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Chapitre 3. Rôle de l’autodétermination lors de l’entrée à l’université

3.1. Autodétermination et motivation

3.1.1. Définition et caractéristiques de la motivation

Dans la TAD, l’individu est pensé comme naturellement actif, motivé, curieux et désireux de réussir dans les activités qu’il entreprend (Deci & Ryan, 2008a). De cette façon,

la motivation est un des éléments centraux de cette théorie. Elle est pensée par Ryan et Deci (2000) comme un continuum au sein duquel la motivation autonome/autodéterminée se distingue de la motivation contrôlée/non-autodéterminée. La motivation autonome/autodéterminée renvoie au fait d’endosser une action à son plus haut niveau de réflexion alors que la motivation contrôlée/non-autodéterminée correspond au fait d’agir sous la pression, de s’engager par contrainte (Gagné & Deci, 2005). Sur ce continuum, la

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motivation intrinsèque est une inclinaison spontanée pour l’assimilation et la maitrise d’une activité d’intérêt. Elle se développe plus facilement dans un contexte caractérisé par un

sentiment de sécurité et de soutien (Ryan & Deci, 2000). La motivation extrinsèque renvoie au fait de réussir dans une activité afin d’en obtenir la satisfaction inhérente, c’est-à-dire que l’activité est instrumentalisée. Par exemple, chez l’étudiant, faire ses devoirs pour répondre à une exigence parentale ou dans l’objectif de réussir ses études. Et enfin, l’amotivation correspond à une absence de motivation, autrement dit à une absence d’intérêt pour l’activité, un sentiment d’incompétence dans cette activité ou le sentiment que l’activité n’aura pas d’intérêt pour la suite.

Ces trois différentes expressions de la motivation se déclinent en cinq styles de régulation, c’est-à-dire en comportements mis en place par l’individu pour une forme de motivation donnée (Gagné & Deci, 2005 ; Ryan & Deci, 2000 ; Vallerand & Bissonnette, 1992). La motivation intrinsèque présente un seul style de régulation : la régulation intrinsèque qui correspond à des comportements directement liés à l’activité, à l’intérêt et au plaisir de réaliser cette activité. La motivation extrinsèque réunit, quant à elle, quatre styles de régulation : intégré, identifié, introjecté et externe. La régulation intégrée correspond à des comportements en lien avec l’image que l’on a de soi, nos valeurs et objectifs ; par exemple,

réviser pour les examens car, la réussite universitaire est importante pour soi. La régulation identifiée est liée à une valorisation personnelle ou une mise en avant de soi, telle que suivre des cours particuliers afin de se perfectionner. La régulation introjectée correspond à des comportements réalisés pour pallier une anxiété, une culpabilité ou une atteinte de l’égo ; par exemple, étudier jusqu’à la veille de l’examen pour ne pas se sentir coupable d’avoir peu

travaillé. Et la régulation externe renvoie à des comportements réalisés dans l’objectif de satisfaire une demande extérieure ou d’obtenir une récompense ; comme poursuivre des

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puisque, par définition, le comportement est de ne « rien faire ». La Figure 1 reprend le continuum de l’autodétermination comme proposé par Ryan et Deci (2000).

Figure 1. Continuum de la motivation comme proposé par Ryan et Deci (2000).

3.1.2. Motivation à la poursuite d’études et milieu académique

La motivation est liée à la curiosité, la persévérance, l’apprentissage et la performance scolaire (e.g., Vallerand, Blais, Brière, & Pelletier, 1989). En milieu académique, la motivation va prendre différentes formes. Afin d’en rendre compte, Vallerand et al. (1989) développent un modèle comprenant sept formes différentes de motivation à la poursuite d’études : trois formes de motivation intrinsèque, trois formes de motivation extrinsèque et une forme d’amotivation. La motivation intrinsèque se décompose en motivation intrinsèque à la connaissance, à l’accomplissement et aux sensations. La motivation intrinsèque à la

connaissance fait référence au plaisir ressenti lorsqu’on apprend des choses nouvelles. La motivation intrinsèque à l’accomplissement correspond au plaisir ressenti lors de la création ou de la réussite d’une tâche. Enfin, la motivation intrinsèque aux sensations renvoie au plaisir ressenti à l’idée de réaliser une tâche (e.g., amusement, excitation). La motivation

extrinsèque regroupe, quant à elle, la régulation identifiée, la régulation introjectée et la régulation externe.

Comportements

Non-autodéterminé

Motivations Intrinsèque Extrinsèque Amotivation

Styles de régulations Intrinsèque Externe Introjectée Identifiée Intégrée Autodéterminé

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Partant de cette conception, la question de la motivation en milieu académique peut être traitée selon deux approches : une approche basée sur la distinction entre motivation intrinsèque, extrinsèque et amotivation (e.g., Cannard, Lannegrand-Willems, Safont-Mottay, & Zimmermann, 2016 ; Vallerand & Bissonnette, 1992) et une approche distinguant la motivation autonome/autodéterminée de la motivation contrôlée/non-autodéterminée et de l’amotivation (e.g., Ratelle, Guay, Vallerand, Larose, & Senécal, 2007 ; Shahar, Henrich,

Blatt, Ryan, & Little, 2003 ; Vansteenkiste, Sierens, Soenens, Luyckx, & Lens, 2009). En effet, en se basant sur le continuum de la motivation, Shahar et al. (2003) mettent en avant que la motivation extrinsèque possède des formes internalisées et donc autonomes de motivation. De cette manière, la motivation autonome/autodéterminée comprend la motivation intrinsèque sous ses trois formes (i.e., à la connaissance, à l’accomplissement et aux sensations) ainsi que la régulation identifiée de la motivation extrinsèque. La motivation contrôlée/non-autodéterminée, quant à elle, correspond aux régulations introjectée et externe de la motivation extrinsèque. McCrae et Costa (2008) montrent qu’il est plus adaptatif pour un individu d’avoir une motivation à la fois intrinsèque et extrinsèque. Effectivement, Ryan et

Deci (2000a) postulent que les formes autonomes de motivation extrinsèque sont aussi adaptatives que la motivation intrinsèque. La motivation autonome/autodéterminée qui comprend des formes de motivation intrinsèque et extrinsèque peut alors être considérée comme plus adaptative pour l’individu, notamment dans le milieu académique.

Fort de cette distinction, la question de la motivation à la poursuite d’études a été

abordée par le biais d’une approche centrée sur les personnes. Dans le contexte culturel canadien, Ratelle et al. (2007) mettent en évidence trois profils distincts de motivation à la poursuite d’études en première année universitaire en considérant la motivation

autonome/autodéterminée, la motivation contrôlée/non-autodéterminée et l’amotivation. Les profils obtenus sont : motivation autonome (i.e., niveau élevé de motivation autonome ; faible

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niveau de motivation contrôlée et d’amotivation) ; motivation combinée (i.e., niveau élevé de

motivation autonome et contrôlée ; faible niveau d’amotivation) ; et motivation faible (i.e., niveau faible ou modéré pour les trois catégories). Le milieu académique semble jouer un rôle dans la définition de ces profils. En effet chez les adolescents-lycéens, le profil motivation autonome n’apparaît pas ; la sélection à l’entrée à l’université étant un facteur d’autonomisation de la motivation (Ratelle et al., 2007).

Si au Canada l’entrée à l’université est sélective, en France elle était non-sélective jusqu’en septembre 2018. En 2016, chez des adultes en émergence français de première

année, Cannard et al. ont mis en évidence cinq profils distincts de motivation à la poursuite d’études en tenant compte de la motivation intrinsèque, extrinsèque et de l’amotivation : un

profil combiné (i.e., niveau élevé de motivation intrinsèque et extrinsèque ; faible niveau d’amotivation) ; un profil intrinsèque (i.e., niveau élevé de motivation intrinsèque ; faible

niveau de régulation introjectée, de régulation externe et d’amotivation) ; un profil démotivé (i.e., faible niveau de motivation et d’amotivation) ; un profil extrinsèque (i.e., niveau élevé de régulation extrinsèque, de régulation identifiée et d’amotivation) ; et un profil amotivé (i.e., faible niveau de régulation intrinsèque et de régulation identifiée ; niveau élevé d’amotivation). Comparé aux résultats obtenus par Ratelle et al. (2007), le profil combiné

renvoie au profil du même nom, le profil démotivé au profil motivation faible et le profil intrinsèque au profil autonome. Cannard et al. (2016) proposent donc deux profils additionnels : extrinsèque et amotivé. La présence de ces deux profils serait liée au contexte culturel français, c’est-à-dire à la non-sélection à l’entrée à l’université. Le contexte culturel dans lequel l’individu évolue, ici les spécificités du milieu académique, semble avoir une influence sur la forme que peut prendre la motivation.

Rôle de l’autodétermination

En résumé, dans la TAD, la motivation est pensée comme un continuum selon lequel les comportements sont plus ou moins autodéterminés. Dans le contexte académique, la motivation à la poursuite d’études peut être abordée en considérant les trois formes distinctes

de motivation (i.e., motivation intrinsèque, motivation extrinsèque et amotivation) ou en considérant les formes autonomes/non-autonomes de la motivation (i.e., motivation autonome, motivation contrôlée et amotivée). Dans le cadre de l’étude de la période de transition que représente l’entrée à l’université et en s’interrogeant sur les problématiques du devenir adulte durant cette période, l’analyse des formes autonomes de la motivation semble

la plus pertinente. En effet, l’autonomie des adultes en émergence vis-à-vis de leurs parents, notamment, est une thématique centrale durant cette période. Par ailleurs, l’autonomie représente un des trois besoins psychologiques de base nécessaires au développement positif de l’individu.