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La place des femmes dans les spectacles du théâtre et de l’arène : l’ouverture nécessaire d’un milieu

Chapitre 2 : Prosopographie des professionnelles des spectacle

6) Aphrodito, mimas

BIBLIOGRAPHIE : KORHONEN 2004, 187, n° 51 ; FERTL 2005, 174. SOURCES : CIL, X, 07046 ; EDR, 139551.

Contexte de découverte : Inscription trouvée à Catane, ancienne Catina, durant les fouilles des fondations de l’Église des dominicains vers 1731.

Description : Table en marbre intègre. Hauteur : 29,00 cm ; Largeur : 33,50 cm ; Épaisseur : 2,10 cm ; Hauteur des lettres : 1,50-2,20 cm. Inscription funéraire. Quelques feuilles d’hedera.

Lieu de conservation : Inscription conservée à Catane, Museo Civico, collezione dei Benedettini, magazzino superiore, inv. 390 (salle VII, 34).

Datation : IIe siècle ap. J.-C. (Formule et paléographie). Texte :

D(is) M(anibus) s(acrum). / Aphrodito / mimas vix(it) / ann(is) XXXX; / Eutychus con/iugi merenti f(ecit).

COMMENTAIRE :

Les attestations siciliennes relatives au monde des spectacles ont été relevées et étudiées par Manganaro44. Aphrodito est la seule femme attestée dans une documentation abondante qui révèle la place importante des spectacles dans les villes de Sicile. Korhonen estime donc qu’Aphrodito devait avoir atteint une certaine célébrité. Mimas, adis est une forme latine peu connue. Seul Probus l’utilise en indiquant que mima, ae est préférable45. Le nom Aphrodito est rare et surtout attesté en Macédoine. Le fait que la défunte et son conjoint n’aient qu’un cognomen suggère, pour Fertl, un statut servile. Mais cela peut également s’expliquer par un statut pérégrin.

44 MANGANARO 1988, 54-62.

7) Arbuscula

BIBLIOGRAPHIE : BONARIA 1965, 40 ; GARTON 1972, 50 ; SPRUIT 1966, n° 18 ; LEPPIN 1992, 212 ; FERTL 2005, 174-175.

SOURCES : CIC., Att., IV, 15, 6 ; HOR., S., I, 10, 76 ; SERV., B., 10, 6.

Textes :

1) Cicéron, Ad Atticum, IV, 15, 6 (Rome, juillet 55 av. J.-C.)

Redii Romam Fontei causa a. D. Vii Idus Quint. Veni in spectaculum primum magno et aequabili plausu. Sed hoc ne curaris; ego ineptus qui scripserim. Deinde Antiphonti operam. is erat ante manu missus quam productus. ne diutius pendeas, palmam tulit; sed nihil tam pusillum, nihil tam sine voce, nihil... tam verum haec tu tecum habeto. in Andromacha tamen maior fuit quam Astyanax, in ceteris parem habuit neminem. quaeris nunc de Arbuscula; valde placuit. Ludi magnifici et grati; uenatio in aliud tempus dilata. « Je suis rentré à Rome pour Fontéius le 9 juillet. Je suis allé au spectacle, où j’ai d’abord été accueilli par des applaudissements vifs et soutenus – mais ne fais pas attention à cela ; je suis un sot de te l’avoir écrit – ; ensuite j’ai écouté Antiphon. Son maître l’avait affranchi avant de le produire sur la scène. Je ne veux pas mettre ta patience à plus longue épreuve : oui c’est lui qui a eu la palme. Au reste, rien d’aussi minuscule, ni de si faible organe, ni... Mais garde cela pour toi. Il a néanmoins réussi dans le rôle d’Andromaque à être plus grand qu’Astyanax : dans les autres pièces il n’a eu personne à sa taille. Tu veux savoir à présent ce qu’il advint d’Arbuscula ? Elle a beaucoup plu. Les jeux ont été magnifiques et très goûtés ; la chasse a été remise à un autre temps. »

2) Horace, Satires, I, 10, 76 (35 av. J.-C.) Nam satis est equitem mihi plaudere, ut audax, Contemptis aliis, explosa Arbuscula dixit.

« « Il me suffit que les chevaliers m’applaudissent », comme disait hardiment Arbuscula, méprisant tous les autres qui la huaient. »

3) Maurus Servius Honoratus, Commentaire aux Bucoliques de Virgile, 10, 6 (IVe siècle ap. J.-C.)

Sollicitos.

Sollicitatos, plenos sollicitudinis post Cytheridis abscessum, quam Lycorin vocat. Fuerunt autem uno tempore nobiles meretrices tres, Cytheris, Origo, Arbuscula : Horatium « explosa Arbuscula » dixit, idem ut « quondam Marsaeus, amator Originis ille, qui patrium mimae donat fundumque laremque. »

« Les Amours tourmentées,

Angoissées, pleines d’angoisse après le départ de Cythéris qu’il appelle Lycoris. Il y eut à la même époque trois courtisanes célèbres, Cythéris, Origo, Arbuscula. Horace écrit : « Comme disait hardiment Arbuscula », et le même encore : " Tel, naguère, Marséus, ce célèbre amant d’Origo, qui donnait à une mime la terre et le foyer de ses pères. " »

COMMENTAIRE :

Les informations dont nous disposons sur ce personnage sont maigres mais permettent d’établir sans trop de doutes qu’il s’agissait d’une actrice professionnelle se

produisant dans les Ludi à l’époque de Cicéron. Aucun des trois témoignages dont nous disposons n’utilise de terme technique pour évoquer la profession de ce personnage, si ce n’est Servius qui utilise celui de meretrix. Cependant, par ce terme que l’on traduit généralement par « courtisane » ou « prostituée », Servius désigne trois femmes dont l’activité scénique est bien attestée : Cicéron et Horace utilisent tous les deux le terme mima pour désigner respectivement Cythéris et Origo46. Ce rapprochement entre l’activité de mima et celle de prostituée est assez courant dans les sources47. On peut interpréter ce phénomène de deux façons : ou bien il s’agit d’un procédé littéraire visant à souligner et condamner la mauvaise réputation de ces professionnelles infâmes, ou bien les deux activités étaient effectivement liées et les deux milieux professionnels se recoupaient.

On est tenté de faire d’Arbuscula une mima comme ses deux comparses. Le témoignage de Cicéron et celui d’Horace attestent son activité sur une scène publique. Cicéron affirme qu’elle aurait connu un certain succès lors de spectacles auxquels il aurait assisté en juillet 55 av. J.-C. La performance d’Arbuscula prend place au théâtre après une compétition entre acteurs qui semblent se produire dans des pièces tragiques. Il semble qu’Atticus se soit enquis du succès d’Arbuscula auprès de Cicéron, ce qui signifie que l’actrice possédait une certaine renommée et qu’Atticus était vraisemblablement un de ses partisans. La brève remarque d’Horace, reprise par Servius, est très intéressante car elle met en évidence le clivage du public romain et les stratégies de certains acteurs d’appuyer leur succès et leur renommée sur certains groupes plutôt que d’autres. Ainsi, Arbuscula prétend posséder la faveur des chevaliers et méprise donc les huées d’un public qu’elle juge moins digne d’elle. L’anecdote met également en valeur la répartie de l’actrice qui n’hésite pas à s’en prendre à son propre public et à le dénigrer.

46 CIC., Att., X, 16, 5 ; HOR., S., I, 2, 55-56.