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Eléments épistémologiques et théoriques sur les approches qualitatives

3.2 La recherche qualitative

3.2.1 Eléments épistémologiques et théoriques sur les approches qualitatives

qualitatives dans la recherche scientifique

La recherche qualitative a souvent été définie en opposition à la recherche quantitative79.

Néanmoins, cette distinction nette entre l’une et l’autre est discutable dans les faits. Certains chercheurs suggèrent en effet que cette vision duelle de deux approches monolithiques est dépassée et les deux types de démarche peuvent se compléter80 (Dumez, 2013). Les méthodes

mobilisées dans la recherche se situeraient quelque part entre un « qualitatif absolu » et un « quantitatif absolu » (Drapeau, 2004).

D’autres chercheurs pensent que la différence entre les deux n’est pas tant en termes de méthode mais correspond plutôt à une question de paradigme et de conception du monde81.

Ainsi, la recherche qualitative serait-elle étroitement liée au positivisme. La position ontologique du positivisme suppose l’existence d’une seule vérité, objective et indépendante des individus. Selon ce point de vue, un scientifique peut effectuer des études sans influencer son objet de recherche ou le phénomène qu’il étudie ; et ses observations demeurent indépendantes de sa perception. Pour cela, des protocoles sont établis afin d’éviter tout biais liés à la cognition du chercheur et du processus d’enquête. Parmi eux, on trouve l’établissement de questionnaires, avec notamment des choix de réponse simples et peu nombreux (Sale et al., 2002).

A l’inverse, le cadre paradigmatique de la méthode quantitative est l’interprétativisme – qui est parfois présenté comme une variante du constructivisme (Dumez, 2013). Dans les sciences de la nature, le constructivisme scientifique consiste à construire un contexte pertinent où l’explication des phénomènes étudiés est cohérente. Le contexte construit est exprimé à travers des principes, des axiomes et des équations. L’explication scientifique doit dès lors permettre de donner du sens aux phénomènes étudiés, d’une manière rationnelle, compte tenu de ce contexte de départ (Mucchielli, 2005).

En sciences humaines et sociales, cette approche implique que la réalité est une construction sociale qui change à travers le temps et d’une personne à l’autre. Or, contrairement aux sciences sociales, ces contextes doivent être intégralement construits pour permettre une analyse des phénomènes (Ibid.). Par ailleurs, Paillé et Mucchielli voient dans l’analyse

79 La recherche quantitative peut être caractérisée par l’utilisation d’outils et de modèles mathématiques, souvent

issues de la statistique, pour analyser des données collectées en vue de tester les hypothèses formulées par le chercheur. Ces données sont collectées via des expériences ou des questionnaires. Elles se présentent la plupart du temps sous une forme numérique.

80 Des auteurs notent que, dans certains champs de recherche, les méthodes les plus mobilisées sont dites mixtes,

car elles mobilisent les deux approches (Sale et al., 2002).

81 Dans les faits, ces différences dépassent même les débats méthodologiques ou philosophiques puisque chacune

des approches a ses propres revues, soutiens, financements, expertises et même un vocabulaire caractéristique (Ibid.).

100 qualitative une activité humaine tout à fait commune82 (2012). Les individus sont toujours en

train de mettre les choses en contexte afin d’interpréter le sens de ce qui les entoure, dans une construction de la réalité qui a été maintes fois analysée, notamment en psychologie et en sociologie (Ibid.).

Le processus d’analyse trouve ses fondements dans le fonctionnement de l’esprit humain à travers la recherche de la différenciation des « formes », des significations et de la contextualisation. La différenciation est la reconnaissance d’un objet en comparaison à d’autres. Elle est notamment permise grâce à la faculté de nommer les choses et distinguer leurs différences. Rechercher des formes ou des configurations renvoie à l’élaboration de relations entre les divers phénomènes et objets afin d’en saisir des ensembles cohérents et signifiants. Il s’agit d’un réarrangement du monde perçu comme une structure d’éléments interdépendants. Ces deux principes participent à créer une représentation du monde. Celle-ci est comparable à celle qu’élabore un analyste qualitatif, qui effectue ces efforts de manière consciente, délibérée et rigoureuse pour la rendre compréhensible. La langue (littéraire ou scientifique) est le support de cette représentation et permet d’établir « une interface entre des concepts et des entités

empirico-phénoménales » (Paillé and Mucchielli, 2012).

Or, nommer revient à rechercher des significations, ce qui présuppose une contextualisation des phénomènes. Ces deux démarches sont également inhérentes au fonctionnement quotidien de l’esprit. Les choses ne prennent sens qu’au sein de leurs environnements respectifs. Etant donné la différence des trajectoires des individus, les situations ne sont pas signifiantes de la même manière. Ainsi, les éléments sélectionnés pour être mis en relation avec le phénomène en question diffèrent et la contextualisation effectuée peut varier. Le chercheur se trouve dans une situation où plusieurs significations peuvent être attribuées à un phénomène, selon le contexte envisagé. Il s’agit pour lui de reconstituer la situation de référence (Ibid.).

Par ailleurs, le constructivisme scientifique postule que la connaissance est : « construite ;

inachevée ; plausible, convergente et contingente ; orientée par des finalités ; dépendante des actions et des expériences faites par des sujets connaissants ; structurée par le processus de connaissance tout en le structurant aussi ; forgée dans et à travers l’interaction du sujet connaissant avec le monde » (Mucchielli, 2005).

Selon cette approche, il n’existe pas de réalité indépendante de notre esprit, qui puisse donc être saisie ou interprétée telle quelle. Il n’y a pas de référentiel externe pour comparer les différentes versions données par divers individus. L’observation dans ce cadre épistémologique devient alors une activité où l’observateur et l’observé s’influencent mutuellement dans le contexte de l’enquête. C’est cette interaction qui « crée » la réalité et celle-ci cesse d’exister une fois que l’activité d’enquête est terminée (Sale et al., 2002). De plus, en recherche

101 qualitative, l’« objectivité scientifique » n’est pas déterminée par la distance de l’observateur, mais par la prise en compte explicite de la subjectivité du chercheur et des sujets-collaborateurs. En fait, la subjectivité et l’intersubjectivité deviennent primordiales pour générer ce type d’objectivité (Guimond-Plourde, 2008).