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Les protagonistes

LES ETRES HUMAINS

I - 1 - Caractéristiques générales de la population des terreiros

Il est courant, dans les écrits consacrés à l'umbanda, que les auteurs utilisent le terme générique "d'umbandistes" sans que l'on sache jamais explicitement qui sont les personnes que cette appellation désigne. Est-ce que se trouvent regroupés sous cette dénomination tous les individus que l'on rencontre dans les terreiros ? Seulement ceux qui se reconnaissent comme tels ? Ou encore uniquement les membres de la communauté religieuse ?

La population des terreiros ne constitue pas un ensemble homogène qu'il suffirait de définir comme "l'ensemble des umbandistes". Au moment du recueil, du traitement comme de l'analyse des données, il est nécessaire de tenir compte de ce qui différencie significativement les individus dans leur rapport à l'umbanda. C'est pourquoi nous les distinguons en fonction du degré plus ou moins grand, dans une dimension synchronique, de leur implication dans le culte, de leur participation à la vie du terreiro et de leur connaissance de l'univers umbandiste.

Dans la masse des individus que l'on rencontre dans les terreiros, il convient de différencier :

- Les membres de la communauté religieuse du terreiro :

"Communauté religieuse" ne désigne pas ici l'ensemble des fidèles de l'umbanda. Elle est entendue au sens que prend terreiro dans la bouche de ces mêmes fidèles, qui désignent par ce terme non seulement le lieu de culte umbandiste mais également le groupe religieux qu'il abrite et qui oeuvre à l'exercice du culte. Ce groupe est organisé hiérarchiquement et dirigé par un chef "spirituel", le père ou la mère de saint. Chaque lieu de culte (ou terreiro) possède sa propre communauté religieuse (ou terreiro) et, bien qu'il s'intègre au sein du vaste ensemble religieux umbandiste, il constitue un microcosme qui se suffit à lui -même.

Les membres de la communauté religieuse sont les cambones ou cambonos, les ogãs ou atabaqueiros ("joueurs d'atabaque"), les médiums,

les petits pères et les petites mères de saint, les pères et mères de saint. Tous occupent dans la hiérarchie religieuse du terreiro, dite "hiérarchie spirituelle" (hieraquia espiritual), des "charges" (cargas, cargos) qui les conduisent à jouer un rôle actif et spécifique dans l'exercice du culte. L'ensemble des membres de la communauté religieuse umbandiste s'organise en deux grands groupes. D'un côté, il y a ceux dont la fonction essentielle est d'incorporer les esprits : ce sont les médiums, les petits pères et mères de saint, les pères et mères de saint. Et de l'autre, il y a ceux qui ne reçoivent pas les esprits et qui, chargés de certaines tâches fonctionnelles, constituent si l'on peut dire le "corps des auxiliaires" : ce sont les cambones et les ogãs.

Signalons qu'au côté cette "hiérarchie spirituelle", il existe également une hiérarchie dite "matérielle" (hierarquia material) qui comprend un nombre plus ou moins grand de "charges" selon l'importance qu'elle revêt à l'intérieur de chaque terreiro. Les "charges matérielles" sont celles de "président" (presidente), de "membres" (sócios), de "trésorier" (tesoureiro) et de "secrétaire" (secretário). Le "président", "chef matériel" du terreiro, peut être médium d'un autre terreiro. Il s'occupe, en principe, des divers problèmes et questions d'ordre matériel qui concernent le fonctionnement du terreiro (paiement du loyer, paiement des factures, réparation d'objets cassés, achat d'objets manquants, etc.). Les "membres" (sócios) paient généralement une cotisation mensuelle au terreiro, cotisation dont le montant est imposé ou décidé par chacun en fonction de ses moyens. Le groupe des "membres" comprend, de manière générale, les médiums du terreiro et des individus extérieurs à la communauté religieuse. Cette "hiérarchie matérielle" n'est pas représentée et distinguée de la "hiérarchie spirituelle" dans tous les terreiros. Lorsqu'elle l'est, on note une ambiguïté dans la délimitation des attributions et des fonctions dévolues aux "charges" de ces deux types de hiérarchies.

- Les fréquentateurs du terreiro:

Nous utilisons ce néologisme formé à partir du portugais freqüentadores, faute d'avoir trouvé en français un mot plus approprié. Les fréquentateurs sont les individus qui composent la clientèle habituelle des terreiros. Ils ne participent et n'assistent qu'aux séances du culte public et

peuvent également être demandeurs de consultations privées. Parmi eux il convient de distinguer :

- ceux qui se disent umbandistes 169 et qui entrent donc, avec les

membres de la communauté religieuse, dans la catégorie des fidèles de l'umbanda. Familiarisés avec l'univers de l'umbanda, ils constituent une partie de l'assistance des séances publiques auxquelles ils essaient - pour nombre d'entre eux - de participer assez régulièrement. Certains d'entre eux, vieux habitués du terreiro, collaborent à la réalisation de petites taches matérielles. Les obligations religieuses de ces fidèles sont normalement peu nombreuses et peu contraignantes. Excepté ce qui peut leur être demandé à l'issue d'une consultation ou d'une séance de divination, la seule chose à laquelle ils semblent véritablement tenus, pour leur propre profit, est la fréquentation assidue des séances publiques du culte.

- ceux qui ne se désignent pas comme umbandistes et qui se reconnaissent comme étant d'une autre appartenance religieuse 170 ou

d'aucune véritablement. Leur participation aux cérémonies publiques, bien souvent occasionnelle ou exceptionnelle, est généralement motivée par un problème très ponctuel, une situation de crise, la simple curiosité ou encore l'envie de se divertir. Certains d'entre eux fréquentent néanmoins avec une relative régularité les séances hebdomadaires du terreiro.

I - 2 - La hiérarchie religieuse ou "spirituelle"

Dans le terreiro, les divers membres de la communauté religieuse occupent des positions bien définies les uns par rapport aux autres. Les rapports qui s'établissent entre eux comme les rôles dévolus à chacun dans l'exercice de ses fonctions religieuses, sont définis et ordonnés par la place qu'ils occupent dans la hiérarchie spirituelle.

169 Parmi lesquels certains se disent umbandistes et catholiques.

170 On rencontre ainsi dans les terreiros umbandistes, des individus qui se désignent comme catholiques,

kardécistes, candomblécistes. Il est remarquable que nous n'ayons jamais rencontré aucun pentecôtiste, comme si l'adhésion au pentecôtisme était inconciliable avec la participation même occasionnelle ou exceptionnelle à l'umbanda.

La progression par étapes à l'intérieur de cette dernière s'accompagne d'une transformation des liens que l'individu entretient avec les autres membres du terreiro et avec le monde spirituel. A mesure qu'il s'élève dans la hiérarchie religieuse, l'umbandiste entretient une relation de plus en plus étroite, intime et contraignante avec les êtres spirituels. Si cette progression se traduit, à chaque degré franchi, par une augmentation du pouvoir qu'il détient et du prestige dont il jouit au sein du groupe religieux, elle s'accompagne également pour lui d'une augmentation des responsabilités à assumer, des devoirs à accomplir et des interdits à respecter. A chaque échelon de la hiérarchie religieuse correspond un rapport de plus grande proximité avec les êtres du monde spirituel et une manipulation de plus en plus dangereuse des forces qu'ils représentent.

I - 2 - 1 - Les ogãs et les cambones

C'est parce qu'ils ne connaissent pas la possession que les ogãs (ou atabaqueiros) et les cambones (ou cambonos) se trouvent tout en bas de la hiérarchie religieuse. La pierre angulaire de l'umbanda - comme des cultes de possession 171 qui ont participé à sa formation à des degrés divers

(candomblé, cabula bantoue, spiritisme) - est la communication entre le monde spirituel et le monde des hommes à travers l'incorporation d'esprits dans le corps d'initiés. La possession constitue le pilier de ce culte où des entités spirituelles descendent des lieux qu'elles habitent pour s'incarner dans le corps d'êtres humains qui sont "préparés" (preparados) à les recevoir.

Les ogãs et les cambones sont, si l'on peut dire, les auxiliaires du culte. Si la position qu'ils occupent est subalterne, leur rôle est loin d'être accessoire. Ce dernier nécessite un apprentissage et implique des responsabilités.

Les ogãs sont les joueurs de tambours ou atabaques. Les instruments qu'ils frappent sont sacrés : chargés d'établir la communication entre le monde des êtres spirituels et celui des êtres humains, ils sont aptes par leur

171 "Les cultes de possession sont des formes de religion caractérisées par un certain type de rapport existant

entre la divinité et certaines catégories de ses zélateurs que nous appellerons adeptes, rapport faisant de l'adepte le possédé de la divinité" (G. Rouget, 1990 : 85).

musique à faire descendre les esprits dans le corps des initiés comme à les en faire partir. Ainsi, dans son langage d'écrivain umbandiste, A. Cavalcanti Bandeira (1973 : 225, 229) nous dit-il de cette musique :

"[Elle] n'est pas un simple accompagnement, dépourvu de significations. C'est plus que cela, car de l'assemblage de la sonorité de chaque instrument et du rythme émerge un champ de vibrations (...) Par l'influence rythmique, l'homme pénètre dans un champ vibratoire particulier grâce aux effets qu'elle produit (...) La musique représente pour l'homme un chemin de liaison surnaturel et pour le surnaturel, par lequel il entre de manière sélective en affinité avec différents champs vibratoires (...) En conjuguant cantique-musique-danse, l'homme prie, se détachant, par moments, des attributions de la vie pour s'approcher des divinités ou servir, par son rôle médiateur, de communication avec les entités spirituelles".

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Aussi les individus qui frappent les atabaques doivent-ils être "préparés". Les devoirs qu'ils ont à remplir comme les interdits qu'ils ont à respecter sont plus ou moins contraignants suivant les lieux de culte. Par exemple, dans le terreiro de Renato, les trois joueurs de tambours devaient se passer de viande et de relations sexuelles pendant les trois jours précédant les rituels et les séances qui exigeaient le recours à ces instruments. De toutes les charges de la hiérarchie religieuse, celle d'atabaqueiro est la seule qui semble exclusivement réservée au sexe masculin.

Les atabaques sont généralement au nombre de trois. Dans le terreiro de Renato, nous avons vu qu'ils jouent ensemble et que chacun d'entre eux est frappé par un ogã différent. Mais dans de nombreux lieux de culte, il n'est bien souvent joué que d'un seul tambour sur les trois car le terreiro ne possède qu'un seul atabaqueiro. C'est le cas d'un grand nombre de petits terreiros dont la communauté religieuse et la clientèle sont réduites.

Il arrive également que l'individu qui joue du tambour n'occupe pas spécifiquement et uniquement la charge d'ogã dans le terreiro. Quand, en raison de contraintes diverses, la communauté religieuse ne dispose pas d'un atabaqueiro attitré ou que celui -ci n'est pas disponible, cette fonction

peut être dévolue à d'autres catégories d'adeptes. On rencontre ainsi divers cas de figure. Chez Dolores, par exemple, c'est son fils Jorge, petit père du terreiro, qui frappe l'un des trois tambours en l'absence, fréquente, de l'atabaqueiro.

Chez Duílio, c'est bien un ogã exclusivement spécialisé dans cette fonction qui joue du tambour, mais il a la particularité d'être "itinérant" : il n'est l'atabaqueiro attitré d'aucun terreiro en propre et joue, suivant les soirs et les jours de la semaine, dans divers lieux de culte. S'il arrive à Duíliode le remplacer de temps à autre au tambour, c'est généralement au début de la cérémonie ou entre deux possessions et jamais très longtemps.

Il est également des terreiros qui ne possèdent ni atabaques ni ogãs.

Comme les atabaqueiros, les cambones ne connaissent pas la possession. Ils sont les auxiliaires des esprits, des consultants et des médiums, assistant ces derniers pendant la possession. Ils font attention à ce que les initiés ne se blessent pas au moment de la descente des esprits et répondent aux demandes des entités incorporées. Ils distribuent aux esprits les cigarettes et les boissons qu'ils réclament, leur donnent les vêtements et les objets qui sont leurs attributs. On les voit également très souvent s'entretenir en aparté avec eux. Au moment des consultations, les cambones traduisent les propos parfois incompréhensibles des esprits aux consultants, notent sur un morceau de papier les recettes qu'ils leur prescrivent, le nom des plantes et des médicaments qu'ils doivent trouver, les ingrédients à réunir pour fabriquer les offrandes, les tisanes, les bains, etc. Ils collaborent aussi à la bonne organisation des cérémonies : ils s'occupent de l'entrée des consultants dans l'espace réservé aux médiums possédés au moment des consultations, les dirigeant vers les esprits, ou leur distribuant - comme c'est le cas dans certains terreiros avant le début des séances - les fiches numérotées qui décident de la place qu'ils occuperont dans la file des consultants. Ils contribuent aussi à l'entretien du lieu de culte et à sa préparation en vue des séances et des fêtes. Les cambones sont un peu des individus à tout-faire.

D'une façon générale, la fonction de cambone est occupée par des individus qui voient en elle l'aboutissement de leur élévation dans la hiérarchie spirituelle. Umbandistes fervents et impliqués, ils ne deviendront

néanmoins jamais médiums car ils ne peuvent recevoir les esprits : là n'est pas leur "mission".

Cette fonction peut néanmoins correspondre, pour certaines personnes et dans certains terreiros, au premier degré de l'initiation médiumnique, quand l'individu s'est engagé dans la voie de l'initiation mais qu'il ne reçoit pas encore les esprits. Le contact que les cambones entretiennent avec les esprits et les médiums sont d'une grande proximité : c'est auprès d'eux et en leur compagnie qu'ils se font à leur futur rôle de médiums, se familiarisant avec les pratiques et les attitudes stéréotypées des différentes catégories d'esprits qui s'expriment pendant les possessions.

Il arrive également que d'anciens médiums, deviennent cambones, mais c'est l'exception. Le fait qu'ils remplissent ce rôle ne signifie nullement qu'ils ont été "rétrogradés". Les quelques cas rencontrés étaient ceux de personnes qui se disaient désormais trop âgées pour se livrer à la possession et aux excès qu'elle entraîne, tant sur le plan physique que sur le plan physiologique. Zulmira, qui est décédée en 1993 à l'âge de 81 ans, était cambone dans le terreiro de Duílio (elle était le cambone attitré de ce père de saint). Elle ne recevait plus les esprits mais avait été médium pendant plus de quarante ans dans divers terreiros d'umbanda. Elle disait être "trop vieille" et ne connaissait plus de possessions depuis une dizaine d'année. La dernière fois qu'elle avait reçu son cabocle rempli d'énergie et de vitalité, elle s'était blessée en sautant. "Aujourd'hui, ils me tueraient", disait-elle de ses esprits. Elle ajoutait également qu'elle ne pourrait plus supporter d'ingérer l'alcool et de fumer les cigarettes qu'ils réclamaient pendant de la possession.

I - 2 - 2 - Les médiums et la possession

Comme leur nom l'indique, les "médiums" (médiuns) de l'umbanda, également appelés "fils et filles de saint" (filhos e filhas de santo) 173, "fils de

foi" (filhos de fé), "chevaux" (cavalos) et plus rarement "appareils"

173 Comme dans le candomblé. Dans ce dernier, les "filles" et "fils de saint" sont les initiés dédiés au culte

d'un orixá, celui dont ils sont précisément la fille ou le fils. Leur rôle primordial est de servir de "cheval" à l'orixá dont ils sont l'enfant. Ce dernier les possède à l'occasion de cérémonies déterminées où chaque initié réalise la danse de son orixá, exécute ses gestes, met en scène son histoire mythique.

(aparelhos), sont les instruments, les véhicules de la communication entre le monde spirituel et le monde des hommes.

L'umbanda se fonde sur la croyance qu'il n'existe pas de frontière imperméable entre le monde matériel et le monde spirituel : non seulement les relations entre ces deux mondes sont constantes, mais elles peuvent être médiatisées par les médiums qui servent de récepteurs-transmetteurs. Leur mission, dite "de charité", est de faire profiter l'ensemble des vivants de cette communication qu'ils réussissent à établir avec le monde spirituel : réceptacles des forces que sont les esprits et du pouvoir qu'elles représentent, ils permettent également à ces entités spirituelles de réaliser leur propre "mission de charité", qui est d'apporter protection, aide et secours aux hommes dans leur existence terrestre.

Les médiums sont en mesure d'assurer la médiation entre ces deux univers grâce à une aptitude qu'ils possèdent et qu'ils doivent nécessairement "développer" (desenvolver) : la "médiumnité" (mediunidade)

174. Le but de l'initiation, qui implique le "développement de la médiumnité" (o

desenvolvimento da mediunidade), consiste à cultiver cette aptitude afin de capter, de contrôler et de diriger les échanges entre les deux mondes, échanges dont les médiums sont le canal grâce à la possession.

Cette forme particulière de contact que le médium entretient avec le monde spirituel mérite que nous lui consacrions le temps d'une définition. Qu'entendons-nous par "possession" et quelles sont les caractéristiques de ce phénomène qui transforme en "possédés" ceux qui l'expérimentent ? G. Rouget dans le souci de mettre un terme à la confusion qu'il a observé dans la littérature ethnologique relativement à l'emploi des mots crise, transe, extase, transe chamanique, transe de possession, s'est efforcé d'attribuer une signification précise à ces mots. Empruntant la définition que cet auteur a donnée de la possession (1990 : 85-86), nous dirons qu'elle est :

174 Certains umbandistes affirment que seuls quelques êtres sont détenteurs de cette aptitude exceptionnelle,

qu'ils considèrent comme un don ; d'autres estiment au contraire que tous les hommes sont détenteurs de médiumnité mais qu'ils ne sont pas tous également appelés à la "travailler" et à s'en servir pour établir un contact direct avec les êtres spirituels.

"Un comportement socialisé de l'individu consistant en ce qu'en certaines circonstances il s'opère en lui un changement ayant pour effet qu'à sa personnalité habituelle, réglant son comportement de tous les jours, se substitue celle de la divinité, qui lui dicte des comportements différents, la substitution s'accompagnant de cette altération du psychisme couramment dénommée transe. (...) L'identification ainsi réalisée constitue une alliance (parfois réduite, pourrait-on dire, à un pacte de coexistence pacifique), qui a pour fonction majeure d'amener la divinité soit à exercer son pouvoir en faveur du possédé et/ou de son groupe (notamment en accroissant leurs forces ou en les mettant à l'abri de l'adversité, ou en les guérissant de la maladie, ou encore en leur révélant l'avenir), soit à renoncer à exercer son pouvoir contre eux".

Dans la possession c'est l'esprit ou la divinité qui, s'incorporant dans le corps du possédé, vient dans le monde des hommes : le médium umbandiste ne se rend jamais, à la différence du chaman, dans le monde invisible habité par les êtres spirituels. Contrairement à la transe chamanique qui provoque un "changement de monde, autrement dit voyage", la transe de possession provoque un "changement d'identité, autrement dit, incarnation" (G. Rouget, 1990 : 74).

Il importe de signaler que le sens que nous donnons, par référence à sa définition ethnologique, au terme de possession, ne recouvre pas celui que lui attribuent les umbandistes. L'utilisation que nous en ferons dans le présent travail n'est donc pas la leur. Ces derniers ne considèrent pas la possession bénéfique et cultivée que recherche et expérimente le médium

175, comme une possession. Pour la désigner, ils utilisent divers termes et

expressions. Ils disent du médium possédé qu'il "est avec le saint" (estar com santo), qu'il "est incorporé" (estar incorporado), qu'il "reçoit" (receber) ou encore qu'il "est atuado" (du verbe atuar). Dans la langue courante, selon les contextes dans lesquels il est employé, le verbe atuar signifie "agir", "exercer une influence", "faire pression", "mettre en action". On dit du médium possédé qu'il est atuado, c'est-à-dire "agi", et de l'esprit qui le