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B - Des estimations de la croissance tendancielle des dépenses en France à actualiser et expliciter

1 - Une pratique ancienne mais rarement documentée

Les estimations de la croissance tendancielle des dépenses, et la mesure des économies par rapport à cette tendance, sont anciennes en France.

Une pratique ancienne

Depuis longtemps, les directions du Trésor et du budget établissent des scénarios tendanciels à moyen terme et évaluent les économies ou les hausses de prélèvements nécessaires pour atteindre une cible de déficit. Leurs travaux ne sont pas publiés. Des études académiques et des rapports administratifs présentent aussi des estimations de la croissance tendancielle de certaines dépenses sociales, de retraites et d’assurance maladie en particulier, ainsi que l’éventail des mesures qui permettent de rétablir l’équilibre financier des régimes concernés. Le ministère des affaires sociales estime ainsi une croissance tendancielle des dépenses d’assurance maladie dont il déduit les économies nécessaires pour respecter l’ONDAM75.

Depuis leur origine, les programmes de stabilité comparent la prévision de croissance de la dépense publique et de ses principales composantes (État , administrations sociales, etc.) à l’horizon de la programmation avec leur croissance passée sur une période de référence.

Des informations plus précises sont apparues à la fin des années 2000.

Le rapport annexé à la loi de programmation 2009-2012 fait ainsi apparaître la nécessité d’une économie de 9 Md€ sur les dépenses de l’État pour les années 2009 à 2011 par rapport à leur progression tendancielle. Le plan de redressement de novembre 2011 présente, année par année sur 2012-2016, les économies envisagées par rapport à une croissance tendancielle.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de 2008, la Cour avait noté que l’objectif du Gouvernement d’une croissance des dépenses publiques de 1,1 % en volume sur 2009-2012 correspondait à une économie de 40 Md€ par rapport à une croissance tendancielle qu’elle estimait alors à 2,2 % en retenant une méthode historique (moyenne des années 1997-2007).

75 Cf. en annexe VII les observations de la Cour sur la croissance tendancielle des dépenses d’assurance maladie.

Dans son rapport public annuel de janvier 2012, la Cour avait noté que les économies présentées dans le plan de redressement de novembre 2011 étaient mesurées par rapport à une tendance non explicitée.

En mai 2012, l’inspection générale des finances a remis aux ministres un rapport, non publié, sur les dépenses de l’État où elle estime leur croissance tendancielle (1,3 % en volume) et les économies nécessaires pour respecter les normes budgétaires. Elle a aussi estimé la croissance tendancielle des dépenses publiques totales à 1,5 % en volume en retenant une tendance historique (2007-2010) pour les ODAC (2,3 %) et les APUL (1,0 %) et des estimations tirées de diverses sources, comme la commission des comptes de la sécurité sociale ou les annexes des PLFSS, pour les ASSO (1,75 %).

Dans son rapport sur les finances publiques de juin 2012, la Cour a repris cette estimation de 1,5 % en volume. Le Gouvernement a retenu un taux très proche, de 1,6 % à l’automne 2013, ce qui a conduit à estimer les économies nécessaires à 15 Md€ en 2014 et 50 Md€ sur 2015-2017 pour atteindre les objectifs de croissance des dépenses76.

2 - Une légère révision implicite à la baisse de la croissance tendancielle des dépenses dans le programme de stabilité Le programme de stabilité repose sur une croissance des dépenses publiques de 0,1 % en volume et 1,8 % en valeur en moyenne annuelle sur les années 2015-2017. De 2014 à 2017, l’augmentation prévue des dépenses est ainsi de 62 Md€ alors qu’elle était de 70 Md€ à l’automne dernier. Si la croissance tendancielle des dépenses était identique à celle retenue l’automne dernier, les économies à réaliser devraient être de 58 au lieu de 50 Md€.

En conservant une cible d’économies de 50 Md€ sur 2015-2017 alors qu’il a revu à la baisse son objectif de croissance des dépenses publiques, le ministère des finances a révisé à la baisse son estimation de la croissance tendancielle des dépenses d’environ 0,1 point en volume, la ramenant ainsi à de 1,6 à 1,5 %, et 0,2 point en valeur, la ramenant de 3,3

76 L’écart avec la Cour et l’inspection générale des finances tenait surtout à la méthode retenue pour estimer la progression tendancielle du point de la fonction publique : « historique » pour la Cour et l’inspection ; « normative » pour le Gouvernement (maintien du pouvoir d’achat du point).

à 3,1 %. Cette révision est implicite, la croissance tendancielle des dépenses n’apparaissant pas dans le programme de stabilité, ni a fortiori sa révision par rapport à l’estimation de l’automne dernier.

3 - La nécessité d’une explicitation et d’une actualisation de la croissance tendancielle

La croissance tendancielle des dépenses est estimée en valeur (dépenses de l’État , ONDAM…), sur la base d’une prévision d’inflation pour celles qui sont indexées, puis convertie en volume en retenant l’inflation prévue.

Sur la base d’une prévision d’inflation de 1,7 % par an à moyen terme, dans les derniers programmes de stabilité comme dans les travaux de l’inspection générale des finances, la croissance tendancielle des dépenses était estimée par le Gouvernement à 3,3 % en valeur et 1,6 % en volume par an l’automne dernier.

Ce taux de 3,3 % en valeur correspond à peu près à la moyenne des années 1997 à 2012 mais, comme le montre le graphique suivant, si la croissance des dépenses a été de 3,9 % par an sur les années 1999-2009, elle a nettement ralenti depuis pour se situer entre 2,0 et 3,0 %.

Graphique n° 12

Source : Cour ces comptes d’après données INSEE ; hors relance pour les années 2009 à 2011.

0 1 2 3 4 5 6

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013

Croissance des dépenses publiques (en %)

valeur volume

Ce ralentissement est moins net pour ce qui concerne la croissance des dépenses en volume dont l’évolution est plus heurtée, mais il est significatif. Le taux en volume est passé d’une fourchette de 2,0 à 3,0 % dans les années 200077 à une fourchette de 0,5 à 1,5 % depuis 2010.

Ce ralentissement résulte pour partie des mesures d’économies qui ont été prises à partir de 2010 et ne peut pas être totalement considéré comme spontané. Toutefois, la croissance tendancielle des dépenses pourrait désormais intégrer l’impact de certaines réformes passées, comme celles des retraites de 2010, ou la fin de la montée en charge de dépenses créées au début des années deux mille, comme l’allocation personnalisée d’autonomie. De plus, les déterminants de certaines dépenses sont moins dynamiques que dans le passé (cf. annexe VII pour ce qui concerne la masse salariale).

Enfin, la croissance tendancielle des charges d’intérêt est estimée sur la base d’un scénario d’évolution des taux qui doit être périodiquement réexaminé, ce qui a été implicitement le cas entre septembre 2013 et avril 2014.

L’estimation d’une croissance tendancielle des dépenses publiques, à partir de laquelle les économies sont mesurées, est nécessaire. Elle est réalisée depuis longtemps en France, mais elle est rarement documentée et elle a d’ailleurs été implicitement révisée à la baisse dans le dernier programme de stabilité.

Compte-tenu de l’importance prise dans les débats par le chiffrage des économies et de son caractère conventionnel, il serait souhaitable que le ministère des finances rende publiques, dans le rapport annexé à la prochaine loi de programmation, les hypothèses et méthodes qu’il utilise pour estimer la croissance tendancielle des dépenses publiques ainsi que les modalités de leur actualisation.

77 Sauf en 2008 où une inflation forte et imprévue a ramené cette croissance à 1,0 %.

III - Les risques pesant sur la nouvelle trajectoire

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