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Si la composition chimique n’est que faiblement affectée par le traitement thermique, la composition minérale de la pâte va en dépendre fortement (Maggetti M., 1982). Un grand nombre d’études a donc été réalisé depuis les premiers travaux d’A. Blanc en 1963, dans le but de déterminer les températures et atmosphères de cuisson, en particulier pour les productions de La Graufesenque (Sciau Ph. et Vezian A., 2002) dont les températures atteintes ont ainsi pu être évaluées entre 1020°C et 1080°C. Les ateliers de La Graufesenque et de Montans, ont par la suite fait l’objet d’une étude minéralogique plus poussée sur un panel d’échantillons plus large (Sciau Ph. et al., 2005). Plus récemment les travaux sur les productions de l’atelier d’Espalion nous ont permis de compléter ces données (Tilhard J.-L., 2009). Depuis, l’engobe de tessons de sigillées provenant des ateliers d’Arezzo, d’Aspiran et du Rozier, a pu être localement enlevé afin de permettre l’enregistrement du diagramme DRX de la pâte. Pour chaque atelier, le ou les diagrammes les plus représentatifs sont présentés dans les Figures III.B.8 et III.B.9.

Quel que soit l’atelier considéré, on retrouve les mêmes phases cristallines à savoir le quartz, l’hématite, un plagioclase proche de l’anorthite et un pyroxène proche du diopside. Cependant, comme cela avait déjà été constaté entre les productions de La Graufesenque et de Montans (Sciau Ph. et al., 2005), ces phases ne sont pas forcément présentes dans les mêmes proportions d’un atelier à l’autre, ce qui permet de pouvoir les différencier. Plus les productions sont différentiables chimiquement et plus ces variations minéralogiques sont importantes. Lors des études sur les trois ateliers sud-gaulois (Sciau Ph. et al., 2005 et Tilhard J.-L., 2009), un affinement de type Rietveld a été réalisé sur les diagrammes de diffraction les plus différents (les résultats ont été reportés dans le Tableau III.B.7). Cette méthode permet d'obtenir une analyse quantitative des différentes phases présentes, mais

Fe2O3 Al2O3 CaO Na2O TiO2 SiO2 K2O MgO MnO

uniquement si leur structure cristalline est bien connue. Aussi pour cela, les structures du plagioclase et du pyroxène ont été approximées à celles, respectivement de l’anorthite et du diopside (CaMgSi2O6). Ces résultats (Sciau Ph. et al., 2005) ont permis de confirmer la grande homogénéité minérale des pâtes de La Graufesenque (Tableau III.B.7) : d’après ces auteurs, les plus grandes variations concernent le pyroxène et dans une moindre mesure l’hématite. La proportion de plagioclase qui dépend fortement de la température de cuisson, est tout à fait semblable d'un échantillon à l’autre, ce qui confirme la grande homogénéité des températures de cuisson.

Pour Espalion (Tilhard J.-L., 2009), le traitement quantitatif par la méthode Rietveld conduit à des proportions (Tableau III.B.7) tout à fait semblables à celles des pâtes de La Graufesenque. La grande similarité des diagrammes de diffraction et notamment des profils de raies de l’anorthite (Figure III.B.8), permet de conclure que les quelques sigillées espalionnaises analysées ont été cuites dans les mêmes conditions et dans la même gamme de température que les sigillées de La Graufesenque, c’est-à-dire entre 1040 et 1080°C (Sciau Ph. et Vezian A. 2002). La proportion de pyroxène est un peu moins élevée dans les pâtes d’Espalion, en accord avec la plus faible teneur de ces pâtes en calcium, et dans une moindre mesure, en magnésium et en fer (Tableau III.B.6). Elles contiennent en revanche plus de silicium et une proportion de quartz un peu plus importante (Tableau III.B.7). Les diagrammes de diffraction réalisés sur les trois tessons du Rozier précédemment analysés par PIXE, présentent également de grandes similitudes avec ceux des sigillées de La Graufesenque et d’Espalion (Figure III.B.8). Le signal de l’anorthite prédomine toujours sur celui du quartz et sa réflexion principale est la plus intense du diagramme. La similitude des profils de raies de l’anorthite témoigne également de conditions et d’une gamme de températures analogues aux sigillées de La Graufesenque et d’Espalion. On peut cependant constater une plus forte intensité des réflexions principales de l’hématite et une diminution du signal du pyroxène en accord avec les plus faibles teneurs en calcium qui caractérisent les productions du Rozier.

Provenance Plagioclase Quartz Hématite Pyroxène

75.4 10.1 7.4 6.9 La Graufesenque (10) 2.7 1.9 1.7 3.6 47.2 16.3 3.8 32.3 Montans (6) 8.3 5.6 2.4 7.4 76.0 14.0 7.5 2.5 Espalion (2) 0.0 0.0 0.5 0.5

Tableau III.B.7 : Moyennes et écarts types de la contribution en pourcentage des différentes phases au diagramme de diffraction des rayons X de la pâte de 10 échantillons attribués à La Graufesenque (TSGFRD17A, TSGFRD24B, TSG35A, TSG50AA, TSG50GL1, TSG60C, TSG70H9A,

TSG100A, TSG125A et TSG125C), 6 à Montans (TSMTH1, TSMTH3, TSMIB, TSMIF, TSMIG, TSMIH et TSMIH), (Sciau Ph. et al., 2005) et 2 à titre comparatif provenant d’Espalion (ESP-05-03

Figure III.B.8 : Diagrammes de diffraction des rayons X, I = f(sinθ/λ) (Longueur d'onde : λCuKα),

réalisés au CEMES pour la pâte des échantillons de La Graufesenque (TSG35A et TSG50AA), d’Espalion (ESP-05-03) et du Rozier (TSRB1), (Q : quartz, H : hématite, P : pyroxène, Pl : plagioclase).

H H

Figure III.B.9 : Diagrammes de diffraction des rayons X, I = f(sinθ/λ) (Longueur d'onde : λCuKα),

réalisés au CEMES pour la pâte des échantillons d’Arezzo (TSARK), de Montans (TSMTH3 et

TSMIG), et d’Aspiran (ASP-1), (Q : quartz, H : hématite, P : pyroxène, Pl : plagioclase).

H

H

H

Q

La composition minérale des pâtes des sigillées de Montans est plus hétérogène que celle des autres ateliers (Tableau III.B.7). Les diagrammes de diffraction présentent effectivement plus de variations d’un échantillon à l’autre (Figure III.B.9) et ces modifications concernent toutes les phases y compris le feldspath plagioclase qui peut arborer un profil de raies assez variable. Par analogie aux travaux de M. Maggetti (1982), qui montrent l’évolution du signal de l’anorthite dans les pâtes calcaires en fonction de la température, on peut évaluer les températures de cuisson des sigillées de Montans entre 1000 et 1100°C. (Maggetti M., 1982). Dans quelques échantillons de Montans, comme TSMIG (Figure III.B.9), les réflexions du feldspath sont en effet plus minces et correspondent à une phase bien cristallisée. D’après Sciau Ph. et al. (2005), ce degré de cristallisation a été atteint à La Graufesenque, uniquement dans les échantillons « surcuits », ce qui implique que les sigillées de Montans pouvaient être cuites à des températures plus élevées. Malgré cette hétérogénéité, la proportion de pyroxène est toujours beaucoup plus élevée dans les pâtes de Montans que dans celles de La Graufesenque, d’Espalion et du Rozier. Cette présence plus importante de pyroxène provient de la composition chimique globale de la pâte, et notamment du rapport Ca/Al. Ce rapport, plus élevé à La Graufesenque, entraîne la formation massive d’anorthite qui nécessite une quantité non négligeable d’aluminium (environ 35% en Al2O3). En revanche, à Montans, le déficit en aluminium va favoriser la formation du pyroxène qui contient beaucoup de calcium, mais pas d’aluminium.

Les diagrammes réalisés sur les pâtes des échantillons d’Aspiran et d’Arezzo présentent des caractéristiques très similaires à celles de Montans. Leur pâte contient une plus forte proportion de pyroxène sans doute liée à leur forte teneur en magnésium : pour ces trois productions, l’écart d’intensité entre le signal de l’anorthite et celui du pyroxène est plus faible. Pour les pâtes des sigillées italiques d’Arezzo et de celles d’Aspiran, le signal du quartz domine toujours le diagramme. Cela ne signifie pas qu’en proportion elle soit prépondérante, cependant les rapports Quartz / Plagioclase et Pyroxène / Plagioclase sont indéniablement plus élevés pour ces trois types de pâtes plus riches en magnésium (Figure III.B.9). Notons que pour les pâtes des sigillées italiques, le profil des raies de l’anorthite suggère une plus faible cristallinité que celle contenue dans les pâtes de La Graufesenque, ce qui sous entend une température de cuisson plus basse.

III.C) Observation en coupe de l’ensemble pâte-engobe en microscopie