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Certains entretiens ont carrément été abandonnés en cours de route. Parfois, manque de chance, la personne doit s’en aller après quelques minutes seulement de conversation. Quelques extraits d’un entretien avec un chauffeur de taxi, avorté après seulement 2 minutes 30 de conversation, sont rapportés dans le tableau ci-après.

Un autre cas de ce genre s’est produit : un entretien commence avec une personne assise sur un banc en bas des Champs-Élysées (après le taxi d’ailleurs), une minute après, un homme arrive et nous interromps : c’est le frère de notre informateur et ils avaient rendez-vous, l’entretien se termine.

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Extraits d’un entretien avorté

− Enquêteur : excusez-moi monsieur. Je suis étudiant, je mène une enquête, est-ce que vous accepteriez de répondre à quelques questions ? en attendant ? − Chauffeur : j’ai pas le temps, je

travaille : qu’est-ce que vous voulez poser comme questions ?

− j’aimerai bien savoir… je m’intéresse aux risques qui menacent la santé des franciliens.

− oui

− et j’aimerai savoir quels sont les risques, quelles sont vos craintes pour la santé.. les franciliens en général.

− les franciliens on a trop de pollution ,

c’est tout. C’est la pollution, il y a trop… trop de voitures

− alors ça tombe bien, c’est ce problème là qui m’intéresse. Quand je vous dis pollution de l’air, vous pensez à quoi ? quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit ?

− les voitures, les voitures qui sont mal

réglées,

− ouais, les voitures sont mal réglées, − les voitures mal réglées, il y a trop

d’ozone

− ouais … donc vous pensez que le problème s’aggrave ou euh s’améliore ? − oh oui, dans le temps, moi j’ai arrêté de

fume r. J’ai re pris de fume r parce que j’espère que je respire mieux avec ma cigarette qu’avec

− qu’avec l’air

− c’est vrai hein !?

− c’est sûr et euh.. qu’est-ce qu’on pourrait faire pour arranger les choses [le taxi juste devant lui s’en va, mon informateur devient le premier de la file] vous voulez peut-être qu’on s’avance ?

− non, non : je m’en vais, demandez à

mon collègue [effectivement, des clients s’approchent… il s’en va]

bon, merci, au revoir !

Tableau 11 – Extrait d’un entretien interrompu pour cause de départ forcé de l’informateur

Ce sont parfois des problèmes techniques qui empêchent la poursuite d’un entretien ou son exploitation. Par exemple, nous avons retenté notre chance avec un chauffeur de taxi près des Invalides : celui-ci était assis dans son véhicule alors que nous étions à l’extérieur, près de la circulation. Le chauffeur parlait si doucement qu’il était impossible de l’entendre !

Autre exemple, qui s’apparente plus à une faute « professionnelle » cette fois, un entretien d’une dizaine de minutes a été mené avec une dame boulevard Saint Germain, mais, malheureusement, le micro ne fonctionnait pas…222

3.3.3- Incompréhensions

Au fil des entretiens, plusieurs surprises ont surgi concernant l’incompréhension de certaines personnes à des questions ou formulations. Par exemple, au tout début de l’entretien, lorsque l’on demande à la personne quels sont les mots qui lui viennent à l’esprit quand on parle de pollution de l’air, quelques personnes ont compris « quels sont les maux qui vous viennent à l’esprit… ».

C’était le cas de Claude L.M. (E7) : « les maux des personnes ? euh ouais, si vous voul… là je pensais à .. c'est-à-dire que il y en a que quand ils pensent « pollution de l’air », tout de suite ils pensent à voiture…, ils pensent à bus… ouais ben évidemment, y a la voiture

222 Tous les entretiens cités dans ce paragraphe ont été écartés du corpus puisqu’ils n’avaient pas été menés

jusqu’au bout ou n’étaient pas exploitables. En revanche, aucun autre entretien n’a été écarté même parmi ceux qui ont été plus délicats à mener comme l’entretien n°9 dont nous avons parlé précédemment.

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qui pollue l’air. Bon ben les maux qu’on peut avoir ben c’est.. ça tombe sur les allergies, sur les poumons [...] ».

Ensuite, dans la fiche de renseignements, les informateurs devaient indiquer si, selon eux, la pollution a plutôt des effets positifs sur la santé de la population ou plutôt négatifs. Certaines personnes, en ne lisant pas la question jusqu’au bout et ont répondu immédiatement : « ah ouais là je crois, ouais, la pollution a des effets positifs sur la santé » (E4).

Dans ce cas, comprenant la méprise de la personne, il faut éclaircir le malentendu : - « [elle lit la question] "la pollution a des effets positifs sur la santé" : ben oui

- alors là attention, je l’ai mal exprimé, là en fait c’est les gens qui pense que ça fait du

bien à la santé ah non non non et là plus bas c’est les gens qui pensent que ça fait du mal… ou que ça a pas d’effet du tout

- [...] bon ben c’est le dernier ["effets négatifs"] » (E5)

Même quiproquo à propos des places de stationnement qu’il faut réduire ou augmenter pour lutter contre la pollution. S’il s’agissait de leur nombre dans notre tête, une personne a compris qu’il s’agissait du tarif de stationnement : « non il faut diminuer parce que vous

trouvez qu’il y en a trop… on paye trop. Parce que moi, par exemple je paye, je paye le

stationnement, et je paye, entre 5.000 et 10.000 d’amendes par an et la faute parce que j’arrive pas de sortir de chantier à y aller par exemple à trouver une place non, à payer, à rejeter encore des pièces. Parce que vous payez les deux heures au maximum mais après » (E28).

Le problème engendré pas ces incompréhensions est le suivant : si certaines personnes ne nous ont pas suivi dans notre raisonnement et n’ont pas compris le sens de nos questions (écrites ou orales), que peut-on dire des autres ? Par conséquent, nous avons apporté quelques modifications à notre guide d’entretiens et à la fiche de renseignements223.

223 Nous avons également raccourci le texte des questions : voir paragraphe 4.3.4-Enquêteur et enquêté. Les

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Une autre difficulté, liée à la fiche de renseignements, fut l’échelle des risques où les personnes devaient placer le nombre de décès annuels causés par la pollution de l’air par rapport à d’autres risques. Les réactions furent diverses, en voici quelques unes :

- « la drogue c’est de la pollution de l’air aussi ? [...] le tabac oui c’est de la pollution de l’air » (E10).

- « est-ce que vous avez une idée du chiffre sinon on peut faire par comparaison par

rapport à d’autres problèmes comme les drogues, les accidents de la route et le tabac. ben

tout mélangé ça fait beaucoup quand-même hein ! » (E16).

Nous sommes conscient du fait que la hiérarchisation des risques est délicate, mais cette question avait avant tout pour objectif de faire parler (encore un peu plus) nos informateurs. Voici des exemples des thèmes abordés à cette occasion :

- « le tabac, vous savez euh moi je ne sais pas j’ai pas connu mais dans le temps les gens fumaient énormément et ils ne mourraient pas de ça ! euh aujourd’hui le tabac est très pollué parce qu’il y a des cochonneries » (E6) ;

- « ben le problème c’est que quand on est mort on est mort, quelle que soit la façon dont on meurt on est mort quoi » (E12) ;

- « oui mais non, ça fait pas 200 personnes par an ou alors il faudrait s’en inquiéter : si on vit et que c’est l’air qui nous tue oh la la ! » (E22) ;

- « ça dépend est-ce que ça influe aussi le tabagisme passif et les trucs comme ça ? » (E3). Bref, cette question fut riche en enseignements…