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Chapitre 12. Discussion

12.1. Environnement familial en période de transition

Se définir comme étant adulte est davantage lié à des changements opérant au sein de l’environnement familial qu’à des critères individuels (Galland, 2013). En entrant à l’université, la relation parents-enfant comme les relations familiales vont se redéfinir

progressivement (e.g., Aquilino, 2006). Cette redéfinition va entraîner des changements dans les représentations qu’ont les adultes en émergence de leur environnement familial (Scabini &

Cigoli, 1997). En considérant les dimensions de la relation parents-enfant (i.e., responsivité, soutien à l’autonomie et contrôle psychologique) et celles des relations familiales (i.e., adaptabilité, cohésion, verbalisation des sentiments et conflit), nous avons pu mettre au jour quatre profils distincts d’environnement familial lors de la rentrée à l’université : relations

parentales et familiales soutenantes et positives ; relations parentales plutôt soutenantes et sentiment de cohésion familiale ; relations parentales et familiales non-soutenantes ; et relations parentales et familiales non-soutenantes, contrôlantes et conflictuelles. Ces profils sont caractérisés par des scores élevés dans les dimensions positives des relations parentales et familiales (i.e., responsivité, soutien à l’autonomie, adaptabilité, cohésion, verbalisation des sentiments) ou dans les dimensions négatives (i.e., contrôle psychologique et conflit) ; aucun profil contrasté n’est mis en évidence. Autrement dit, les deux composantes de l’environnement familial, relation parents-enfant et relations familiales, semblent fonctionner

en parallèle lors de l’entrée à l’université : lorsque l’une des deux est vécue comme positive et soutenante, il en est de même pour l’autre et inversement. Nos résultats soulignent donc que,

comme le suggérait Minuchin (1974) dans la théorie générale des systèmes, relation parents- enfant et relations familiales sont deux sous-systèmes interdépendants qui s’influencent réciproquement (Bavelas & Segal, 1982). De plus, l’environnement familial étant un des meilleurs prédicteurs de l’adaptation au contexte universitaire (Holmbeck & Wandrei, 1993), ce constat replace l’utilité de considérer la relation parents-enfant et les relations familiales

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comme ressources conjointes permettant un développement positif des individus (Cook, Dezangré, & De Mol, 2018 ; Johnson et al., 1999).

Concernant l’évolution des dimensions d’environnement familial au cours de la

première année universitaire, les résultats révèlent que les dimensions de la relation parents- enfant et les dimensions des relations familiales évoluent en moyenne. Seule la dimension contrôle psychologique de la relation parents-enfant ne présente pas d’évolution en moyenne. Desjardins et Leadbeater (2017) mettent en avant que plus les adultes en émergence deviennent adultes, moins ils perçoivent de contrôle psychologique de la part de leurs parents. Comme nos résultats portent sur le début de la période d’émergence de l’âge adulte, il est

probable que le niveau de contrôle psychologique perçu soit sensiblement identique à celui perçu en fin d’adolescence. En effet, lors de l’entrée à l’université, les parents peuvent continuer à considérer leurs enfants comme des adolescents et non comme des adultes (Nelson, Padilla-Walker, Carroll, Madsen, Barry, & Badger, 2007), ce qui va les conduire à continuer à adopter des comportements similaires à ceux qu’ils avaient vis-à-vis d’eux lorsqu’ils étaient adolescents. La présence de ces comportements devrait diminuer avec l’avancée en âge des adultes en émergence. Nos résultats mettent donc en avant que les relations propres à l’environnement familial se redéfinissent avec l’entrée à l’université bien

que certains comportements semblent persister notamment au sein de la relation parents- enfant. En d’autres termes, l’enfant pourrait ne pas être considéré encore comme adulte par sa famille dès qu’il entre à l’université et la question du devenir adulte reflète ainsi un processus

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En complément, les analyses intraprofils nous permettent de constater que les profils d’environnement familial sont instables au cours de la première année à l’exception du profil

relations parentales plutôt soutenantes et sentiment de cohésion familiale. Le profil relations parentales et familiales soutenantes et positives, qui est le profil le plus positif dans notre échantillon, conserve le même pattern tout au long de l’année mais, présente en fin d’année

universitaire des scores plus faibles pour les dimensions positives et des scores plus élevés pour les dimensions négatives. En d’autres termes, la qualité de l’environnement familial

perçue par les adultes en émergence appartenant à ce profil décroît au cours du temps. Ce résultat bien que surprenant fait écho aux observations de Lavee, McCubbin et Olson (1987) : lorsqu’un événement de vie stressant survient dans une famille au fonctionnement positif (i.e.,

famille avec peu de tensions familiales), il est évalué comme plus négatif que pour les familles présentant un fonctionnement moins positif et induit un sentiment de bien-être familial plus faible. Sachant que la période d’entrée à l’université représente un événement de vie stressant (Boujut & Bruchon-Schweitzer, 2009 ; Scharfe et al., 2017) au cours duquel une prise de distance s’opère entre les adultes en émergence et leur famille (Danic & Valdes,

2016), nous supposons que percevoir sa famille de façon « trop » positive rendrait la survenue de cet événement plus compliquée à intégrer. Ainsi, la prise de distance nécessaire pour devenir autonome et indépendant (e.g., Aquilino, 2006 ; Danic & Valdes, 2016) induirait une perception plus négative d’un environnement familial jusqu’alors vécu comme « très » positif. Par ailleurs, nous observons que la qualité perçue de l’environnement familial semble croître

pour le profil négatif relations parentales et familiales non-soutenantes qui en fin d’année universitaire présente le même pattern que le profil relations parentales plutôt soutenantes et sentiment de cohésion familiale. Nos résultats laissent donc penser que les adultes en émergence du profil relations parentales et familiales non-soutenantes ont une vision moins négative de leur environnement familial au cours de la première année universitaire. Nous

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supposons que la prise de distance qui apparaît entre les adultes en émergence et leur famille (Dannic & Valdes, 2016) conduit les individus de ce profil à percevoir leur environnement familial comme plus soutenant qu’ils ne le percevaient auparavant. Enfin, le profil relations

parentales et familiales non-soutenantes, contrôlantes et conflictuelles, profil le plus négatif, fluctue au cours du temps mais, présente le même pattern en début (T1) et en fin d’année (T3). Nous faisons l’hypothèse que l’environnement familial y est perçu comme un

environnement trop déséquilibré (Olson, 2011) pour permettre une prise d’autonomie et d’indépendance. C’est pourquoi il présente toujours le même pattern, bien que des

fluctuations soient observées au cours du temps. Notons que parmi les profils que nous avons mis en évidence, le profil relations parentales plutôt soutenantes et sentiment de cohésion familiale semble faciliter la prise de distance entre les adultes en émergence et leur famille. La littérature indique que lors d’événements de vie stressants, comme la période d’entrée à l’université, la cohésion familiale est une ressource essentielle au développement des individus (e.g., Boyraz & Sayger, 2011). Nos résultats renforcent donc l’idée que la manière

dont les adultes en émergence perçoivent leur environnement familial contribue à leur devenir adulte et que cette représentation peut être amenée à évoluer au cours du temps reflétant ainsi une distanciation progressive.