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Enfin, dernier point de discussion autour de la méthodologie d’enquête : la relation enquêteur-enquêté qui n’est pas forcément évidente à respecter. Soulignons tout d’abord que la méthode d’entretien « micro-trottoir » est délicate : les gens sont pressés, il faut les arrêter alors qu’ils vont au boulot ou sont en pause déjeuner, etc. C’est plus facile avec certaines personnes que d’autres : un planton (E47), un chauffeur de bus en pause (E42), une retraité qui promène son chien (E5) ou une étudiante qui fait du shopping (E8)…

C’est pour cette raison que certains lieux stratégiques (centres commerciaux, préfectures…) ont été privilégiés. Mais cela n’a pas toujours été facile : Armelle B. (E20) par exemple est pressée, très pressée et elle le fait savoir ; même chose avec Pierre V. (E34). Quelques extraits sont présentés dans le tableau ci-après.

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Entretien n°20 Entretien n°34

− d’accord. Est-ce que vous trouvez que.. − ah bon ! euh… ça va durer longtemps

[elle croyait que c’était fini !!]

− 5-10 minutes

− oui, enfin dépêchez-vous !

− oui, oui, oui [il fait mine de partir] − et vous trouvez qu’on en parle trop

alors ?

− je dis pas qu’on en parle trop, je dis

que je peux pas supporte r le discours des écologistes. Voilà, je suis anti-écolo dès que j’en vois un je… j’ai envie de… [...] oui alors… faut pas exagérer les choses. Après tout, nous vivons dans un monde dangereux, et… il est beaucoup plus risqué, on a beaucoup plus de chances de mourir d’accident automobile que de pollution. Voilà.

− j’ai répondu à vos questions ? − oui, mais juste… vous allez répondre très

vite puisque vous avez un avis… vous voulez que je réponde à votre place ? − oui, allez-y

− [...]

− bon. C’est tout ?

− c’est tout, bonne journée, merci

Tableau 12 – Extraits illustrant l’urgence dans laquelle se sont déroulés certains entretiens.

Dans de tels cas, la fonction d’enquêteur est assez stressante : il faut absolument que la personne réponde à toutes les questions pour que l’entretien soit conservé, sans toutefois que les réponses soient bâclées… Ce stress est également apparu dans les conditions de temps limité de l’informateur : chauffeur de bus qui doit reprendre son service (E42), personne qui doit prendre le prochain train (E4) ou descendre à la prochaine station (E2)…

Si le rythme de l’entretien est parfois difficile à gérer, les positions respectives de la personne qui pose les questions et de celle qui y répond sont parfois inversées. Voici quelques exemples :

- Adrien A. (E3) qui demande « et c’est pour le compte de quoi ? [...] vous êtes en thèse de quoi ? [...] pour être franc, c’est pas le thème le plus médiatisé, y a pire encore » ;

- Yolaine R. (E10) qui s’inquiète : « je ne vais pas avoir de problèmes avec la municipalité quoi ? mais comme ça se fait que vous êtes venus sur Chaville ? [...]et vous faites ça où, sur Paris ? » ;

- Marie-Claude M. (E17) qui s’interroge : « et vous faites ça pendant toutes les vacances ? » ;

- Ou encore Hervé L. (E36) qui se renseigne : « c’est, c’est quelle école ça ? [...]c’est une thèse de ? sur la pollution de l’air ? [...]vous êtes à quelle école alors ? [...] Cachan c’est où ça ? [...]c’est pour préparer quoi ça ? [...]non, parce que j’ai mon amie qui fait aussi pollution de l’air… ».

Ce type d’inversion peut aussi être considéré comme une preuve du bon fonctionnement de l’entretien : le contact est bien passé comme l’on dit !

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Pour conclure sur ces aspects d’enquêteur et d’enquêté, notons que certaines personnes interrogées étaient de véritables spécialistes du problème de la pollution de l’air, dans certains aspects du problème224. Un moniteur d’auto-école (E11), un garagiste (E31), un chauffeur de bus (E42), un technicien de l’automobile (E19), un agent EDF (E21), un gérant de station service (E43)…

Ces personnes sont généralement fières de montrer qu’elles savent : Jean-Claude J. par exemple (E43), n’arrêtait pas d’exprimer son statut de spécialiste : « parce que, comme je suis professionnel, j’ai fait des remarques, actuellement, dans Paris, je vais vous dire [etc.] » ou encore « et il y a une pollution, maintenant, je vais éclairer votre lanterne, dont on ne parle pas [etc.] »…

4- CONCLUSION : UNE GRANDE VARIÉTÉ DE

PROFILS

Le travail de terrain sur les trottoirs de plusieurs villes d’Île-de-France en juillet 2002 a donc permis de recueillir 50 entretiens semi-directifs. Ces entretiens se situent dans la lignée des recherches sur la perception des risques pour la santé et, plus particulièrement, de la perception de la pollution atmosphérique.

L’idée directrice était de « faire parler » les personnes rencontrées de leur perception de la pollution de l’air, des actions entreprises (ou à entreprendre) et de leurs relations avec l’information sur le problème. Nous avons montré l’influence possible sur les résultats de la période et du lieu d’enquête, de la méthode choisie et de la technique de l’enquêteur. Le résultat brut de ce travail de terrain (plus de 10 heures d’enregistrement) est présenté en Annexe V sous la forme d’une retranscription intégrale.

Les 50 personnes interrogées ne sont pas représentatives de l’ensemble de la population Francilienne. Le hasard des rencontres et la diversité des lieux d’enquêtes (centre commercial, quartier d’affaire, rue passante, jardin…) ont cependant permis de faire jouer de nombreuses variables : âge, sexe, profession et situation sociale, lieu d’habitation et de travail, moyen de transport utilisé, proximité des transports collectifs, etc. Cette variété est importante

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puisque les possibilités d’analyse (et de résultats225) dépendent en grande partie de la richesse des entretiens.

Nous venons de définir le matériel qui va nous permettre d’étudier les deux pôles de la communication, émetteurs et récepteurs, et de mettre en lumière leurs relations réciproques. Nous allons commencer par examiner le premier pôle de la communication : les figures de l’émission.

225 Nous verrons dans le chapitre K que la variété des personnes interrogées a permis de mettre en évidence

plusieurs profils d’(in)action dans le cas de la réduction de vitesse et de la mise en œuvre des conseils sanitaires

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