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Ce qui caractérise particulièrement la sigillée, ce sont bien sûr ses remarquables propriétés mécaniques qui en font un matériau fonctionnel et durable, mais également son aspect esthétique, ses décors et surtout la brillance et la couleur de son engobe : cette couleur rouge si chère aux romains semblait pourtant relativement difficile à obtenir de façon constante et homogène, en tout cas suffisamment pour que sa production reste uniquement réservée à quelques grands ateliers spécialisés. L’obtention et la qualité de cette couleur si recherchée devaient donc être des critères décisifs quant au choix de l’argile, critères qui méritent d’être pris en compte dans l’étude de ces différents prélèvements argileux. Cependant, la couleur n’a pas vraiment de réalité physique et n’est qu’une interprétation de notre cerveau, c’est donc une variable subjective qui dépend de l’observateur. La colorimétrie est une méthode qui permet justement de quantifier la couleur d’un matériau en se basant sur des théories officielles de normalisation. L’aspect d’un matériau dépend de nombreux facteurs comme en particulier l’état de sa surface, il est donc important de pouvoir isoler les caractéristiques chromatiques (couleur) des caractéristiques géométriques (brillance) en séparant l'énergie diffusée (couleur) par la matière, de l'énergie spéculaire (brillant). Il existe en effet deux types de configurations géométriques fréquemment utilisées : le mode SCE et le mode SCI. Pour l’analyse en mode SCE, un piège à lumière est utilisé afin d’exclure la composante spéculaire de la réflexion totale. Ceci donne une évaluation de la couleur de l'objet telle que la voit un observateur, mais elle est dépendante de son état de surface. En utilisant le mode SCI, la réflexion spéculaire est incluse dans la mesure en plus de la réflexion diffuse. Cette mesure évalue donc la couleur globale de l'objet, indépendamment de son état de surface. Dans le cas d’une surface rugueuse la composante spéculaire est quasiment nulle, donc pour les différents paramètres colorimétriques les mêmes valeurs sont obtenues d’un mode à l’autre. Aucune variation n’est perceptible dans ce cas entre les deux modes, en revanche, pour une surface brillante, la réflexion spéculaire étant relativement forte, les valeurs mesurées seront très différentes d’un mode à l’autre. En somme, plus les variations mesurées entre les deux modes sont fortes et plus le matériau aura une surface brillante. Le spectrophotomètre utilisé, permet de mesurer simultanément les deux modes SCE et SCI pour chaque point de mesure.

Certains des prélèvements argileux étudiés ici ont donc été analysés par colorimétrie après cuisson à 1050°C, quand leur surface le permettait (cf. § I.D). Les analyses ont été systématiquement réalisées sur la face brillante de l’échantillon, cependant, à titre comparatif, les données obtenues sur la surface rugueuse du prélèvement Va-6, sont également

présentées. Les données colorimétriques sont représentées dans l’espace CIELAB qui permet d’évaluer la couleur selon une approche physique, mais corrigée par les données de la psychométrie: les trois coordonnées sont L*, a* et b*, ou L* représente la clarté (L* = 0 correspond à un noir de fumée et L* = 100 au blanc), a* représente la composante chromatique Rouge-Vert (Une valeur positive de a* indiquant une localisation vers le rouge, tandis qu’une valeur négative, une localisation vers le vert) et b* représente la composante chromatique Jaune-Bleu (une valeur positive de b* indiquant une localisation vers le jaune , et une valeur négative, une localisation vers le bleu). La longueur d’onde dominante (λd) ou teinte ainsi que la pureté d’excitation (Pe) qui se rapporte à la vivacité de la teinte (coordonnées de Helmholtz sur le diagramme de chromaticité C.I.E*), sont également présentées dans le tableau II.D.5. Le blanc de référence utilisé correspond à l'illuminant D65.

Si l’on se place dans le mode SCE (tableau II.D.5a) qui donne une évaluation de la couleur proche de celle perçue par l’œil, tous ces prélèvements se situent dans une gamme de longueur d’onde s’étalant de 588 à 595 nm (Figure II.D.11b), ce qui correspond dans le domaine visible à la transition jaune orange.

Le rapport entre les paramètres +a (rouge) et +b (jaune) est proche de 1 (Figure II.D.11a). Ces deux paramètres et la pureté d’excitation ont une valeur relativement faible : a et b sont toujours inférieurs à +23 et la pureté d’excitation tourne autour de 40, ce qui correspond à une couleur assez terne. La clarté est également faible avec des valeurs qui varient autour de 40. Ces échantillons arborent donc de façon générale une coloration jaune orangée plutôt sombre et terne, ce qui correspond à un brun pâle sur le diagramme de chromaticité CIE Lab*. En excluant toujours la réflexion spéculaire, si l’on compare maintenant les deux surfaces de l’échantillon Va-6, l’une lisse et brillante et l’autre rugueuse et mate, on s’aperçoit que l’état de surface va fortement influencer la couleur perçue par l’observateur. Ainsi, plus la surface est lisse, polie et donc brillante, plus la pureté d’excitation et les paramètres a et b augmentent, tandis que le rapport a/b, comme la longueur d’onde dominante et la clarté diminuent. En somme plus la surface est brillante et plus la couleur de l’échantillon apparaitra jaune, vive et sombre à l’observateur.

Des huit prélèvements étudiés, VPJ-2 et ESP-9 sont les deux seuls pour qui le paramètre b est plus important que a (a/b ≤ 1) et donc pour qui la composante jaune est plus forte que la composante rouge. Ce sont d’ailleurs ceux qui présentent la plus petite longueur d’onde dominante (environ 589 nm). Pourtant le prélèvement ESP-9 contient plus de fer et d’hématite que la plupart des autres prélèvements, on pourrait donc s’attendre au phénomène inverse. En général, le spinelle et l’anorthite apportent à la céramique une coloration jaune mais le prélèvement VPJ-2 ne contient ni d’anorthite, ni de spinelle et c’est pourtant celui pour qui la valeur de b, donc la composante jaune est la plus importante. Le seul élément qui différencie ces deux argiles des autres, c’est la présence de mullite en plus forte proportion. Il semble donc que cette phase soit la seule qui entraine une modification perceptible de la couleur.

Le prélèvement ESP-7 contient une forte proportion de fer et d’hématite (tout comme ESP-9). C’est effectivement l’argile qui présente la plus forte longueur d’onde dominante et également la plus forte valeur de a (composante rouge). Elle contient également une forte proportion d’anorthite mais cette phase ne semble pas beaucoup influer sur sa couleur. Pour tous les autres prélèvements étudiés, il est difficile d’établir un lien entre les variations colorimétriques observées et les variations chimiques ou minéralogiques qui les différencient entre eux.

a)

Phases formées à 1050°C Composition Chimique SCE Prélèvements

Hém. Spin. Cor. Mul. An. MgO K2O Fe2O3 Al/Si L* a* b* λd Pe a/b

VPJ-2 XX XXX 0.20 0.80 10.70 0.83 38.8 17.5 19.5 588.8 44.3 0.90 ESP-9 XXX X X X x 2.20 6.80 12.00 0.48 39.9 15.9 16.3 589.4 37.3 0.98 ESP-10 XX X Xx x x 1.70 6.40 10.10 0.50 43.2 18.7 17.7 590.9 38.7 1.05 ESP-4 XX X XX x 1.50 7.30 10.50 0.53 38.7 17.7 15.9 591.9 37.9 1.11 ESP-7 XXX Xx x XXX 3.50 6.70 12.00 0.43 37.8 22.1 18.3 594.7 44.3 1.21 Va-7 XX XX X 3.50 4.10 9.00 0.46 38.1 19.2 18.5 591.2 43.6 1.03 LV-7 XX XXX x 8.60 6.20 9.20 0.27 40.5 18.2 17.7 590.6 40.2 1.03 Va-6-brillant 33.9 16.0 14.8 591.5 38.4 1.08 Va-6-mate XX XXx X Xx 2.50 5.40 9.70 0.46 38.8 14.7 12.8 591.7 31.0 1.15 b)

Phases formées à 1050°C Composition Chimique SCI Prélèvements

Hém. Spin. Cor. Mul. An. MgO K2O Fe2O3 Al/Si L* a* b* λd Pe a/b

VPJ-2 XX XXX 0.20 0.80 10.70 0.83 40.2 16.8 18.5 588.6 41.4 0.91 ESP-9 XXX X X X x 2.20 6.80 12.00 0.48 41.4 15.2 15.3 589.3 34.4 0.99 ESP-10 XX X Xx x x 1.70 6.40 10.10 0.50 44.5 18.0 16.9 590.8 36.3 1.07 ESP-4 XX X XX x 1.50 7.30 10.50 0.53 41.1 16.5 14.7 591.6 33.9 1.12 ESP-7 XXX Xx x XXX 3.50 6.70 12.00 0.43 39.7 20.9 17.1 594.4 40.4 1.23 Va-7 XX XX X 3.50 4.10 9.00 0.46 38.8 18.8 18.1 591.2 42.3 1.04 LV-7 XX XXX x 8.60 6.20 9.20 0.27 40.7 18.2 17.6 590.6 39.9 1.03 Va-6-brillant 38.2 13.9 12.3 591.1 30.2 1.13 Va-6-mate XX XXx X Xx 2.50 5.40 9.70 0.46 39.6 14.4 12.4 591.7 29.7 1.16 c)

Phases formées à 1050°C Composition Chimique SCE / SCI Prélèvements

Hém. Spin. Cor. Mul. An. MgO K2O Fe2O3 Al/Si L* a* b* λd Pe a / b

VPJ-2 XX XXX 0.20 0.80 10.70 0.83 0.96 1.04 1.05 1.00 1.07 0.99 ESP-9 XXX X X X x 2.20 6.80 12.00 0.48 0.96 1.05 1.06 1.00 1.08 0.99 ESP-10 XX X Xx x x 1.70 6.40 10.10 0.50 0.97 1.04 1.05 1.00 1.07 0.99 ESP-4 XX X XX x 1.50 7.30 10.50 0.53 0.94 1.07 1.08 1.00 1.12 0.99 ESP-7 XXX Xx x XXX 3.50 6.70 12.00 0.43 0.95 1.06 1.07 1.00 1.10 0.99 Va-7 XX XX X 3.50 4.10 9.00 0.46 0.98 1.02 1.03 1.00 1.03 0.99 LV-7 XX XXX x 8.60 6.20 9.20 0.27 1.00 1.00 1.00 1.00 1.01 1.00 Va-6-brillant 0.89 1.15 1.20 1.00 1.27 0.96 Va-6-mate XX XXx X Xx 2.50 5.40 9.70 0.46 0.98 1.02 1.04 1.00 1.05 0.99 Tableau II.D.5 : Caractéristiques chimiques et minéralogiques principales, et données colorimétriques obtenues pour huit des prélèvements étudiés cuits à 1050°C, en mode SCE (a), SCI (b) et leur rapport entre les deux modes (c). Les analyses ont été systématiquement réalisées sur la face brillante des échantillons mais à titre comparatif, les données obtenues sur la surface rugueuse du prélèvement Va-6, sont également présentées. Les données sont représentées dans l’espace CIELab*, mais la longueur d’onde dominante (λd) et la pureté d’excitation (Pe) sont également présentées. Le blanc de référence utilisé correspond à l'illuminant D65.

De façon générale, l’inclusion de la variable spéculaire en mode SCI (tableau II.D.5b), n’induit pas de modifications importantes sur la teinte elle-même (tableau II.D.5c): la longueur d’onde dominante et le rapport a /b ne varient en effet pratiquement pas d’un mode à l’autre. Le paramètre +b qui correspond à une localisation vers le jaune, est cependant

toujours légèrement plus important dans le mode SCI. La pureté d’excitation (vivacité de la teinte) est plus affectée par cette modification. Même pour les échantillons les moins brillants (Va-6-Mate) pour qui il n’y a que peu de différences entre les deux modes, la variable spéculaire induit systématiquement une augmentation de la clarté ainsi qu’une diminution de la pureté d’excitation et donc des deux paramètres +a et +b. La pureté d’excitation est la variable qui présente les plus fortes variations entre le mode SCE et le mode SCI. Elle est donc plus sensible à la brillance du prélèvement. Là encore, il est difficile d’établir un lien direct entre la structure minéralogique de l’argile et ses caractéristiques optiques : le prélèvement Va-6 est celui qui présente de loin la plus forte variation de pureté d’excitation entre les deux modes, et donc le plus brillant. En revanche pour le prélèvement LV-7, au départ riche en chlorite, il n’y a pratiquement aucune différence entre les deux modes, sa surface étant peu brillante. Ces résultats sont en accord avec ce que l’on peut observer visuellement, cependant aucune de leurs caractéristiques chimiques ou minéralogiques ne permettent d’expliquer les variations de brillance qui existent entre ces deux prélèvements.

Figure II.D.11 : Diagrammes de répartition des 8 prélèvements d’argiles cuits à 1050°C, en fonction

des paramètres colorimétriques obtenus en mode SCE (Le blanc de référence utilisé correspond à l'illuminant D65): a) représentation du paramètre b* (composante jaune) en fonction du paramètre a* (composante rouge) de l’espace CIELab* et b) représentation de la variation de la pureté d’excitation (brillance) en fonction de la longueur d’onde dominante. Les analyses ont été systématiquement réalisées sur la face brillante des échantillons mais à titre comparatif, les données obtenues sur la surface rugueuse du prélèvement Va-6, sont également présentées.

III.D.4)

Evolution de la microstructure des fractions argileuses des