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AGGLOMERATION DE LA COMPETENCE AUTOUR DU JUGE JUDICIAIRE

SOUS-TITRE 2 : ANALYSE DE LA JURISPRUDENCE

SECTION 2 AGGLOMERATION DE LA COMPETENCE AUTOUR DU JUGE JUDICIAIRE

164. Dans la situation actuelle, la compétence se trouve agrégée autour du juge correctionnel. Toutefois, sur l’ensemble du territoire, la jurisprudence relative à la compétence juridictionnelle

383 S. WELSCH, Responsabilité du médecin, op. cit., p.39.

384Comme le dit J.-M. Lemoyne de Forges, cité par G. MEMETEAU, Traité de la responsabilité médicale, op. cit., p.33.

385J.-C. DUCHON-DORIS, Dualité de juridiction et risque médical, op. cit., P 74.

386 RCJA, arrêt n°26 du 15 avril 1978, dossier n° 9/76 ADM, p. 34.

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dans le domaine présentement étudié n’est pas uniforme et nécessite d’être précisée par la Cour de Cassation malagasy. Eu égard aux décisions juridictionnelles rendues en la matière, la jurisprudence est encore segmentée et majoritairement tend vers la compétence « nébuleuse » du juge correctionnel.

L’occasion de fixer la répartition de la compétence se présente actuellement pour élucider ce problème de compétence. Si on se réfère au cas de l’appendicectomie, l’affaire reste pendante devant le Tribunal des Conflits malagasy. Dans cette affaire, la Direction de la Législation et du Contentieux, représentant les intérêts de l’Etat Malagasy, a élevé le conflit.

En attendant la décision du tribunal des conflits qui tranchera définitivement sur la compétence juridictionnelle en matière de responsabilité hospitalière dans le secteur public, il convient d’avancer le raisonnement du juge judiciaire, plus précisément le juge pénal, de retenir la compétence (§1) ou de la rejeter (§2).

§1. La compétence du juge correctionnel

A plusieurs reprises, sur l’ensemble du territoire malagasy, le juge correctionnel s’est déclaré compétent en matière de réparation civile sur les dommages causés lors des activités médicales dans les établissements publics de santé (A) pour des motifs flous (B).

I. Des Cas de compétence

165. Le juge correctionnel a retenu sa compétence pour traiter de la responsabilité civile d’un Centre Hospitalier Universitaire dans l’affaire dite Circoncision après avoir condamné à un an d'emprisonnement chacun et à 10.000 Ar d'amende avec sursis, les praticiens constitués par un Thésard en médecine et un Médecin interne, pour homicide involontaire causé à l’issu d’une opération de circoncision sur un enfant. Il en est de même dans une affaire dite Appendicectomie. Les praticiens condamnés pénalement pour délit de blessures involontaires réalisé lors d’une appendicectomie dans un Centre Hospitalier de District ont été également condamnés à payer des dommages-intérêts à hauteur de 16.000.000 Ar. Enfin, dans l’affaire dite Anesthésie, le juge

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pénal a condamné un anesthésiste et un secrétaire du bureau des entrées coupable d’homicide involontaire et de complicité d’homicide involontaire et les a condamnés à payer la somme de 17.000.000Ar. L’homicide s’est déroulé dans un Centre Hospitalier de Référence Régional. Dans une affaire de circoncision, les litiges sont nés des activités médicales dans un Centre hospitalier Universitaire (CHU)388, dans le cadre duquel les étudiants sont à la fois usagersde service public d'enseignement et collaborateurs du service public hospitalier. «Par leur nature juridique, les CHU défient l'analyse classique: ce ne sont pas des « monstres », mais des curiosités389» et complexifient encore plus la relation de soins avec les conséquences juridiques qui en découlent à l'égard de la victime. La Cour d’appel n’a pas remis en cause la démarche du premier juge dans la détermination de la compétence du Tribunal correctionnel pour traiter d’un dommage corporel occasionné lors d’une activité médicale dans un hôpital public. En fait, le premier juge n’a pas discuté des questions de compétence dans cette affaire alors qu’elle n’a pas omis de distinguer deux catégories de fautes dont la faute professionnelle de l’agent et celle portant sur un défaut d’organisation associée à un manque de contrôle. Ainsi, le juge a ainsi retenu une des trois catégories de faute personnelle détachable du service non dépourvue de tout lien avec celui-ci qui est la faute professionnelle. Cette faute est « celle qui révèle un manquement inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique390 ».Elle relève donc de la compétence du juge judiciaire391. « Cette faute est par nature difficilement dissociable de l'existence d’une faute de service392 ». Par contre, ladite faute n'est pas rattachée par un critère de gravité ou d'inexcusable devant le juge pénal. Une faute professionnelle simple suffit. La définition de la faute personnelle détachable du service non dépourvue de tout lien devant le juge pénal est moins rigoureuse puisqu'elle ne nécessite pas une gradation de nature à caractériser ladite faute.

Dans l’affaire appendicectomie, le jugement du tribunal correctionnel n’a pas effectué cette fois-ci distinction entre faute de service ou faute personnelle détachable du service. Toutefois, on peut considérer que le tribunal a effectué une définition implicite d’une faute personnelle de nature à

388 Les CHU sont nés d'une convention, d'une collaboration organique et fonctionnelle entre l'Université et l'Hôpital.

389D. TRUCHET, Droit de la santé publique, Memento, 7ème éd., Dalloz, 2009, p.150.

390 Cassation crim, 2 avril 1992 : JCP éd. G. 1993, II, 22105, note ChVallar. Sur Jurisprudence, M. Dupont, C. Esper, C. Paire, Cours de droit hospitalier, Ed. Dalloz 2001.

391 La faute détachable du service relève de la compétence des tribunaux judiciaires. Cette faute personnelle ne peut se déduire cependant d’une infraction pénale et, si le juge pénal accorde des dommages intérêts à la victime, il doit préciser en quoi la faute génératrice du dommage constitue une faute personnelle du médecin, Voir Cass. Crim. France, 27 novemvre. 1984 : Bull crim n°231.

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justifier sa compétence même s’il ne l’a pas soulevé. Contrairement à l’affaire dite de la circoncision, le juge n’a pas déterminé si le manquement constitue une faute personnelle détachable ou non détachable du service ou une faute de service. Cette fois-ci encore, le canal de l’action publique permet d’effacer la distinction entre faute personnelle et faute de service. Le tribunal a sanctionné pénalement les prévenus et a déclaré l’Etat civilement responsable.

Dans une affaire dite anesthésie ayant eu lieu dans un hôpital public, le juge n’a pas également opéré de distinction entre une faute personnelle et une faute de service pouvant justifier sa compétence. Il faut soulever que la secrétaire relève du service d’administration. Elle a aidé la victime à se procurer des médicaments et elle s’est introduite dans le bloc opératoire. Le juge n’a pas soulevé si la faute a été réalisée en dehors du cadre de son service. Il l’a condamné pour inobservation de règlements.

Il faut rappeler que les règles de compétence en matière répressive sont toutes d’ordre public. Elles doivent être soulevées d’office par le juge. Ainsi, la non-observation de ces règles entraîne la nullité de la procédure et de la décision rendue susceptible de réformation devant la Cour d’Appel et de cassation devant la Cour de cassation. Ainsi, toute juridiction répressive doit vérifier sa compétence et se déclarer incompétente s’il y a lieu 393. D’ailleurs, en cas d’incompétence matérielle, le juge d’instruction peut se déclarer incompétent par ordonnance de refus d’informer tel qu’il est prévu à l’article 188 et sv. du Code de procédure pénale malagasy.

II. Des motifs de compétence flous

166. Une compétence évidente du juge correctionnel. ---

Ces affaires citées précédemment sont issues des litiges nés des dommages causés lors des activités médicales dans des établissements publics de santé. Le juge pénal s’est toujours déclaré compétent pour statuer sur la réparation civile y afférente. Dans toutes ces affaires, le juge n’a aucunement discuté des questions de compétence. La question qui se pose est de savoir si la

393H. RAKOTOMANANA, traité de procédure pénale comparée, « La recherche de la vérité en droit pénal, vol ; 1, juin 2013, p.157.

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compétence du juge pénal en matière de responsabilité civile des établissements publics de santé est d’une telle évidence.

L’étude des décisions juridictionnelles rendues en matière d’activités médicales nous renseigne que le problème de répartition de compétence se situe essentiellement au niveau du juge pénal lorsque celui est saisi d’une action publique et d’une action civile. Le souci ne s’est pas présenté devant le juge administratif et le juge civil.

Dans l’ordre d’examen du juge pénal, les questions de compétence sont toujours non discutées. Bien évidemment, le fait que le juge statue au fond signifie a contrario qu’il est compétent pour examiner l’affaire qui se présente à lui. Ainsi, les décisions rendues ne nous renseignent pas sur la démarche adoptée par le juge pour retenir sa compétence. Le critère de distinction entre faute de service et faute personnelle n’est pas démontrée. L’étude de la compétence par rapport à la relation triangulaire entre l’Administration sanitaire, le praticien et le patient est négligée par le juge pénal.

167. Une compétence orientée. ---

Force est de constater que la répartition de la compétence entre le juge judiciaire et le juge administratif semble être guidée par la particularité de la faculté d’introduire simultanément l’action civile et l’action publique. L’action publique tend à guider et déterminer la compétence du juge pénal en matière de réparation civile des dommages réalisés dans le cadre des activités sanitaires. Souvent, l’issu d’une affaire au pénal sert de base juridique pour fonder l’obtention de la réparation civile. Dans la logique praticienne, les deux actions restent indissociables. La compétence de jure au pénal entraîne automatiquement la compétence au civil.

Faisant fi des clés de répartition de la compétence juridictionnelle, à l’heure actuelle, le juge pénal est compétent, d’une manière générale, pour statuer sur une demande en réparation civile au titre des préjudices subis des dommages causés par les activités médicales dans les hôpitaux publics de santé.

Ce qu’il faut retenir des trois premières affaires soulevées est le fait que le juge pénal a tendance à retenir sa compétence sur les dommages corporels causés par les activités médicales dans les hôpitaux publics. A plusieurs reprises, l’Etat malagasy est déclaré responsable civilement. Le

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juge correctionnel ne fait pas de distinction entre la faute personnelle et la faute de service. La préférence de la double action publique et civile permet d’échapper à la compétence du juge administratif. Il fait également fi des différents statuts du patient et du médecin par rapport à l’hôpital public. Cela a pour conséquence d’uniformiser et d’unifier les régimes juridiques en matière d’atteinte à l’intégrité corporelle devant le juge pénal. Le juge pénal devient le principal édificateur du régime de responsabilité pénale des agents publics et de la responsabilité civile de l’établissement public de santé. Le raisonnement du juge correctionnel est difficile à cerner car il fonde la responsabilité civile de l’hôpital public sur l’existence d’une faute personnelle de l’agent public. Il existe une réelle confusion dans le raisonnement des juridictions. Toutefois, la question qui se pose est de savoir si la démarche est motivée par la notion d’équité et l’absence de garantie de solvabilité des responsables pour que le juge prenne comme support l’Etat afin de faciliter la réparation des préjudices subis par la victime.

§2. Un cas unique d’incompétence

168. Une affaire fait office d’exception. Dans l’affaire dite Compresse, le premier juge au niveau du Tribunal correctionnel de première instance de Moramanga a retenu sa compétence pour traiter de la réparation civile au titre de l’homicide de Mme. X lors de son admission dans une Maternité « publique ». Ledit tribunal a condamnée l’Etat civilement responsable. Toutefois, dans la présente affaire, la Cour d’appel de Toamasina a infirmé partiellement le jugement rendu en première instance et s’est déclarée incompétente laconiquement sans donner de détails pour statuer sur les intérêts civils.

Il faut rappeler que cette affaire concerne un oubli de compresse dans l’abdomen d’une patiente. Cette fois-ci, la Cour d’appel de Toamasina s’est déclarée incompétente pour statuer sur les intérêts civils sans toutefois discuter des motifs y afférents. Elle s’est prononcée uniquement sur l’action publique. L’arrêt de la Cour d’appel constitue déjà un pas vers une démarche tendant à respecter la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Par contre, cette position n’est pas encore consacrée par la Cour de cassation. Il en découle que le traitement de la compétence juridictionnelle par les juridictions pénales reste encore dispersé et diverge sur l’ensemble du territoire malagasy. La tendance dominante est la concentration de la compétence

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juridictionnelle par le juge pénal des dommages corporels occasionnés dans les établissements publics de santé.

Même si les motifs d’incompétence ne sont pas clairs, la décision a le mérite d’avoir été rendue par une cour d’appel. Ladite décision a posé les premières pierres d’un éventuel dynamique de répartition de la compétence entre le juge correctionnel et le juge administratif en matière d’activités des établissements publics de santé.

§3. Cas des bénévoles du service public de santé

169. Dans l’affaire Nivaquine, l’Ancienne Chambre administrative n’a pas discuté explicitement de la compétence. Au début des motifs, la Cour a discuté de l’imputabilité de la responsabilité pour tirer implicitement de la compétence. En effet, pour déterminer la personne responsable, la Cour est passée par un raisonnement graduel. Elle a d’abord précisé que la lutte chimioprophylaxique antipalustre est une mission de service public, que toute action réalisée dans le cadre de cette mission est accomplie au nom et pour le compte de l’Etat. Cette qualification de mission de service public semble avoir été nécessaire pour la Cour car la mission a été réalisée par une personne privée. Si la mission est réalisée par le Ministère de la Santé et du Planning familial, la question ne se serait pas posée car toute action de l’Etat dans le cadre de la protection de la santé de la population devrait être qualifiée de mission de service public. Mais lorsque l’action est menée par une personne privée, la Cour n’a pas précisé qu’il faille que la personne soit dûment mandatée par l’Etat. Participer à la mission de service public suffit pour engager la responsabilité de l’Etat. Selon la structure du motif de la Cour, l’imputabilité a permis de tirer la compétence juridictionnelle. Car, elle a effectué un raisonnement en sens inverse. Elle a discuté d’abord de l’imputabilité avant de traiter du fondement de la responsabilité.

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