• Aucun résultat trouvé

Les premiers résultats obtenus par spectroscopie Raman sur les engobes des sigillées sud-gauloises, avaient permis de mettre en évidence la forte contribution du spectre de l’hématite et l’impossibilité de pouvoir détecter les autres phases de faible polarisabilité comme le corindon (Zoppi A. et al., 2006). Cette même publication (Zoppi A. et al., 2006) a en revanche montré que le spectre de l'hématite observé dans les engobes ne correspondait pas exactement à celui de l'hématite pure. Les raies présentaient en effet un élargissement et un décalage en fréquence systématique et une bande supplémentaire était également observée vers 680 cm-1.

L’étude de l’évolution en température du spectre Raman des différents prélèvements argileux sélectionnés, nous a permis de confirmer que cette bande était directement associée à l’hématite, et que, quel que soit l’échantillon considéré, son apparition coïncidait avec l'amplification et le décalage vers les hautes fréquences du signal de cette phase (cf § II.D.4.b). Nous avons également pu démontrer que cette modification du spectre Raman correspondait aux changements observés en DRX (diminution du volume de la maille et augmentation de la cristallinité), nous confortant ainsi dans l’hypothèse que cette bande à 685 cm-1 était directement liée à un phénomène de substitution des atomes de fer dans la structure de l’hématite. La substitution du fer par des atomes d’aluminium, entraîne bien l’apparition d’une bande à 685 cm-1, mais d’intensité beaucoup plus faible que ce que l’on observe dans le cas des engobes de sigillées (Zoppi A. et al., 2008). Les études par EELS (Sciau Ph. et al., 2006), ayant montré que les cristaux d’hématite contenaient de l’aluminium et du titane ((Fe0.88Al0.08Ti0.04)2O3), l’hypothèse de la double substitution comme origine de la bande intense à 685 cm-1, s’impose à présent de façon évidente. La liaison Ti-O présente, de plus, une forte polarisabilité (Wang A. et al., 2004), et de nombreux oxydes de fer et de titane

100 nm 100 nm H H H H H H H H H H C C C C C H Or

comme l’ulvospinelle (Fe2TiO4) ou encore la pseudobrookite (Fe2TiO5) se caractérisent par une bande très intense à cette même fréquence.

Dans le cadre de cette nouvelle étude, l’engobe d’un peu plus d’une centaine de fragments de sigillées (quarante italiques, quarante attribués à La Graufesenque, quinze à Montans et quinze autres à Espalion) a été analysée par spectroscopie Raman dans les même conditions que les prélèvements argileux (cf § II.D.3.c). Les spectres obtenus pour trois d’entre eux (un italique, un de La Graufesenque et un de Montans) sont présentés dans la Figure III.D.24.

Figure III.D.24 : Spectres Raman normalisés obtenus à température ambiante sur le fragment de sigillée arétine TSAR-D, les deux échantillons sud-gaulois TSGBD29D de La Graufesenque et

TSMIV de Montans et sur un cristal d’hématite pur.

Les spectres enregistrés sur les engobes italiques présentent de grandes similitudes avec ceux des sud-gaulois, et ce malgré les variations minéralogiques qui les différencient (spinelle / corindon). Seul le signal de l’hématite apparaît : le spinelle, comme le corindon dans les engobes sud-gaulois, n’est jamais détecté sur aucun spectre, quelle que soit la puissance ou la longueur d’onde du laser utilisé. L’hématite a en effet une réponse Raman très forte par rapport à ces deux phases et la très petite taille de leurs cristaux (quelques dizaines

In

te

n

s

it

é

R

a

m

a

n

Nombre d’onde en cm

-1 305 Eg 420 Eg 520 A1g 625 Eg 685 1350 Second ordre 240 A1g Arezzo Montans La Graufesenque Hématite Fe203

de nanomètres) entraînent de plus un élargissement des pics, qui les rend difficilement dissociables du bruit de fond, et donc identifiables. Parfois sur quelques spectres, un léger pic attribuable au quartz, apparaît autour de 460 cm-1. Ces spectres sont également très proches de ceux enregistrés sur les fractions fines des prélèvements argileux étudiés précédemment, et sont caractéristiques d’une hématite doublement substituée : les raies présentent en effet un élargissement et un décalage en fréquence par rapport au spectre d’hématite de référence (Figure III.D.24) et une bande de forte intensité apparaît systématiquement à 685 cm-1.

L’étude des argiles nous a permis de mettre en évidence que l’intensité de la bande à 685 cm-1 et du rapport I(685) / I(625), dépendait du degré de substitution des cristaux d’hématite et donc de la température de cuisson (cf § II.D.3.c). L’étude de la composition minérale des pâtes et des engobes, met en évidence une température de cuisson plus faible pour les sigillées italiques que pour les sud-gauloises et en particulier celles de La Graufesenque. Les analyses réalisées par microdiffraction (cf § III.D.2.b) montrent également que les cristaux d’hématite des engobes italiques présentent des paramètres de maille plus grands que ceux des sud-gaulois, ce qui implique un degré de substitution plus faible, cohérent avec une température de cuisson moins élevée. Si l’intensité de la bande à 685 cm-1 dépend directement de ce facteur, le rapport d’intensité I(685) / I(625) des spectres Raman de l’engobe, devrait pouvoir permettre de différencier ces deux productions entre elles. Le graphique de la Figure III.D.25 présente l’évolution de ce rapport I(685) / I(420) en fonction du rapport I(685) / I(625), pour les engobes des sigillées italiques et ceux de La Graufesenque.

Figure III.D.25 : Diagramme de répartition des productions de sigillées italiques et sud-gauloises, en fonction des deux rapports d’intensité I(685)/I(420) et I(685)/I(625) du spectre Raman de l’hématite enregistré sur leur engobe. Les deux raies de l’hématite les mieux définis et les plus intenses (à 420 et 625 cm-1) ont été choisies pour être comparés à la raie à 685 cm-1. Les valeurs moyennes de ces rapports obtenues pour les prélèvements argileux analysés précédemment (cf § II.D.4.b), sont également présentées à titre comparatif, pour différentes températures de cuisson.

Même s’il existe bien une zone de recouvrement entre les deux productions, la majorité des engobes des sigillées de La Graufesenque (en bleu sur la Figure III.D.25) et

I(685)/(420) I(685) I(625) La Graufesenque Espalion Montans

Italie

d’Espalion (en violet), se différencient effectivement de leurs homologues italiens (en rouge) par une bande à 685 cm-1 plus intense, qui se traduit par des valeurs plus importantes pour les deux rapports considérés. Les fragments de sigillées attribués à Montans se répartissent entre les deux groupes des Italiques et de La Graufesenque, au niveau de la zone de recouvrement. Aucun de ces tessons montanais ne présente cependant des rapports aussi élevés que les points extrêmes attribués à La Graufesenque, et aussi faibles que ceux des italiques.

Quelle que soit la période de production ou la fabrique considérée, aucun sous- ensemble ne se dessine entre les sigillées de chaque centre de production. En effet bien que des variations chimiques aient été constatées au niveau des pâtes et des engobes des différents ateliers arétins et des sigillées italiques retrouvées à Bram, tous se répartissent aléatoirement dans le nuage de points sans rapport avec leur fabrique d’origine.

A titre comparatif, les valeurs moyennes des deux rapports (I(685)/I(420) et I(685)/I(625)), obtenues pour les quatre prélèvements argileux les plus proches des engobes antiques (ESP-4, Va-7, Mo-4 et Mo-7) (cf § II.D.4.b), sont également présentées pour différentes températures de cuisson. Comme on a pu le constater l’intensité de la bande à 685 cm-1 ne dépend pas seulement de la température de cuisson mais également de la nature de l’argile. Cependant, il est clair que les points associés aux sigillées italiques (en rouge) se rapprochent plus des prélèvements argileux cuits entre 950°C et 1050°C, tandis que les sigillées de La Graufesenque et d’Espalion se rapprochent plus des hautes températures, en accord avec leurs températures de cuisson respectives évaluées par la composition minérale de leur pâte. Notons qu’aucun des prélèvements argileux analysées, même cuits à hautes températures (1200°C), ne présente une bande à 685 cm-1 aussi intense que la grande majorité des sigillées de La Graufesenque. Il est évident dans ce cas, que la nature de l’argile joue un rôle important et qu’aucune des argiles prélevées aux alentours des sites de productions sud- gaulois n’est vraiment compatible avec celle qui fut utilisée à La Graufesenque.

La spectroscopie Raman ne nous permet donc pas de séparer les productions italiques des sud-gauloises en fonction des variations minérales qu’elles présentent, cependant l’intensité de la bande à 685 cm-1 caractéristique de la double substitution Al/Ti de l’hématite, permet de les distinguer par leur température de cuisson respective. Cette étude a donné lieu à une publication dans « Journal of Raman Spectroscopy » (Leon Y., Lofrumento C. et al., 2010).

III.D.2.e) Etude de la couleur et de la brillance par colorimétrie en mode