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3.3 Utilisation du récit de vie de Masao Yoshida pour une recherche sur le coping

3.3.3 Etapes suivies pour mener notre étude

Nous utilisons le récit de vie de Yoshida pour accéder au coping de Yoshida et de la représentation qu’il se fait des travailleurs dans une situation extrêmement exigeante. Nous utilisons la version 11 de Nvivo pour le codage de ce récit de vie. Notre méthodologie peut être décrite en quatre étapes successives. Il s’agit d’un séquençage du corpus, du choix des séquences à analyser, du codage de ces séquences puis enfin de leur analyse.

Les questions des enquêteurs évoquent plusieurs sujets, qu’il s’agisse de l’aspect théorique du fonctionnement des réacteurs, des opérations mises en place, des décisions prises, de la communication ou des réflexions au sein de la cellule de crise. Au fur et à mesure des auditions, les enquêteurs peuvent revenir sur certains de ces sujets pour les aborder sous un

95 Par exemple, dans le cadre d’une étude fondée sur plusieurs entretiens, le chercheur peut filtrer les enquêtés dans

son corpus selon leur âge, leur métier, leur genre ou tout autre attribut qu’il a choisi de noter préalablement dans le logiciel.

114 nouvel angle ou pour demander à Yoshida d’expliquer davantage. Notre objectif est donc de séquencer le récit de vie pour nous permettre d’identifier ces sujets et leur redondance.

La première étape consiste en un codage des questions des enquêteurs. A chaque question sont attribuées des étiquettes – des nœuds – selon la séquence de l’accident ou la thématique plus générale sur lequel elle porte. Notons ici que certaines publications encouragent les chercheurs à effectuer un codage pur, c’est-à-dire attribuer une seule étiquette à chaque unité de sens. Mais les questions des enquêteurs sont parfois longues et abordent plusieurs thématiques en même temps. Nous considérons donc que chaque unité de sens peut renvoyer à plusieurs thématiques, ce qui nous conduit à procéder à un codage multithématique (Ayache and Dumez, 2011). Durant cette étape, les premiers nœuds sont définis de manière à être les plus proches des termes des enquêteurs, pour rester le plus fidèle possible aux questions. Nous essayons de regrouper ces nœuds dans des catégories un peu plus larges selon les similarités qu’elles présentent, ou dans une thématique commune en mesure de les englober (Gioia et al., 2013). Ces catégories nous permettent d’identifier la séquence temporelle de l’accident qui est évoquée dans la discussion.

Pour la deuxième étape, nous classons le texte des auditions en fonction de la chronologie de l’accident. Ceci nous permet à la fois de mettre en relation l’évolution des auditions avec l’évolution de l’accident et de faire correspondre les extraits de l’audition avec les séquences vécues. Nous ciblons donc les séquences où le discours de Yoshida est le plus significatif en ce qui concerne les notions de stress et de coping. En effet, Yoshida caractérise dans son récit certaines séquences de la gestion de l’accident comme étant plus exigeantes que d’autres. La connaissance des phénomènes physiques au sein des réacteurs nucléaires peut également aider à comprendre les menaces encourues. Nous choisissons d’analyser deux séquences (l’arrivée du tsunami ; la difficulté de refroidir le réacteur 2) qui nous paraissent les plus pertinentes vis- à-vis de notre recherche.

La troisième étape est un nouveau codage des séquences choisies en fonction des éléments pertinents pour le stress et le coping. Ces éléments caractérisent la situation, les exigences externes, les ressources disponibles et l’adaptation des travailleurs ou de la cellule de crise. Les éléments factuels sur les conditions du terrain et la difficulté d’intervenir sur les réacteurs, le manque de ressources à disposition, la difficulté à mettre en place des solutions sont par exemple identifiés et regroupés dans les catégories correspondantes. Nous procédons de la même manière pour les éléments relevant de la représentation de la situation, de l’émotion ou encore de la relation aux acteurs participant à la gestion de l’accident.

La quatrième étape est l’analyse et l’interprétation des résultats obtenus. Nous comparons les résultats pour chacune des deux séquences afin de comprendre les différences de coping entre elles et d’identifier les facteurs en jeu et leur influence sur les stratégies mobilisées.

L’utilisation des récits de vie dans les sciences de gestion reste relativement rare (Sanséau, 2005). La méthode biographique, en tant que « stratégie d’accès au réel » (Ibid.) offre

115 toutefois des perspectives éclairantes sur le sens créé par les acteurs impliqués dans la gestion de l’accident nucléaire. Le récit de vie a la particularité de revenir explicitement sur des événements que le locuteur a vécus. Celui-ci transforme un ensemble d’épisodes vécus selon une configuration qu’il estime opportune. Cet effort de construction de sens et d’agencement d’expériences vécues est une forme de mise en intrigue. Celle-ci permet à l’auteur de se représenter selon son interprétation de la situation et de lui-même (Ricoeur, 1983, 1992).

Nous considérons les auditions de Masao Yoshida comme un récit de vie de son expérience à Fukushima Dai Ichi. Nous proposons d’analyser au sein de ce matériau le coping face à des conditions d’une violence extrême. Le choix d’effectuer une analyse qualitative provient du besoin d’accéder aux significations que donne le narrateur à son vécu. Dans le but de faciliter notre travail de recherche, nous utilisons Nvivo pour les étapes d’analyse et de catégorisation de ce récit de vie. Le chapitre suivant contient les principaux résultats de notre analyse.

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Résultats et interprétation

Ce chapitre présente les principaux résultats que nous avons obtenus lors de notre recherche. D’abord, nous effectuons un découpage des auditions pour choisir deux séquences à analyser. Ensuite, nous étudions les motivations de Yoshida lors de ses auditions. Enfin, nous confrontons nos résultats à la théorie sur le coping et discutons l’apport de l’analyse des récits de vie aux analyses d’accidents.