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Entretien avec Manuela Curopatva Dans quel cadre s’inscrit l’éducation à la citoyenneté au collège ?

Dans le document Éducation et citoyenneté (Page 56-58)

L’éducation à la citoyenneté est également insérée dans la loi d’orientation de 1989 comme l’une des quatre finalités de notre système. Il s’agit même de l’une des idées fortes de cette loi en matière de vie scolaire, bien que cette préoccupation ne soit pas nouvelle. Maintenir la cohésion sociale, tel est l’enjeu d’une éducation à la citoyenneté au sein de l’École.

Vous êtes conseillère principale d’éducation au collège Georges-Méliès, dans le XIXe arrondissement, comment se réalise ce travail de cohésion sociale ?

Les actes d’incivilités et de violences sont en augmentation et donnent lieu en cette année 2004-2005 à une inflation du nombre de sanctions et d’exclusions. Ce problème mérite donc bien que l’on s’y attarde car le sentiment d’appartenance des élèves à leur collège ne semble pas solide. Or, comme le souligne Éric Debarbieux, « c’est dans le sentiment d’appartenance à une communauté éducative que se trouve un des antidotes les plus efficaces à la violence scolaire ». Les élèves doivent apprendre à respecter les règles de vie en communauté, mais surtout comprendre tout l’intérêt que comportent ces règles. Pour ma part, le chaînon man- quant à cet apprentissage de la citoyenneté au collège Georges-Méliès m’a semblé être le défaut de lieu de parole et d’écoute. Ainsi, j’ai souhaité me concentrer sur la mise en place de lieux où les élèves pourraient apprendre à se parler et à s’exprimer. Échanger des idées, tra- vailler ensemble m’est alors apparu comme un moyen de développer une prise de conscience et de diminuer les violences de toutes sortes.

Comment redonner du sens à la loi ?

Dans une atmosphère où la violence est si fréquente qu’elle occupe tous les esprits et prend le pas sur le travail scolaire des élèves, il m’a semblé primordial de mettre l’accent sur ce qui me semble être le ciment de la vie en société : les règles et les lois.

De nombreux moyens sont certes proposés au regard des textes qui régissent notre fonction, mais l’organisation propre à chaque établissement fait varier ces possibilités, rendant certai- nes impossibles ou difficiles à mettre en place et d’autres plus aisées. C’est pourquoi j’ai tout d’abord observé mon lieu de pratique afin de mieux appréhender la dimension spatiale, la spé- cificité de l’établissement et la pertinence des actions à mettre en place.

Dans quel cadre cette action s’est-elle inscrite ?

Le mieux aurait certainement été que j’intervienne durant les heures de vie de classe. En effet, instaurées en 1999, les heures de vie de classe visent à développer un dialogue permanent entre les élèves de la classe, entre les élèves et les enseignants ou d’autres membres de la commu- nauté scolaire, sur toute question liée à la vie de la classe, à la vie scolaire ou tout autre sujet intéressant les collégiens. Malheureusement, en étant présente dans l’établissement en moyenne deux jours par semaine, il m’a semblé difficile de toucher un maxi- mum de classes par ce biais. De plus, les heures de vie de classe sont parfois

PRATIQUES/ANALYSES

la « chasse gardée » de certains professeurs principaux, quand elles ne sont pas récupérées pour compléter certains enseignements dont les programmes sont lourds… Ces raisons expliquent que ma volonté d’intervenir sur le thème de la loi en heures de vie de classe soit repoussée à l’an prochain.

J’ai donc choisi d’intervenir sur le temps méridien. La demi-pension comprend deux services, l’un à 11 h 20, l’autre à 12 h 15, et les élèves reprennent tous les cours à 13 h 30. Ainsi, cer- tains élèves peuvent avoir jusqu’à deux heures d’inactivité. Ce temps de pause et de détente pour les élèves est très peu exploité pour laisser place à des activités péri-éducatives. Voilà pourquoi, en réflexion avec l’une de mes collègues titulaires, nous avons décidé de mettre en place un club de jeu au moment de la demi-pension : tous les lundis de 12 h 30 à 13 h 20.

Quel fut spécifiquement votre rôle ?

Et bien le rôle du CPE en matière d’animation est clairement énoncé par la circulaire de 1982 parmi ses trois domaines de responsabilités : « Relations et contacts directs avec les élèves sur le plan collectif (classes ou groupes) et sur le plan individuel (comportements, travail, pro- blèmes personnels) ; foyer socio-éducatif et organisation des temps de loisirs (clubs, activi- tés culturelles et récréatives) ; organisation de la concertation et de la participation (formation, élection et réunions des délégués-élèves, participation aux conseils d’établissement). » L’utilisation difficile des heures de vie de classe et le manque d’animation lors de la demi-pen- sion ont amené l’équipe à la conclusion que mettre en place un club le midi pouvait être une bonne chose pour les élèves.

Quel est le principe du jeu ?

Proposé par la coordonnatrice du REP (Réseau d’éducation prioritaire), le jeu intitulé Place de la loi offre une plate-forme intéressante pour introduire la notion de loi auprès des élèves. Ce jeu a été inventé par le président du tribunal pour enfants de Bobigny, J.-P. Rosenczveig, avec l’aide de magistrats, d’avocats, de travailleurs sociaux, de visiteurs de prison et d’enseignants. L’objectif est de faire découvrir la loi, les lois et les institutions républicaines aux jeunes afin, non seulement qu’ils en connaissent le contenu, mais aussi qu’ils en comprennent le sens. Ainsi, le jeu appelle à réfléchir et à échanger sur la loi et les valeurs républicaines. Informer les jeunes sur leurs droits et leurs devoirs et faire connaître les institutions étaient justement les objectifs que nous nous étions fixés.

Comment avez-vous mis en place le club ?

Un projet pédagogique a été remis au chef d’établissement afin de valider la mise en place du club. Nous avons également mis des panneaux à plusieurs endroits stratégiques de l’établis- sement (couloirs et halls) et remis aux délégués de classe une note pour qu’ils informent leurs camarades de l’ouverture du club. Ainsi, tous les élèves de l’établissement ont très vite été informés de l’existence de cette activité. Nous souhaitions en effet toucher un maximum d’é- lèves.

Quel déroulement a connu le club tout au long de l’année ?

Nous utilisons la salle de permanence ou toute autre salle disponible où nous disposons les tables de manière à ce que tous les participants soient autour du plateau de jeu. Ainsi, l’at- mosphère y est détendue et les échanges fusent. Très vite, nous nous sommes aperçues que les élèves ne venaient pas pour se contenter de marquer des points en vue de remporter la

partie, mais bel et bien pour apprendre, poser des questions et parler de divers sujets qui les préoccupent. L’avantage du jeu est en effet qu’une question en appelle dix autres, et les thè- mes sont si concrets que le club est devenu petit à petit un lieu d’échanges. L’objectif d’aider les élèves à la réflexion et à la prise de conscience est donc atteint et ma satisfaction est pleine.

Quelle évaluation avez-vous pu faire en fin d’année ?

Au vue de la présence hebdomadaire d’élèves de sixième et de cinquième et des échanges que nous avons pu avoir avec eux, ce club a sans aucun doute répondu à certaines de leurs atten- tes. D’ailleurs, nous avons été sollicitées par les élèves pour ouvrir ce club tous les jours. La majorité des élèves y ayant participé ont ainsi assimilé certaines notions qu’ils n’avaient pas ou peu abordées auparavant (le droit scolaire, le droit de la famille, la connaissance des insti- tutions…). Plus concrètement, le jeu Place de la loi fut pour l’équipe un prétexte pour abor- der certains thèmes avec les élèves, comme la solidarité, le respect d’autrui, l’égalité, la non-violence. Nous avons cependant beaucoup de mal à inciter les élèves de quatrième et de troisième à participer à ce club. Certainement d’une part parce qu’ils sont moins nombreux à manger à la cantine, et d’autre part parce que le jeu Place de la loi, de par son interface et l’in- titulé des questions, est plus adapté aux jeunes élèves. Il n’en demeure pas moins que, même si ce club n’a pas touché l’ensemble des élèves, il a eu un rôle important pour certains, notam- ment celui d’expliquer le rôle de citoyen au sein du collège, mais aussi dans la société, et de rappeler l’importance des règles. Je suis actuellement en train d’essayer de passer le relais aux surveillants afin que ce projet perdure l’an prochain…, et nous réfléchissons à la possi- bilité d’intervenir en heure de vie de classe auprès de toutes les classes du collège pour abor- der tous ces thèmes avec tous les élèves de l’établissement par le biais de Place de la loi.

Présentation du jeu, Place de la loi

Dans le document Éducation et citoyenneté (Page 56-58)