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Entre responsabilité contractuelle et extracontractuelle

SECTION 1 : LA LOI SUR LA THEORIE DES OBLIGATIONS

37. Entre responsabilité contractuelle et extracontractuelle

Le système juridique malagasy est encore fortement marqué par des clivages classiques, à travers la Loi sur la théorie des obligations malagasy210. En effet, la responsabilité civile des professionnels et établissements de santé pourrait être encourue sur la base contractuelle211 ou sur le terrain extracontractuel212. Elle peut être engagée sur la base d’une faute ou non.

208J. PENNEAU, La responsabilité médicale, op. cit, p44.

209Y. BUFFELAN-LANORE, V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, 14ème édition, Sirey, 2014, p.698, §1834.

210 La loi 66-003 du 2 juillet 1966 relative à la Théorie générale des obligations.

211 La responsabilité contractuelle est retenue lorsqu’un contrat a été établi entre deux personnes ayant déterminé les obligations des cocontractants et que l’un des deux n’a pas honoré ses obligations auxquelles il s’est engagé au titre du contrat. La responsabilité contractuelle s’impose en présence d’un contrat entre la victime et l’auteur du dommage qui résulte de l’inexécution d’une obligation de contrat ou d’une défaillance contractuelle. Dans le système juridique français, le célèbre arrêt Mercier du 20 mai 1936 rejetant un pourvoi contre une décision d’Aix-en –Provence du 16 juillet 1931, a instauré le principe de relations contractuelles entre le médecin et son patient, assorti d’une responsabilité de même nature (DP 1936, 1, p.88, concl. Matter, rappo. Josserand ; S. 1937, 1, p.321, note Breton ; Gaz. Pal. 1936, 2, jurispr. P.41 ; DP 1932, 2, p. 5, note Nast) : « Attendu qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement, sinon bien évidemment de guérir le malade, ce qui n’a jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques ainsi que paraît l’énoncer le pourvoi, mais consciencieux, attentifs , et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; que la violation même involontaire, de cette obligation contractuelle, est sanctionnée par une responsabilité de même nature également contractuelle ; que l’action civile, qui réalise une telle responsabilité, ayant

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Le cadre contractuel serait capable de représenter un terrain de déploiement de la responsabilité médicale à Madagascar. Il constitue un contenant susceptible de recevoir et traiter les faits juridiques en matière de santé. Toutefois, encadrer la responsabilité du médecin à travers le terrain de la contractualisation213 exige de partir d’un postulat : admettre et reconnaître l’existence d’un contrat entre le médecin et le patient. Par ailleurs, en matière de responsabilité extracontractuelle, traditionnellement, trois éléments doivent être réunis pour engager la responsabilité: la réalisation d'un fait générateur, le dommage et enfin le lien de causalité.

Ainsi, le juge se trouve devant deux cheminements différents. Mais pour pouvoir comprendre le choix du juge par rapport à ces deux axes et appréhender la portée des décisions juridictionnelles en matière de santé, il est important d’étudier le cadre de la responsabilité contractuelle et extracontractuelle pour faute (§1) et sans faute (§2)

§1. La responsabilité pour faute

La responsabilité pour faute des établissements et professionnels de santé pourrait être engagée dans un cadre contractuel (I) ou extracontractuel (II).

I. La responsabilité contractuelle

38. Les articles 51 à 57 de la LTGO214 sur l’exécution en nature ou par équivalent, les articles 177 à 196 peuvent constituer un support de la responsabilité contractuelle. Plus précisément, selon l’al.1 de l’article 177 de la LTGO malagasy, « En cas d’inexécution totale ou partielle d’une obligation contractuelle, ou d’exécution tardive, le débiteur doit réparer le préjudice causé de ce fait au créancier».

une source distincte du fait constitutif d’une infraction à la loi pénale et puisant son origine dans la convention préexistante, échappe à la prescription triennale de l’article 638 du Code d’instruction criminelle. » La nature contractuelle de la responsabilité, inspirée par le souci de protection de la victime permettait à celle-ci de bénéficier de la prescription trentenaire inhérente au contrat et de ne pas se voir opposer la prescription décennale valable en matière de responsabilité délictuelle. Mais cet avantage est devenu caduc avec la loi du 4 mars 2002 fixant une prescription décennale. M.HARICHAUX, Responsabilité médicale : principes généraux, LexisNexis SA, 5, 2005, 324713, p.7.

212 La responsabilité délictuelle est mise en jeu lorsqu’une personne, de par son fait, porté préjudice à une autre personne sans qu’il y ait un lien particulier entre les deux.

213 Voir les articles 177 à 196 du Chapitre II du Titre II sur la LTGO.

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Par ailleurs, l’étendue de l’obligation qui incombe aux parties diffère selon sa nature. Ainsi, l’article 179 de la même loi fait une distinction entre obligation de résultat et obligation de moyen. « Le débiteur d’une obligation de résultat215 est responsable du préjudice découlant de l’inexécution de celle-ci par le seul fait que le résultat prévu au contrat n’a pas été atteint. Le débiteur d’une obligation de moyens216 est responsable du préjudice découlant de son défaut de prudence ou de diligence dans l’exécution d’un contrat dont il n’avait pas garanti le résultat». « L’atteinte à la personne serait considérée comme un dommage spécifiquement délictuel : l’intégrité du corps humain, spécialement digne de protection, n’est pas affaire de contrat217 ». Ce qui nous amène à relever les éventuelles dispositions législatives en matière de responsabilité extracontractuelle en droit malagasy.

215 Le débiteur s’engage à atteindre un résultat précis. Le fait de ne pas atteindre le résultat prévu est constitutif de faute. Le créancier ne prouve pas la faute. Il prouve seulement l’absence d’atteinte de résultat.

216 Le débiteur s’engage à mettre au service de l’atteinte d’un résultat ses soins et ses compétences sans garantir le succès. Le créancier doit prouver que le débiteur n’a pas mis en œuvre tous les moyens. Pour échapper à sa responsabilité, le débiteur doit prouver le cas de force majeur.

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II. Le principe de responsabilité extracontractuelle218

39. Du délit. ---

Des dispositions de la LTGO peuvent être un support de la responsabilité subjective extracontractuelle du fait personnel. En matière de responsabilité extracontractuelle, deux types de fautes sont susceptibles d’engager la responsabilité. Ainsi, la faute intentionnelle ou le délitest prévu à l’article 206 de la LTGO. Selon ledit article, « Toute personne qui, pour son fait (…)

218 La responsabilité du fait personnel- appelée encore soit responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle, soit responsabilité aquilienne (en souvenir de lex Aquilia, qui sanctionna à Rome, le damnum injuria damnum ou dommage causé injustement-représente le droit commun de la responsabilité. CARBONNIER, Droit civil, op. cit., p.2294.

La solution traditionnelle en matière de responsabilité médicale était basée sur une responsabilité contractuelle et non délictuelle. Mais une remise en cause de cette position a été posée par l’arrêt rendu par la première chambre civile de la cour de cassation le 28 janvier 2010 qui écarte le fondement de l’article 1147 pour viser l’article 1142-1 du code de la santé publique et l’article 16-3 du code civil qui pose le principe de l’intégrité du corps humain. Elle retient qu’une obligation chirurgicale mutilante, on justifiée et non adaptée ouvrait droit à une réparation des préjudices qui en découlaient de façon directe, certaine et exclusive. La faute repose donc sur le non respect de l’article 16-3 et donc sur la violation d’une obligation légale et non contractuelle. Ce changement de nature de la responsabilité médicale a depuis été confirmé par la cour de cassation.(Civ. 1ère, 14 oct.2010, D. 2010.2682, note P. Sargos ; et 2430 obs. I. Gallmeister et 2011. Chron. 35, O.Gout ; RTD civ. 2011.128, n°1, obs.PJourdain. dans Y. BUFFELAN-LANORE, V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, op. cit., p.987, §17.

Selon AUBRY et RAU, "les actes dépendant d'une profession littéraire, scientifique ou artistique ne saurait, en eux-mêmes et directement et directement, former l'objet d'un contrat, en ce sens que celui qui les a promis n'est pas civilement n'est pas civilement contraignable à l'exécution de sa promesse. Ainsi, l'engagement pris par un médecin de traiter un malade, ou par un avocat de défendre une cause, n'engendre contre eux aucune action contractuelle, sauf, le cas échéant, la responsabilité à laquelle ils pourraient être soumis, en vertu des articles 1382 et 1383".C.AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil français, d'après la méthode de Zachariae, 4èm édition, 1871, IV, p.314, dans G. MEMETEAU, Traité de la responsabilité médicale, op. cit., p.23.

Il fut un temps où le procureur général DUPIN faisait référence à Domat pour l’interprétation des articles 1382 et 1383 du Code civil en soulignant que « les questions débattues entre docteurs ne peuvent pas constituer des cas de responsabilité civile », celle-ci ne pouvant être retenue qu’en cas de négligence, de légèreté ou d’ignorance des choses qu’on devrait nécessairement savoir. voir dans M.HARICHAUX, Responsabilité médicale : principes généraux, op ; cit., p.2. cette idéologie persistait pendant plusieurs décennie, la responsabilité ne pouvant être retenue quand le médecin a agi conformément aux données de la science, la responsabilité étant alors délictuelle. Id p.3 La responsabilité du médecin fondée sur une faute constituée par la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil. P.3.

Avant d’être contractuelle, la responsabilité civile du médecin dans le système français était délictuelle par l’arrêt (Cass. Re., Thouret Noroy, S. 1835, 1, p. 401, concl. Dupin), dans cette affaire la Cour de cassation affirme que : « les faits matériels sont du nombre de ceux qui peuvent entraîner la responsabilité civile d’une part des individus à qui ils sont imputables et […] sont soumis, d’après les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil à l’appréciation des juges ».

La Cour de cassation française avait avancé que le médecin « a omis de se conformer aux principes rationnels du traitement à suivre, il peut être soumis à un recours en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, qui contiennent un principe de garantie contre tout individu quelle que soit par ailleurs sa profession, dont la faute, la négligence ou l’imprudence a causé un préjudice à autrui. » (Trib. Civ. Gray, 29 juillet 1873, S..1875, 2,58.

« Les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil s’appliquent à toute faute quelconque de l’homme qui cause un préjudice à autrui et il n’existe aucune exception en faveur du médecin. » Cass. Civ., 29 novembre 1920, DP 1924, 1, 103.

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cause la mort ou porte atteinte à l’intégrité physique d’une autre personne (…) doit réparer le préjudice causé».