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4.6 Les modalités de récolte des données

4.6.2 Les entretiens compréhensifs

Si les observations in situ permettent de saisir et de confronter la pluralité de points des actions de notre population d’enquête dans un contexte dynamique de rencontres (formelles, informelles) et dans des lieux variés (espace de la classe, la cour d’école, le quartier, etc.), les entretiens compréhensifs offrent la possibilité d’amener les familles et les différents acteurs de l’école à faire part de leurs représentations et de leurs pratiques dans la constitution d’un partenariat familles-école.

Nous avons réalisé 23 entretiens compréhensifs, dont 12 avec les familles et 11 avec les acteurs de l’école, entre mai 2011 et janvier 2012. Les entretiens ont été effectués selon un guide d’entretien semi-directif, aussi éloigné du « pur laisser-faire de l’entretien non directif que du dirigisme du questionnaire » (Bourdieu, 1993, p. 906). Sur la base de la trame des entretiens exploratoires élaborée en amont, lors de notre première étape de l’enquête, nous avons construit notre guide d’entretien en modifiant certaines de nos questions. Si ce guide comporte quelques questions précises, qui peuvent nécessiter des réponses courtes, il articule surtout des thématiques que nous abordions en entretien, des relances ou le développement d’un exemple concret lorsqu’il nous semblait que la personne interviewée avait épuisé une thématique générale. Dans la même optique que lors de la réalisation des

                                                                                                               

entretiens exploratoires, nous avons tenté autant que faire se peut de laisser libre cours à l’expression la personne interviewée, ne suivant ici pas systématiquement l’ordre des questions, et parfois, n’abordant pas l’ensemble des thèmes en profondeur tels que souhaité car la situation d’entretien était particulière. Nous songeons ici en particulier à un entretien effectué avec une mère clandestine (maman de Gesiel), avec l’aide d’une traductrice. Le contexte d’interaction particulier qu’offre l’entretien rend parfois possible de « libérer » la parole, de nous prendre à témoin sur une situation en extrême tension ou souffrance. Nous avons également privilégié des entretiens compréhensifs afin de mettre à jour au travers des récits le point de vue socialement situé des personnes interviewées.

Notre guide d’entretiens porte sur les thèmes suivants96 :

L’école REP et ses projets : Description du REP et ses critères, description de L’Ecole des Jonquilles, ses projets mis en place, regard sur les premières années en REP (critiques, attentes, etc).

L’Ecole des Jonquilles/en classe :

Ambiance quotidienne de l’école et en classe de l’enseignante, profil des élèves de l’école et de sa classe, préoccupations enseignantes, niveau des élèves de l’école et de sa classe (réussite/échec scolaires), image de l’école.

Relation corps enseignant : Climat professionnel de l’école, relation entre collègues, avec la direction, l’éducateur, etc.

Relations familles-école : Les rencontres formelles ou informelles entre parents et acteurs de l’école (déroulement, contexte, types de liens ou collaborations, présence/absence des parents, thèmes délicats à aborder, attentes envers les parents, etc.

Division des tâches entre familles et école :

Représentations du travail éducatif du côté des familles et du côté des enseignants (délimitation ou répartition des tâches), attentes, représentation du travail de partenariat, etc.

Fonctions de l’école

(enfantine) :

Rôle et mission de l’école dans les premières années de scolarisation, attentes parentales et enseignantes, etc.

Fréquentation d’une institution

préscolaire/modes de garde :

Variations des modes de garde (crèches, nounous, maman de jour, membre de la famille, etc.), occasions de socialisation (scolaire ou non) avant l’entrée à l’école obligatoire.

Diversité ethno-culturelle : Profil des élèves de l’école, représentation de la diversité, exemples d’adaptation de la pratique enseignante à la diversité, trajectoire migratoire (expérience), etc.

Le quartier : Ambiance, image du quartier, enseigner en contexte de

                                                                                                               

96 Cf. Annexes 3 et 4 : Guides d’entretiens compréhensifs. Relevons que nous avons utilisé plusieurs versions. En

effet, nous avons légèrement adapté notre guide d’entretiens en fonction des personnes interviewées (familles ou acteurs de l’école) et du contexte de l’interaction (déroulement de l’échange en français, en anglais ou avec l’aide d’une interprète en français-portugais).

diversité et/ou en contexte social disqualifié, fréquentation du quartier (travailler, vivre, faire ses courses, relations amicales, de voisinage), etc.

Le tableau suivant résume la provenance de nos sources écrites et orales :

Tableau VI : Récapitulatif des principales sources écrites et orales récoltées

Familles Entretien compréhensif Observation

entretien formel Observation autre convocation Autres

Famille de Lisa X

entretien réalisé le 10.05.11 avec la mère et présence de Lisa, à leur domicile, durée : 1h Famille de Romain X

entretien réalisé le 27.05.11 avec les 2 parents, à leur domicile, durée : 1h

X

Famille de Steve X

entretien réalisé le 30.05.11 avec la mère et présence des 2 enfants, à leur domicile, durée : 2h X X présence directrice Famille de Diama X entretien réalisé le 01.06.11 avec la mère, dans une cafétéria, durée : 45 min.

X

Famille de Théo X

entretien réalisé le 30.09.11 avec la mère et présence de Théo, à leur domicile, durée : 1h15

X

Famille de Stacy X

entretien réalisé le 04.10.11 avec les 2 parents et présence des 3 enfants, à leur domicile, en anglais, durée : 1h45 X Famille d’Akash X entretien réalisé le 05.10.11 avec la mère, à son domicile, en anglais, durée : 1h45

X

Famille de Leïla X

entretien réalisé le 06.10.11 avec les 2 parents, à leur domicile, durée : 1h30

Famille de Davide X

entretien réalisé le 12.10.11 avec la mère et présence des 2 enfants, à leur domicile, durée : 2h Famille de Gesiel X avec interprète ; entretien réalisé le 20.10.11 avec la mère et présence de Gesiel, au domicile d’une amie, durée : 1h45 X avec interprète et présence éducateur Famille de Julija X entretien réalisé le 09.11.11 avec la mère et présence de Julija, à leur domicile, durée : 2h X Famille d’Afonso X avec interprète ; entretien réalisé le 11.11.11 avec la mère, dans un café, durée : 1h30 X avec interprète X avec interprète Famille de Lylia* X avec interprète (présence du père) X sans interprète (présence de la mère) Famille de Soazig* X entretien en anglais Famille de Mariya* X Famille de Nolan* X présence éducateur Famille de Rita* X avec interprète Famille de Cristiano* X Famille d’Esra* Famille de Besmira* Famille de Xenia* Laurence, directrice X entretien réalisé le 01.11.11, dans son bureau, durée : 1h30 Raphaël, éducateur X entretien réalisé le

03.11.11, dans son bureau, durée : 1h45 Alexandra, enseignante X entretien réalisé le 03.11.11, dans sa classe, durée : 2h Émeline, enseignante X entretien réalisé le 07.11.11, dans sa classe, durée : 2h Aurélie, enseignante X entretien réalisé le 13.12.11, dans sa classe, durée : 1h30 Solène, enseignante X entretien réalisé le 29.11.11, dans sa classe, durée : 1h15 Anne, enseignante X entretien réalisé le 01.12.11, dans sa classe, durée : 1h30 Maude, enseignante X entretien réalisé le 16.01.11, dans sa classe, durée : 1h30 2e entretien qualitatif par téléphone, réalisé le 19.01.12, durée : 15 min. Andréanne, enseignante ECSP X entretien réalisé le 19.01.11, dans un café, durée : 2h Veronica, enseignante ECSP X entretien réalisé le 21.11.11, dans sa classe, durée : 1h45 Christiane, enseignante de français X entretien réalisé le 19.12.11, dans un café, durée : 1h30

Les familles mentionnées par ce sigle * n’ont pas été interviewées pour diverses raisons : refus, dérobades (ne pas se rendre au rendez-vous), indisponibilités (soit lors de la prise de contact téléphonique ou lors de demandes en face-à-face) ou encore parce qu’elles n’étaient pas joignables. Nous pouvons penser, comme évoqué précédemment (cf. supra point 4.2. « Posture réflexive »), que les réactions de certains de nos enquêtés présentent des affinités avec les effets de la situation d’enquête. Ces effets, comme le souligne Schwartz (1993, p. 276) :

[…] Loin d’être de purs artefacts, peuvent indirectement conduire vers des propriétés caractéristiques du fonctionnement du groupe étudié. Tôt ou tard, on peut supposer qu’ils apparaîtront comme des « révélateurs » de logiques sociales endogènes à celui-ci, ne serait-ce parce que les perturbations ou les événements déclenchés par l’irruption de l’observateur disent nécessairement quelque chose de l’ordre qu’ils dérangent. Les réactions de membres d’un groupe donné à l’existence du sociologue ne peuvent pas ne pas livrer des indices sur leur image d’eux-mêmes, sur les types de légitimité qu’ils revendiquent, sur les formes de reconnaissances auxquelles ils aspirent, donc sur les « noyaux durs » ou les aspects fragiles de leur identité sociale.

Famille de Lylia : injoignable. Nous avons tenté de contacter la famille par l’intermédiaire d’un interprète travaillant à la Croix-Rouge, la famille de Lylia ne parlant pas français. A cette première étape, nous avons eu de la difficulté pour trouver une personne disponible et qui accepte notre demande. Après plusieurs tentatives, nous n’avons pas réussi et le temps nous a également fait défaut (nous arrivions alors en fin d’année scolaire). Nous n’avons également pas eu l’occasion de recroiser le père de Lylia (nous étions présente lors de l’observation du premier entretien parents-enseignante, nous l’avions donc rencontré une fois). Nous avons renoncé à mener un entretien auprès de cette famille, avec regret.

Famille de Soazig : injoignable. Les deux parents sont très occupés : le père travaillant et étudiant à l’Université, la mère avec un jeune bébé. Lorsque nous avons pris contact avec la famille de Soazig par téléphone, nous sommes tombée sur une jeune personne (un membre de la famille ? une babysitter ?) qui ne parlait pas français ou anglais. Elle semblait à peine maîtriser quelques mots d’allemand, suffisamment pour nous dire d’un ton quelque peu moqueur que nous étions de nationalité suisse et que nous ne savions même pas parler allemand (ce qui n’est pas totalement faux). Nous n’avons jamais su qui était cette personne et nos autres appels téléphoniques sont restés sans réponse. Nous avons donc abandonné l’idée d’interviewer cette famille.

Famille de Mariya : refus. La mère de Mariya nous explique – lorsque nous prenons contact par téléphone pour une demande d’interview – qu’elle travaille beaucoup, qu’elle a peu de temps et par conséquent qu’elle n’a pas de temps à nous consacrer. Nous tentons d’insister en lui demandant si elle ne dispose pas d’un petit moment peu importe le moment dans la journée ou à la pause de midi. Elle nous répond : « vraiment j’ai pas le temps. A midi, j’ai une demi heure, un sandwich et voilà ». Nous respectons ce choix et n’avons donc pas insisté davantage.

Famille de Nolan : Un rendez-vous a été pris par téléphone avec la mère de Nolan mais le jour convenu de l’entretien, celle-ci ne s’est pas présentée. La mère n’a-t-elle

peut-être pas bien compris le sens de notre demande : mener un entretien avec elle pour nous parler de la scolarité de son fils, son rapport avec les enseignants, l’Ecole des Jonquilles, le quartier ? Ne l’avons-nous pas suffisamment bien explicité ou su utiliser les bons mots? A-t-elle associé notre demande d’interview à une demande de convocation institutionnelle ? Il est à noter que Nolan (ainsi que son frère aîné, qui a fréquenté l’Ecole des Jonquilles également) sont « connus » des différents acteurs de l’école. Leurs comportements « posent problèmes ». Les parents de Nolan sont souvent convoqués (par la directrice, l’éducateur ou l’enseignante en charge) et ne se présentent souvent pas aux convocations. Le jour convenu de l’interview, qui devait se dérouler au domicile de la mère de Nolan, nous suspectons la présence de quelqu’un dans l’appartement (nous avons entendu du bruit après avoir enclenché la sonnette) mais après plusieurs coups de sonnette et appels téléphoniques (fixe et mobile), la porte est restée fermée et nous sommes restée derrière elle. Notre présence et notre demande d’entretien n’étaient ainsi pas souhaitées par cette mère, perçues certainement comme intrusives et sans doute dérangeantes. Après une nouvelle tentative téléphonique quelques jours plus tard, et sans réponse de la part de cette maman, nous n’avons pas effectué d’autres essais.

Famille de Rita : injoignable. Principalement pour les mêmes raisons que pour la famille de Lylia : échec dans la prise de rendez-vous avec un interprète/traducteur nous permettant d’entrer en contact pour une demande d’entretien avec la dite famille.

Famille de Cristiano : refus. Une suite d’erreurs ou de maladresses de notre part semble en partie expliquer ce refus. Octobre 2011. Il est 19h. Nous avons convoqué une interprète français-portugais pour appeler ensemble la famille de Cristiano. Nous étions persuadées que la famille ne maîtrisait pas bien le français. Aussi nous pensions bien faire : la présence d’un interprète permettait de « briser » la glace et de communiquer plus aisément avec cette famille afin de nous présenter et de proposer une demande d’interview. Le premier numéro de téléphone n’aboutissant pas, nous appelons sur le téléphone portable de la mère de Cristiano (seul autre numéro disponible). Première erreur ? Car ni l’interprète ni nous-même n’avons rencontré la maman. En revanche, nous avions rencontré et croisé le père plusieurs fois (entretien formel, dans la cour de l’école). La mère ne comprend pas, à raison, pourquoi nous l’appelons. Elle est méfiante vis-à-vis de cette démarche et nous demande que nous la rappelions la semaine d’après. Elle ajoute qu’elle ira se renseigner auprès de l’enseignante (Solène) de son enfant. Elle nous demande également si Solène est au courant de cette démarche, nous lui répondons par l’affirmative et tentons de la rassurer. Il faut mentionner que quelques mois auparavant, nous avions assisté au premier entretien parents-enseignante qui ne s’était pas bien déroulé. Cristiano rencontre quelques difficultés scolaires (dont la

langue de scolarisation) et de comportement (« un trop plein d’énergie » selon l’enseignante, un manque d’attention et de concentration). Celle-ci avait suggéré au père d’aller consulter un spécialiste. Le père, seul au moment de la convocation individuelle, avait réagi assez violemment (attitude du corps : visage qui rougit, bras croisés) et avait refusé catégoriquement la proposition de Solène (arguments avancés : Cristiano est encore trop « petit » ; ont vécu une mauvaise expérience en allant consulter un spécialiste éducatif pour leur fille aînée qui suscitait également des préoccupations de son enseignante du point de vue du comportement).

Famille d’Esra : très difficile d’entrer en contact dû à la langue : le père parle arabe et anglais (mais nous n’avons jamais croisé le père à l’école ou dans le quartier ni réussi à le contacter) et la mère parle arabe uniquement. Après plusieurs tentatives d’explication de notre part (qui nous sommes, les raisons de notre présence dans l’école et notre demande d’entretien) auprès de la mère, notre interlocutrice principale, elle nous répondait très gentiment « oui » à tout ce que nous tentions de lui expliquer. Voyant la difficulté de compréhension, et la difficulté de joindre le père, nous avons également abandonné l’idée d’interviewer cette famille.

Famille de Besmira : plusieurs rendez-vous ont été pris avec la mère par téléphone et lors de fréquentes rencontres à l’école (couloir de l’école, aux midis des mamans allophones), mais ce fut un échec à chaque fois (oubli, imprévu ou indisponibilité de la mère). Finalement, nous avons pensé qu’il fallait arrêter « l’acharnement » car visiblement, cette maman ne souhaitait pas notre venue pour un entretien considéré sans doute comme trop intrusif dans sa vie, sachant d’une part que la mère est « connue » à l’école comme étant « trop présente » (voire intrusive pour l’enseignante Solène) notamment par rapport aux problèmes de sa fille (demi- paralysie du côté droit du corps), d’autre part elle était enceinte d’un quatrième enfant lors de notre enquête et en plein divorce.

Famille de Xenia : Xenia est une enfant avec un handicap moteur important (en chaise roulante) et ne peut parler qu’avec une synthèse vocale. Xenia intègre la classe de Solène une demi-journée par semaine avec l’aide d’une éducatrice. Etant donné que nous travaillions tous les lundis après-midi, et par conséquent nous ne pouvions pas effectuer nos observations (sauf une fois), nous avons renoncé à interviewer cette famille. De plus, nous avons rarement vu Xenia et ses parents dans la cour de l’école les autres moments où nous nous rendions dans le quartier.