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170. Protection pénale de l’intégrité corporelle, attractive de la compétence. ---

Le problème de compétence juridictionnelle en matière de responsabilité médicale et hospitalière se situe du côté du juge judiciaire, plus particulièrement avec le juge pénal. En effet, le juge pénal est omnipotent dans sa compétence en matière de responsabilité médicale et hospitalière. Mais pour être plus explicite, la question de compétence est négligée par lui. Souvent, la compétence au pénal emporte sur la compétence au civil. Le juge pénal ne se sert pas des clés de répartition de compétence fondée sur la détermination de la faute de service et la faute personnelle détachable du service. Pour le juge pénal, toute faute occasionnée dans le cadre des activités sanitaires est susceptible d’être sanctionnée pécuniairement devant lui. Cela est sûrement dû à la particularité des mécanismes d’actions publique et civile devant le juge pénal. Au final, l’atteinte à l’intégrité physique sanctionnée pénalement devient attractive de la compétence du juge pénal.

171. Une responsabilité hospitalière asymétrique. ---

Le phénomène qui émerge au niveau de la juridiction pénale n’est pas sans conséquence sur la justice administrative. Elle a tendance à être désertée au risque de créer une dynamique du droit de la responsabilité médicale asymétrique et atrophiée du côté du juge administratif. A ce rythme, le paysage juridique malagasy en matière de responsabilité médicale et hospitalière pourrait être façonné par le raisonnement scientifique du juge pénal. Or, ce dernier est souvent animé par un certain degré de rigueur, d’immobilité et de mécanique pouvant figer la dynamique d’ensemble de ladite responsabilité.

Se trouvant dans une impasse ou négligeant l’enjeu de la compétence dans le modelage du droit de la responsabilité médicale et hospitalière, le juge malagasy, surtout judiciaire, met un point

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d’orgue sur la résolution des litiges en matière de risques sanitaires dans les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité.

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CHAPITRE 2 : LA MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITE

172. « L’idée de responsabilité (sous forme d’imputabilité) est tellement essentielle qu’elle permet de qualifier ontologiquement l’homme : il est une personne, c’est-à-dire un sujet dont les actions sont susceptibles d’imputation394 ». « C’est donc le fait d’être l’auteur de ses propres actes, de pouvoir répondre (…) 395» que ce soit en matière de responsabilité réparatrice que dans le cadre de la responsabilité répressive.

Sur le plan pénal, l’auteur d’une infraction doit subir une sanction prévue par la société. Sur le plan réparateur, la responsabilité civile est engagée lorsqu’une personne cause un dommage à une autre personne. Tel est également le cas pour l’Administration. Elle pourrait être trouvée responsable pour les préjudices nés des dommages causés pas ses actions. En somme, être responsable c’est s’obliger de répondre à ses actes.

En tout état de cause, la responsabilité réparatrice se trouve articulée autour d’un noyau dur de la responsabilité formé par le dommage, la causalité et la faute. « Des trois faits à (…) seuls les deux derniers peuvent poser problème396 ». La responsabilité réparatrice se trouve ainsi façonnée par l’articulation de ces trois éléments. Or, l’appréhension de chacun de ces trois éléments va dépendre de la politique du juge face à la protection de l’intégrité corporelle et sa mise en balance avec les autres valeurs telle que la protection de la profession médicale ou de la liberté d’exercice.

Par contre, la responsabilité pénale bénéficie d’une hypothèse de prévisibilité dans le traitement des atteintes à l’intégrité corporelle du fait du raisonnement plus ou moins cartésien du juge pénal.

Aussi, serait-il intéressant de voir comment le juge judiciaire ou juge administratif perçoit et traite la notion de faute (Section 1), de causalité (Section 2) et de dommage (Section 3) dans le cadre des litiges nés des préjudices causés lors des activités sanitaires.

394 E. Kant, Doctrine du droit, Paris, Vrin, p. 98.

395P. POINGT, Le concept de responsabilité, Revue Générale de Droit Médical, numéro spécial, 2008, p.304.

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SECTION 1 : LA FAUTE

173. La faute, élément fédérateur des systèmes de responsabilité. ---

La faute est souvent considérée comme l’élément fédérateur des systèmes de responsabilité devant les différents juges pénal, civil, administratif et disciplinaire. Une faute est définie comme étant un manquement à une obligation préexistante reconnue dans le système juridique. En ce qui concerne les risques sanitaires, la question qui se pose est de savoir si le juge malagasy va se référer à la faute de droit commun ou va reconnaître la notion de faute propre à la profession médicale à la faute médicale. La définition de la faute susceptible d’engager la responsabilité du professionnel et établissement de santé est primordiale pour que ces derniers puissent se conformer aux règles de comportement prescrites en la matière et ce, pour une meilleure sécurité juridique. En effet, soumettre les professionnels et établissements de santé aux normes de comportement de droit commun tend à élargir leur responsabilité.

174. Une faute à qualifier. ---

Il n'existe pas de définition légale de la faute. Celle-ci ressort d'une qualification juridique appliquée aux faits d'espèce. Chaque juridiction a son langage et sa propre technique. Trois éléments sont nécessaires pour qualifier une faute: un élément matériel, un élément moral et l'illicéité. Elle correspond à une violation d'une règle de comportement imposé dans le système juridique. Ainsi, « chacun doit s'abstenir des actes qui pourraient préjudicier aux autres. Ce sont les actes commis avec des faits palpables qui constitueront, pour l'ordinaire, le schéma physique de la faute397 ».

Si la faute pénale et la faute disciplinaire ne pourraient prêter à confusion, il faut toutefois préciser que contrairement au système français, ni le juge ni le scientifique, c'est-à-dire la doctrine malagasy n’a établi aucune catégorie de faute. Il a été important d’évoquer cela dès le

397A. DORSNER-DOLIVET, Contribution à la restauration de la faute, condition des responsabilités civile et pénale dans l'homicide et les blessures par imprudence: à propos de la chirurgie, n°165.

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départ pour une meilleure compréhension et cohérence de l’analyse du droit en matière de responsabilité médicale et hospitalière devant le juge.

Effectivement, la notion de faute civile en matière de responsabilité médicale et hospitalière est plus structurée dans le système français. En effet, « si l’on met à part les fautes de négligence que tout homme peut commettre, on fait classiquement la distinction en ce domaine entre les fautes résultant de la violation d’un devoir d’humanisme médical et les fautes techniques398 ». « Classiquement, on distingue dans la doctrine, trois catégories de faute civile. Ce sont entre autres la faute technique, la faute d’humanisme et l’acte illicite399 ». « Il existe trois catégories de faute médicale à savoir faute d’imprudence, faute d’humanisme et faute technique400 ». La faute peut être une faute de commission telle qu’une blessure au cours d’une intervention, une faute d’abstention telle le fait de ne pas faire faire l’examen nécessaire ou de ne pas informer.

Par ailleurs, le cadre de traitement de la faute influe également sur sa propension à modeler sa physionomie (Sous-section 3) devant le juge réparateur (Sous-section 1) et le juge répressif (Sous-section 2) afin d’engager la responsabilité des professionnels et établissements de santé.