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Entretien avec Patrice Sow* et François Bonnard** Qu’est-ce que le Centre de ressources citoyenneté ?

Dans le document Éducation et citoyenneté (Page 60-63)

Patrice Snow.– Le centre de ressources, qui a pour mission d’éduquer les enfants à la citoyenneté au travers d’outils ludo-éducatifs, a été créé par la direction des Affaires scolaires de la Ville de Paris. Nous proposons des ateliers d’animations spécifiques pour les centres de loisirs ou les écoles. Ces ateliers nous permettent d’aborder le thème de la citoyenneté en immergeant les enfants dans une pratique artistique ou culturelle. Le centre est également un espace de documentation pour les enfants et les professionnels avec quelque 580 ouvrages, des livres, des BD, des magazines et des vidéos. Et nous assurons également une mission de formation pour le personnel périscolaire. Trois thématiques principales constituent notre cadre d’intervention, le vivre ensemble, les mixités, qu’elles soient sociales, culturelles, sexuelles ou de couleur de peau, et l’enfant au cœur du projet culturel.

Nous intervenons une fois par semaine pendant une heure, une heure trente et, la plupart du temps, dans les écoles pour être sur les lieux de vie des enfants.

Quels sont les modes de collaboration avec les écoles ?

P. S.– Notre travail avec les écoles s’inscrit dans le cadre d’une convention avec le rectorat de Paris. Nous accompagnons les enseignants dans la mise en œuvre de leur projet sur la citoyenneté de différentes façons. Ce peut être une simple aide technique pour le montage du projet de classe, mais nous construisons le plus souvent avec l’enseignant un projet d’inter- vention auprès des élèves. En général, les maîtres nous sollicitent sur une thématique qu’ils souhaitent développer. C’est le vivre ensemble, les rapports entre les filles et les garçons, les couleurs de peau, le racisme, la violence. Nous n’abordons le thème de la religion qu’au tra- vers d’un travail sur la législation car nous ne sommes pas habilités à traiter ces questions. Notre objectif étant de permettre aux enfants de réfléchir sur leurs comportements, nous nous inscrivons dans une durée un peu longue en mettant en place un projet pour l’année scolaire.

Qu’apporte à votre école la collaboration avec le Centre de ressources citoyenneté ? François Bonnard.– Dans une école comme la nôtre, située en ZEP, les enseignants ont une charge de travail importante, en particulier pour faire réussir leurs élèves du point de vue des apprentissages, il est donc essentiel que les projets sur la citoyenneté n’apparaissent pas comme une charge de travail supplémentaire mais comme quelque chose qui s’intègre à leur projet de classe. Le Centre nous permet de bénéficier des compétences spécifiques des ani- mateurs pour construire ces projets « citoyenneté » et mener des ateliers. En tant que direc- teur, je trouve que leurs compétences et leur disponibilité facilitent l’engagement des maîtres. Pour ce qui est de notre collaboration autour de l’association Aide École, le Centre de res- sources citoyenneté est une infrastructure remarquable. Tout d’abord, les élèves sont dans un environnement où les droits de l’enfant sont affichés partout, ils sont vraiment accueillis en tant qu’individus, et les animateurs manifestent un très grand respect pour leur réflexion et leurs actions, et puis ils ont à disposition tous les outils nécessaires pour assurer le fonctionnement de leur association ce que l’École ne pourrait sans doute pas leur apporter.

* Responsable du Centre de ressources citoyenneté, Paris

PRATIQUES/ANALYSES

Je dirais qu’ici, dans cette école, il y a un fonctionnement harmonieux entre le scolaire et le périscolaire, nous travaillons dans le respect des uns et des autres. Le travail mené avec le responsable et les animateurs du Centre participe d’un travail éducatif essentiel, et je pense qu’il est important que les enfants ressentent cette collaboration, cette cohérence éducative des adultes.

Quels ateliers propose le Centre de ressources citoyenneté ?

P. S.– Lors de la rencontre avec l’enseignant, nous repérons l’atelier qui pourra le mieux ser- vir son projet car nous déclinons nos propositions en cinq ateliers qui sont : le théâtre et le vivre ensemble, les arts plastiques de l’individuel au collectif, l’écran interculturel, la santé en scène, un atelier d’écriture ; et un nouvel atelier qui est sur métissage et culture dans la ville. Pour ce qui est du cinéma, nous travaillons avec un réalisateur du Burkina qui a réalisé deux longs métrages, sa thématique est l’enfant, en particulier, l’enfant africain. Les enfants assis- tent à une projection qui est suivie d’un débat puis, durant l’atelier, ils vont réaliser leur propre film.

Nous collaborons avec Médecins du monde pour l’atelier Santé en scène. Les enfants réflé- chissent à leur rapport à la santé, ils créent des petites scènes sur les virus, la grippe, ils sont initiés à des gestes de premiers secours. Ils écrivent également des chansons, des poésies qu’ils lisent à des enfants hospitalisés. Avec Sol en si, nous menons une action de prévention du Sida.

Dans l’atelier d’écriture, l’intervenant qui a beaucoup travaillé sur la violence a créé toute une panoplie de jeux d’écriture. On constate que les enfants écrivent des raps qui ne sont polari- sés que sur la violence, la drogue. Cet atelier les amène à prendre en compte d’autres dimen- sions de leur espace de vie, des dimensions plus positives de leur quartier, leur vision se polarise moins sur les phénomènes de violence et se trouve ainsi enrichie.

L’atelier Métissage et cultures dans la ville est particulièrement approprié aux plus jeunes car l’intervenante travaille sur le modelage de petites figurines en papier mâché ou en pâte à modeler. Elle explore des thèmes comme l’esclavage, et les enfants créent des scènes théâ- trales avec ces figurines.

Et en théâtre, nous écrivons et montons des pièces avec un artiste plasticien.

Nous travaillons aussi avec une avocate qui échange avec les enfants sur le droit à l’École, sur la responsabilité parentale. Ces échanges sont suivis d’un atelier théâtre où les enfants pren- nent différents rôles, juge, avocat, accusé ; souvent ils adorent jouer les juges, ils sont d’ailleurs très sévères !

Tous ces ateliers donnent lieu en fin d’année à des présentations ou des représentations publiques, car il est essentiel de finaliser ce travail et de le donner à voir à d’autres, aux parents.

Quelles sont les actions que votre école mène avec le Centre de ressources citoyenneté ? F. B.– Il faut préciser que le Centre de ressources citoyenneté est implanté dans les locaux de l’école ce qui a permis, dès le démarrage du Centre, d’engager une collaboration très étroite avec le responsable. Nous travaillons sur des projets annuels comme les ateliers arts plastiques sur l’amitié qui se sont concrétisés par la réalisation d’une fresque peinte sur les murs de l’école ou des ateliers théâtre sur le respect de la parole, sur le respect de l’autre. Les élèves ont écrit et monté une série de petits sketches, l’activité de théâtre permettant à cha- cun de s’inscrire véritablement dans cette action. Le résultat a été vraiment remarquable et une représentation a été proposée aux familles et aux autres classes.

Et puis, depuis trois ans, nous menons un projet spécifique qui s’inscrit dans la durée. Des élè- ves de CM1, des filles, avaient fait le constat, en 2003, de l’état déplorable de la cour de l’école. Elles avaient alors souhaité mener une action citoyenne et sensibiliser les autres élèves à leur environnement et monter une association pour mettre en place leur projet. L’enseignante de la classe, bien qu’intéressée par la démarche de ses élèves, n’avait pas de temps pour répon- dre à leur demande. Avec le Centre de ressources citoyenneté et l’assistante sociale de l’école, nous les avons aidées à créer une association junior Aide École. Nous les avons accompa- gnées dans leur réflexion et sur les aspects administratifs, comme la création du statut de l’as- sociation, du bureau.

La première action engagée par l’association a été une grande journée Cour Belle. Tous les enseignants de l’école s’y sont inscrits. Il s’agissait d’une part de faire prendre conscience aux élèves de l’état de saleté de la cour et, d’autre part, de les sensibiliser à l’environnement et au recyclage des déchets. La cour avait été jonchée de divers déchets, récupérés pour l’occasion, que les élèves, par équipes, avaient triés, recyclés. L’après-midi, il y a eu une projection de films et des débats.

L’année suivante, nous avons été confrontés, de façon inhabituelle, à des problèmes de vio- lence et d’agressivité entre élèves. Les enfants de l’association Aide École se sont saisis de ce problème et ils ont eu envie d’organiser le grand « je » du respect qu’ils ont présenté au conseil d’école. À l’occasion de la journée du respect, initiée par la mairie du XXe, nous l’avons

mis en place. Il s’agissait d’une sorte de jeu de l’oie où les adultes de l’école, enseignants, per- sonnels du Centre ressources, mais aussi celui de la cantine, animaient un atelier de réflexion ou d’activité concrète sur le thème du respect de l’autre. Et cette campagne pour le respect a duré toute l’année scolaire avec le soutien du Centre.

Cette année, Aide École s’est réunie de façon autonome avec le responsable du Centre pour définir les projets de l’année qui seront présentés aux enseignants lors d’une prochaine réunion.

Travaillez-vous uniquement avec des écoles de ZEP ?

P. S.– Les écoles des quartiers ZEP ont été les premières à nous solliciter lors de l’ouverture du centre parce que « citoyenneté » renvoie à contexte social difficile, à violence. Maintenant nous travaillons de plus en plus avec des écoles non-ZEP qui se trouvent, elles aussi, confron- tés à des difficultés de relations entre enfants. La violence y existe aussi, même si elle prend des formes différentes, plus psychologiques, les enseignants sont face à des comportements peu citoyens avec des formes d’individualisme exacerbé.

La citoyenneté c’est pour nous la question du vivre ensemble et elle concerne donc chacun là où il vit, où il travaille.

Pour aller plus loin

Le Centre de ressources citoyenneté 111, rue des Amandiers

PRATIQUES/ANALYSES

Dans le document Éducation et citoyenneté (Page 60-63)