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Asymétrie de l’information et phénomène de sélection adverse en assurance

Chapitre 7 : Asymétrie de l'information et équilibre du marché des assurances

7.2.   Asymétrie de l’information et phénomène de sélection adverse en assurance

Jusqu'à présent, nous avons fait l'hypothèse explicite qu'il n'existait qu'un seul type d'individus. En réalité, les individus peuvent avoir des caractéristiques différentes. Une caractéristique pertinente pour la compagnie d'assurance est la probabilité de sinistre de l'individu. Considérons maintenant qu'il existe deux types différents d'individus : 1) des individus ayant une probabilité de sinistre élevée, pH et 2) des individus ayant une probabilité de sinistre faible, pL avec pH > pL.

Cette probabilité de sinistre est une information privée de l'individu. Elle n'est donc pas observable par la compagnie d'assurance qui a tout de même des croyances au regard de cette probabilité. La compagnie d’assurance sait que la proportion d’individus à haut risque est λ. L'individu observe sa probabilité de sinistre et exprime sa demande d'assurance qui va en dépendre. En d'autres termes, la stratégie de l'individu (ici la demande d'assurance) dépend de son type (ici la probabilité de sinistre). Les stratégies des deux types d'individu sont donc

( )

H

H α p

αˆ2 = et

( )

L

L α p

αˆ2 = .117 Réécrivons le programme de l'individu donnant la prime d’assurance optimale αˆ2 selon qu'il soit du type pH ou du type pL. Comme la compagnie d’assurance ne peut faire la distinction entre les deux types, elle fixe une prime d'assurance par unité d’indemnité commune aux deux types. Soit π cette prime d’indemnité. On a donc

2 1

αˆ

π =α , soit α1 =παˆ2.

La demande d'assurance de l'individu de type pH est la solution du programme suivant :

( )

Concernant l'individu de type pL, sa demande d'assurance est la solution du programme suivant :

Les conditions du premier ordre, nécessaires et suffisantes, sont telles que respectivement pour l'individu du type pH et pour l'individu du type pL, on a :

117 Il s’agit donc d’un jeu bayésien tel qu’exposé au chapitre 4.

( )

Cette inégalité implique que αˆ2H >αˆ2L. Pour montrer cela, supposons le contraire, c'est-à-dire que αˆ2H <αˆ2L. (Le cas où αˆ2H =αˆ2L est évidemment à rejeter). Dans ce cas, on aura le

118 Comme un contrat d’assurance actuariellement équitable est tel que ( ) (1 ) 1

p , cette inégalité implique que pour une même prime d’assurance par unité d’indemnitéπ, il n’est pas possible d’avoir simultanément des contrats d’assurance actuariellement équitable pour deux types d’individus pH et pL. Ce point est développé plus loin.

Ceci constitue une contradiction et on a donc bien αˆ2H >αˆ2L. Cette inégalité signifie que pour un prix d’assurance π unique, l'individu à haut risque a une demande d'assurance supérieure à la demande d'assurance de l'individu à bas risque.

Pour la dérivation de cette conclusion, nous avons considéré que le prix unitaire de l'assurance π est identique pour les deux types d'individu. Il s'agit en fait de prix linéaires, c'est-à-dire de prix unitaires indépendants de la quantité. La différence dans la demande d'assurance ressort dans la figure 7.3 où le point A représente le vecteur de consommations de l'individu du type

L et le point A′ le vecteur de consommations de l'individu du type H.119

Si le contrat A choisi par l'individu de type L procure à la compagnie d'assurance une espérance de profit égale à 0, alors le contrat A′ choisi par l'individu de type H lui procure une espérance de profit négative. En effet, en situation de prix linéaires, le même prix unitaire d’assurance s’applique aux deux types d’individus, ce qui donne π

α

α . Donc, globalement sur les deux types

d'individus réunis, la compagnie d'assurance subit des pertes.

On peut également faire ressortir la différence de la demande d'assurance des deux types d'individu et donc la dépendance de la demande d'assurance par rapport au type, en analysant leur comportement au moyen des courbes d'indifférence. Une caractéristique fondamentale

119 Cette figure représente le cas général où le contrat d’assurance n’est actuariellement équitable pour aucun type d’individu. On peut vérifier que le résultat ne change pas si le contrat d’assurance est actuariellement équitable pour l’un des types, par exemple le type pH.

Revenu en l'absence de sinistre

des courbes d'indifférence de deux types différents d'individu est connue sous l'expression de la propriété de l’unicité de l’intersection (single crossing property).

Cette propriété ressort dans la figure 7.4 qui montre qu'au point d'intersection E, la pente de la courbe d'indifférence de l'individu du type L est supérieure à la pente de la courbe d'indifférence de l'individu du type H. Au point E, le taux marginal de substitution (en valeur absolue) de l’individu L est supérieur à celui de l’individu H.

Pour expliquer cette différence de pente des courbes d'indifférence, considérons que le point E représente la situation où aucun des deux types n'est assuré. Leurs revenus contingents sont donc

(

w1,w2

) (

= w,wd

)

. Pour chacun des deux types d'individu, la compagnie d'assurance propose un contrat d'assurance qui laisse inchangé le niveau de leur utilité avec une prime d'assurance égale à α1. En contrepartie, en cas de sinistre, l'individu du type H reçoit une indemnité de αˆ2H et l'individu du type L reçoit une indemnité de αˆ2L. Si le montant αˆ2L permet à l'individu du type L de maintenir constant son niveau d'utilité, alors le niveau d'utilité du type H est maintenu contant avec une indemnité αˆ2H telle que αˆ2H <αˆ2L car la probabilité d'encaisser la somme αˆ2H est plus élevée que la probabilité d'encaisser αˆ2L.

La figure 7.5 fait ressortir trois contrats actuariellement équitables, mais avec des prix (prime unitaire d’assurance) différents. Le premier contrat de pente est un contrat actuariellement équitable pour les individus à bas risque. Le second contrat de pente est un contrat actuariellement équitable pour les individus à haut risque. Enfin, le troisième contrat de pente est un contrat actuariellement équitable pour un risque moyen où avec représentant la proportion d'individus à haut risque. Comme est une probabilité moyenne de sinistre, on a et les pentes (négatives) des trois types de contrats sont donc telles que .

(

1−pL

)

/pL

(

1− pH

)

/pH

− −

(

1− p

)

/p

p ppH +

(

1−λ

)

pL λ

p pH > p > pL

L L H

H

p p p

p p

p

− <

− <1 1

1 wα1 w

wdα1+αˆ2L

wdα1+αˆ2H

w−d

Revenu en l'absence de sinistre. Prob = 1p Revenu en cas

de sinistre.

Prob = p

E

H L

Figure 7.4

La figure 7.6 représente le cas où le prix de l'assurance est déterminé de telle façon à être actuariellement équitable pour les hauts risques. Comme le montre cette figure, à ce prix, les bas risques peuvent préférer ne pas s'assurer du tout.

La figure 7.7 est un autre cas illustrant le fait que pour un prix d'assurance unique π, les hauts risques s'assurent plus et les bas risques s'assurent moins. Ici, la compagnie d'assurance propose un contrat d'assurance actuariellement équitable pour un risque moyen.

w d

w

E

(1p)/p

Revenu en l'absence de sinistre. Prob = 1p Revenu en cas

de sinistre.

Prob = p

H L

Figure 7.7 w

w−d E

(1−pH)/pH

Revenu en l'absence de sinistre. Prob = 1p Revenu en cas

de sinistre.

Prob = p

L H

Figure 7.6 w

w−d Revenu en cas de sinistre.

Prob = p

E

(1pL)/pL

(1p)/p

(1pH)/pH

Revenu en l'absence de sinistre. Prob = 1p Figure 7.5

En résumé, pour un prix d'assurance unique π, les hauts risques s'assurent plus que les bas risques. Cette situation entraîne des pertes pour la compagnie d'assurance. Pour rétablir son équilibre, la compagnie d'assurance augmente son prix, ce qui incite encore plus les bas risques à réduire leur demande d'assurance. Il s'agit donc d'une situation de sélection adverse où les hauts risques chassent les bas risques. Cette situation est essentiellement une conséquence de l'asymétrie de l'information existant entre les compagnies d'assurance et les individus. Elle est également la conséquence de l’existence de prix linéaires, c’est-à-dire de prix indépendants de la quantité.