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Equilibres séparants et équilibres mélangeants

Chapitre 7 : Asymétrie de l'information et équilibre du marché des assurances

7.3.   Equilibres séparants et équilibres mélangeants

Considérons maintenant que les compagnies d'assurance mettent en place un mécanisme leur permettant de segmenter la population en fonction du niveau de risque de l'individu. Des contrats d'assurance à prix non linéaires peuvent permettre aux compagnies d'assurance d'atteindre cet objectif. Dans ce cas, elles proposent des contrats prix / quantité, c'est-à-dire des contrats où l'individu n'a plus la possibilité de choisir le montant de l'indemnité (la quantité). Ce type de contrat est représenté par un point dans le plan ayant pour axes le revenu dans le cas de l'état de nature 1 et le revenu dans le cas de l'état de la nature 2.

Le point A par exemple dans la figure 7.8 correspond à un contrat d'assurance où l'individu paie la somme α1 et reçoit une indemnité de α2 en cas de sinistre. Les autres points de la droite EA ne sont plus des contrats d'assurance proposés par la compagnie d'assurance.

Deux types de contrats non linéaires sont envisageables :120

− Des contrats mélangeants

(

α12

)

destinés indistinctement à tous les types d'individus, qu'ils soient à bas risque ou à haut risque.

− Des contrats séparants

(

α1H2H

)

et

(

α1L2L

)

, le premier étant destiné aux et choisi par les individus à haut risque et le second étant destiné aux et choisi par les individus à bas risque.

120 Voir aussi J.J. Laffont (1991), page 137.

wα1 w

α2

+

d w

wd

Revenu en l'absence de sinistre. Prob = 1p E

A Revenu en cas

de sinistre.

Prob = p

Figure 7.8

On montre d’abord que les contrats mélangeants ne sont pas robustes à la concurrence entre les compagnies d'assurance. Si λ représente la proportion des hauts risques, alors la probabilité moyenne de sinistre est ppH +

(

1−λ

)

pL. Soit ED la droite correspondant à la pente −

(

1−p

)

/p et soit un contrat d'assurance à prix non linéaire représenté par le point C sur cette droite. Ce contrat procure à la compagnie d'assurance une espérance de profit nulle.

A ce point, les courbes d'indifférence des individus du type H et du type L se croisent comme indiqué dans la figure 7.9.

Cette figure montre que tout contrat d'assurance situé dans la zone hachurée est préféré par les individus à bas risque. Un tel contrat, s'il est de pente inférieure à

(

1− pL

)

/pL et situé dans la zone hachurée, procure à la compagnie d'assurance une espérance de profit strictement positive. En situation de concurrence, un tel contrat sera donc proposé par une autre compagnie d'assurance et sera accepté par les individus à bas risque. En conséquence, la compagnie ayant proposé le contrat représenté par le point C n'attirera plus que les individus à haut risque, ce qui engendrera une espérance de profit strictement négative. Donc, le contrat mélangeant représenté par le point C ne peut être un contrat viable dans un marché d'assurance concurrentiel. En d'autres termes, un tel contrat n'est pas robuste à la concurrence.

Considérons maintenant le cas où la compagnie d'assurance propose aux individus des contrats séparants

(

α1H2H

)

et

(

α1L2L

)

. Ces contrats doivent être tels que chaque type d'individu choisisse de façon optimale le contrat qui lui est destiné. En d'autres termes, l'individu de type H choisit le contrat

(

α1H2H

)

car c'est sa meilleure réponse aux propositions de la compagnie d'assurance. Il en est de même pour l'individu de type L pour qui le contrat

(

α1L2L

)

est le meilleur choix. On dit dans ce cas, que les choix effectués sont le résultat d'un processus d'autosélection.

Le seul couple de contrats séparants possibles où chaque type d'individu choisit par autosélection le contrat qui lui est destiné est représenté par les points B et A tel qu'il ressort dans la figure 7.10.

w w−d

Revenu en cas

de sinistre. (1−pL)/pL

(1pH)/pH

(1p)/p

H L D

C

E

Figure 7.9

Revenu en l'absence de sinistre.

Le meilleur choix de l'individu du type H est le contrat B et le meilleur choix de l'individu du type L est le contrat A. Aucun type d'individu ne sera incité à dévier de ces choix.121

Pour qu'un couple de contrats soit un couple de contrats séparants, il est nécessaire que l'individu du type H ne soit pas incité à dévier. Comme tout contrat situé dans la zone grisée est préféré par l'individu du type H au contrat B, il est nécessaire que d'une part, les deux contrats soient situés tout deux sur la même courbe d'indifférence de l'individu du type H, d'autre part, que cette courbe d'indifférence soit tangente à la droite de pente −

(

1− pH

)

/ pH. Notons que la prime d'assurance par unité d'indemnité α1 αˆ2 est supérieure pour le contrat B.

En d'autres termes, les contrats d'assurance séparants proposés par les compagnies d'assurance sont tels que le prix unitaire de l'assurance pour les individus à haut risque est supérieur au prix unitaire pour les individus à bas risque. De plus, le contrat B implique une couverture du risque plus forte que celle du contrat A.

Pour que le couple de contrats séparants soit robuste à la concurrence, il faut qu'il ne soit pas remis en cause par un contrat mélangeant. Deux cas de figure sont à envisager et cela en fonction de la valeur de λ, la proportion d'individus à haut risque. Le premier cas a trait à la situation où la proportion λ est faible. Ceci implique que la droite ED représentative des contrats mélangeants à espérance de profit nulle coupe la courbe d'indifférence de l'individu à faible risque passant par le point A comme le montre la figure 7.11.

121 Relevons que strictement parlant, l'individu du type pH est indifférent entre les deux contrats B et A car ils sont situés sur la même courbe d'indifférence. Nous avons donc implicitement considéré que l'individu du type pH choisit de façon naturelle le contrat B. Autrement, pour le forcer à faire ce choix, il suffit que le contrat A soit à ε près décalé vers le point E sur la droite EA.

w d

w Revenu en cas

de sinistre

(1−pL)/pL

(1−pH)/pH

B A

E H

L

Figure 7.10

Ligne de certitude

Revenu en l'absence de sinistre.

Dans ce cas, tous les contrats mélangeants situés dans la zone hachurée (figure 7.11) seront préférés par les deux types d'individus et procureront un profit espéré positif. Ce type de contrats mélangeants rend le couple de contrats séparants

(

B,A

)

non viable. Comme ce contrat mélangeant est lui également non robuste à la concurrence, il n'existe donc pas d'équilibre lorsque la proportion d'individus à haut risque λ est faible.

Le deuxième cas concerne la situation où la proportion d'individus à haut risque λ est élevée.

Dans ce cas, la droite ED' représentative des contrats mélangeants à espérance de profit nulle passe au-dessous de la courbe d'indifférence des individus à bas risque passant par le point A.

Dans ce cas, aucun contrat mélangeant ne peut attirer simultanément les individus à haut risque et les individus à bas risque. Le couple de contrats séparants

(

B,A

)

est donc dans ce cas bien un équilibre car il est robuste à la concurrence.

L'équilibre représenté par le couple

(

B,A

)

procure une assurance totale aux individus à haut risque mais une assurance partielle (sous optimale) aux individus à faible risque. C'est une situation de sélection adverse due à l'existence de l'asymétrie de l'information.

En clair, pour pouvoir discriminer entre les deux types de risque, la compagnie d'assurance propose un menu de contrats tel que :

− L'un prévoyant une couverture totale du risque avec une prime d'assurance élevée ;

− L'autre prévoyant une couverture plus faible du risque avec une prime d'assurance plus faible.

Par autosélection, l'individu à haut risque choisit le contrat ayant une couverture totale du risque et l'individu à risque faible choisit le contrat ayant une couverture partielle du risque.

En proposant un tel menu de contrats, la compagnie d'assurance cherche à décourager l'individu à haut risque à choisir le même contrat que l'individu à faible risque, ce qui permet de séparer et d’identifier les deux types d’individus.

w d

w Revenu en cas

de sinistre (1pL)/pL

(1−pH)/pH

Revenu en l'absence de sinistre.

A B

E D

Figure 7.11 D'