintes induites par un éventuel lien de tutelle entre patron et affranchie. Certaines affranchies avaient peut-être l’obligation de faire figurer leur patron dans leur testament sans pour autant être obligées d’en faire les bénéficiaires exclusifs. D’ailleurs, selon le recensement de M. L. Caldelli, trois des quatre affranchies ayant inscrit leurs patrons dans leurs testaments y inscrivent également des proches, parents, enfants ou affranchis58. Fabia Arete ne fait pourtant pas partie des quatre cas recensés par M. L. Caldelli. On en déduit que celle-ci ne considère pas les deux principaux destinataires de l’inscription, M. Fabius Regillus et Fabia [---], comme les patrons de Fabia Arete. De fait, dans les quatre cas recensés par Caldelli, les affranchies mentionnent explicitement que le bénéficiaire est leur patron et dans trois cas sur quatre elles utilisent la même formule stéréotypée pour intégrer ce dernier à leur testament : « Nom de la dédicante + sibi et + nom du patron + patrono suo ». Cette

57 CIL, VI, 3612 ; 4787 ; 16664 ; PARIBENI 1923, 390. 58 CIL, VI, 3612 ; 4787 ; PARIBENI 1923, 390.

formule très explicite ne se retrouve pas dans l’inscription de Fabia Arete qui n’indique à aucun moment que Fabius Regillus et Fabia [---] sont ses patrons. Il faut donc peut-être chercher une autre possibilité.

En dehors de Leppin, la plupart des commentateurs ne semblent pas considérer les deux destinataires de la dédicace comme les patrons de Fabia Arete. Ils ne proposent cependant aucune interprétation des liens qui devaient exister entre Fabia Arete et ces individus. M. Fabius Regillus est de naissance libre et est inscrit dans la tribu Esquilina. Celle-ci est beaucoup moins bien attestée dans la documentation que les autres tribus urbaines. Il convient sans doute de remarquer ici que sur un total de dix inscriptions mentionnant des individus inscrits dans cette tribu, quatre concernent des acteurs ou professionnels de la scène romaine, sans compter celle de M. Fabius Regillus59. Cette concentration importante a amené Mommsen à émettre l’hypothèse d’une relative spécialisation professionnelle de la tribu60. Les affranchis travaillant dans le monde du spectacle seraient systématiquement inscrits dans cette tribu. Cette hypothèse a été vérifiée par V. Gorla dans sa courte synthèse sur la tribu Esquilina, en vérifiant d’une part les attestations d’individus inscrits dans cette tribu et en prenant en compte d’autre part l’ensemble des tribus mentionnées par les acteurs recensés par Leppin dans sa prosopographie61. Il en ressort que la majeure partie des acteurs actifs à Rome sont bien

inscrits dans cette tribu. En revanche, en dehors de l’Urbs, les acteurs sont inscrits dans leur tribu d’origine. Il y a donc vraisemblablement une concentration des acteurs romains dans l’Esquilina mais cette répartition n’est pas systématique et surtout d’autres métiers sont représentés dans cette tribu. Étant donnés les liens de M. Fabius Regillus avec l’archimima Fabia Arete, on peut donc imaginer qu’il était lui-même lié au monde des spectacles.

Par ailleurs, son gentilice et celui de Fabia [---] permettent aisément d’imaginer qu’ils appartenaient, comme les quinze autres individus mentionnés dans l’inscription, à la même familia, celle des Fabii. Néanmoins, M. Fabius Regillus est un ingénu et non un affranchi comme Fabia Arete puisque sa filiation est indiquée. Cependant, pour un certain nombre d’individus cités dans l’inscription, aucune origine servile n’est mentionnée. La familia comprenait vraisemblablement des descendants d’affranchis qui pouvaient se prévaloir d’une naissance libre. En tout cas, M. Fabius Regillus et Fabia [---] ne peuvent être

59 CIL, VI, 10097 ; 10103 ; 10105 ; AE, 1926, 51. Les cinq autres attestations de la tribu Esquilina sont les suivantes : CIL, VI, 1872 ; 2310 ; 9165 ; 9683 ; 10217.

60 CIL, VI, 10097. 61 GORLA 2010, 342-343.

les parents de Fabia Arete car celle-ci est vraisemblablement née esclave. Il est en revanche tout à fait possible qu’il s’agisse de ses enfants. La transmission du gentilice pourrait s’expliquer ou bien par l’absence de père officiel, ou bien par un père issu de la même familia, co-affranchi de Fabia Arete, ce qui est hautement probable étant donné les liens qui semblent souder cette familia.

M. Fabius Regillus pourrait également être le conjoint de Fabia Arete. Dans ce cas, deux possibilités peuvent expliquer le statut ingénu et le gentilice de celui-ci :

- Ou bien M. Fabius Regillus descend d’un affranchi des Fabii plus ancien que Fabia Arete et dans ce cas Fabia [---] pourrait être leur fille ou une parente proche.

- Ou bien M. Fabius Regillus est bien l’ancien patron de Fabia Arete et il l’aurait épousée après l’avoir affranchie. La relation particulière entre Fabia Arete et Regillus pourrait expliquer que le rapport de patronat ne soit pas explicité. Cette configuration se retrouve dans une des inscriptions recensées par Caldelli et c’est précisément celle qui ne reprend pas la formulation stéréotypée des trois autres62. Dans cette inscription cependant, les liens entre les deux individus (patronat et mariage) sont précisément explicités. Par ailleurs si M. Fabius Regillus est à la fois le patron et l’époux de Fabia Arete, cela pose la question de l’identité de la femme qui est également la patronne d’Arete mais qui ne peut donc définitivement plus être considérée comme l’épouse de M. Fabius Regillus. Il faudrait donc adopter la solution consocii bonorum. Fabia [---] serait dans ce cas vraisemblablement la sœur de Regillus et la co-patronne d’Arete. On pourrait également voir dans le personnage de Fabia [---] une fille de Regillus et de Fabia Arete. Néanmoins, dans ce cas, elle ne pourrait évidemment pas être la patronne d’Arete et se pose à nouveau la question de savoir pourquoi Arete n’aurait honoré qu’un seul de ses deux patrons. Fabia [---] pourrait enfin être la fille d’un premier mariage de Regillus, ce qui pourrait expliquer qu’elle soit également la patronne de Fabia Arete.

Pour finir, M. Fabius Regillus et Fabia [---] pourraient également être des parents assez proches de Fabia Arete, éventuellement des frères et sœurs. S’il faut se prononcer pour une interprétation, celle des enfants nous paraît la plus probable, notamment en raison de la tribu de M. Fabius Regillus. Le patron de la familia des Fabii devait être un homme puissant et riche pour posséder autant d’esclaves. On comprend mal pourquoi un tel individu serait inscrit dans une tribu « populaire », où étaient inscrits la plupart des affranchis issus du monde des spectacles à moins peut-être que M. Fabius Regillus ne soit lui-même fortement lié à ce

monde des spectacles et n’ait fait fortune dans ce milieu, par exemple en louant ses esclaves et affranchis comédiens. Reste à souligner l’influence remarquable qu’affiche dans cette dédicace une professionnelle des spectacles. La richesse et la position sociale importante de Fabia Arete se manifestent par l’ampleur de son testament et sa place au sein de la familia. Son influence professionnelle est clairement visible à travers son rôle d’archimima, son titre de prima temporis sui et sans doute sa qualité de diurna. Caldelli souligne que la formule quibus legavit testamento, si elle est attestée dans une autre inscription urbaine63, est loin d’être la plus fréquente64. Leppin propose de dater l’inscription de la deuxième moitié du Ier siècle ap. J.-C. Selon lui l’expression dis manibus et l’abréviation lib. suggèrent une datation post-claudienne mais le port du nom de la tribu empêche de dater au-delà du IIIe siècle.

63 CIL, VI, 10230.